SOURCE - Abbé Patrick de La Rocque, fsspx - 6 septembre 2015
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, Bien chers fidèles,
A écouter vos nombreuses interrogations ces derniers jours, il me faut revenir sur un événement qui s'est déroulé cette semaine et qui en laissé plus d'un - à juste titre – quelque peu perplexe. Le 1er septembre, le Pape, le jour même où il recevait le tristement célèbre Mgr Gaillot, évêque déposé par Jean-Paul II, ce même jour le Pape écrivait et publiait une lettre adressée à Mgr Fisichella, en charge du prochain Jubilé de la Miséricorde. Dans cette lettre, il édicte quelques principes d'application de ce jubilé, tout d'abord pour l'ensemble des fidèles catholiques, puis pour des cas particuliers: les malades, les personnes âgées, les prisonniers… et les membres de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X.
Paradoxe de ce pape qui, par le fait même, nous reconnaît ouvertement et publiquement comme catholiques. Cela fait cinquante ans qu'on le sait, mais voilà qu'il le reconnaît publiquement. Que dit-il, nous concernant?
«J'établis, dit-il, par ma propre disposition, que ceux qui au cours de l'Année Sainte de la Miséricorde, s'approcheront pour célébrer le sacrement de la réconciliation – vous avez compris la confession, sacrement de pénitence - j'établis donc que ceux qui s'approcheront des prêtres de la Fraternité Saint-Pie X recevront une absolution valide et licite de leurs péchés.»
Quelle est la portée, la raison d'être de cette disposition ?
La première chose qui est claire, c'est qu’en cette lettre, le pape nous invite, veut nous impliquer dans ce jubilé de la Miséricorde. Il importe en tout premier lieu de nous interroger sur cela. Qu'est-ce que ce jubilé ? Devons-nous, pouvons-nous y participer, ou non ?
Un jubilé, vous le savez – le terme est courant – est un anniversaire que l'on célèbre dans la joie, dans la jubilation. Vous célébrez le jubilé d'argent ou d'or de votre mariage, nous de notre sacerdoce. Evénement joyeux dans lequel nous rendons grâce à Dieu pour ses bienfaits. Dans l'Eglise, les jubilés sont la plupart du temps un anniversaire de la Rédemption de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Par exemple, en l'an 2000, dans sa Bulle d'indiction – c'est l'acte pontifical par lequel le pape décrète un jubilé – le pape Jean-Paul II ouvrait le jubilé précisément pour célébrer le grand Mystère, magnifique, de l'Incarnation rédemptrice de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Il disait, c'étaient les premiers mots de sa Bulle d'indiction: « Les yeux fixés sur le Mystère de l'Incarnation du Fils de Dieu, l'Eglise s'apprête à franchir le seuil du troisième millénaire ».
Les yeux fixés sur le Mystère de l'Incarnation du Fils de Dieu… Nous étions face à un jubilé tout à fait traditionnel, classique quant à sa nature même, et c'est pourquoi nous y avons participé allègrement, tout en nous tenant largement à l'écart de toutes les manifestations dramatiques qui se sont déroulées à l'occasion de ce jubilé. Qu'elles soient œcuméniques ou interreligieuses, malheureusement elles se sont multipliées. Mais le jubilé en soi, ce jubilé-là était tout à fait catholique, traditionnel ; et avec des actes catholiques, traditionnels, nous y avons participé. Faisant une double profession de foi, tout d'abord par ce pèlerinage à Rome, puis en prenant la défense de la foi, et à cette fin Mgr Fellay nous avait demandé de rédiger une étude approfondie sur le si grave problème grave de la réforme liturgique.
Qu'en est-il du jubilé d’aujourd’hui? Que vient-il célébrer ? Il faut pour cela regarder la Bulle d'indiction du pape François par laquelle il décrète ce jubilé. C'est là que sont décrits le but et l'intention du jubilé. Or, ce texte est extrêmement clair. Il s'agit d'y célébrer les cinquante ans du concile Vatican II.
L’Eglise, dit le pape, ressent le besoin de garder vivant cet événement.
Et c'est pourquoi, dit-il, j'ouvrirai la Porte Sainte, pour le cinquantième anniversaire de la conclusion du concile œcuménique du concile Vatican II.
Vatican II s'est achevé le 8 décembre 1965, et c’est donc à cette date, pour le 50ème anniversaire de cet événement, que s'ouvrira ce jubilé.
