SOURCE - Paix Liturgique - lettre 693 - 29 avril 2019
Le père Ricardo de Barros Marquese est prêtre depuis 20 ans. Il est aujourd'hui curé de la paroisse de Saint-Paul Apôtre à Santos, dans l'État brésilien de São Paulo. Ami de longue date de nos amis portugais de Senza Pagare, il a accepté de nous présenter son apostolat spécifique sur Internet et surtout sa découverte de la messe traditionnelle dans sa paroisse.
Le père Ricardo de Barros Marquese est prêtre depuis 20 ans. Il est aujourd'hui curé de la paroisse de Saint-Paul Apôtre à Santos, dans l'État brésilien de São Paulo. Ami de longue date de nos amis portugais de Senza Pagare, il a accepté de nous présenter son apostolat spécifique sur Internet et surtout sa découverte de la messe traditionnelle dans sa paroisse.
Q - Paix Liturgique - Vous êtes un adepte de l'apostolat sur les réseaux sociaux. Pouvez-vous nous présenter celui-ci ?
R - Padre Ricardo - Etudiant j'étais très actif sur les réseaux sociaux : Facebook, Instagram, twitter et WhatsApp. Maintenant que je suis prêtre, j'en ai fait mon terrain favori d'apostolat. Cet apostolat sur les réseaux sociaux dépend de ma disponibilité en fonction de ce qui est le plus urgent. La principale caractéristique est le contact très étroit avec les jeunes. J'accorde une grande importance à répondre aux questions, aux doutes, afin de connaître un peu la vie des jeunes. Ce n'est pas un apostolat très général, pour ainsi dire, ce n'est pas simplement un apostolat d'informations ou d'enseignement, de doctrine, mais un apostolat de contact, certes virtuel, mais authentique avec le plus grand nombre de jeunes possible. Il s'agit de défendre la foi authentique dans la charité avec beaucoup de bon sens et souvent un peu d'humour.
Q - Paix Liturgique - Depuis 2018 vous célébrez la messe traditionnelle, pourquoi avez-vous fait ce choix ?
R - Padre Ricardo - J'avais bien connu des prêtres espagnols qui célébraient la messe traditionnelle lorsque je faisais mes études ecclésiastiques à Rome mais je ne pensais pas être confronté à cette forme liturgique dans ma paroisse au Brésil. Je me trompais et c’est ce qui se passa. Cela m'a amené à célébrer la messe selon la forme extraordinaire. Ce fut l'existence autour de moi d'un besoin pastoral, d'un besoin de l'Église. Certains des fidèles du diocèse de Santos, en particulier des jeunes, souhaitaient que la messe tridentine se déroule chez nous, dans notre région. Dans ce diocèse, il n'y avait plus d'église ou elle était célébrée et aucun autre prêtre n'avait l'expérience de la célébration de la messe traditionnelle. Il y a huit ans de cela, nous avions eu dans notre diocèse un prêtre âgé qui célébrait la messe tridentine dans la chapelle du musée d'art sacré mais son grand âge avait rendu impossible la poursuite de cette célébration. Or lorsque je suis rentré au Brésil, je me suis trouvé dans la paroisse Saint-Paul-Apôtre face à un groupe de personnes, des jeunes, des jeunes couples, qui souhaitaient bénéficier d'une messe extraordinaire dans leur paroisse, qui était aussi la mienne. C'est mon évêque qui, connaissant le souhait de certains de mes fidèles, m'a appelé et m'a demandé de commencer à célébrer la messe tridentine dans ma paroisse.
Q - Paix Liturgique - Qu'avez-vous ressenti lorsque vous fûtes chargé de cette mission ?
R - Padre Ricardo - Avant de célébrer ma première messe selon l'usus antiquior , j'ai eu le sentiment d'assumer une grande responsabilité. De plus, je me sentais un peu inquiet parce que je n'avais pas été formé en tant que prêtre dans ce contexte culturel de la messe tridentine. J'ai des notions de latin, je peux lire le latin, je connais des expressions et des mots, mais j'ai dû étudier un peu plus ce que j'allais dire pendant la messe. J'ai aussi dû apprendre les gestes qu'il me fallait faire et respecter, car ce n'est pas comme dans la nouvelle messe où le prêtre peux même pendant le déroulement de la messe choisir le prochain geste qu'il va faire. J'avoue que j'étais un peu inquiet, un peu nerveux, alors quand j'ai terminé la première célébration en mai 2018, j'ai soupiré de soulagement. Mais dans le même temps j'étais très heureux de célébrer une liturgie, un rite, qui inspire et génère tant de piété.
