SOURCE - Abbé Patrick de la Rocque, fsspx - vatican2-en-questions.org - 22 juillet 2013
L’un
des grands débats conciliaires relatifs à l’ecclésiologie est la fameuse
phrase de la constitution Lumen
Gentium n°8 : L’Eglise
du Christ subsiste
dans l’Eglise catholique,
venue remplacée les termes jusque-là utilisés par l’Eglise pour exprimer sa
doctrine : L’Eglise du Christ est l’Eglise
catholique.
De
triple façon, cette nouvelle expression ouvre la porte à la nouvelle théologie
clairement condamnée par le magistère antécédent
1°
Malgré les dénégations de ses défenseurs, une telle formule tend
dangereusement vers la notion souvent condamnée d’une Eglise purement
spirituelle.
2°
Une telle formule a en outre souvent été lue, par ses interprètes les plus
autorisés, dans une conception nettement personnaliste, tendant à accorder à
l’Eglise une subjectivité capable d’évoluer à travers le temps.
3°
Enfin, la portée œcuménique d’une telle formule est aisément perceptible :
elle laisse entr’ouverte la possibilité d’un certain mode d’existence de
l’Eglise du Christ hors de l’Eglise catholique, c’est-à-dire dans les
autres confessions chrétiennes.
Loin
de reprendre l’expression traditionnelle par laquelle le Magistère antérieur
identifiait strictement l’Eglise du Christ sur cette terre et l’Eglise
catholique, le concile Vatican II a affirmé que l’Eglise du Christ subsiste
dans (subsistit
in) l’Eglise catholique. Cette nouvelle expression, notoirement voulue
pour justifier l’œcuménisme[1], revêt en fait trois enjeux majeurs qui ne
sont pas sans soulever de graves difficultés au regard de l’enseignement
traditionnel de l’Eglise.
1)En
premier lieu – et c’est son sens fondamental – l’expression subsistit
in laisse apparaître une
distinction réelle ici-bas entre “Eglise du Christ” et “Eglise
catholique”. Or cette distinction était jusque-là refusée par le Magistère
antécédent qui, à travers deux expressions différentes, ne voyait désignée
qu’une seule et même réalité.
2)L’adoption
de cette expression a entraîné un important changement dans la manière de
considérer l’Eglise catholique elle-même. Jusque-là définie comme une société par
le Magistère, la voici désormais en possession d’une subjectivité au
sens propre du terme : à l’instar de la personne humaine, elle serait
donc capable d’évoluer à travers le temps.
3)Enfin
et bien sûr, le subsistit
in a profondément modifié
le rapport que l’Eglise catholique entretient avec les autres confessions chrétiennes,
autrement dit son attitude œcuménique. L’expression laisse en effet entendre
que ces autres confessions chrétiennes, loin d’être totalement étrangères
à l’Eglise du Christ, collaborent à l’édification de celle-ci. Or une
telle conception est non seulement étrangère au Magistère antérieur à
Vatican II, mais encore condamnée par lui.
1. Il n’y a pas ici-bas de distinction réelle entre “Eglise du Christ” et “Eglise catholique”
1.1. La
thèse du subsistit
in suppose logiquement et
affirme implicitement que l’Eglise du Christ se distingue réellement ici-bas
de l’Eglise catholique, ce qui se montre de trois manières :
-D’un
point de vue nominal, affirmer qu’une chose subsiste dans une autre suppose la
distinction réelle de ces deux choses. Par exemple, lorsque le Concile affirme
que en
toutes les nations de la terre subsiste l’unique Peuple de Dieu (LG
13§2), il présuppose une distinction réelle entre les nations de la terre et
le Peuple de Dieu ; de même lorsqu’il affirme que toutes choses subsistent dans
le Christ (LG 7§4). L’affirmation de LG 8 distingue donc bien réellement sur
cette terre l’Eglise du Christ de l’Eglise catholique lorsqu’elle dit que
l’Eglise du Christ subsiste dans l’Eglise catholique[2].
-Est
accordée à l’Eglise du Christ ici-bas une extension plus large qu’à l’Eglise
catholique. Le texte conciliaire affirme par exemple que de
nombreux éléments de sanctification et de vérité […]
appartenant en propre à l’Eglise du Christ se trouvent hors de l’Eglise
catholique (LG8[3]). Il
soutient également que les chrétiens non catholiques sont membres de l’Eglise
du Christ (UR3, LG 15) et que les catholiques doivent donc les considérer comme frères
dans le Seigneur. C’est donc que, selon le Concile, l’Eglise du Christ
se distingue réellement de l’Eglise catholique sur cette terre.
-Il
est affirmé de l’Eglise catholique qu’elle est comme le sacrement de l’Eglise
du Christ. Or il est de la définition même du signe de renvoyer à un autre
que lui-même. Le Concile pose donc bien une distinction réelle entre l’Eglise
du Christ ici-bas et l’Eglise catholique[4].
1.2. La
thèse implicitement contenue par le texte conciliaire s’oppose au Magistère
antérieur du fait que ce dernier a toujours refusé de distinguer réellement
l’Eglise du Christ ici-bas et l’Eglise catholique. Lorsque Pie XII, en Mystici
corporis, affirme que sur cette terre l’Eglise catholique romaine est l’Eglise
du Christ, il entend affirmer, à la suite du Magistère de toujours, une
stricte identité. Cette même encyclique dénonce en effet ceux qui opèrent
une distinction réelle entre deux “Eglises” : Nous
déplorons et Nous condamnons l’erreur funeste de ceux qui rêvent d’une prétendue
Eglise, sorte de société formée et entretenue par la charité, à laquelle,
– non sans mépris – ils en opposent une autre qu’ils appellent juridique.
