SOURCE - Rédaction de GOLIAS - 6 janvier 2006
C’est le cardinal Decourtray, archevêque de Lyon, qui avait accordé aux “ralliés” de la Fraternité Saint-Pierre l’usage de l’église lyonnaise (non paroissiale) portant le nom de Saint Georges. Trois cardinaux plus tard, c’est Mgr Barbarin qui leur offre un séminaire sur les pentes de Francheville, la colline piquetée de maisons religieuses...
Pour commencer, un lieu de culte, et maintenant un séminaire : ça y est, la rentrée complète des marginaux tradis dans le troupeau romain est bel et bien enclenchée. Pour préparer la suite en douceur, le retour pur et simple des « schismatiques » de la Fraternité Saint Pie X, autrement dit les fils fidèles de Mgr Lefebvre.
Pour ceux de nos lecteurs qui perdraient encore leur latin dans ces fraternités d’ “ intégristes ”, rappelons rapidement leurs origines. Mgr Lefebvre, non encore excommunié, avait fondé en Suisse en 1970, à l’intérieur de l’Eglise romaine, une fraternité regroupant des catholiques qui refusaient Vatican II. Elle prit le nom de “ Fraternité Saint Pie X ”, en hommage à ce pape de l’antimodernisme, qui fut l’ennemi de toute évolution dans l’Eglise et ne digéra jamais la séparation, en France, de l’Eglise et de l’Etat (à rappeler discrètement en ces temps de commémoration).
Lorsque Marcel Lefebvre fut excommunié en 1988, certains de ses disciples ne voulurent pas du schisme et, sans rien renoncer à leur catéchisme, obtinrent de l’Eglise de pouvoir rester dans son giron en faisant sacristie à part. Ces “ralliés”, comme on les appelle, fondèrent en 1988, donc dans la foulée, avec la bénédiction de Rome, la “Fraternité Saint Pierre”. Cette Fraternité pouvait réunir ses fidèles en quelques lieux de culte marginalisés, mais n’avait pas de responsabilité paroissiale. Ses prêtres disaient la messe en latin, et enseignaient à leurs ouailles le catéchisme du Concile de Trente (XVI ° siècle). Restant hors des circuits diocésains, ils rassemblaient les nostalgiques de la France monarchique et de l’Eglise d’avant la Révolution Française...
Dans les premiers temps, les prêtres et les fidèles de la Fraternité Saint Pierre ont vécu ainsi entre eux, dans une sorte de réserve d’indiens. Mais peu à peu, on a vu ses prêtres, souvent jeunes et “battants”, et bien reconnaissables à leur soutane, entrer dans le champ pastoral des paroisses. La raréfaction des prêtres diocésains, qui angoisse tant d’évêques, a poussé les diocèses à leur confier des paroisses ou des services d’Eglise. Et aujourd’hui, en 2006, même entrés discrètement par la petite porte, ils sont dans la place et bien décidés à faire triompher leur théologie. Et quelle théologie !
Depuis 1988, la Fraternité Saint Pierre a pu ainsi s’implanter dans un certain nombre de diocèses. Pour s’en convaincre, il suffit de consulter le site Internet de la Fraternité ( sur un moteur de recherche, vous tapez simplement « Fraternité Saint Pierre » et vous aurez toutes les adresses de leur présence en France (dans plus de vingt-cinq diocèses, où ils célèbrent messes et sacrements).
Ils sont à Lyon, on l’a vu. L’ évêque de Dijon, Mgr Minnerath, les loge à la Maison diocésaine, ce qui les situe au coeur même du dispositif pastoral. Mgr Bruguès, leur a confié la paroisse cathédrale d’Angers, rien que ça ! Mgr Daucourt accorde des messes paroissiales en latin selon l’ancien rite... La nomination de quelques nouveaux évêques, comme Mgr Centène de Vannes, que l’on sait très proche des Tradis, ne fait que confirmer cette dérive.