Q - Paix Liturgique - Et comment cela s'est-il passé avec les fidèles ?
R - Padre Ricardo - Nous avons essayé de préparer les paroissiens et les personnes venues de l'extérieur par une catéchèse sur la messe. Cela a été fait à travers une conférence donnée par Michel, un jeune laïc qui connaît le rituel de la nouvelle messe et celui de la messe tridentine. Environ 100 personnes ont assisté à cette conférence, puis 200 personnes ont assisté à la messe. De nombreux fidèles, désireux d'assister à la messe tridentine, étaient déjà des paroissiens et d'autres étaient étrangers à la paroisse et étaient même pour certains venus de l'extérieur du diocèse. Parce qu'ici, au Brésil, il existe une communication très importante, à travers les réseaux sociaux, entre ceux qui aiment la messe tridentine, qui nous dit où et quand la messe sera célébrée, et beaucoup de gens parcourent de nombreux kilomètres pour se rendre à cette messe. Cela s'est passé dans ma paroisse, donc lors de cette première messe, il y avait 200 fidèles. À la deuxième messe que j'ai célébrée, il y avait moins de monde et le troisième nous n'étions qu'une centaine. C'était parce que les célébrations avaient lieu pendant la semaine. C'est tout ce que je pouvais faire parce que le dimanche je célèbre déjà quatre messes. Il y avait cependant une autre curiosité : l'année dernière, j'ai célébré une messe tridentine un jour férié civil, non liturgique. Beaucoup de gens sont allés à cette messe et nous sommes revenus au nombre initial de plus de 200 fidèles. J'ai alors réalisé qu'il valait mieux célébrer la messe le dimanche. En cette année 2019, j'ai commencé à célébrer la messe tridentine un dimanche par mois dans l'après-midi. Le nombre de personnes a augmenté, en particulier les jeunes, beaucoup de jeunes filles et de dames qui s'habillent modestement, les familles de jeunes couples avec beaucoup d'enfants : trois, quatre, cinq enfants. Les enfants de chœur sont de la paroisse et ont eu une préparation avec un acolyte de l'extérieur de la paroisse. Nous avons maintenant un très bon groupe choral, très bien formé. J'espère bientôt pouvoir assurer cette célébration tous les dimanches, si possible le matin.
Q - Paix Liturgique - Quels fruits avez-vous vu éclore de ces messes ?
R - Padre Ricardo - Un jour, un ami prêtre espagnol, alors que nous vivions à Rome, m'a dit qu'en célébrant la messe tridentine il avait ensuite célébré la nouvelle messe d'une manière différente, plus pieuse. À l'époque, je n'avais toujours pas célébré la messe traditionnelle. Quand j'ai commencé à la célébrer, ici au Brésil, j'ai réalisé combien ce prêtre avait raison. Aujourd'hui, je célèbre beaucoup plus souvent la nouvelle messe que la messe tridentine, que je ne célèbre qu'une ou deux fois par mois, mais j'ai commencé à la célébrer avec beaucoup plus de miséricorde et de piété. Je pense que tous les prêtres qui en feront l'expérience ressentiront ce que j'ai ressenti lorsqu'ils auront commencé à célébrer la messe tridentine. C'est pourquoi désormais je les invite à en faire l'expérience pour le bien et la Paix de leur âme.
Q – Paix Liturgique - Alors vous continuez à célébrer avec une certaine régularité. Quels fruits avez-vous vu émerger de ces messes?
R – Padre Ricardo – En plus des grandes célébrations j'ai célébré d'autres messes tridentines un peu plus privés, dans la chapelle du Saint-Sacrement, avec seulement les servants et cinq ou six autres personnes. J'ai vu que grâce à cette messe, de très bons fruits sont apparus, cela a accru la piété des gens, que ce soit ceux qui voulaient avoir la messe tridentine ou bien ceux qui l'ignoraient ou qui la connaissait seulement lorsqu'ils étaient enfants. Tous sont venus profiter de la messe tridentine. Les fruits ont été surtout au niveau de la piété.
