SOURCE - Lettre à Nos Frères Prêtres - Lettre trimestrielle de liaison de la Fraternité Saint-Pie X avec le clergé de France - n°68 - décembre 2015
Causes de l’émigration/immigration
La cause principale de l’émigration, nous l’avons dit,
est la pauvreté, la misère. Quelles sont, maintenant, les causes de
l’immigration, c’est-à-dire le choix de venir dans tel pays plutôt que dans tel
autre ? Il en existe deux évidentes, et deux plus cachées.
Pour une part,
l’immigration est voulue par le pays d’accueil, en raison de travaux (pénibles,
peu payés, difficiles, etc.) que les citoyens ne font pas. Pour une autre part,
l’immigration est choisie par l’immigrant. La raison évidente qui s’offre à son
esprit est la paix, la prospérité du pays d’accueil. Les immigrants appliquent
à notre pays le dicton des Juifs d’Europe centrale : « Heureux comme Dieu en
France ».
La première raison cachée (pas cachée absolument, mais plus cachée)
est la dépression démographique. C’est, en effet, une réalité « biologique »,
dira-t-on : un pays dont la population stagne, régresse, vieillit, crée un
appel d’air pour les peuples plus jeunes, plus actifs, plus pauvres. On peut
retourner la chose de tous les côtés, on n’y échappera pas : un pays riche
comme le nôtre, s’il refuse les enfants, aura forcément les immigrés. La
deuxième raison vient en corollaire de la première : un pays qui n’a plus d’enfants est un pays qui n’a plus
confiance en lui-même, en sa culture, en son histoire, en ses valeurs. C’est
donc un pays volontiers cosmopolite, le cosmopolitisme n’étant pas un accueil
généreux et raisonnable d’autrui, mais plutôt le laisser-aller qui prélude à la
mort. Les immigrants sentent que, dans ce pays en dépression, ils pourront
conserver leurs coutumes tout en bénéficiant des richesses locales, car les
natifs n’ont plus le goût de vivre, et camouflent cet instinct de mort sous une
fausse notion d’accueil et de partage.
Face à l’immigration clandestine
Pour un
certain nombre de raisons, souvent justes, notre pays n’accueille pas tous ceux
qui veulent venir s’y installer. Mais, parmi ces refusés, certains vont décider
d’entrer tout de même : c’est ce qu’on appelle l’immigration clandestine. Le
pays ainsi « envahi » peut, très légitimement, expulser ceux qui sont ainsi
entrés contre tout droit. Mais renvoyer des immigrés clandestins ne constitue
pas à soi seul une politique de l’immigration : la seule véritable solution,
c’est de travailler à ce que ces immigrés n’aient pas envie de partir de chez
eux. L’action politique concernant l’immigration doit donc d’abord être
réalisée à la source.
Tant que la vie du citoyen dans son pays d’origine sera
de toute façon pire même qu’une vie d’immigré clandestin exploité par les
négriers du travail dissimulé, alors le flot continuera à se dé- verser :
personne ne va choisir de mourir de faim dans son pays, lorsqu’il sait pouvoir vivre,
même mal, dans un autre pays. Comme l’a dit un jour l’un des dirigeants du
parti qui, en France, lutte ouvertement contre l’immigration (et qui est honni
pour cela), « on ne peut élever des murs jusqu’au ciel ». C’est à la source que
doit agir le pays cible de l’immigration, pour couper l’envie de partir.
On
appelait cela autrefois la coopération, on parle maintenant de codéveloppement.
Il vaut mieux, en effet, investir pour aider un pays à trouver la prospérité et
à garder ses citoyens, plutôt que de dépenser des milliards pour empêcher des
gens malheureux d’entrer chez nous : ce qu’ils finiront toujours par faire, car
la misère donne énergie, patience et habileté.
Errances du codéveloppement
Toutefois, il faut le reconnaître, la politique du codéveloppement n’a
jusqu’ici donné que des ré- sultats mitigés. Il y a d’abord un problème chez
nous. Les mœurs politiques et médiatiques ont peu à peu imposé une politique à
très courte vue, gesticulatoire, plutôt qu’une action sur le long terme, la
seule vraiment efficace. Les uns vont médiatiser des « charters » pour montrer
qu’ils luttent contre les clandestins. Les autres vont procéder à une «
régularisation » pour manifester qu’ils traitent humainement le problème. On va
« abolir la dette » des pays pauvres, etc. Ce n’est pas une politique sérieuse,
pas plus que les antalgiques ne peuvent guérir le malade. Il faut sans doute
des expulsions, des régularisations, des abolitions de dette, mais seulement
comme des nuances sur une politique de long terme, la seule efficace.
Par
ailleurs, les pays d’émigration ne sont pas forcément très « coopératifs » pour
accélérer leur développement. La décolonisation, dans la période
d’après-guerre, a été assez mal réalisée. Les peuples européens sont souvent
partis de leurs anciennes colonies sans demander leur reste. Ceci étant, à même
niveau de richesse et d’instruction de départ, certains peuples se sont pris en
main et ont réussi à sortir de la misère ou à l’éviter, d’autres au contraire
se sont peu à peu enfoncés dans le sous-développement. La misère de ces pays
provient en général de la corruption générale, de l’incurie des dirigeants, des
luttes entre tribus, et finalement des guerres pour le pouvoir.