L’opposition dénoncée Pie XII est bien celle qui relève de l’ordre
logique, puisqu’il ajoute aussitôt : C’est
tout à fait en vain qu’ils introduisent cette distinction.[5]
1.3. Les
raisons obligeant à affirmer l’identité existant ici-bas entre l’Eglise du
Christ et l’Eglise catholique se manifestent aisément. Il est en effet
impossible de distinguer réellement sur cette terre une « Eglise
communauté visible organisée hiérarchiquement » d’une « Eglise
communauté spirituelle », sans se rapprocher dangereusement, quant à
cette dernière, de la notion protestante d’uneEglise
invisible pour nous, visible aux seuls yeux de Dieu[6]. Et de fait, c’est
bien à cette Eglise purement spirituelle que risque de se réduire l’Eglise
du Christ prise en tant que telle, c’est-à-dire antécédemment à son mode
d’être visible dans l’Eglise catholique. Elle est alors comparée à une
Communion des Saints où les chrétiens des différentes confessions sont unis dans
une appartenance commune au Christ[7],frères
dans le Christ[8], car
tous vivifiés de sa grâce[9]. Cette conception de l’unité surnaturelle de
tous les chrétien quoiqu’il en soit de leur non appartenance à l’Eglise
catholique ne tombe-t-elle pas sous la condamnation de Pie XII lorsqu’il
affirmait que c’est
s’éloigner de la vérité divine que d’imaginer une Eglise qu’on ne
pourrait ni voir ni toucher, qui ne serait que “spirituelle” (pneumaticum),
dans laquelle les nombreuses communautés chrétiennes, bien que divisées entre
elles par la foi, seraient pourtant réunies par un lien invisible[10].
2) On ne peut attribuer à l’Eglise catholique une subjectivité au sens strict du terme
2.1. L’interprétation
officielle du subsistit
in affirme explicitement que
le verbe subsistere est
à prendre au sens propre du terme : ce verbe indique non seulement que
l’Eglise a les promesses d’indéfectibilité[11], mais encore que l’Eglise
catholique est douée d’une véritable subsistence, et donc d’une
subjectivité au sens propre du terme ; autrement dit d’une personnalité
métaphysique.
-La
CDF affirma en 1985 que le
concile avait choisi le mot “subsistit” précisément pour mettre en lumière
qu’il existe une seule subsistence de la véritable Eglise[12].
L’affirmation est à la base de la justification que Benoît XVI donne de son
« herméneutique de la réforme », celle du
renouveau dans la continuité de l’unique sujet-Eglise, que le Seigneur nous a
donné ; c’est un sujet qui grandit dans le temps et qui se développe, tout
en restant toujours le même, l’unique sujet du Peuple de Dieu en marche.[13]
-Le
cardinal Ratzinger, commentateur autorisé de ces textes, explique la valeur métaphysique
du mot. « Subsister » est à prendre ici avec sa valeur aristotélicienne,
en tant qu’il distingue l’essesubsistant
des différents modes de l’inesse,
la substance des accidents : Le
concept exprimé par “est” (être) est plus ample que celui exprimé par
“subsister”. “Subsister” est une façon bien précise d’être,
c’est-à-dire être comme sujet qui existe en soi. Les Pères conciliaires
entendaient donc dire que l’être de l’Eglise, en tant que telle, est une
entité plus vaste que l’Eglise catholique romaine, mais dans cette dernière
elle acquiert de manière inégalable, le caractère de véritable sujet[14]. Cette
explication, habituelle au cardinal[15], est reprise par des théologiens
autorisés[16].
2.2. Or
une telle affirmation n’est pas dans la ligne de la Tradition catholique, et
semble incompatible avec le donné révélé. En effet l’Ecriture, loin de
reconnaître à l’Eglise une subsistence propre, ne lui accorde d’être que in
Christo, dans le Christ selon le terme cher à saint Paul (cf. Eph 1,3-7 ;
3,6 ; Gal 3,27-28 ; Col 2,6-13 ; Ro 6,4-5 etc.), tout comme le
sarment n’a d’être que dans la vigne (Jn 15,4-6). Autrement dit, l’être
de l’Eglise ne relève pas du prédicament « substance », mais de
celui de « relation ». Aussi Pie XII, à la suite de la grande
Tradition[17], loin d’accorder à l’Eglise une personnalité au sens métaphysique,
n’utilise ce terme que de façon métaphorique, et précisément pour affirmer
que l’Eglise catholique n’a pas de subsistence propre mais seulement dans le
Christ. Elle n’a d’être que dans le Christ, et ce n’est que dans son
union au Christ qu’elle peut être métaphoriquement comparée à une personne
humaine : La
doctrine très ancienne et constante des Pères nous enseigne que le divin Rédempteur
avec son Corps social constitue une seule personne mystique ou, comme le dit
saint Augustin, le Christ total[18].
2.3. Les
implications de la thèse conciliaire sont nombreuses, et se doivent d’être
reconsidérées à la lumière de l’enseignement traditionnel.
