SOURCE - Lettre à Nos Frères Prêtres - Lettre trimestrielle de liaison de la Fraternité Saint-Pie X avec le clergé de France - n°68 - décembre 2015
Ce dossier sur l’immigration n’a nullement l’intention de provoquer une polémique. Au contraire,
il souhaite contribuer à dépassionner le débat. Toutefois, si la prudence doit nous servir de
règle, elle ne doit pas finir par étouffer toute réflexion sur l’un des principaux sujets qui agitent
notre monde : l’immigration et ses conséquences. Que le débat soit calme et respectueux, il faut y
travailler. Mais que le débat soit purement omis serait nocif pour tous.
Par ailleurs, il ne s’agit pas d’entrer sur le terrain de la politique pratique : celle-ci est du ressort des hommes politiques et, en démocratie, des citoyens qui votent. L’objet de cette réflexion se situe en amont, au niveau des principes, afin d’éclairer un peu un débat souvent biaisé. L’immigration existe, il faut en tenir compte, mais avec un regard authentiquement chrétien. Les papes et les théologiens parlent-ils du thème de l’immigration ? Assez curieusement, le discours est plutôt pauvre sur ce sujet. Pourtant, le XIXe siècle et le début du XXe ont connu des émigrations massives. A l’époque, des œuvres d’assistance assez efficaces ont été fondées, mais on trouve peu d’interventions pontificales à ce propos. Pie XII s’est intéressé un peu plus à cette question, mais cela ne fait toujours pas grand-chose, et il s’agit surtout d’exhortations morales. Depuis le Concile, c’est un sujet volontiers évoqué, notamment à l’occasion de la « Journée annuelle des migrants », mais on reste là aussi essentiellement dans des considérations « moralisantes ». En ce qui concerne les théologiens, ils n’ont dans leur majorité pas évoqué les migrations des temps modernes. Il faut donc chercher sous d’autres chapitres, concernant par exemple la propriété, le bien commun, le droit des personnes, les devoirs envers la patrie, etc.
On peut arriver dans un pays parce qu’on a été chassé violemment et en groupe du pays dont on était citoyen. C’est le cas des « personnes déplacées ». On peut arriver dans un pays, envoyé par son entreprise dans le cadre professionnel. C’est ce qu’on appelle les « expatriés » : ils se rapprochent plus des touristes que des immigrants. Enfin, il y a les personnes qui, par choix, entrent dans un pays pour y trouver une vie meilleure, et notamment un travail : ce sont d’eux qu’il s’agira ici.
Parmi eux, il existe des immigrants que le pays d’accueil est allé chercher pour accomplir certains travaux. Il existe d’autre part des immigrants (la plus grande masse, aujourd’hui) qui entrent spontanément dans le pays. Sous un autre rapport, il existe des personnes qui immigrent pour une durée limitée avec l’intention de retourner au pays, et des personnes qui immigrent sans esprit de retour. Enfin, troisième distinction, il existe des personnes qui immigrent dans le respect des lois, et d’autres qui pénètrent hors de tout droit dans le pays d’accueil : « clandestins » ou « sans papiers ».
Mais toute immigration est précédée d’une émigration : un immigrant est une personne qui a quitté son propre pays, sa nation, sa famille, sa culture, souvent sa langue. Pour une petite part, il s’agit d’hommes qui ont le goût de l’aventure. Mais, en majorité, il s’agit de gens contraints de quitter leur chez-soi. C’est en ce sens que, le 23 juillet 1957, Pie XII a parlé de la « situation anormale » des émigrants. Cet éloignement forcé possède comme sources principales le manque de ressources naturelles, les catastrophes climatiques ou autres, la guerre et la corruption des gouvernants, l’absence de travail. De ce fait, il y a ordinairement chez l’immigrant ce que les théologiens appellent un « état de nécessité ».