Il est donc
vrai que le codéveloppement n’est pas facile. Et le temps perdu en de vaines
palabres ces cinquante dernières années n’arrange rien. Mais en s’y mettant
vraiment, dans le long terme, avec une vision politique, il serait réellement
possible d’aider les populations à rester chez elles, parce qu’elles y seraient
plus heureuses que dans un pays étranger. Et après cela, il y aurait à traiter,
de façon sage et humaine, l’immigration résiduelle, mais qui ne représenterait
pas les inconvénients graves de l’immigration massive d’aujourd’hui.
L’immigration-invasion
Toutefois, même avec
le codéveloppement dont nous venons de parler, il pourrait arriver qu’une
population quitte un pays de misère et se précipite vers un autre pays. Nous
vivons aujourd’hui exactement cela, avec l’arrivée en Europe, chaque jour, de
milliers d’immigrants. C’est ce que l’ancien Président Valéry Giscard d’Estaing
a caractérisé comme « l’immigration invasion », lorsqu’il a déclaré le 21
septembre 1991 : « Le type de problème auquel nous aurons à faire face se déplace de celui de l’immigration vers celui de l’invasion. » En ce cas, le pays
cible se trouve luimême dans un cas d’extrême nécessité. Il ne peut,
évidemment, accueillir brusquement des millions d’étrangers. Il n’a pour eux ni
logement, ni nourriture, ni emploi. Selon le mot de Michel Rocard, alors
Premier ministre, le 7 janvier 1990, « la France ne saurait accueillir toute la
misère du monde ». Il existe alors pour le pays cible un réel droit de légitime
défense, même contre des personnes qui sont objectivement dans la misère et la
souffrance.
Il y a, en effet, un incontestable droit, pour un peuple, de se
protéger contre une immigration qui se transformerait en invasion. Les papes
l’ont dit : l’accueil doit être en soi généreux, car la Terre a été créée au
commencement pour l’humanité tout entière, et que les immigrants, en majorité,
frappent à la porte pour fuir la misère. De l’autre côté, le pays appartient à
la nation qui l’occupe comme sa propriété, et elle peut y recevoir qui elle
veut.
Il appartient à l’autorité publique de défendre le bien commun de la
nation elle-même, avant le bien des autres hommes ou du monde. Cette autorité
publique doit donc mettre en place une politique d’immigration humaine, juste,
généreuse, mais aussi prudente, raisonnable, sage. Or, il ne serait ni
raisonnable ni sage ni juste de laisser déferler des peuples entiers, par pur
laxisme, au grave détriment du pays d’origine, du pays d’accueil et de la
nation dont on n’est que le mandataire.
Un immigrant clandestin possède-t-il des droits ?
La question : « Un immigrant clandestin possède-t-il des droits ? » est
piégée dès le départ. Car le terme employé (« clandestin ») exclut en soi du
droit, puisqu’il désigne précisément une personne entrée dans le pays sans
droit ni titre ; mais le clandestin n’est pas que clandestin, il est par
exemple un être humain. Si donc je réponds qu’il n’a aucun droit, je suis
inhumain ; si je réponds qu’il possède certains droits en tant qu’être humain,
on risque de les appliquer à sa condition de clandestin. Il vaut donc mieux
inverser la question, et se demander quels sont nos devoirs envers un
clandestin. Pour respecter la loi, pour protéger l’immigration légale, pour
éviter de déstabiliser le pays cible, l’autorité publique a donc le devoir de
faire revenir ce clandestin dans son pays d’origine, mais ceci de façon juste
et humaine.
Si le clandestin est là depuis dix ou vingt ans, est-il toutefois
encore juste de l’expulser ? C’est tout le problème de ce que l’on appelle la «
prescription » juridique. Chacun connaît le dicton : « La justice suprême
devient l’injustice suprême. » Par exemple, il est bon de punir un malfaiteur.
Mais s’il n’a pas été attrapé, au bout d’un certain temps, le fait de le punir
(ce qui serait juste en soi) risque de créer en fait des injustices plus
grandes que le délit lui-même, atteignant en particulier des tiers. C’est
pourquoi la loi prévoit dans certains cas la prescription, c’est-à-dire la
cessation des poursuites : par exemple, en France, pour un meurtre, au bout de
trente ans sans arrestation, le meurtre est prescrit, le criminel ne sera donc
ni jugé ni condamné.
Il peut ainsi être sage d’établir une certaine
prescription pour les délits liés à l’immigration. La loi pourrait stipuler
qu’un immigrant ayant réussi à demeurer clandestinement en France durant vingt
ans, par exemple, pourrait être régularisé. Mais soyons bien clair : il ne
s’agit pas là d’un droit du clandestin, mais bien plutôt d’une règle posée en
faveur du bien commun. C’est pourquoi les règles de la prescription varient
légitimement d’un pays à l’autre. Par exemple, aux États-Unis, il n’y a jamais
aucune prescription pour le meurtre : ce pays considère ce délit comme trop
grave pour ne pas être puni, même après un long laps de temps.