L’Eglise de France est en train de se faire lefebvriser, car ne l’oublions pas, si les Frères de Saint Pierre ont quitté Marcel Lefebvre, ce n’était pas pour ses idées, c’est simplement pour éviter la fracture du schisme. Mais ils ont gardé le même Catéchisme pur et dur de dogmes figés et d’une Eglise enfermée dans ses certitudes d’hier.
Mgr Barbarin ouvre à cette Fraternité une nouvelle porte d’entrée. Jusqu’alors, ces ralliés avaient deux séminaires, l’un à DENTON aux USA, et le deuxième en Allemagne à WIGRATZBAD. Mais ils n’avaient pas de séminaire francophone. Grâce au Cardinal Barbarin, ce manque va être comblé.
Pourquoi se focaliser ainsi sur une Fraternité qui peut apparaître à certains essentiellement folklorique ? Est-ce faire preuve de harcèlement vis-à-vis de gens qui, finalement, usent de leur liberté comme nous-mêmes réclamons de pouvoir jouir de la nôtre ?
Golias revient sur le sujet et continuera de le faire, parce que ce sont les structures d’accueil de tous les lefebvristes qui se mettent en place et que ce retour, avec armes et bagages, est lourd de dangers...
Tant qu’ils restaient dans « l’opposition », ils ne présentaient pas grand risque. Mais ils sont en train de franchir le cordon sanitaire qui protégeait l’Eglise. Même si dans un premier temps, ils paraissent ne réclamer que le droit de prier en latin, leur visée profonde est beaucoup plus radicale.
Ils contestent l’Eglise dans ses choix conciliaires, ou tout au moins dans ce qu’il en reste. Bien évidemment, pour se faire accepter, ils ont encore le profil discret, mais ils restent des "reconquérants" qui veulent restaurer l’Eglise dans sa puissance dominatrice. Selon eux, la foi catholique a été bradée au Concile, l’Eucharistie a été complètement dévoyée dans les rites de « la nouvelle messe »,
l’Eglise post-conciliaire est devenue « protestante » (la grande injure, retrouvée souvent dans leurs écrits). A eux, les purs autoproclamés, de restaurer la religion de nos ancêtres « catholiques et français toujours ». Il suffit de consulter les cantiques utilisés dans les célébrations. Ce n’est pas que folklore, comme lorsqu’on chante à Noël « Il est né le divin enfant ».
La doctrine lefebvriste, c’est l’affirmation de la Royauté du Christ sur le monde, au sens politique du terme, c’est le retour d’une religion essentiellement centrée sur le péché et un Dieu fouettard, c’est l’obsession du Diable vu partout, c’est la condamnation du « monde moderne » et d’une société qui autorise la pilule, le divorce, le Pacs...
C’est, chez eux, le rejet de la liberté religieuse, de la liberté de penser et de l’œcuménisme, c’est la condamnation, qu’ils n’ont jamais cachée, de l’esprit d’Assise.
C’est l’opposition à la laïcité (qui refuse à Dieu sa place dans la société) et aux « droits de l’homme » (considérés comme autant de droits enlevés à Dieu). Dans les revendications des durs de l’islamisme (avec en particulier la mise ne place de la Charia et la soumission du politique au religieux), on trouve un pendant assez symétrique des pensées de nos propres « christianicistes », qui n’ont rien à leur envier, même si les conditions politico-historiques et les rapports de force sont différents.
Il faut le savoir et le dire clairement : Mgr Lefebvre et ses filiales, c’est le partage des idées des partis d’extrême-droite, sous le prétexte officiel qu’ils sont les seuls à combattre l’avortement. Dans les faits, nos intégristes partagent beaucoup plus largement les « valeurs » d’extrême-droite, en particulier la haine de la démocratie, parce que, pour eux, seuls Dieu et sa loi peuvent constituer l’assise et la légitimité du pouvoir. D’ou les sympathies évidentes pour tous les pouvoirs forts et leurs hommes quand ils se réclament ou se réclamaient de la religion catholique : Salazar, Franco, Pinochet, les généraux argentins, et bien sûr Pétain...
