Mon cher Philippe, Je t’envoie par mail une réaction de Mgr Williamson que j’ai lue sur la Porte Latine. Je sais que tu as, comme moi, une grande admiration pour Mgr. A chacune de ses interventions, il nous fascine et nous blesse en même temps ; c’est sans doute son génie propre. Mais les fidèles sont toujours déroutés par cette pensée dialectique Peux-tu me dire ce que tu en penses ?" Monique Laguérie - Paris
Le débat sur le récent Motu proprio du pape Benoît XVI continue – je ne dirai pas à faire rage – mais certainement à soulever les passions. Le Motu proprio reconnaissait que le rite tridentin n’avait jamais été abrogé et donnait à tout prêtre catholique une certaine latitude pour le célébrer. Certains ont condamné le document à cause de son double langage et ont affirmé que ce n’était là qu’un leurre pour attirer les catholiques traditionalistes dans les sables mouvants de l’Église conciliaire. Pour ce qui est du double langage, parfois en faveur du catholicisme, parfois en faveur du conciliarisme, il est hélas indéniable. Mais à quoi pouvions-nous nous attendre de la part de ce que nous pourions qualifier de « pape dual » ? Benoît XVI, comme Paul VI et Jean-Paul II avant lui, ne s’aperçoit pas qu’il croit en deux religions contradictoires simultanément. À moins d’un miracle, Benoît XVI pensera ainsi jusqu’à sa mort. Voilà qui est assez affligeant, mais pour autant que le Motu proprio soit concerné, tout cela est de peu de rapport. Ce qui importe plutôt, à mon avis, c’est que le diable porte Pierre comme le dit si bien l’adage. Dans de nombreux pays, nous voyons que de nombreux prêtres catholiques et des laïcs – mais en général pas les évêques – redécouvrir le véritable rite de la messe , commander des missels, des DVD didactiques sur la sainte messe, des ornements liturgiques, etc ... J’entends déjà les objections des purs et durs ! Bien sûr, tout ne sera pas parfait du premier coup. Il y aura des fautes de latin, les rubriques ne seront pas parfaites et tout ça, mais pourquoi ne pas donner sa chance à la grâce de Dieu ? Avec Dieu, le moindre bien va loin – et un prêtre catholique ne se refait pas en un jour ! Laissez-moi vous présenter un scénario ; ce n’est pas infaillible, vous y croirez si bon vous semble. L’époque actuelle peut être comparée à celle de Noé, juste avant le déluge. Notre monde « idiot-visuel », maintenant répandu sur toute la planète, court à l’abîme. Dieu ne peut plus le laisser mener des millions d’âmes endormies en enfer. Quand il s’effondrera, les catholiques en seront réduits à courir en tous sens à la recherche d’un prêtre pour la confession de leurs péchés. Il n’y aura pas assez de prêtres « liturgiquement parfaits » de la FSSPX disponibles. Donc, il est permis de penser que Dieu prépare un certain nombre de prêtres – connus de Lui seul – hors de la FSSPX pour ces jours dramatiques. Le Motu proprio, qui leur permet de renouer avec le rite véritable de la messe – au moins en privé – est une étape importante de cette préparation. De tout notre coeur, prions pour de tels prêtres, et pour le pape. Kyrie Eleison. Monseigneur Richard Williamson
Bien chère Monique, Je partage avec toi ce jugement sur Mgr Williamson et, comme toi, il me fascine et m’ inquiète à la fois. J’ai tant d’admiration pour cet évêque que tout ce que je pourrais dire de lui sera toujours empreint et de cette déférence qui éloigne et de cette amitié qui rapproche. Quand il parle du Motu Proprio, bien sûr qu’il est sur ses plate- bandes, mais : " pour grands que sont les rois, ils sont ce que nous sommes et peuvent se tromper comme les autres hommes". A quoi devraient songer tous les évêques et pas seulement ce singulier personnage. Et pourtant : sa pensée dialectique est séduisante, comme celle de Saint Paul, de Pascal ou de Julien Green. Malheureusement quel gâchis ! Je ne peux penser à lui sans évoquer, comme autour de ces innombrables conversations en sa douce compagnie, ces vers de Baudelaire qui lui collent à la peau : Le poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l’archer,
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher. Car ce génial Albatros n’est pas empêché de voler ; vous avez bien lu : il est empêché de marcher. Qui pourrait, hormis Dieu, empêcher ce géant de voler ? N’empêche que la création tout entière s’est liguée pour l’empêcher de marcher et le dernier venu l’entrave et le jette au sol. Son thème favoris ? Apocalypse now ! Et tout lui donne raison, si ce n’est que l’apocalypse n’a pas encore eu lieu. Au moins devra-t-il convenir que la chose n’est pas encore possible tant que la conversion des juifs n’a pas encore eu lieu, comme saint Paul le prévoit. Là dessus nous sommes d’accord et il aurait été bien étonnant qu’il anticipât sur ce point. Sa position sur le Motu Proprio est grande et simple ; et comme nous savons sa passion pour les syllogismes, il n’est pas interdit de la formuler ainsi : Rien de bon ne peut sortir du "conciliarisme" ;
or le Motu Proprio sort du "conciliarisme" ;
donc le Motu proprio ne saurait être bon. Il est pourtant évident que le Motu Proprio pourrait, per accidens, porter quelques bons fruits ;
or, le Seigneur a dit qu’un mauvais arbre ne saurait porter de bons fruits ;
donc le Motu proprio serait-il aussi une oeuvre catholique ? D’où peuvent donc venir ces bons fruits d’un tout mauvais arbre ?
or c’est le diable, seul, qui "porte pierre"
Donc le Motu proprio est l’oeuvre du diable. Le second argument de Monseigneur Williamson est tout aussi logique. Par quelles mains providentielles (car nul n’ignore quand même que le diable est entre les mains de Dieu et non l’inverse) pourra se réaliser ce bien accidentel du diable qui pourrait sauver quelques âmes de l’universel déluge ? Le bon sens de Mgr n’est certes pas pris en défaut : il s’agit de mains sacerdotales. Mais il faut en convenir avec ce géant des mers : les seuls prêtres de la FSSPX n’y suffisent pas. Il se trouvera donc, grâce au diable et à son savant Motu Proprio, quelques mauvais prêtres, non "liturgiquement parfaits", c’est à dire hors de la FSSPX, qui , néanmoins pourront, malgré leurs péchés, pardonner ceux des autres. Il faut prier abondamment pour ces prêtres, connus de Dieu seul, qui feront le sale travail accidentel du Diable. "Kyrie eleison" ! Je fais très humblement observer à notre prélat très aimé et très admiré qu’il se trouve des prêtres hors fraternité qui célèbrent assez bien (et mieux ?)la messe traditionnelle ; qui confessent (assez bien) les péchés au nom de Jésus-Christ sans s’occuper du diable ni attendre de lui quelque adjuvance complémentaire et qui, s’ils en ont besoin évidemment, ne requièrent pas forcément plus de miséricorde divine que ces "liturgiquement parfaits". Et peut-être un peu moins : ont-ils à supporter ce fardeau insupportable de s’entendre dire à longueur de temps qu’ils sont les vrais, les purs, les uniques par la grâce de supérieurs exceptionnellement exceptionnels. Allons, finissons encore avec Baudelaire : Ange plein de bonté, connaissez-vous la haine,
Les poings crispés dans l’ombre et les larmes de fiel,
Quand la vengeance bat son infernal rappel
Et de nos facultés se fait le capitaine ?
Ange plein de bonté, connaissez-vous la haine ? |