-On
ne peut baser l’acceptation du concile Vatican II sur une « herméneutique
de la continuité », vue comme la permanence du seul « sujet »
Eglise qui aurait modifié non sa subjectivité mais seulement ses rapports
interpersonnels avec la science, l’Etat et les religions[19]. Une telle
explication, personnaliste, non seulement oublie que lesdits rapports sont gérés
par des principes doctrinaux, mais revient encore à admettre en une matière
connexe au dogme (la liberté religieuse par exemple) la contradiction
objective[20] de deux
enseignements, pourvu que soit affirmée la continuité subjective de l’unique
sujet-Eglise. Or prendre ainsi pour principe de stabilité le critère subjectif
(le sujet-Eglise demeurant le même) et non plus objectif (l’objet de la foi,
identique à travers les temps) risque fort d’ouvrir grand la porte au révisionnisme
dans l’Eglise, fût-il dogmatique.
-La
subjectivisation personnaliste de l’Eglise a entrainé une inflexion
importante dans la manière de concevoir de Magistère : celui-ci en vient
à être considéré comme une formulation de la conscience que l’Eglise a
d’elle-même. Cette conception fut très présente chez le pape signataire de
tous les textes conciliaires, Paul VI[21]. A sa suite, Jean-Paul II considéra
Vatican II comme un acte d’auto-conscience
de l’Eglise[22] qui eut
comme tâche principale de réveiller la conscience que l’Eglise a d’elle-même[23].
Or une telle conception du Magistère n’est pas sans se rapprocher grandement
de celle condamnée par le pape Saint Pie X dans son encyclique Pascendi
dominici gregis[24].
Il s’avère donc que, concernant les textes du concile Vatican II, le degré
d’adhésion requis doit être établi non seulement en usant des distinctions
habituelles quant au différents degrés du Magistère, mais d’abord en
prenant en considération cette différence de nature.
3) Les implications œcuméniques du subsistit in sont-elles justifiées ?
in repose sur deux
affirmations, que nous qualifions de présupposés vu que le texte conciliaire
les avance sans apporter aucune justification :
-L’Eglise
du Christ compte pour membres les chrétiens baptisés hors de l’Eglise
catholique.
-Il
y a des éléments de sanctification et de vérité hors de l’Eglise
catholique.
De
ces deux présupposés, deux conséquences sont tirées :
-L’Esprit
Saint se sert des communautés séparées comme d’autant de moyens de salut.
-Certaines
de ces communautés séparées sont à considérer comme de véritables Eglises
particulières.
3.2. Quant
au premier présupposé, deux réalités interdisent d’affirmer simpliciter que
les chrétiens baptisés hors de l’Eglise catholique sont membres de l’Eglise
du Christ :
-Cette
thèse prétend s’appuyer sur le fait que lesdits chrétiens ne peuvent être
accusés de péché de division (UR 3). Or une telle assertion est pour le moins
téméraire : restant extérieurement dans la dissidence, rien n’indique
qu’ils n’adhèrent pas à la division opérée par leurs prédécesseurs,
l’apparence portant plutôt à supposer le contraire. Présumer la bonne foi
n’est pas ici possible[25], ainsi que le rappelle Pie IX : Il
faut admettre de foi que, hors de l’Eglise apostolique romaine, personne ne
peut être sauvé. […] Cependant, il faut aussi reconnaître d’autre part,
avec certitude, que ceux qui sont à l’égard de la vraie religion dans une
ignorance invincible n’en portent point la faute devant le Seigneur.
Maintenant, à la vérité, qui ira dans sa présomption, jusqu’à marquer les
frontières de cette ignorance ?[26]
-Il faut encore noter que ces chrétiens non catholiques qui seraient dans l’ignorance invincible, tout comme les non baptisés qui auraient le désir implicite du baptême, ne sont nullement constitués ici-bas en « Eglise ». Rien ne les réunit entre eux ici-bas, sinon de manière inconsciente. Aussi est-il beaucoup plus juste de dire que ces individus, sans être encore membres du Corps mystique, lui sont néanmoins déjà ordonnés et donc d’une certaine manière unis[27]. On peut ajouter avec saint Augustin que la grâce de l’Esprit Saint qui habite ces âmes saura les mener jusqu’au sein de l’Eglise catholique[28].
-Il faut encore noter que ces chrétiens non catholiques qui seraient dans l’ignorance invincible, tout comme les non baptisés qui auraient le désir implicite du baptême, ne sont nullement constitués ici-bas en « Eglise ». Rien ne les réunit entre eux ici-bas, sinon de manière inconsciente. Aussi est-il beaucoup plus juste de dire que ces individus, sans être encore membres du Corps mystique, lui sont néanmoins déjà ordonnés et donc d’une certaine manière unis[27]. On peut ajouter avec saint Augustin que la grâce de l’Esprit Saint qui habite ces âmes saura les mener jusqu’au sein de l’Eglise catholique[28].
3.3. Quant
au deuxième présupposé, est équivoque l’affirmation selon laquelle de
nombreux éléments de sanctification et de vérité se
trouvent hors de l’Eglise catholique.
-Appliquée
aux sacrements, une telle assertion ne distingue plus, comme le faisait le
Magistère antérieur, l’administration valide des sacrements de leur
administration licite. Or, si en certains cas des sacrements peuvent être
administrés validement hors de l’Eglise catholique, ils ne le sont jamais de
façon licite[29] et sont donc infructueux en eux-mêmes[30]. On ne peut
donc dire de ces communautés qu’elles sont en possession formelle des éléments
de sanctification ; elles n’en ont qu’une possession matérielle, et on
doit affirmer avec Pie XII que ces communautés séparées sont comme
le sarment coupé du cep, et ne peuvent pas produire des fruits de salut[31].