C’est aussi l’antisémitisme, c’est la nostalgie de la France coloniale... Sait-on, par exemple, qu’en l’église Saint Nicolas du Chardonnet à Paris, siège mythique de la dissidence des disciples de Mgr Lefebvre, se trouve une stèle dédiée « à toutes les victimes tombées pour leur fidélité à l’Algérie française » , c’est-à-dire élevée en hommage aux morts de l’OAS...
Le problème n’est plus, on l’aura compris, celui de la messe en latin... Demain, si la réintégration continue, c’est l’AGRIF qui remplacera le CCFD, c’est « Présent » qui remplacera « la Vie » et « le Pèlerin », c’est Bernard Anthony, l’homme des cathos du Front National, qui deviendra le maître à penser de l’épiscopat. Avec ces Fraternités, c’est l’extrême-droite prétendument chrétienne qui avance, cachée sous la soutane...
C’est pas vrai ? Mais, au nom de Dieu, allez écouter un sermon ou lisez leur presse... Quand des prêtres célèbrent une messe spéciale le 14 juillet afin d’implorer le pardon de Dieu pour la Révolution, c’est quoi ?
Avec la Fraternité Saint Pierre, les évêques espèrent que les Chrétiens se réhabitueront aux prêtres en soutane, aux messes en latin, au “ Dies Irae ” des enterrements, au catéchisme sur le péché, le diable et la colère de Dieu, aux vitupérations contre la société moderne et ses dérives, contre la liberté religieuse, l’œcuménisme... Et quand sera digérée la Fraternité Saint-Pierre, la réintégration des lefebvristes se fera sans même que l’on s’en aperçoive.
Jean-Paul II n’a pas pu la réaliser. C’était trop difficile pour lui qui avait prononcé l’exclusion. Son successeur est plus à l’aise. Le conservatisme de Benoît XVI n’est guère troublé par les revendications et les pratiques de ces intégristes. Il attend simplement le moment, laissant les évêques préparer le terrain...
Lorsque les séminaristes de la Fraternité Saint Pierre arriveront au terme de leurs études, ils seront ordonnés... Et par qui . Par Mgr Barbarin, bien sûr, qui ensuite sera bienheureux de les mettre en paroisse. Et dans quinze ou vingt ans, l’Eglise de France sera aux mains des intégristes.
Sont-ils devenus aveugles, les évêques français, pour prendre de tels risques, pour accepter que de tels hommes prennent le pouvoir dans l’Eglise. Car c’est bien de cela qu’il s’agit. De nombreux prêtres, jeunes et activistes, venus souvent des milieux les plus conservateurs, formés chez les Scouts d’Europe ou chez ceux de l’abbé Cottard, se préparent à entrer dans le champ pastoral, avec la bénédiction d’un nombre de plus en plus important d’évêques de France. Et ils n’ont nulle envie d’y faire de la figuration. Et comme ils ne trouveront plus sur leur chemin que les prêtres de Saint Martin, ceux des communautés nouvelles, les Petits Gris dont la théologie n’est déjà pas très ouverte, le Concile Vatican II sera vraiment enterré. On a vu le poids que pèsent aujourd’hui aux USA, autour de Bush, les chrétiens fondamentalistes. Souhaite-t-on pareille situation en France avec l’Eglise catholique de demain ?