Pouvons-nous nous réjouir, jubiler, de cet événement que fut le concile Vatican II ? Il est évident, malheureusement, que non.
Ce concile a en lui-même toutes les causes de la décadence, de la déchéance, qu'a connues l'Eglise depuis 50 ans ; que ce soit au niveau doctrinal, au niveau pastoral. Un seul exemple très présent aujourd'hui, cette immense faiblesse de l'Eglise devant les fausses religions. Si l'islam est aujourd'hui présent dans notre pays, si fort et si vif, c'est en premier lieu à cause de l'Eglise qui a caché, qui a eu honte de son message sur Jésus-Christ, Unique Sauveur ; de l'Eglise hors de laquelle il n'y a point de salut. Nous subissons toutes les conséquences pratiques de ces principes erronés, énoncés par le concile. Ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres.
Alors, il est évident que nous ne pouvons pas nous réjouir de cet événement du concile. Ces cinquante ans, pour nous, et pour qui cherche à avoir un regard objectif de lucidité, doctrinale et pastorale, ces cinquante ans ne peuvent être l'occasion que de pénitence et non de joie.
Revenons à ce texte de mardi dernier pour en voir les enjeux, ce qu'il cache par derrière lui-même. Il y a là sans aucun doute beaucoup d'habileté de la part du pape François. Depuis des années, des décennies, ils cherchent à nous faire reconnaître le concile Vatican II et ses nouveaux principes erronés. Ils ont cherché à nous les faire reconnaître par principe, en essayant de nous faire signer de prétendues déclarations doctrinales.
Etant à Rome dans ces discussions doctrinales de 2009 à 2011, je peux vous dire qu'on en a vu passer des textes de déclarations doctrinales qu'ils voulaient nous faire signer. Et ils ont échoué. Alors, plutôt que de nous faire reconnaître par principe tous ces nouveaux enseignements, ils cherchent à agir par la praxis, à nous faire poser des actes qui, en eux-mêmes, par leur nature, impliquent de manière implicite la reconnaissance de tout cela.
Ils veulent nous faire participer au jubilé célébrant les 50 ans du concile Vatican II.
Nous sommes là – je ne juge nullement des intentions, je prends seulement quelques leçons d'histoire – nous sommes là face à une tactique proprement révolutionnaire, bien connue des marxistes. Quand le révolutionnaire ne peut atteindre les principes de celui qu’il considère comme son ennemi, il cherche à lui faire poser des actes concrets par lesquels celui-ci met entre parenthèses ses principes.
Par exemple, lisez le livre de Madame Hue, «Dans les prisons de Chine». Elle raconte comment, étant affamée, on lui refusait toute nourriture jusqu'à un vendredi où on est venu lui apporter de la viande, pour qu'elle renonce à ses principes de vie catholique. En théorie pure, elle aurait pu en manger ; elle mourait de faim, il y avait une circonstance grave... Mais elle avait très bien compris qu'on voulait porter atteinte à ses principes catholiques. Et elle a refusé. C'est elle qui avait raison.
On rapporte encore comment, toujours en cette Chine communiste, pour réduire à néant une paroisse profondément catholique, les troupes communistes ont cherché à obliger les fidèles à simplement sortir les bancs de leur église pour les brûler. Ce n'était pas un acte directement sacrilège. Ce n'était pas porter atteinte au Saint-Sacrement. Ces catholiques, forts de leur foi vive, évidemment ont refusé. Ils avaient raison.
Je crois que pour nous aujourd'hui, c'est exactement, quoiqu’à une échelle différente, les mêmes situations dans laquelle nous sommes. Garder cette force dans la foi, cette force paisible, cette force douce mais ferme, consiste justement à garder nos principes, les principes catholiques tout simplement, qui rejettent l'erreur. Garder ces principes et vivre conformément à ces principes. Ne pas vivre conformément à des principes auxquels on reste intérieurement attaché c'est tout simplement ce qu'on appelle le libéralisme.
Alors, peut-être certains me diraient: mais quand même on y gagne puisqu'à travers cela, le pape reconnaît la validité, la licéité de nos confessions. Je vous répondrais: tant mieux, tant mieux pour les âmes timorées, tant mieux pour les âmes qui ne sont pas de cette paroisse. Mais pour vous, là-dessus, il est évident que vous n'avez aucun doute et que cette reconnaissance n'apporte absolument rien.
