SOURCE - Alexia Vidot - Famille Chrétienne - 2 septembre 2015
"Depuis sa fondation il y a dix ans, cette petite société de prêtres allie tradition et audace charismatique au service de la mission.
"Depuis sa fondation il y a dix ans, cette petite société de prêtres allie tradition et audace charismatique au service de la mission.
Depuis la châsse où repose son corps, le Curé d’Ars assiste à une inhabituelle dramaturgie. À ses pieds et dos à une quinzaine de Missionnaires de la miséricorde divine, l’abbé Fabrice Loiseau, leur supérieur, célèbre une messe selon la forme extraordinaire du rite romain. Une liturgie fort belle, quoique un peu saisissante : le latin y côtoie le français. Le Pater Noster est chanté par toute l’assemblée. Et les mélodies grégoriennes alternent avec des chants de la Communauté charismatique de l’Emmanuel.
Saint Jean-Marie Vianney apprécierait sûrement cette joyeuse célébration où le respect de la Tradition se conjugue avec des notes plus « modernes ». Et à l’habitué de la forme ordinaire du rite romain qui s’est joint au petit groupe de pèlerins, la messe tridentine se révèle être une liturgie vivante à laquelle il peut participer (un missel l’aurait toutefois bien aidé…).
D’un revers de leur cape – qu’ils ont blanche –, les Missionnaires de la miséricorde divine bousculent ainsi les catégories en vogue dans le monde « catho ». À Toulon, Marseille et Draguignan où la jeune communauté est installée, le « tradi » en perd son latin. Quant au «chacha », les bras lui en tombent. Mais les deux sont séduits. «Pourquoi devrait-on opposer l’ancrage dans la Tradition et l’audace charismatique en liturgie comme ailleurs ? », s’interroge l’abbé Loiseau en « vacances pèlerinage » à Ars avec ses quinze ouailles. Et voilà ramassée en une question l’ADN de cette petite bande inclassable (cinq prêtres, sept séminaristes, un frère et trois en propédeutique) qui, en septembre, fêtera ses 10 ans.
L’abbé Loiseau revient volontiers sur la genèse de cette aventure inédite, voire prophétique pour l’unité de l’Église. «Profondément attaché à la Tradition, j’aspirais aussi à vivre une vie plus missionnaire pour annoncer l’Évangile et répandre la spiritualité de la miséricorde divine », explique l’ancien membre de la Fraternité Saint-Pierre au style résolument missionnaire – barbe fournie et pipe fumante aidant. En 2003, il confie ses aspirations à Mgr Dominique Rey, évêque de Fréjus-Toulon. Celui-ci est justement à la recherche d’une communauté attachée à la fois au rite ancien et à l’unité diocésaine. « Ce qui se vivait dans son diocèse, ces missions directes sur les plages par exemple, allait dans le sens de mes intuitions spirituelles. Quand Mgr Rey m’a courageusement appelé à fonder une communauté chez lui, j’ai donc dit oui ! »
De son diocèse francilien de Créteil, l’abbé Loiseau descend à Toulon et fonde en 2005 la Société des Missionnaires de la miséricorde divine. Il est nommé curé de la chapelle toulonnaise Saint-François-de-Paule, que Mgr Rey érige en «paroisse personnelle » pour les personnes attachées à la liturgie traditionnelle. « La première en Europe », précise l’abbé Loiseau. Dans son équipe fondatrice, trois jeunes recrues et deux séminaristes.
« J’ai été bluffé… »
Depuis, Éloi Gillet est devenu prêtre et responsable de la paroisse Saint-Charles à Marseille. Lui aussi ancien membre de la Fraternité Saint-Pierre, il se réjouit d’avoir rejoint, dès ses débuts, « ce projet missionnaire qui entendait se déployer dans un cadre ouvert, large et ecclésial ». Il le confie sans hésiter : « Je ne voulais pas être un “aumônier de tradis”, mais un pasteur dans une paroisse, pleinement intégré à la vie de l’Église locale ».
Hugues l’admet lui aussi, c’est le « côté tradis ouverts » des Missionnaires qui l’a attiré : « Quand je me suis posé la question du sacerdoce, j’ai vite discerné que je voulais célébrer dans la forme extraordinaire, mais aussi être dans un diocèse, attaché à un évêque», explique le séminariste de 25 ans en empoignant la croix bien visible sur sa soutane immaculée. Il commence en septembre sa dernière année de séminaire diocésain à La Castille – une formation complétée au monastère bénédictin du Barroux.
On les repère de loin, les Missionnaires. Avant même que leur habit ne vous attrape le regard, leurs chants entonnés à tue-tête vous avertissent de leur présence. Dans le petit sanctuaire d’Ars, le spectacle est somme toute assez commun. À Toulon ou à Marseille, sans doute moins. « Notre habit ostensible et notre vie fraternelle bon enfant permettent un contact direct et servent notre zèle missionnaire», s’amuse Gonzague, séminariste en soutane. Et c’est justement sur le terrain de l’évangélisation que la couleur «tradismatique » de la communauté saute aux yeux. « Porte-à-porte, missions de rue et de plage… j’ai été bluffé par leur manière de vivre la mission : directe, frontale, fréquente, fraternelle, joyeuse, marquée par la louange », s’enthousiasme Clément avec la fraîcheur de ses 20 ans.
Un style décoiffant dont il a appris l’art sur les plages du Var en participant, il y a trois ans, au camp d’évangélisation Spes que la communauté organise chaque été. « Me voilà en “propé” chez ces “fous” parce qu’ils tiennent ensemble la forme extraordinaire du rite et une annonce carrément charismatique du Christ », résume-t-il tout sourire.
Missionnaires en terre d'islam
Enroulés dans leur « burnous » blanc, ils annoncent tout de suite la couleur : les Missionnaires de la miséricorde divine brûlent d’évangéliser les musulmans. À la suite des Pères Blancs et du bienheureux Charles de Foucauld, ils se veulent témoins du Christ miséricordieux en terre d’islam. Le Cours Lafayette, à Toulon, où se développe leur apostolat, est de fait composé à 75 % de musulmans. Zélés et audacieux, les Missionnaires vont au-devant d’eux, dans les rues et sur les plages. Et n’hésitent pas à toquer à leur porte, à fumer avec eux le narguilé, à entrer dans les librairies salafistes. Le dialogue est systématiquement recherché. Et débouche toujours sur l’annonce directe et franche de l’Évangile."