SOURCE - Côme de Prévigny - Présent - 25 octobre 2017
Ce week-end a été marqué par l’un des pèlerinages annuels les plus importants du monde traditionnel : la Fraternité Saint-Pie X a conduit prêtres et fidèles aux pieds de Notre-Dame de Lourdes. De toutes les régions de France, et même de l’étranger, les familles n’ont rechigné devant aucun sacrifice pour se recueillir, tandis que des centaines de malades ont négligé les difficultés de longs trajets pour venir.
Nul n’aurait manqué ce rendez-vous, tant il a la vertu de regonfler les énergies et les espérances. Dès les années 1970, l’abbé Louis Coache, l’un des vétérans du combat en faveur de la messe tridentine, avait perçu ce pouvoir particulier de ce havre pyrénéen. Et chaque année, en octobre, il y organisait pour les dévots de la messe défendue par nos pères un pèlerinage au célèbre sanctuaire. C’était l’époque des proscriptions et des bras de fer, des portes closes et des messes en plein air.
En terrain apaisé
Puis vint le temps du dégel et d’un changement d’ère. Au tournant de siècle, les portails se sont progressivement ouverts et les recteurs partagèrent finalement leurs chaires. Depuis près de vingt ans, la Fraternité pèlerine en terrain apaisé à Lourdes et elle profite sans heurt des grandes basiliques pour ses messes et ses bénédictions, des allées sonorisées pour ses chapelets et ses processions. Orgues, ornements et trésors liturgiques : sans tergiversation, tout y est mis à sa disposition.
Les organisateurs auraient pu légitimement craindre une année de vache maigre tant ils avaient mobilisé leurs fidèles cet été à l’occasion du centenaire des apparitions de la Vierge Marie à Fatima au Portugal. Mais l’attrait de Notre-Dame de Lourdes ne s’est pas démenti et, une fois de plus, les foules se sont massées dans la cité mariale qui, pendant quelques jours, a manifesté extérieurement la magnificence des saints mystères selon leur forme antique et pluriséculaire.
Les âmes qui viennent s’y recueillir paraissent souvent blessées par le torrent d’insanités que charrie un univers déboussolé. Devant Massabielle, le cours du Gave emporte inexorablement les eaux, comme si rien ne pouvait les arrêter. Pourtant, en levant les yeux, le pèlerin finit par oublier la torpeur du monde et ces flots agités, et il découvre le remède surnaturel à ces inquiétudes qui partout abondent : l’inébranlable dame veillant dans sa célèbre grotte devant laquelle, depuis cent soixante années, les générations se sont recueillies et agenouillées, les désabusés ont à nouveau espéré, les incrédules ont cessé de douter.
Des enseignements précieux
Car ne voir dans Lourdes qu’une ville dynamisée par le tourisme religieux ou encore quelques guérisons mystérieuses et inexpliquées, c’est passer à côté de la véritable force de ce lieu béni où Notre-Dame demanda sous le Second Empire de venir un jour en procession. Le premier effet miraculeux de ces apparitions est d’avoir transformé une petite bergère sans instruction en une messagère des enseignements les plus précieux pour notre humanité en perdition. L’un des prédicateurs rapporta d’ailleurs ces mots reflétant le véritable travail qui s’opère ici, encore plus efficacement que la venue des foules ou l’eau qui coule : « A Lourdes, le surnaturel afflue, il déborde.»
Et dans les moments de désorientation, comment ne pas comprendre ces milliers de pèlerins convergeant pour en bénéficier ? Comme l’indiquait l’abbé Christian Bouchacourt concluant ces journées, ils agissent naturellement auprès de Notre-Dame comme les enfants recourant à leur mère dans les périodes de troubles. Ils viennent même imiter celle que Notre Seigneur, du haut de la croix, nous a donnée comme protectrice ici-bas. Dans son prêche dominical, l’abbé Emeric Baudot, prieur de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, a montré les qualités de ce modèle : ni œcuméniste, ni révolutionnaire, respectueuse de l’autorité et suppliant les enfants de Fatima de sans cesse « prier pour le Saint-Père ».
Car les temps troublés que nous connaissons peuvent parfois nous abandonner à nos bouillonnants travers et nos jugements emportés, si peu experts. La réalité qui a été déployée par la Fraternité au cours de ces quelques journées est celle d’un bout de chrétienté minutieusement transmis et conservé, celle de ces centaines d’élèves grandissant chrétiennement dans le silence et la sérénité, à la faveur du déploiement d’œuvres qui ont fait leurs preuves durant ces cinquante dernières années. N’est-ce pas l’exemple que donne Notre-Dame de Lourdes qui, au fil des dix-huit apparitions, a peu parlé mais beaucoup fortifié ? N’est-ce pas le modèle présenté par Notre Mère dans l’Evangile, si discrète mais si déterminée ?
Cinq mille fidèles ont répondu à l’appel des responsables de la Fraternité Saint-Pie X, et à travers lui, à celui de Notre Dame : une occasion pour ces prêtres de déployer la vitalité de leurs œuvres, le travail qui se fait à leurs côtés, en particulier celui des dominicaines enseignantes, fidèles parmi les fidèles, venues en nombre cette année. Tous sont repartis ragaillardis. Avec l’hiver, le rythme du sanctuaire va forcément devoir s’adapter. Le Gave va continuer à s’écouler et s’agiter, de même que, dans notre monde tumultueux, les esprits s’ingénieront toujours à s’échauffer. Mais le flot le plus impressionnant restera celui des grâces qui ne cesseront, hier comme demain, d’abonder.
Côme de Prévigny