Il faudra encore du temps mais la réconciliation avec les lefebvristes se fait plus proche, nous apprend l’entretien accordé à Vatican Insider par Mgr Guido Pozzo, secrétaire de la commission pontificale Ecclesia Dei, chargée du dialogue avec la Fraternité Saint-Pie-X (FSSPX). Ce dernier confirme que la commission travaille sur la « forme juridique » pour accueillir la FSSPX. La veille, le supérieur de la Fraternité, Mgr Bernard Fellay, dans un entretien avec la chaîne TV Libertés (voir au bas de cet article), avait lui-même souligné que « l’accord est en marche » et qu’aux yeux de la Fraternité, « il n’est pas nécessaire d’attendre que la situation au sein de l’Église soit totalement satisfaisante pour arriver à une solution canonique ».
Situation complexe
Invité dans le cadre de l’émission Terres de mission, Mgr Fellay expose dans cet entretien la spiritualité propre de la Fraternité Saint Pie X et fait un point sur les relations avec le Saint-Siège, suite aux dernières rencontres avec le Pape, et aux nouvelles propositions qui lui ont été faites. Après un rappel des dispositions prises par le Saint-Père à l’occasion du jubilé de la miséricorde – puis étendu « sans limites temporelles » dans la lettre Misericordia et misera – sur le sacrement de réconciliation et l’onction des malades – vu à ses yeux comme « le signe de la volonté du Saint-Père de favoriser le chemin vers une reconnaissance canonique complète et stable » – le supérieur général a évoqué la question des ordinations sacerdotales de la Fraternité qui, a-t-il affirmé, « ont lieu sous autorisation du Saint-Siège, sans que l’évêque local ait à donner son consentement».
Sur ce point, Mgr Guido Pozzo, a parlé de son côté, d’une situation « “un peu plus complexe” qui remonte à une décision prise par Benoît XVI et par la Congrégation pour la doctrine de la foi, il y a quelques années : le Saint-Siège, explique-t-il à Vatican Insider, permet et tolère les ordinations sacerdotales de la Fraternité Saint Pie X, les considérant néanmoins toujours valables mais pas licites, à condition que l’évêque local ait reçu communication au préalable des noms des futurs prêtres. Le pape François, lui, n’a légitimé que l’administration des sacrements et de l’onction des malades. Ainsi, pour que tous les autres actes sacramentaux soit non seulement “valides” mais “légitimes” il faut arriver à une solution canonique qui donne à la Fraternité sa forme », a précisé Mgr Pozzo.
Vers la seconde prélature de l’Histoire ?
Et la solution envisagée pourrait être celle de la « Prélature personnelle », un statut introduit dans le nouveau code de droit canon en 1983, jusqu’ici appliqué uniquement à l’Opus Dei. Cette possibilité pour la Fraternité Saint-Pie X a été proposée par la Congrégation pour la doctrine de la foi, en 2015, accompagnée d’une proposition de déclaration doctrinale, sur lesquels tous les supérieurs majeurs et quelques théologiens de la Fraternité, ainsi que les évêques ont été invités à se pencher pour donner leur avis. La majorité a reconnu « les effets bénéfiques » que celle-ci pourrait avoir et ont salué la proposition comme « une ouverture apostolique assez extraordinaire ». Mais la méfiance est toujours de mise – des deux côtés – et les échanges se sont poursuivis « sans précipitation ».
Après le « couac » de 2016
Début avril 2016, le pape François avait tendu la main aux lefebvristes, recevant pour la première fois officiellement Mgr Fellay. Une rencontre décrite comme « cordiale et constructive » et comme « un pas supplémentaire sur le chemin de la réconciliation » entre Rome et la Fraternité. Mais, trois mois plus tard, fin juin 2016, c’était à nouveau la confusion. La Fraternité faisait savoir – après une série de discussions avec les supérieurs de la FSSPX – qu’elle ne recherchait pas « avant tout la reconnaissance canonique (…) à laquelle elle a droit en tant qu’œuvre catholique (…) mais porter fidèlement la lumière de la Tradition bimillénaire (…) la seule route à suivre en cette époque de ténèbres où le culte de l’homme se substitue au culte de Dieu, dans la société comme dans l’Église ». À ceux qui voyaient en ces propos la fermeture d’une porte à peine ouverte, les lefebvristes ont préféré parler d’une attitude « attentiste » face à une « grande et douloureuse confusion dans l’Église».
Entre lueurs et entraves…
Les obstacles qui empêchent une réconciliation définitive sont de deux ordres : « doctrinal » ; et « mental ou psychologique », expliquait le secrétaire de la commission pontificale Ecclesia Dei, dans un entretien réalisé, l’année dernière, par l’agence Zenit, et traduit en français et rapporté sur le site de la Fraternité.
Concernant les problèmes doctrinaux, relève aujourd’hui Vatican Insider, « l’essentiel semble surmonté en vue de l’accord ». Il aurait été demandé aux membres de la FSSPX « »ce qui est nécessaire » pour être catholiques », soit reconnaître la « professio fidei », c’est-à-dire la validité des sacrements célébrés avec le Novus Ordo (la liturgie issue de la réforme post-conciliaire, contestée par les lefebvristes sur pas mal de points), et l’obéissance au Pape. Des discussions sur les rapports entre « magistère » et « tradition » auraient pris un tournant positif, en revanche des questions liées à l’œcuménisme, à la liberté religieuse et aux relations Église-monde feraient encore l’objet d’un approfondissement, voire « d’un profond désaccord ».
Concernant le changement « d’attitude morale et psychologique » souhaité par les deux parties, il y a eu des progrès. Il s’agissait « de passer d’une position de confrontation polémique et antagoniste à une position d’écoute et de respect mutuel, d’estime et de confiance, comme cela doit être le cas entre membres du même Corps du Christ, qui est l’Église », expliquait Mgr Pozzo il y a un an. Aujourd’hui, c’est sur cette ligne, avec des hauts et des bas, que semblent naviguer les discussions. Et les derniers propos de Mgr Felay – dont le mandat à la tête de la Fraternité prend fin en 2018 – semblent le confirmer : « Un accord est possible , a-t-il confié sur les antennes de la chaine TV Libertés. Pas besoin « d’attendre que la situation interne dans l’Eglise soit totalement satisfaisante », il ne manque plus qu’un » tampon » pour conclure cet accord, a-t-il déclaré.
Plus qu’un « tampon » pour conclure
Aux yeux de plusieurs médias, la position actuelle semble de plus en plus en phase avec celle de leur fondateur, Mgr Lefebvre, qui était arrivé en 1988 à deux doigts d’un accord avec Josef Ratzinger, alors préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi, avant que tout ne saute au dernier moment.