Par ailleurs, il ne s’agit pas d’entrer sur le terrain de la politique pratique : celle-ci est du ressort des hommes politiques et, en démocratie, des citoyens qui votent. L’objet de cette réflexion se situe en amont, au niveau des principes, afin d’éclairer un peu un débat souvent biaisé. L’immigration existe, il faut en tenir compte, mais avec un regard authentiquement chrétien. Les papes et les théologiens parlent-ils du thème de l’immigration ? Assez curieusement, le discours est plutôt pauvre sur ce sujet. Pourtant, le XIXe siècle et le début du XXe ont connu des émigrations massives. A l’époque, des œuvres d’assistance assez efficaces ont été fondées, mais on trouve peu d’interventions pontificales à ce propos. Pie XII s’est intéressé un peu plus à cette question, mais cela ne fait toujours pas grand-chose, et il s’agit surtout d’exhortations morales. Depuis le Concile, c’est un sujet volontiers évoqué, notamment à l’occasion de la « Journée annuelle des migrants », mais on reste là aussi essentiellement dans des considérations « moralisantes ». En ce qui concerne les théologiens, ils n’ont dans leur majorité pas évoqué les migrations des temps modernes. Il faut donc chercher sous d’autres chapitres, concernant par exemple la propriété, le bien commun, le droit des personnes, les devoirs envers la patrie, etc.
Définir et distinguer l’immigrationCommençons par définir le mot « immigrant ». Selon le dictionnaire, immigrer consiste à entrer dans un pays étranger pour s’y établir. Il y a donc la notion de changer de pays. Et il y a la notion d’installation : un touriste, un visiteur n’est pas un immigrant. Cela étant posé, il convient de faire quelques distinctions. C’est souvent faute de ce travail préalable que le débat s’enlise ou se durcit.
On peut arriver dans un pays parce qu’on a été chassé violemment et en groupe du pays dont on était citoyen. C’est le cas des « personnes déplacées ». On peut arriver dans un pays, envoyé par son entreprise dans le cadre professionnel. C’est ce qu’on appelle les « expatriés » : ils se rapprochent plus des touristes que des immigrants. Enfin, il y a les personnes qui, par choix, entrent dans un pays pour y trouver une vie meilleure, et notamment un travail : ce sont d’eux qu’il s’agira ici.
Parmi eux, il existe des immigrants que le pays d’accueil est allé chercher pour accomplir certains travaux. Il existe d’autre part des immigrants (la plus grande masse, aujourd’hui) qui entrent spontanément dans le pays. Sous un autre rapport, il existe des personnes qui immigrent pour une durée limitée avec l’intention de retourner au pays, et des personnes qui immigrent sans esprit de retour. Enfin, troisième distinction, il existe des personnes qui immigrent dans le respect des lois, et d’autres qui pénètrent hors de tout droit dans le pays d’accueil : « clandestins » ou « sans papiers ».
Destination collective et individuelle des biens de la terrePour synthétiser les principes qui règlent la question de l’immigration, une bonne source d’inspiration se trouve dans la doctrine sur le droit de propriété. Les théologiens enseignent unanimement que la Terre et ce qu’elle renferme a été donnée par le Créateur à l’humanité en général, afin d’y habiter et d’en tirer sa subsistance. Cette destination universelle et primitive de la Terre perdure même sous les diverses appropriations. Cependant, de solides raisons (ardeur au travail, bon entretien des choses, ordre, paix, etc.) ont poussé l’humanité à pratiquer la propriété privée, et non exclusivement la propriété collective (qui existe en un certain nombre de domaines : l’air que nous respirons, la science ou la littérature, la lumière du soleil, etc.). Le bien approprié devient « privé » : il appartient à un tel, et non pas aux autres. Cette appropriation peut être le fait d’un individu, d’une famille, d’une société quelconque (par exemple une entreprise), mais aussi d’une cité ou nation qui s’attribue une portion déterminée de la Terre (un pays). Une nation, étant propriétaire du pays qu’elle occupe, peut donc accepter de le partager ou non avec tel ou tel. C’est le principe de la propriété privée : je reçois chez moi qui je veux.
Mais toute immigration est précédée d’une émigration : un immigrant est une personne qui a quitté son propre pays, sa nation, sa famille, sa culture, souvent sa langue. Pour une petite part, il s’agit d’hommes qui ont le goût de l’aventure. Mais, en majorité, il s’agit de gens contraints de quitter leur chez-soi. C’est en ce sens que, le 23 juillet 1957, Pie XII a parlé de la « situation anormale » des émigrants. Cet éloignement forcé possède comme sources principales le manque de ressources naturelles, les catastrophes climatiques ou autres, la guerre et la corruption des gouvernants, l’absence de travail. De ce fait, il y a ordinairement chez l’immigrant ce que les théologiens appellent un « état de nécessité ».