Curé du sanctuaire de L'île-Bouchard, le père Pierre Afonso s'engage pour une application large et généreuse du Motu proprio de Benoît XVI. Propos recueillis par Daniel HAMICHE
Né en 1963, vous êtes un enfant de l'après-Concile. Quand avez-vous découvert la forme extraordinaire du rite romain ?
Père Pierre Afonso : J'ai découvert la messe de saint Pie V à l'abbaye de Fontgombault vers 1985. J'aime le latin. Je me suis posé la question d'entrer à Fontgombault en 1981. J'ai toujours gardé une profonde amitié pour le père abbé et les moines. Et je pense que leur façon d'accueillir chacun avec respect et de soutenir les personnes attachées à la liturgie de 1962 est édifiante. Dans quelles circonstances avez-vous décidé d'apprendre la forme extraordinaire ? Avez-vous rencontré des résistances de l'autorité ?
Père P.A. : J'ai été ordonné prêtre le 26 juin 1988 pour le diocèse de Tours. En 1993, avec l'accord de l'archevêque, je suis aussi devenu membre de la Communauté de l'Emmanuel. Dans la dernière année de mes études à Rome, au printemps 1989, j'ai désiré célébrer la messe de saint Pie V pour mieux comprendre de l'intérieur l'attachement à cette forme antérieure. J'ai obtenu l'indult auprès de la Commission Ecclesia Dei et j'ai célébré seul dans la plus grande discrétion, une trentaine de fois, selon ce Missel. Sans enjeu pastoral il s'agissait pour moi d'expérimenter le développement liturgique comme on parle du développement dogmatique. Mon archevêque a pris peur et en vue de ma nomination à l’été 1989, il me demanda de mettre fin à cette expérience. J'ai obéi. La durée avait été suffisante, et je ne cherchais pas à remettre en cause mon incardination dans le diocèse de Tours. Comme prêtre, quelles sont, selon vous, les difficultés et les richesses propres au Missel de 1962 ?
Père P.A. : Je ne vois pas de difficulté. Les lectures bibliques moins nombreuses préservent d'une surabondance parfois déroutante. Ce Missel souligne de façon admirable la Sainte Trinité, le Saint Sacrifice du Christ, le sacerdoce ministériel des prêtres et le sacerdoce commun des fidèles (par la récitation distincte du Confiteor notamment), l’humilité du prêtre pauvre pécheur. Il soutient la ferveur du prêtre par les gestes plus nombreux et plus précis, l’effacement du prêtre derrière le rite identique pour tous face à la personnalisation et adaptation dans le Missel de Paul VI. Summorum Pontificum est-il un acte juridique allant dans le sens de la paix liturgique ou au contraire une initiative susceptible de ranimer le conflit ?
Père P.A. : C’est d’abord un acte de justice et de vérité et ensuite un acte de charité. Il fait comprendre que l'Eglise ne peut se vivre dans la rupture mais plutôt dans la continuité. Je suis naïvement étonné de voir les crispations d'évêques ou de prêtres. Cela révèle un malaise sur l'interprétation juste du concile Vatican II dans la continuité. L'acte de Benoît XVI est source de paix dans la vérité. Il pointe la raison d'une intolérance suicidaire contraire à la Tradition de l'Église et à la sainteté du patrimoine liturgique. Il est de l'intérêt de tous, prêtres et laïcs, de découvrir la richesse de la liturgie de 1962. La perte de nos racines compromet l'avenir. Curé de la paroisse-sanctuaire de L'île-Bouchard depuis 1998, avez-vous l'intention de célébrer la forme extraordinaire dans le cadre paroissial, et d'en autoriser la célébration lors des pèlerinages ?
Père P.A. : J'autorise évidemment la forme extraordinaire pour les pèlerinages et pour tous. La Vierge Marie donne ici une grâce d'unité pour la France, pour les familles et pour l'Église. Je pense donc que ce lieu doit être exemplaire dans l'accueil des formes différentes du même rite romain. Je célèbre la messe basse selon la forme extraordinaire avec beaucoup de joie spirituelle, ainsi que le bréviaire de 1962. Pour une proposition paroissiale de semaine ou dominicale, c'est encore à venir. |