SOURCE - Mgr Williamson - Commentaire Eleison CXXIX - 26 décembre 2009
Ainsi donc, le jour de Noël est venu et passé une fois de plus, nous rappelant la grande joie que Notre Seigneur a apportée par Son Incarnation et Sa Naissance au monde entier, mais surtout à sa Mère. Elle le tient, sain et sauf, dans ses bras où elle s'occupe de lui comme toute mère humaine, mais en même temps l'adore comme son Dieu. Hélas, toute personne qui garde un soupçon de religion peut-il faire autrement que se lamenter sur la manière dont ce monde qui nous entoure sait tirer profit de la joie, tout en oubliant en grande mesure le Dieu ?
Sous cet aspect, la joie de Noël aujourd'hui est comme le sourire du Chat d'Alice, surtout dans les pays capitalistes (mais Pie XI dans son Encyclique Quadragesimo Anno de 1931 notait déjà que le capitalisme était en train d'envahir le monde entier, #103-104). Les lecteurs d'« Alice au Pays des Merveilles » se souviendront sans doute qu'on pouvait encore voir le sourire du « Cheshire Chat » lors même que le Chat avait disparu. La substance peut s'évanouir sans que les effets disparaissent, au moins pour un certain temps. La Foi dans l'Enfant Divin est systématiquement éliminée, à cause surtout de Vatican II, mais la joie de Noël traîne. Ceci est en partie dû à Dieu Lui-même qui, étant suprêmement généreux, commémore chaque année la Naissance de son Fils parmi les hommes avec un flot de grâces actuelles auxquelles un grand nombre d'âmes répondent en étant un peu mieux disposées qu'elles ne le sont le reste de l'année. Mais cette joie de Noël subsiste aussi parce que les hommes aiment jouir de la joie, ce qui est nettement moins fiable.
Car au fur et à mesure que disparaît le vrai culte de Dieu, et avec lui toute intelligence de l'ouverture du bonheur éternel que signifia la venue du Sauveur, par là même la joie de Noël se réduit au commercialisme et à la foire que nous connaissons tous. Le sourire ne peut survivre indéfiniment à la disparition du chat. Même les plus attachants de nos SIS (Sentiment Intérieur Sympa) ne peuvent survivre longtemps sans objet. Si Jésus-Christ n'est pas Dieu, encore moins le seul et unique Sauveur de l'humanité, alors pourquoi se réjouir de sa naissance ? J'aime bien mes SIS, mais s'ils ne reposent que sur eux-mêmes, tôt ou tard ils vont s'effondrer en laissant derrière eux un goût amer de désillusion. Peut-être bien que je raffole de la « Noëlitude », mais si c'est parce que je réagis ainsi à mes propres SIS au lieu de ce sur quoi Noël est réellement basé, alors je vais droit vers la casse dans le domaine de mes émotions.
C'est toute la différence entre la sentimentalité et les sentiments. Notre Seigneur était plein de sentiments qu'il a montrés à de nombreuses reprises, par exemple en rencontrant la veuve de Naïm effondrée de l'imminente mise au tombeau de son fils unique (St Luc VII, 11-15). Mais il n'y avait aucune trace de sentimentalité chez Notre Seigneur (ni non plus, je le déclare, dans Le Poème de l'Homme-Dieu par Maria Valtorta), parce que chez Lui les sentiments n'étaient jamais leur propre fin. Ses sentiments étaient toujours animés par un objet réel, par exemple le chagrin de la veuve de Naïm qui lui rappela ce que devait être la désolation de sa propre Mère quand il serait lui-même mis au tombeau.
Le subjectivisme est la plaie de notre époque, en faisant que l'homme méprise la réalité objective pour la réarranger selon la vue subjective qu'il en a dans son esprit. Le subjectivisme est le cœur et l'âme du Néo-modernisme qui est en train de dévaster l'Eglise. Et le subjectivisme qui coupe l'esprit de tout objet externe engendre nécessairement la sentimentalité dans le cœur, parce qu'il coupe ce cœur de tous les objets externes qui pourraient servir de base à ses sentiments. En fait, le Noël des capitalistes sera finalement vidé par la sentimentalité. Soit les hommes retournent au vrai Dieu, à Notre Seigneur Jésus-Christ et à la véritable importance de Sa Naissance, soit l'écroulement de leurs SIS les plus sympa, les SIS de la « Noëlitude », risque fort de donner au peu qu'il reste de la « Civilisation Occidentale » un motif de plus pour cette aigreur qui la pousse déjà vers le suicide.
Kyrie eleison.