Vous le savez: pour que le prêtre puisse pardonner, il doit avoir juridiction. Or dans l'Eglise, il existe trois sortes de juridictions. Il y a ce qu'on appelle la juridiction ordinaire. Le pape a une juridiction ordinaire sur l'Eglise universelle ; l'évêque a une juridiction ordinaire sur son diocèse: premier type de juridiction, la juridiction ordinaire. Deuxième type de juridiction, c'est la juridiction déléguée. L'évêque ne pouvant pas assumer toutes les confessions de son diocèse, délègue une partie de sa juridiction au curé, lequel curé va déléguer à nouveau à ses vicaires. Deuxième type de juridiction, la juridiction déléguée ; toujours donnée par l'Eglise, par des intermédiaires, par une chaîne humaine.
Il y a encore un troisième type de juridiction, toujours donnée par l'Eglise – toute juridiction vient forcément de l'Eglise, vient forcément du pape de la loi de l'Eglise. Eh bien précisément, dans le droit canonique, la loi de l'Eglise, il y a ce troisième type de juridiction, qu'on appelle de suppléance et par laquelle l'Eglise, le Souverain Pontife donc, donne sa juridiction automatiquement aux prêtres, à tout prêtre dans certains cas, dans des cas que l'on appelle de nécessité. Ces cas de nécessité, c'est tout simple, ils sont gérés par ce grand principe du droit canonique: la première loi de l'Eglise, c'est le salut des âmes. Et quand le salut des âmes est menacé, l’Eglise par sa loi donne automatiquement donne sa juridiction à tout prêtre pour pouvoir exercer le ministère, le bien auprès de ces âmes ; juridiction de suppléance. Notez bien, pour éviter certaines équivoques: certains disent que la juridiction de suppléance est donnée aux prêtres par les fidèles. C'est radicalement faux. Les fidèles n'ont aucune juridiction. La juridiction est toujours donnée par l'Eglise. Et l'Eglise, le pape, donne la juridiction directe aux prêtres, indépendamment de la chaîne humaine, pour pouvoir accomplir les actes nécessaires au salut.
Qu'il y ait cas de nécessité aujourd'hui, c'est hélas plus qu'évident. Ne serait-ce que dans ce domaine de confession pour ne prendre que celui-ci. Il n'y a pas une semaine au bureau de garde sans que nous n'ayons des personnes, extérieures à cette paroisse, qui viennent nous voir pour se confesser, alors qu'ils sortent d'un confessionnal d'une paroisse parisienne. Scandalisés par ce qu'on leur a dit, par la notion de péché complètement dénaturée que le prêtre censé les confesser avait. Alors ils sont venus ici pour pouvoir recevoir une véritable absolution. Et cela n'est pas le fait de tel ou tel curé. C'est malheureusement un fait qui est dans toute l'Eglise.
Il n'y a qu'à regarder le synode sur la famille. Quand on en est à se poser la question de la reconnaissance dans l'Eglise de l'union homosexuelle, quand on en est à dire: « Quelqu'un qui pèche contre nature reste en état de grâce, il peut communier », quand on en est à dire: « Quelqu'un qui a renié le serment de fidélité fait devant Dieu le jour de son mariage peut communier », il y a, au plus haut niveau de l'Eglise, un cas grave de nécessité. Et voilà pourquoi, depuis des années, des décennies, toutes les absolutions, tous les sacrements, mariages, absolutions, que vous recevez en cette paroisse, vous le savez sont et valides et licites. Vous avez constaté combien ils étaient sanctificateurs parce qu'à travers eux, oui, le Christ, l'Eglise agissait. Oui, ils étaient valides et licites.
Alors, dans ce jubilé, ce que le pape met dans la balance, face à ce qu'il nous demande – nous réjouir d'un concile délétère – vous voyez, ça n'a aucun poids.
Ce qu'il nous faut aujourd'hui demander pour nous à notre saint Patron, saint Pie X, c'est tout à la fois cette grande fermeté dans la foi, cette grande unité dans notre vie, guidée et dirigée par cette foi magnifique. C'est lui demander cette grande charité en ces temps de confusion où tant et tant de personnes hélas sont perdues, sont comme égarées ; une grande charité à leur endroit. Ne les jugeons pas, ne les condamnons pas, mais pour nous restons dans cette grande fidélité qui vous a caractérisés depuis si longtemps, c'est elle qui pour ceux-là sera véritable lumière.
Ainsi soit-il.
Abbé Patrick de La Rocque, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X