SOURCE - La Ste Ampoule - Bulletin du Prieuré Notre-Dame de Fatima n°188 - Septembre 2010
Cette chronique n’a rien d’exceptionnel : elle se renouvelle souvent dans cette Eglise qui est en France. Mais j’ai beau faire, je n’arrive pas à m’y habituer. Il faut donc que je vous raconte ce qui s’est passé.
Durant l’été, un fidèle de Seine-et-Marne téléphona à notre Prieuré N.-D. de Fatima. Un de ses bons amis, âgé et en phase terminale d’un cancer, se mourait dans un hôpital. Il lui avait demandé s’il voulait bien qu’un prêtre se rendît à son chevet. Le malade accepta, bien que non pratiquant régulier durant sa vie. J’acceptai volontiers de me rendre auprès de ce malade et après avoir contacté l’intéressé lui-même, je fis les cent kilomètres qui me menèrent jusqu’à lui. J’ai rarement donné les derniers sacrements à un âme plus avide de les recevoir et plus reconnaissante de mon passage. Ce monsieur se confessa, reçut pieusement l’extrêmeonction et communia avec joie. Nous récitâmes une dizaine de chapelet ensemble, ce qui me permit de lui expliquer comment se disait cette prière et je lui laissai un chapelet. Je lui proposai de repasser le voir pour lui apporter régulièrement la sainte communion si son séjour à l’hôpital se prolongeait. Mais je n’eus pas l’occasion de repasser : ce malade rendit son âme à Dieu six jours après, le jour d’une fête mariale.
Après ce décès, un membre de la famille, pratiquant dans la Tradition, me demanda si j’acceptais de célébrer la messe d’enterrement car c’était par mon ministère que le malade s’était bien disposé à la vie éternelle. Cela ne me posait pas de difficulté en cette période de vacances où l’activité dans la Marne ne bat pas son plein. Ce gendre donc, puisque gendre il y a, se mit en contact avec les responsables de l’église de B., où habitait la personne décédée. Une dame responsable devait m’appeler pour organiser la cérémonie. De dame, je n’en eut point au téléphone. Ce fut directement un vicaire épiscopal qui m’appela. Il me demanda de quel diocèse j’étais et quand je répondis que je faisais partie de la Fraternité Saint Pie X il me coupa tout de go : « vous ne pouvez pas faire cet enterrement, vous n’êtes pas en pleine communion avec l’Eglise ». J’ai essayé de lui faire comprendre que ce concept de communion pleine ou non pleine n’avait aucune consistance. On est dans l’Eglise ou on est hors de l’Eglise. Mais non, il y tenait mordicus. Je suis donc confiné dans ce no man’s land ecclésiologique, une sorte de sas mystérieux qui vous disqualifie à jamais, un trou noir qui vous anéantit, un marécage impénétrable et pestilentiel dans lequel je suis condamné à disparaître par ces champions de l’accueil et du droit à la différence. Je me permis de lui faire remarquer que les sanctions d’excommunication, pour lui qui y croyait sans doute, avaient été levées « Oui, bien sûr, mais cette levée ne concerne que les quatre évêques, pas tous les membres de la Fraternité ! ». Ma proposition de faire appel à un des quatre évêques n’eut pas l’heur de lui plaire. Pourtant, en toute logique… La seule possibilité pour utiliser l’église de B. était de recourir à l’équipe de laïcs dûment mandatée par le père évêque pour procéder aux enterrements. Fini le saint sacrifice de la messe, offert « pro omnibus fidelibus christianis, vivis atque defunctis », évacués le corps et le sang du Christ de nouveau immolés sur l’autel pour la délivrance des âmes du purgatoire. Le défunt aura quand même droit à une petite mention dans la longue liste des intentions concentrées à l’eucharistie du dimanche. Notre conversation se termina rapidement.
J’en rendis compte au gendre du défunt et nous décidâmes de célébrer la messe d’enterrement non à l’église du village mais à quarante kilomètres de là, dans la petite chapelle Sainte-Marcelle et Sainte-Cécile à Lizy-sur-Ourcq. Cette chapelle, ouverte en mai 2009, est située dans la zone industrielle, entre Veolia et Montdécor. Le corbillard se glissa entre les camionnettes frigorifiques de Toupargel dont il faut longer les entrepôts pour accéder à notre chapelle. De gens du village il n’y en eut point. Seulement des membres de la famille qui assistèrent avec recueillement à la cérémonie. Deux arrière petits enfants du défunts, élèves à notre école de Camblain l’Abbé, me servirent la messe. Après l’absoute, je me rendis au cimetière pour l’inhumation. On en vient presque à se féliciter de la laïcisation des cimetières qui nous permet au moins d’accompagner le corps jusqu’à sa dernière demeure. Non vraiment, je n’aimerais pas être à la place de ces responsables de l’Eglise lorsqu’ils se présenteront devant le souverain Juge.