Nous rendons-nous compte que c’est la substance même du message évangélique qui est attaqué au cœur ? Mgr Barbarin a coutume de déclarer à ses invités et aux journalistes qui l’interrogent : « Eteignez la télé, allumez l’Evangile ! » On a envie de rebondir sur le slogan un peu facile : On n’allume pas l’Evangile en éteignant la lumière du meilleur de l’Eglise. GOLIAS
C’est le cardinal Decourtray, archevêque de Lyon, qui avait accordé aux “ralliés” de la Fraternité Saint-Pierre l’usage de l’église lyonnaise (non paroissiale) portant le nom de Saint Georges. Trois cardinaux plus tard, c’est Mgr Barbarin qui leur offre un séminaire sur les pentes de Francheville, la colline piquetée de maisons religieuses...
Pour commencer, un lieu de culte, et maintenant un séminaire : ça y est, la rentrée complète des marginaux tradis dans le troupeau romain est bel et bien enclenchée. Pour préparer la suite en douceur, le retour pur et simple des « schismatiques » de la Fraternité Saint Pie X, autrement dit les fils fidèles de Mgr Lefebvre.
Pour ceux de nos lecteurs qui perdraient encore leur latin dans ces fraternités d’ “ intégristes ”, rappelons rapidement leurs origines. Mgr Lefebvre, non encore excommunié, avait fondé en Suisse en 1970, à l’intérieur de l’Eglise romaine, une fraternité regroupant des catholiques qui refusaient Vatican II. Elle prit le nom de “ Fraternité Saint Pie X ”, en hommage à ce pape de l’antimodernisme, qui fut l’ennemi de toute évolution dans l’Eglise et ne digéra jamais la séparation, en France, de l’Eglise et de l’Etat (à rappeler discrètement en ces temps de commémoration).
Lorsque Marcel Lefebvre fut excommunié en 1988, certains de ses disciples ne voulurent pas du schisme et, sans rien renoncer à leur catéchisme, obtinrent de l’Eglise de pouvoir rester dans son giron en faisant sacristie à part. Ces “ralliés”, comme on les appelle, fondèrent en 1988, donc dans la foulée, avec la bénédiction de Rome, la “Fraternité Saint Pierre”. Cette Fraternité pouvait réunir ses fidèles en quelques lieux de culte marginalisés, mais n’avait pas de responsabilité paroissiale. Ses prêtres disaient la messe en latin, et enseignaient à leurs ouailles le catéchisme du Concile de Trente (XVI ° siècle). Restant hors des circuits diocésains, ils rassemblaient les nostalgiques de la France monarchique et de l’Eglise d’avant la Révolution Française...
Dans les premiers temps, les prêtres et les fidèles de la Fraternité Saint Pierre ont vécu ainsi entre eux, dans une sorte de réserve d’indiens. Mais peu à peu, on a vu ses prêtres, souvent jeunes et “battants”, et bien reconnaissables à leur soutane, entrer dans le champ pastoral des paroisses. La raréfaction des prêtres diocésains, qui angoisse tant d’évêques, a poussé les diocèses à leur confier des paroisses ou des services d’Eglise. Et aujourd’hui, en 2006, même entrés discrètement par la petite porte, ils sont dans la place et bien décidés à faire triompher leur théologie. Et quelle théologie !
Depuis 1988, la Fraternité Saint Pierre a pu ainsi s’implanter dans un certain nombre de diocèses. Pour s’en convaincre, il suffit de consulter le site Internet de la Fraternité ( sur un moteur de recherche, vous tapez simplement « Fraternité Saint Pierre » et vous aurez toutes les adresses de leur présence en France (dans plus de vingt-cinq diocèses, où ils célèbrent messes et sacrements).
Ils sont à Lyon, on l’a vu. L’ évêque de Dijon, Mgr Minnerath, les loge à la Maison diocésaine, ce qui les situe au coeur même du dispositif pastoral. Mgr Bruguès, leur a confié la paroisse cathédrale d’Angers, rien que ça ! Mgr Daucourt accorde des messes paroissiales en latin selon l’ancien rite... La nomination de quelques nouveaux évêques, comme Mgr Centène de Vannes, que l’on sait très proche des Tradis, ne fait que confirmer cette dérive.