-Si
ces sacrements peuvent parfois être fructueux hors de l’Eglise catholique, ce
n’est qu’accidentellement, en raison de l’ignorance invincible des sujets
qui les reçoivent, laquelle les unit de la sorte à l’Eglise catholique de
par leur désir implicite. C’est ainsi que l’enfant baptisé hors de l’Eglise
catholique lui est uni tant qu’il n’a pas atteint l’âge des choix
personnels[32].
Or en tant qu’elles sont séparées, ces communautés s’opposent à ce désir
implicite qui seul rend les sacrements fructueux. On ne peut donc dire de ces
communautés qu’elles possèdent des éléments de sanctification, sinon matériellement.
La même chose peut être dite des sacramentaux, notamment de la lecture de l’Ecriture
Sainte. Celle-ci n’est lumière pour la foi qu’en tant qu’elle est lue par
l’Eglise catholique[33].
3.4. La thèse selon laquelle l’Esprit Saint se servirait des communautés séparées comme d’autant de moyens de salut est présentée comme conséquence des prémisses ci-dessus analysées[34]. Sous prétexte que des moyens de salut sont présents dans les communautés séparées[35], on suppose que ces moyens de salut appartiennent à ces communautés séparées – comme si cette possession était juste et non illégitime[36] – et plus encore que ces communautés séparées deviennent par le fait même moyens de salut. On demeure atterré par la pauvreté logique du raisonnement ainsi utilisé. Dire qu’une pièce d’or est tombée dans la boue permet-il de dire que cette pièce d’or appartient à la boue ? Ou, plus encore, que de ce fait la boue est devenue or ? Tel est pourtant le raisonnement conciliaire. Avec le Magistère antérieur au Concile, il importe donc de rappeler que ces communions séparées sont comme le sarment coupé du cep, et ne peuvent produire [par elles-mêmes] des fruits de salut[37]. Il n’y a en effet qu’un moyen de salut, à savoir l’Eglise catholique, même si celle-ci, de par l’immense bonté de Dieu, répand ses effets au delà de ses limites en certaines conditions ; c’est elle qui administre les sacrements même à travers des ministres indignes et ayant quitté son sein. C’est encore elle qui, à certaines conditions, répand ses bienfaits quand bien même ces sacrements ne seraient que désirés : Le Sauveur n’a pas seulement ordonné que tous les peuples entrent dans l’Eglise, il a décidé aussi que l’Eglise serait le moyen de salut, sans lequel nul ne peut entrer dans le royaume de la gloire céleste. Dans son infinie miséricorde, Dieu a voulu que, puisqu’il s’agissait des moyens de salut ordonnés à la fin ultime de l’homme non par nécessité intrinsèque mais seulement par institution divine, leurs effets salutaires puissent également être obtenus dans certaines circonstances, lorsque ces moyens sont seulement objets de “désir” ou de “souhait”[38].
3.4. La thèse selon laquelle l’Esprit Saint se servirait des communautés séparées comme d’autant de moyens de salut est présentée comme conséquence des prémisses ci-dessus analysées[34]. Sous prétexte que des moyens de salut sont présents dans les communautés séparées[35], on suppose que ces moyens de salut appartiennent à ces communautés séparées – comme si cette possession était juste et non illégitime[36] – et plus encore que ces communautés séparées deviennent par le fait même moyens de salut. On demeure atterré par la pauvreté logique du raisonnement ainsi utilisé. Dire qu’une pièce d’or est tombée dans la boue permet-il de dire que cette pièce d’or appartient à la boue ? Ou, plus encore, que de ce fait la boue est devenue or ? Tel est pourtant le raisonnement conciliaire. Avec le Magistère antérieur au Concile, il importe donc de rappeler que ces communions séparées sont comme le sarment coupé du cep, et ne peuvent produire [par elles-mêmes] des fruits de salut[37]. Il n’y a en effet qu’un moyen de salut, à savoir l’Eglise catholique, même si celle-ci, de par l’immense bonté de Dieu, répand ses effets au delà de ses limites en certaines conditions ; c’est elle qui administre les sacrements même à travers des ministres indignes et ayant quitté son sein. C’est encore elle qui, à certaines conditions, répand ses bienfaits quand bien même ces sacrements ne seraient que désirés : Le Sauveur n’a pas seulement ordonné que tous les peuples entrent dans l’Eglise, il a décidé aussi que l’Eglise serait le moyen de salut, sans lequel nul ne peut entrer dans le royaume de la gloire céleste. Dans son infinie miséricorde, Dieu a voulu que, puisqu’il s’agissait des moyens de salut ordonnés à la fin ultime de l’homme non par nécessité intrinsèque mais seulement par institution divine, leurs effets salutaires puissent également être obtenus dans certaines circonstances, lorsque ces moyens sont seulement objets de “désir” ou de “souhait”[38].
