En recourant à l'expression de « schisme » pour qualifier l'attitude de la Fraternité Saint-Pie X, le cardinal Burke a effectivement étonné autour de lui. Le fait que son intervention soit publiée avec trois mois de retard risque cependant de faire faire des contresens car elle ne s'inscrit pas dans ce contexte de rentrée, marquée par la diffusion de la correctio filialis. Contrairement à ce qui a pu être avancé, le cardinal Burke n'a pas pu vouloir se démarquer de Mgr Fellay en tant que signataire de la correctio. En effet, quand il a parlé (15 juillet 2017), l'apport de cette signature (septembre 2017) n'était absolument pas d'actualité.
Pour comprendre l'attitude du
cardinal Burke, il me semble que deux points sont cependant à considérer.
Le cardinal américain est un
canoniste ratzinguérien pointilleux. Il reste attaché à la ligne tracée par le
pape Benoît XVI qu'il a admiré. Sans doute doit-il faire siennes les exigences
que ce dernier requérait de la Fraternité au cours de son pontificat. En
disciple du pape émérite, le cardinal Müller a fait de même. D'une certaine
manière, ils se distinguent l'un et l'autre du pontife actuel qui n'a cure des
règles et des exigences de façon générale, comme ils tranchent avec le cardinal
Castrillon Hoyos, dont le sang latin savait visiblement hâter les solutions
pour ne pas avoir à trop tarder sur les conditions. Un futur pape conservateur
sera peut-être plus exigeant que ne l'est François.
La formation très légaliste du
cardinal Burke fait aussi qu'il ne peut se résoudre à l'irrégularité canonique,
d'autant plus que certains n'hésitent pas à laisser entendre ces derniers temps
que ses prises de position risquent de lui jouer des mauvais tours et faire de
lui un nouveau Lefebvre. D'une certaine manière, comparons-le à l'archevêque de
la fin des années 60 lequel, tout en réprouvant les nouveautés du moment,
redoublait d'insistance à l'époque pour manifester sa répugnance pour tous les
mouvements séparatistes et sa volonté farouche de demeurer attaché à Rome. Sauf
que ces hommes d'Église n'ont pas toujours le choix. Ceux-ci leur sont parfois
imposés. De ce fait, voyant le risque poindre sous ses yeux, le cardinal
insiste pour souligner l’importance de la régularité canonique. De façon
symétrique, il n’est pas impossible que celle-ci soit parfois un peu
relativisée dans nos rangs pour pouvoir pleinement comprendre le cardinal.
Le contexte de juillet est aussi
à prendre en compte. La Fraternité venait de recevoir la lettre très exigeante
que le cardinal Müller venait de signer avant de quitter la Doctrine de la Foi.
Il n’est pas impossible que son confrère Burke, qui n’a jamais dissimulé sa
réprobation de l’irrégularité canonique, ait eu, courant juillet, des échos des
réactions au sein de la FSSPX et a-t-il pris peur d’un raidissement alors qu’il
n’avait pas hésité en d’autres occasions, à « se mouiller » pour défendre la
FSSPX. Ce qui a pu expliquer ces mots forts qui pouvaient presque avoir des
allures de menace. Ceci étant dit, il s’agit de propos qui n’étaient pas écrits
et dont on verra s'ils sont réitérés. Dans les relations avec Rome depuis vingt
ans, qui passionnent et dépassionnent, nous sommes habitués aux petites piques
de toutes parts, celles de la déception, qui émaillent les tendances de fond.
On remarquera enfin que, dans son commentaire, la Maison Générale de la FSSPX prend clairement ses distances à l’égard des commentaires hasardeux de deux sites jumeaux qui ont fait ces derniers jours des procès d’intention au cardinal Burke et l’ont accusé de se vendre pour un plat de lentilles, en préjugeant de l’avenir. L’institution qu’est la Fraternité montre qu’elle ne cherche pas à sonder les reins et qu’elle ne sombre pas dans la précipitation idéologique. Faudrait-il s'en plaindre?