Abbé Ludovic Girod
Cette chronique n’a rien d’exceptionnel : elle se renouvelle souvent dans cette Eglise qui est en France. Mais j’ai beau faire, je n’arrive pas à m’y habituer. Il faut donc que je vous raconte ce qui s’est passé.
Durant l’été, un fidèle de Seine-et-Marne téléphona à notre Prieuré N.-D. de Fatima. Un de ses bons amis, âgé et en phase terminale d’un cancer, se mourait dans un hôpital. Il lui avait demandé s’il voulait bien qu’un prêtre se rendît à son chevet. Le malade accepta, bien que non pratiquant régulier durant sa vie. J’acceptai volontiers de me rendre auprès de ce malade et après avoir contacté l’intéressé lui-même, je fis les cent kilomètres qui me menèrent jusqu’à lui. J’ai rarement donné les derniers sacrements à un âme plus avide de les recevoir et plus reconnaissante de mon passage. Ce monsieur se confessa, reçut pieusement l’extrêmeonction et communia avec joie. Nous récitâmes une dizaine de chapelet ensemble, ce qui me permit de lui expliquer comment se disait cette prière et je lui laissai un chapelet. Je lui proposai de repasser le voir pour lui apporter régulièrement la sainte communion si son séjour à l’hôpital se prolongeait. Mais je n’eus pas l’occasion de repasser : ce malade rendit son âme à Dieu six jours après, le jour d’une fête mariale.
Après ce décès, un membre de la famille, pratiquant dans la Tradition, me demanda si j’acceptais de célébrer la messe d’enterrement car c’était par mon ministère que le malade s’était bien disposé à la vie éternelle. Cela ne me posait pas de difficulté en cette période de vacances où l’activité dans la Marne ne bat pas son plein. Ce gendre donc, puisque gendre il y a, se mit en contact avec les responsables de l’église de B., où habitait la personne décédée. Une dame responsable devait m’appeler pour organiser la cérémonie. De dame, je n’en eut point au téléphone. Ce fut directement un vicaire épiscopal qui m’appela. Il me demanda de quel diocèse j’étais et quand je répondis que je faisais partie de la Fraternité Saint Pie X il me coupa tout de go : « vous ne pouvez pas faire cet enterrement, vous n’êtes pas en pleine communion avec l’Eglise ». J’ai essayé de lui faire comprendre que ce concept de communion pleine ou non pleine n’avait aucune consistance. On est dans l’Eglise ou on est hors de l’Eglise. Mais non, il y tenait mordicus. Je suis donc confiné dans ce no man’s land ecclésiologique, une sorte de sas mystérieux qui vous disqualifie à jamais, un trou noir qui vous anéantit, un marécage impénétrable et pestilentiel dans lequel je suis condamné à disparaître par ces champions de l’accueil et du droit à la différence. Je me permis de lui faire remarquer que les sanctions d’excommunication, pour lui qui y croyait sans doute, avaient été levées « Oui, bien sûr, mais cette levée ne concerne que les quatre évêques, pas tous les membres de la Fraternité ! ». Ma proposition de faire appel à un des quatre évêques n’eut pas l’heur de lui plaire. Pourtant, en toute logique… La seule possibilité pour utiliser l’église de B. était de recourir à l’équipe de laïcs dûment mandatée par le père évêque pour procéder aux enterrements. Fini le saint sacrifice de la messe, offert « pro omnibus fidelibus christianis, vivis atque defunctis », évacués le corps et le sang du Christ de nouveau immolés sur l’autel pour la délivrance des âmes du purgatoire. Le défunt aura quand même droit à une petite mention dans la longue liste des intentions concentrées à l’eucharistie du dimanche. Notre conversation se termina rapidement.
J’en rendis compte au gendre du défunt et nous décidâmes de célébrer la messe d’enterrement non à l’église du village mais à quarante kilomètres de là, dans la petite chapelle Sainte-Marcelle et Sainte-Cécile à Lizy-sur-Ourcq. Cette chapelle, ouverte en mai 2009, est située dans la zone industrielle, entre Veolia et Montdécor. Le corbillard se glissa entre les camionnettes frigorifiques de Toupargel dont il faut longer les entrepôts pour accéder à notre chapelle. De gens du village il n’y en eut point. Seulement des membres de la famille qui assistèrent avec recueillement à la cérémonie. Deux arrière petits enfants du défunts, élèves à notre école de Camblain l’Abbé, me servirent la messe. Après l’absoute, je me rendis au cimetière pour l’inhumation. On en vient presque à se féliciter de la laïcisation des cimetières qui nous permet au moins d’accompagner le corps jusqu’à sa dernière demeure. Non vraiment, je n’aimerais pas être à la place de ces responsables de l’Eglise lorsqu’ils se présenteront devant le souverain Juge.
Abbé Ludovic Girod