L’Eglise de France est en train de se faire lefebvriser, car ne l’oublions pas, si les Frères de Saint Pierre ont quitté Marcel Lefebvre, ce n’était pas pour ses idées, c’est simplement pour éviter la fracture du schisme. Mais ils ont gardé le même Catéchisme pur et dur de dogmes figés et d’une Eglise enfermée dans ses certitudes d’hier.
Mgr Barbarin ouvre à cette Fraternité une nouvelle porte d’entrée. Jusqu’alors, ces ralliés avaient deux séminaires, l’un à DENTON aux USA, et le deuxième en Allemagne à WIGRATZBAD. Mais ils n’avaient pas de séminaire francophone. Grâce au Cardinal Barbarin, ce manque va être comblé.
Pourquoi se focaliser ainsi sur une Fraternité qui peut apparaître à certains essentiellement folklorique ? Est-ce faire preuve de harcèlement vis-à-vis de gens qui, finalement, usent de leur liberté comme nous-mêmes réclamons de pouvoir jouir de la nôtre ?
Golias revient sur le sujet et continuera de le faire, parce que ce sont les structures d’accueil de tous les lefebvristes qui se mettent en place et que ce retour, avec armes et bagages, est lourd de dangers...
Tant qu’ils restaient dans « l’opposition », ils ne présentaient pas grand risque. Mais ils sont en train de franchir le cordon sanitaire qui protégeait l’Eglise. Même si dans un premier temps, ils paraissent ne réclamer que le droit de prier en latin, leur visée profonde est beaucoup plus radicale.
Ils contestent l’Eglise dans ses choix conciliaires, ou tout au moins dans ce qu’il en reste. Bien évidemment, pour se faire accepter, ils ont encore le profil discret, mais ils restent des "reconquérants" qui veulent restaurer l’Eglise dans sa puissance dominatrice. Selon eux, la foi catholique a été bradée au Concile, l’Eucharistie a été complètement dévoyée dans les rites de « la nouvelle messe »,
l’Eglise post-conciliaire est devenue « protestante » (la grande injure, retrouvée souvent dans leurs écrits). A eux, les purs autoproclamés, de restaurer la religion de nos ancêtres « catholiques et français toujours ». Il suffit de consulter les cantiques utilisés dans les célébrations. Ce n’est pas que folklore, comme lorsqu’on chante à Noël « Il est né le divin enfant ».
La doctrine lefebvriste, c’est l’affirmation de la Royauté du Christ sur le monde, au sens politique du terme, c’est le retour d’une religion essentiellement centrée sur le péché et un Dieu fouettard, c’est l’obsession du Diable vu partout, c’est la condamnation du « monde moderne » et d’une société qui autorise la pilule, le divorce, le Pacs...
C’est, chez eux, le rejet de la liberté religieuse, de la liberté de penser et de l’œcuménisme, c’est la condamnation, qu’ils n’ont jamais cachée, de l’esprit d’Assise.
C’est l’opposition à la laïcité (qui refuse à Dieu sa place dans la société) et aux « droits de l’homme » (considérés comme autant de droits enlevés à Dieu). Dans les revendications des durs de l’islamisme (avec en particulier la mise ne place de la Charia et la soumission du politique au religieux), on trouve un pendant assez symétrique des pensées de nos propres « christianicistes », qui n’ont rien à leur envier, même si les conditions politico-historiques et les rapports de force sont différents.
Il faut le savoir et le dire clairement : Mgr Lefebvre et ses filiales, c’est le partage des idées des partis d’extrême-droite, sous le prétexte officiel qu’ils sont les seuls à combattre l’avortement. Dans les faits, nos intégristes partagent beaucoup plus largement les « valeurs » d’extrême-droite, en particulier la haine de la démocratie, parce que, pour eux, seuls Dieu et sa loi peuvent constituer l’assise et la légitimité du pouvoir. D’ou les sympathies évidentes pour tous les pouvoirs forts et leurs hommes quand ils se réclament ou se réclamaient de la religion catholique : Salazar, Franco, Pinochet, les généraux argentins, et bien sûr Pétain...