3.5. Les
tenants du subsistit
in affirment enfin que
certaines communautés séparées sont à considérer comme de véritables
Eglises particulières. Il est alors dit d’elles que l’Eglise du Christ y
est présente et agissante[39], au même titre que dans un diocèse. Selon cette
thèse effet, seuls sont nécessaires à la constitution d’une Eglise
particulière la conservation de la succession apostolique (considérée
seulement matériellement) et donc de l’Eucharistie valide[40]. On demeure
abasourdi par l’omission totale de la nécessaire unité dans la profession de
foi. Quant à la reconnaissance de la primauté de Pierre, si elle est considérée
comme un élément constitutif interne[41], elle ne semble plus être un élément
essentiel : il en effet dit de ces communautés qu’elles ont une véritable
ecclésialité, quoique blessée. Prise en tant que telle, cette formule réduit
la papauté à une sorte d’accident entitatif de l’ecclésialité, ce qui
n’est pas admissible. Le regard catholique sur ces communautés séparées est
bien au contraire celui décrit, entre autres, par Pie IX : Quiconque
veut examiner avec soin et méditer la condition où se trouvent les diverses
sociétés religieuses divisées entre elles et séparées de l’Église
catholique qui, depuis Notre Seigneur Jésus-Christ et ses Apôtres, a toujours
exercé par ses pasteurs légitimes et exerce encore maintenant le pouvoir divin
qui lui a été donné par le même Notre Seigneur, celui-là devra se
convaincre facilement que ni aucune de ces sociétés, ni toutes ensemble ne
constituent en aucune façon et ne sont cette Église une et catholique que
Notre Seigneur a fondée et bâtie, et qu’il a voulu créer. Et l’on ne peut
dire non plus en aucune façon que ces sociétés soient ni un membre ni une
partie de cette même Église, puisqu’elles sont visiblement séparées de
l’unité catholique.[42]
Abbé
P. de LA ROCQUE
[1] -
Cf. Cal Ratzinger,
conférence lors du congrès du 25 au 27 février 2000 sur l’ecclésiologie
de la constitution conciliaire Lumen
gentium, DC n° 2223 du 02/04/2000, p. 310 : Dans
la différence entresubsistit et est se
cache tout le problème œcuménique.
[2] –
Une telle affirmation n’a pas pour but, dans la bouche de ceux qui la profèrent,
de poser le principe d’une pluralité ecclésiale, bien au contraire : Le
fait que l’Eglise du Christ subsiste dans l’Eglise catholique, comme
cela est affirmé par la constitution Lumen
gentium au n° 8, équivaut
à la continuation historique incessante et à la permanence dans l’Eglise
catholique de tous les éléments institués par le Christ, Eglise
catholique dans laquelle se trouve ici-bas l’Eglise du Christ de manière
concrète (Réponse
de la Sacrée congrégation pour la doctrine de la foi du
11 juillet 2007 dans DC n° 2385 du 05/08/2007, p. 717). Il n’en reste pas
moins qu’une telle explication continue de poser une distinction réelle
entre « Eglise du Christ » et « Eglise catholique »,
celle même existant entre l’être et le mode d’être. Selon la doctrine
conciliaire (cf. les deux arguments suivants), l’Eglise du Christ a un
mode d’être complet et concret dans l’Eglise catholique, un mode d’être
incomplet dans les autres confessions chrétiennes.
[3] –
Il est connu que cette formule de LG 8 a été choisie aux dépends d’une
formule plus classique un moment prévue : […]
éléments qui, appartenant proprement par don de Dieu à l’Eglise
catholique.
[4] –
Certains objectent que le Concile ne distingue pas réellement l’Eglise du
Christ de l’Eglise catholique, vu qu’il affirme que la
société douée d’organes hiérarchiques [Eglise
catholique] et
le Corps mystique du Christ [Eglise
du Christ],
l’assemblée visible [Eglise
catholique] et
la communauté spirituelle [Eglise
du Christ],
l’Eglise de la terre [Eglise
catholique] et
l’Eglise si riche en biens célestes[Eglise du Christ],
ne doivent pas être considérés comme deux réalités, mais forment une
seule réalité complexe (LG
8§1). A cette objection, nous répondrons qu’affirmer l’union de deux
choses distinctes – l’Eglise du Christ et l’Eglise catholique – pour
former une seule réalité complexe n’est pas affirmer l’identité de
ces deux choses. Cette unité est au contraire refusée, puisque le Concile
dit que la réalité engendrée de cette union est complexe.
D’un point de vue logique, cela pousserait plutôt à affirmer trois réalités
réellement distinctes : les deux réalités composantes, et la réalité
composée résultant de leur union ; tout comme le corps et l’âme se
distinguent réellement, et leur composé – l’homme vivant – formant
une troisième réalité. Si le Concile n’affirme nullement cela, il
n’en reste pas moins que l’analogie que LG 8 pose avec l’union
hypostatique dans le Verbe Incarné signifie bien que, si le Concile refuse
la séparation totale de l’Eglise du Christ et de l’Eglise catholique,
il en admet la distinction réelle (à l’instar des deux natures réellement
distinctes dans le Christ).
[5] –
Pie XII, encyclique Mystici
Corporis, Enseignements pontificaux de Solesmes, L’Eglise, tome 2, n°
1064.
[6] –
Calvin, Inst., l. 4, c. 4.
[7] –
Jean-Paul II, encyclique Ut
unum sint, n° 42.
[8] –
Concile Vatican II, décret Unitatis
redintegratio, n°3.
[9] –
Cf. Jean-Paul II, Allocution lors de sa visite au siège du COE, DC 1984, n°1878,
p. 705 : « Tous baptisés d’un vrai baptême, nous
sommes tous enveloppés dans le même et indivisible amour du Père, vivifiés
par le même et indivisible Esprit de Dieu, incorporés au Fils unique.