Q –Paix Liturgique - Quelles ont été les plus grandes difficultés que vous avez eues en tant que prêtre et les plus grands défis pour vos paroissiens ?
R – Padre Ricardo - Ce n'est pas facile pour un prêtre qui n'a pas été formé au contexte du latin, et qui n'a pas reçu de formation liturgique sur la messe tridentine au séminaire, de commencer à célébrer la messe traditionnelle. Il n'est également pas facile pour les croyants habitués à la nouvelle messe de participer à la messe tridentine pour la première fois. C'est aussi parce que le niveau culturel des gens a beaucoup diminué ici au Brésil, ainsi que le niveau académique. Les gens en général ne connaissent pas le latin, beaucoup de jeunes notamment. Bien sûr, ceux qui apprécient la messe tridentine sont souvent très bien formés: ils connaissent le latin, ils connaissent d'autres langues, ils connaissent la doctrine de l'Église et l'histoire de l'Église. La difficulté à laquelle je fais allusion n'est pas tant en rapport avec ceux qui aiment déjà la messe tridentine, mais avec d'autres personnes qui n'ont pas cette haute formation culturelle, qu'elle soit ecclésiastique ou non, pour participer à la messe tridentine. Les portes sont ouvertes, nous vous ferons savoir quand celle-ci sera célébrée. Mais les gens, à cause de ce niveau culturel et intellectuel, risquent de ne pas venir ou de partir la première fois et ne retournent pas la suivante mais l'on peux avoir aussi de bonnes surprise et voir des gens peu cultivés enchanter par la piété et la sacralité de l'office: cela m'est arrivé !
Q –Paix Liturgique - Quel conseil donneriez-vous à tous les prêtres qui souhaiteraient célébrer la messe tridentine mais qui ont peur de ce que vont dire les autres prêtres, ou à certains paroissiens qui ont des préjugés sur cette manière de célébrer la messe ?
R – Padre Ricardo - Bien que le motu proprio du pape Benoît XVI indique qu'il n'est pas nécessaire que l'évêque autorise la célébration de la messe, s'il existe un groupe stable de croyants qui désirent assister à la célébration de la messe tridentine, il est bon ton, il est prudent, que le prêtre parle d'abord avec l'évêque diocésain. Et explique à l'évêque que la célébration de la messe tridentine ne signifie pas une manière de se tenir contre quelque chose dans l'Église. C'est très important parce que si les évêques réalisent que la célébration de la messe tridentine n'est pas liée au rituel mais à un groupe de personnes, y compris à un prêtre, qui - à tort ou à raison - s'oppose à quelque chose ou à quelqu'un, les évêques n'autoriseront pas la célébration de la messe. C'est une question de prudence.
Q –Paix Liturgique -Une célébration pour la réconciliation et la paix dans les paroisses?
R – Padre Ricardo - Ici au Brésil, on peut rencontrer l’opposition d’autres prêtres ou paroissiens à la messe tridentine. Personnellement je n'ai ressenti aucune persécution ici dans mon diocèse. En fait, le recteur du séminaire s'est rendu à la première messe célébrée pour voir comment elle se déroulait et a autorisé les séminaristes à assister à la messe tridentine. Certains sont venus, en vacances, certains veulent apprendre à célébrer la messe. Bien sûr, il y a des gens qui sont contre et il y en aura toujours. Mais le prêtre est un berger pour tous ses fidèles : nous devons donc également nous occuper de ceux qui aiment et veulent participer à une messe tridentine. C'est la réponse d'un prêtre qui a un vrai sens pastoral. Dans la paroisse, le curé peut donc montrer l'importance de la messe tridentine, celle d'accueillir ceux qui assistent à la messe tridentine et même d'inclure certaines de ces personnes dans l'apostolat paroissial, comme cela se passe dans ma paroisse. Il n’y a de problème qu’avec ceux qui assistent à la messe tridentine sans avoir conscience qu’ils le doivent la paroisse, mais il est vrai qu'à cause de la messe tridentine, certains sont venus d’ailleurs assister à la messe dans ma paroisse et sont devenus mes paroissiens, comme les autres.