C’est aussi l’antisémitisme, c’est la nostalgie de la France coloniale... Sait-on, par exemple, qu’en l’église Saint Nicolas du Chardonnet à Paris, siège mythique de la dissidence des disciples de Mgr Lefebvre, se trouve une stèle dédiée « à toutes les victimes tombées pour leur fidélité à l’Algérie française » , c’est-à-dire élevée en hommage aux morts de l’OAS...
Le problème n’est plus, on l’aura compris, celui de la messe en latin... Demain, si la réintégration continue, c’est l’AGRIF qui remplacera le CCFD, c’est « Présent » qui remplacera « la Vie » et « le Pèlerin », c’est Bernard Anthony, l’homme des cathos du Front National, qui deviendra le maître à penser de l’épiscopat. Avec ces Fraternités, c’est l’extrême-droite prétendument chrétienne qui avance, cachée sous la soutane...
C’est pas vrai ? Mais, au nom de Dieu, allez écouter un sermon ou lisez leur presse... Quand des prêtres célèbrent une messe spéciale le 14 juillet afin d’implorer le pardon de Dieu pour la Révolution, c’est quoi ?
Avec la Fraternité Saint Pierre, les évêques espèrent que les Chrétiens se réhabitueront aux prêtres en soutane, aux messes en latin, au “ Dies Irae ” des enterrements, au catéchisme sur le péché, le diable et la colère de Dieu, aux vitupérations contre la société moderne et ses dérives, contre la liberté religieuse, l’œcuménisme... Et quand sera digérée la Fraternité Saint-Pierre, la réintégration des lefebvristes se fera sans même que l’on s’en aperçoive.
Jean-Paul II n’a pas pu la réaliser. C’était trop difficile pour lui qui avait prononcé l’exclusion. Son successeur est plus à l’aise. Le conservatisme de Benoît XVI n’est guère troublé par les revendications et les pratiques de ces intégristes. Il attend simplement le moment, laissant les évêques préparer le terrain...
Lorsque les séminaristes de la Fraternité Saint Pierre arriveront au terme de leurs études, ils seront ordonnés... Et par qui . Par Mgr Barbarin, bien sûr, qui ensuite sera bienheureux de les mettre en paroisse. Et dans quinze ou vingt ans, l’Eglise de France sera aux mains des intégristes.
Sont-ils devenus aveugles, les évêques français, pour prendre de tels risques, pour accepter que de tels hommes prennent le pouvoir dans l’Eglise. Car c’est bien de cela qu’il s’agit. De nombreux prêtres, jeunes et activistes, venus souvent des milieux les plus conservateurs, formés chez les Scouts d’Europe ou chez ceux de l’abbé Cottard, se préparent à entrer dans le champ pastoral, avec la bénédiction d’un nombre de plus en plus important d’évêques de France. Et ils n’ont nulle envie d’y faire de la figuration. Et comme ils ne trouveront plus sur leur chemin que les prêtres de Saint Martin, ceux des communautés nouvelles, les Petits Gris dont la théologie n’est déjà pas très ouverte, le Concile Vatican II sera vraiment enterré. On a vu le poids que pèsent aujourd’hui aux USA, autour de Bush, les chrétiens fondamentalistes. Souhaite-t-on pareille situation en France avec l’Eglise catholique de demain ?
Nous rendons-nous compte que c’est la substance même du message évangélique qui est attaqué au cœur ? Mgr Barbarin a coutume de déclarer à ses invités et aux journalistes qui l’interrogent : « Eteignez la télé, allumez l’Evangile ! » On a envie de rebondir sur le slogan un peu facile : On n’allume pas l’Evangile en éteignant la lumière du meilleur de l’Eglise. GOLIAS