Faut-il opposer le pape et la messe ? Penser que si nous gardons
la messe traditionnelle, nous devons nécessairement nous éloigner du vicaire du
Christ ? Ou, a contrario, parce que nous voudrions obéir au pape, il
faudrait délaisser la messe traditionnelle et le catéchisme traditionnel ?
Face aux mauvaises sirènes provenant de l’aile progressiste ou de l’aile
sédévacantiste, Mgr Lefebvre répond résolument : nous gardons notre double
attachement. Nous ne sacrifierons ni le Saint Sacrifice de la messe, ni l’attachement
à la personne du pape, quand bien même ce dernier se distancerait de
l’enseignement de ses prédécesseurs :
« Vous le savez, il y a des tendances, même chez les traditionalistes ; malheureusement, il y en a qui disent : « il n’y a pas de pape, ce n’est pas possible, un pape qui est œcuménique ce n’est plus un pape. » Pour moi, je ne suis pas d’accord avec cette position-là, j’estime que le pape fait erreur ; ce sont ses prédécesseurs qui le disent, c’est le pape Pie IX, c’est le pape Pie X, ce n’est pas moi, je ne fais que comparer les textes et les doctrines, c’est tout, je ne juge pas le pape, c’est la tradition qui juge. […]
« Quelques prêtres nous ont quitté en disant : nous ne sommes pas avec vous, pour nous, il n’y a plus de pape. » Dans ces cas-là on en arrive au schisme, n’ayant plus aucune autorité, parce que l’autorité n’est pas bonne. C’est le cas du père de famille qui se conduit mal, s’il demande des choses qui ne sont pas convenables à ses enfants, ce n’est pas pour cela qu’il n’est plus le père de famille, qu’il n’existe plus. C’est la même chose dans notre cas, ce n’est pas parce que le pape favorise l’hérésie involontairement – probablement – je n’ai pas à le juger, mais les faits sont là – qu’il n’est plus pape.
« Depuis le dernier pape, la situation de l’Église est catastrophique, tout le monde le voit, le sait, les papes eux-mêmes s’en rendent compte. Paul VI disait déjà : nous pensions que le Concile allait être l’occasion d’un plus grand développement de l’Église. Nous sommes obligés de constater que la fumée du diable, de Satan est dans l’Église, qu’au contraire cela va être un désastre.
« C’est pourquoi quelques-uns nous ont quitté et d’autres, on les comprend un peu, sont fatigués de ce combat. Être toujours loin des autorités ecclésiastiques, mal vus de partout, chassés par les évêques, il n’est plus possible de continuer de la sorte. Ils ont rejoint les progressistes, disent la nouvelle messe, ont enlevé la soutane. Pour ma part, je dis non. Nous, nous tenons le pape et nous tenons la messe, les deux.
« Certains me disent : « Mais non, lâchez le pape, il n’est plus pape. » Je réponds : « Si, je tiens le pape ». Les autres me disent : « Mais lâchez la messe puisque le pape le veut » « – Non, je ne lâche pas la messe non plus ». Pourquoi ? Parce que je suis sûr que, fondamentalement, le pape et la messe vont ensemble. »
Mgr Marcel Lefebvre, Conférence, Nantes, 5 février 1983