Si, entre nous, nous sommes divisés, nous sommes cependant saisis
par une même étreinte, par ce que saint Irénée appelait : “les
deux mains
du Père” (le Fils et l’Esprit). Voilà ce qui nous pousse à
renouer entre nous la communion. Il s’agit d’accepter
d’être ce que nous sommes pour Dieu, en vertu d’ “un seul baptême”
à cause du “seul Dieu et Père de tous qui règne pour tous, à travers
tous et en tous” (Ép 4, 6). Si nous sommes encore divisés, nous
sommes néanmoins tous dans le mystère de la Pentecôte renversant
Babel. ». Cf. encore Jean-Paul II, Audience générale du 20 janvier,
DC 1982, n°1824, p. 197 : « “Vous êtes concitoyens des saints et
membres de la famille de Dieu” (cf. Ép 2, 19), écrivait saint Paul aux
chrétiens d’Éphèse. C’est pourquoi l’unité des chrétiens est
comme l’unité d’une grande famille. » Le Pape utilise très
souvent cette image de la famille pour décrire le lien surnaturel unissant
tous les baptisés. Cf. par exemple Jean-Paul II, Voyage en Suisse,
rencontre avec la Fédération des Eglises protestantes, DC 1984, n°1878,
p. 725-726 : « Nous venons de prier ensemble. C’était pour moi
une grande grâce que j’ai partagée avec vous. Lorsque nous disons
ensemble le Notre
Père, nous sommes réunis
au nom du Seigneur, car c’est l’Esprit de Dieu qui nous permet de dire
“Père”, il met en nous les sentiments du Fils (cf. Ph 2, 5), et c’est
donc l’Esprit de Dieu aussi qui nous permet de dire “frères” et “sœurs” » ;
Jean-Paul II, Audience générale du 23 janvier, DC 1985, n°1890, p.
231-232 : « Redécouvrir dans les autres, jusqu’à il y a peu
de temps inconnus ou considérés comme des adversaires, le visage du frère,
est un don inestimable du Seigneur, qui a appelé tous les chrétiens dans
la communauté de foi et d’amour qui est l’Église de Dieu. » ;
Jean-Paul II, Message au Patriarche Bartholomeos 1erpour
la fête de saint André, DC 2004, n°2305, p. 11-12 : « Evoquant
le chemin parcouru, je me souviens avec émotion des occasions de nos
rencontres, en particulier votre visite à Rome en 1995 […] Dieu est bon
pour nous ; en effet, durant toutes ces années, nos liens ont manifesté
l’esprit de famille qui nous unit et qui, malgré les difficultés, nous
fait progresser vers le but qui nous est fixé par le Christ et que nos prédécesseurs
se sont attachés à tracer avec vigueur. » ; Jean-Paul II, Homélie
de la messe célébrée au Palais des Sports du Caire, DC 2000, n°2222, p.
263 : « Je salue aussi avec déférence les Autorités et toutes
les personnes qui ont souhaité se joindre à cette célébration. Nous
avons l’Église copte orthodoxe, son vénéré Patriarche le Pape Chenouda
III, notre frère, et tous les évêques et fidèles de cette Église.
J’adresse mes souhaits les meilleurs à Sa Sainteté le Pape Petrus VII,
Patriarche grec orthodoxe d’Égypte et à tous les fidèles de son Église.
Votre présence ici autour du Successeur de Pierre est un signe de l’unité
de l’Église, dont le Christ est la tête. Que la fraternité entre tous
les disciples du Seigneur, si bien manifestée ici, soit un encouragement à
poursuivre vos efforts pour constituer des communautés unies dans
l’amour, ferments de concorde et de réconciliation » ;
Jean-Paul II, Discours à S.B. Christódoulos, archevêque orthodoxe
d’Athènes et de toute la Grèce, DC 2001, n°2248, p. 459-460 :
« Nous sommes tous membres
de la famille de Dieu, appelés à servir l’unique Seigneur et à
proclamer son Évangile au monde. »
[10] –
Pie XII, encyclique Mystici
Corporis, Enseignements Pontificaux de Solesmes, L’Eglise, vol. 2, n° 1015.
[11] Cf.
Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Réponses
à des questions concernant certains aspects de la doctrine sur l’Eglise du
29/06/2007, DC 2007 n° 2385, p. 717, réponse à la deuxième question. Cf.
K.J. Becker, Subistit
in, ORLF n° 49 du 06/12/2005.
[12] –
Congrégation pour la doctrine de la foi, notification A
propos du livre Eglise :
charisme et pouvoirdu
P. Leonardo Boff du
20/03/1985 (DC 1985, p. 485).
[13] –
Benoît XVI, discours à la Curie du 22/12/2005.
[14] –
J. Ratzinger, La
pluralité des confessions ne relativise pas l’exigence de la vérité,
2ème partie,
ORLF n° 43 du 24/10/2000, p. 10.
[15] –
Cf. par exemple J. Ratzinger, L’Ecclésiologie
de la Constitution conciliaire Lumen
Gentium, DC 2000, n° 2233, p. 303 sq. : Subsistere
est un cas spécial de esse. C’est l’être dans la forme d’un sujet
qui est par lui-même. C’est bien de cela dont il s’agit ici.
[16] –
Cf. par exemple F. Ocariz, Eglise
du Christ, Eglise catholique et Eglise qui n’est pas en pleine communion
avec l’Eglise catholique, ORF n° 50 du 13/12/2005, p. 9 ; Guido
Pozzo, Aspects
de l’ecclésiologie catholique dans la réception de Vatican II,
Wigratzbad le 02/07/2010.
[17] –
Saint Augustin, Sup Ps. 10, 3 ; II sup Ps. 29, n° 5, 22 ; II sup
Ps. 30 n° 4 ; Sermo n°341, cap. 9, n°11 et 12 ; Sermo 344 n° 3 ;
De doctrina christiana, lib. 3, ch. 31, n° 44 ; Saint Grégoire le
Grand, In Job I praef. 6,14 ; Lib. 4, 11,18 ; lib. 19, 14,22 ;
lib. 35, 14 ,24. Saint Thomas d’Aquin, sup. Sent. III, dist. 18, a 6,
qla 1, ad 2um ; De veritate, q. 29, a. 7, sed c. 3 et ad 11um ;
sup. ep. S. Pauli lect ?, in Col, I, lec. 6 ; in Ps XXI, 1 ;
in Ps XXX, 1 ; Sum. Théol III, q. 15 a. 1 ad 1um ; q. 19 a. 4 ;
q. 48, a. 2 ad 1um ; q. 49, a. 1 ; Cajetan, Apologie
du Traité où l’on compare l’autorité du pape à celle du concile,
ch. 9, n° 586 et 587 ; etc.
[18] –
Pie XII, encyclique Mystici
Corporis, EPS La liturgie, tome 2, n° 1068.
[19] –
Cf. Benoît XVI, discours à la Curie du 22/12/2005.
[20] –
Cf. J. Ratzinger, Les
Principes de la théologie catholique. Esquisse et matériaux, Téqui,
1982, p. 426-427.
[21] –
Cf. Paul VI, discours lors de l’ouverture de la 2ème session
du Concile § 19 à 22, DC 1963 n° 1410, col. 1351-52 (on sait que le pape
a considéré ce discours comme sa « première encyclique » : L’heure
est venue, disait le pape, où la vérité concernant l’Eglise du Christ doit
de plus en plus être explorée, ordonnée et exprimée, non pas peut-être en
ces formules solennelles que l’on nomme définitions dogmatiques, mais en des
déclarations par lesquelles l’Eglise se dit à elle-même […]
ce qu’elle pense d’elle-même. Il importe à ce sujet de relire la première
partie de l’encyclique Ecclesiam
suam, écrite en plein concile, et précisément consacrée à la « conscience
de l’Eglise ».
[22] –
Jean-Paul II, encyclique Redemptor
hominis, n°11.
[23] –
Jean-Paul II, encyclique Slavorum
apostoli, n°16.
[24] –
Saint Pie X, encyclique Pascendi
dominici gregis, EPS L’Eglise, tome 1, n°705.
[25] –
L’Eglise, ne peut juger au for externe des réalités intérieures à la
conscience de chacun, mais seulement de ce qui apparaît, ainsi que le rappelle
Léon XIII : De
l’état d’esprit et de l’intention, parce que ce sont choses intérieures,
l’Eglise ne juge pas ; mais en tant qu’ils paraissent au dehors, elle
doit en juger (Léon XIII,
Lettre apostolique Apostolicæ
curæ du 13/09/1896 sur la
nullité des ordinations anglicanes, ASS 29
(1896-1897), p.201. DzH 3318). Dès lors, même si, dans
sa pastorale, comme une bonne mère, elle incline à espérer leur
appartenance “de désir au moins inconscient” lorsqu’elle les approche
quand ils se trouvent dans le péril de mort (Dom. M. Prümmer, o.p., Manuale
theologiæ moralis, T. 1, n° 514, 3), cependant, juridiquement,
l’Eglise ne le présume pas en temps normal. C’est pourquoi elle a toujours
exigé, ad
cautelam, leur abjuration du schisme ou de l’hérésie lorsqu’ils
reviennent à l’Eglise catholique (Cf. CIC 1917, can. 2314, § 2). A plus
forte raison ne présume-t-elle pas la bonne foi des dissidents considérés en
corps constitué, en communauté visiblement séparée de l’Eglise catholique.
[26] –
Pie IX, allocution Singulari
Quadam du 09/12/1854, Dz
1647 (ancienne numérotation ; absent du DzH).
[27] –
Pie XII, encyclique Mystici
corporis, EPS L’Eglise vol. 2, n°1104 ; Lettre de la Cong. du St
Office à l’archevêque de Boston du 08/08/1949, EPS l’Eglise vol. 2, n°1258-1261.
[28] –
St Augustin, Tract.
in Jo Ev tract.
6, n°19-24 ; tract 7, n°3 ; Enarr. in Ps.
127, 13 ; ContraFaustum,
12, 20 ; etc.
[29] –
Cf. Pie XII, encyclique Ad
apostolorum principis du 29/12/1958 : Les
actes relatifs au pouvoir d’ordre, posés par ces ecclésiastiques, même
s’ils sont valides – à supposer que la consécration qu’ils ont reçues
ait été valide – sont gravement illicites, c’est-à-dire peccamineux et
sacrilèges. On se rappelle à ce propos les paroles de sévère avertissement
du divin Maître : « Qui n’entre pas dans le bercail par la porte,
mais y entre par ailleurs, est un voleur et un brigand » (Jn, 10,1).
[30] –
Cf. Léon XIII, lettre Eximia
nos laetitia du 19/07/1893
à l’évêque de Poitiers : A
cela revient aussi qu’ils ne se peuvent rien promettre des grâces et des
fruits du perpétuel sacrifice et des sacrements qui, tout en étant administrés
avec sacrilège, étaient cependant valides et servaient en quelque manière à
cette forme et apparence de la piété, que désigne saint Paul et dont parle
plus longuement saint Augustin. « La forme de la branche, dit très
justement ce dernier, peut être visible, même en dehors de la vigne, mais la
vie invisible de la racine ne peut être conservée que dans l’union avec le
cep. C’est pourquoi les sacrements corporels, que d’aucuns conservent et prônent
en dehors de l’unité du Christ, peuvent garder l’apparence de la piété.
Mais la vertu invisible et spirituelle de la vraie piété ne peut y résider,
pas plus que la sensibilité ne demeure dans un membre amputé ».
[31] –
Pie XII, encyclique Ad
sinarum gentem, du 07/071954.
[32] –
Benoît XIV, bref Singulari
nobis du 09/02/1749, DzH n° 2566
à 2568 ; Cf. Léon XIII, lettre Eximia
nos laetitia du 19 juillet
1893 à l’évêque de Poitiers : Ils
n’ont plus les sacrements, sauf le baptême […]baptême
fructueux pour ceux-ci, pourvu qu’à l’âge de discrétion ils n’adhèrent
point au schisme, mais mortel pour ceux qui l’administrent, car, en le conférant,
ils font volontairement acte de schisme.
[33] –
Léon XIII, encyclique Satis
cognitum, EPS L’Eglise vol. 1, n°559-560 et 569-570. Les témoignages des
pères sont récurrents en ce domaine. Outre ceux cités par Léon XIII en son
encyclique, on peut encore mentionner deux lieux parmi les plus classiques :
Saint Irénée, Adv.
Haer.lib. 4, cap. 26 ; saint Vincent de Lérins, Commonitorium,
cap. 2.
[34] –
Cf. Concile Vatican II, décret Unitatis
Redintegratio n°3 : Parmi
les éléments ou les biens par l’ensemble desquels l’Église se construit
et est vivifiée, plusieurs et même beaucoup, et de grande valeur, peuvent
exister en dehors des limites visibles de l’Église catholique : la
parole de Dieu écrite, la vie de la grâce, la foi, l’espérance et la charité,
d’autres dons intérieurs du Saint-Esprit et d’autres éléments visibles.
Tout cela, provenant du Christ et conduisant à lui, appartient de droit à
l’unique Église du Christ. De même, beaucoup de gestes sacrés de la
religion chrétienne s’accomplissent chez nos frères séparés, et, de manières
différentes, selon la situation diverse de chaque Église ou Communauté, ils
peuvent certainement produire effectivement la vie de la grâce, et l’on doit
reconnaître qu’ils ouvrent l’entrée de la communion du salut. En
conséquence,
ces Églises et Communautés séparées, bien que nous les croyions victimes de
déficiences, ne sont nullement dépourvues de signification et de valeur dans
le mystère du salut. L’Esprit du Christ, en effet, ne refuse pas de se servir
d’elles comme de moyens de salut.
[35] –
Il a été dit plus haut qu’ils n’y étaient présents que matériellement.
[36] –
Cf. Saint Augustin, Adv.
Cresconius, lib. 2, X, 12 ; De
baptismo, lib. 1, XII,19 ; XIX,29 ; Lettre
aux catholiques au sujet de la secte des donatistes, 24,68.
[37] –
Pie XII, encyclique Ad
sinarum gentem, du 07/071954.
[38] –
Lettre du Saint Office à l’archevêque de Boston du 08/08/1949, DzH 3868 –
3869.
[39] –
Congrégation pour le Doctrine de la Foi, 06/08/2000, déclaration Dominus
Iesus n° 17.
[40] –
Congrégation pour la Doctrine de la Foi, lettre Communionis notio du 28/05/1992
sur certains aspects de l’Eglise prise comme communion, n° 17, DC 1992 n°2055
p. 729 sq. ; Note du 30/06/2000 sur l’expression “Églises sœurs”, n°11-12.
DC 2000 n°2233, p. 823. Cf. J. Ratzinger, La pluralité des confessions ne
relativise pas l’exigence de la vérité, ORLF n°42 du 17/10/2000. On aura
une idée de cette théologie réductrice à l’excès de l’Eglise en
relisant des passages de la conférence donnée par le Card. Ratzinger le
15/09/2001 à l’occasion de l’ouverture du Congrès pastoral du diocèse
d’Aversa sur l’Ecclésiologie de Vatican II. Après avoir décrit l’Eglise
comme intériorité, il en vient à ce qu’il appelle l’ecclésiologie
eucharistique : Mais qu’entend-on par ecclésiologie eucharistique ?
Je chercherai très brièvement à évoquer quelques points fondamentaux. Le
premier est que la Dernière Cène de Jésus est définissable comme le véritable
acte fondateur de l’Eglise […] Cette formule, en effet, signifie que
l’Eucharistie relie tous les hommes, non seulement entre eux, mais aussi avec
le Christ, et de cette manière les fait devenir « Eglise ». Dans le
même temps cela donne déjà la constitution fondamentale de l’Eglise :
l’Eglise vit en communautés eucharistiques. Sa Messe est sa constitution,
parce qu’elle est elle-même, dans son essence, Messe, service de Dieu et donc
service des hommes, service de la transformation du monde. La messe est sa
forme. En effet, parler de la Dernière Cène comme le véritable acte fondateur
de l’Eglise est réducteur ; ceci dit il est tout de même question de
Pierre dans Communionis notio, n°12-13. Cf. : « Le Souverain Pontife
en tant que successeur de Pierre est principe et fondement perpétuel et visible
de l’unité de l’épiscopat comme de l’unité de l’Eglise tout entière.
Cette unité de l’épiscopat se perpétue au long des siècles grâce à la
succession apostolique, et elle est aussi fondement de l’identité de l’Eglise
de tout temps avec l’Eglise
édifiée par le Christ sur Pierre et sur les autres Apôtres »…
[41] –
Congrégation pour la Doctrine de la Foi, lettre Communionis
notio du 28/05/1992 sur
certains aspects de l’Eglise prise comme communion, n° 17, DC 1992 n°2055 p.
729 sq.
[42] –
Pie IX, lettre Jam
vos omnes du 13/09/1868, EPS,
L’Eglise vol.1, n° 315.