SOURCE - Abbé Laguérie, ibp - 4 juin 2010
M l’abbé,
J’ai un problème d’herméneutique de la continuité de l’IBP !
Vous avez probablement pris connaissance de l’article de M Madiran dans Présent daté de ce jour : « Pastorale d’ensemble » et séminaire de l’IBP.
On y lit en particulier : — Nous nous sommes heurtés à la difficulté d’obtenir, pour nous installer, l’accord de l’Ordinaire du lieu [c’est-à-dire l’évêque du diocèse].
Or, vous aviez déclaré, à propos de l’ouverture du séminaire de Courtalain : "L’évêque de Chartres était à Rome il y a 15 jours et le Cal Castrillon Hoyos lui a bien précisé que l’IBP ayant juridiction ordinaire sur ses membres, l’ouverture du séminaire de Courtalain ne nécessitait pas son accord." (Rendez-vous du Forum catholique du 17 octobre 2006). Dans un autre message sur ce Forum, vous indiquiez "Je puis simplement dire que l’IBP ne reculera jamais quand elle aura le Droit Canon pour elle."
Dès lors, vous comprenez mon interrogation : l’Institut du Bon Pasteur doit-il, pour installer un séminaire, avoir l’accord de l’Ordinaire (et est passé "en force" à Courtalain avec le soutien d’un cardinal), ou l’article de M Madiran est-il erroné sur ce point et dans ce cas comment expliquer vos recherches infructueuses, si l’argument du Droit ne peut être retenu ?
Bien à vous,
Jean-Pierre Antoine
Cher monsieur,
Merci de votre pertinente question !
Mais ni M. Madiran n’a tort (au contraire, je le remercie vivement) ni mes propos d’alors n’étaient faux. Tertium datur. Et voici pourquoi.
En ce qui concerne l’ouverture d’une maison dans un diocèse , quelle qu’en soit la nature, elle requiert l’autorisation préalable écrite de l’ordinaire du lieu. (CIC 733 §1). Mais au moment de la fondation de l’I.B.P. et mise à part la paroisse Saint-Eloi comme maison-mère de l’Institut, dont l’accord de principe fut obtenu avant, il avait été convenu avec le cardinal Castrillon-Hoyos que les autres maisons étaient "de fait" et qu’elles seraient régularisées par la suite. Mgr Pansard a toujours admis, avec beaucoup de bienveillance, l’existence du Séminaire Saint-Vincent et a même précisé, à l’époque, qu’il n’y avait besoin d’aucun document émanant de lui puisque Rome en avait décidé ainsi. Il en est de même du Centre Saint-Paul, dont l’existence et les activités n’ont jamais fait l’objet d’aucune contestation, le Cardinal donnant même les pouvoirs de confesser à l’abbé de Tanoüarn, à l’abbé Bauman et à moi-même.
Passée cette période de fondation, il reste donc à appliquer le droit canon en la matière...
La juridiction est double. Pour les membres de l’I.B.P., y compris les séminaristes, c’est l’Institut qui la donne (votre serviteur en l’occurence), tant au for externe qu’au for interne. Cette disposition est commune aux Instituts de Droit Pontifical, se trouve dans le Droit Canon et dans nos statuts.
Mais quand il s’agit des fidèles, il faut une délégation de l’évêque. C’est le cas de Rolleboise (diocèse de Versailles) ou celui de la paroisse de Courtalain elle même, etc.
Vous noterez que la collation de la juridiction est générallement incluse dans le fait de concéder un ministère... Un curé et même ses vicaires ont juridiction du fait-même de leur fonction.
Maintenant reste intacte la question de politique ecclésiastique. Les récentes déclarations de mon "beau-frère" l’évêque de Saint-Etienne (ou plus exactement le frère de ma belle-soeur ou le beau-frère de mon frère, ce qui revient au même !) sont simplement consternantes et entièrement contraires au droit canon. Tout d’abord parce que le statut des paroisses est lui-même canonique (Canons 1205 à 1234) et qu’il n’appartient pas à un évêque de décider de leur abolition, même par impuissance à y pourvoir. Il appartient à l’évêque d’y pourvoir, précisément et l’évêque ne ratifie que son incompétence. L’attitude de Mgr Lebrun est à peu près celle d’un garde des sceaux qui, faute de magistrats, déciderait que la justice ne sera plus rendue...
D’autre part, il existe toute une série de canons qui obligent l’évêque, tous les évêques, à favoriser l’implantation des instituts, à les aider et les favoriser, en respectant toujours leur caractère propre. C’est une obligation des ordinaires et l’on voit bien qu’en ne réglant pas ces deux questions l’une par l’autre (au moins partiellement) il manque deux fois au droit canon. Citons-en quelques lignes.
" L’évêque favorisera les diverses formes d’apostolat dans son diocèse et veillera à ce que (...) toutes les oeuvres d’apostolat soient coordonnées sous sa direction, en respectant le caractère propre de chacune d’elles" (CIC 394 §1).
"Il appartient aussi à l’évêque de veiller pour sa part à ce que les instituts croissent et fleurissent selon l’esprit des fondateurs et les saines traditions" (CIC 576).
"Entre les divers instituts et aussi entre ceux-ci et le clergé séculier, que soit encouragée une collaboration organisée ainsi que, sous la direction de l’évêque diocésain, une collaboration de toutes les oeuvres et activités apostoliques, restant sauf le caractère, le but, de chaque institut et les lois de la fondation" (CIC 680).
"il appartient aux ordinaires des lieux de sauvegarder et de protéger cette autonomie (des instituts, CIC 586 §2).
" La pensée des fondateurs et leur projet, que l’autorité ecclésiastique compétente a reconnus, concernant la nature, le but, l’esprit et le caractère de l’institut ainsi que les saines traditions, toutes choses qui constituent le patrimoine de l’institut, doivent être fidèlement maintenus par tous" (CIC 578).
Je garde en réserve, pour un autre jour, le canon 591 qui prévoit une juste exemption possible, car c’est une autre histoire... Mais ces longues citations prouvent, et bien d’autres avec elles, que si les évêques appliquaient le droit canon, secundum mentem et factum, les paroisses refleuriraient, on trouverait facilement un grand séminaire, tous les prêtres disponibles et sérieux auraient un poste utile ("L’Église a besoin de tous ses prêtres" dit le pape ), les vocations repartiraient... Et mon bof ne saurait plus où donner de la tête.
Madiran a donc parfaitement raison : ce sont les idéologies et la pensée dominante qui empêchent cet exorde. Il y a aussi le fait que les évêques de bonne volonté ont hérité de diocèses quasi ingouvernables. C’est une explication, sans être une excuse. Fallait pas tant exalté leur pouvoir à Vatican II pour qu’il n’en reste rien par après.Reste que les faits, d’ici quelques années, vont parler plus haut et plus fort que tout le reste. La religion de Jésus-Christ vit ses dernières années de tolérance. Quand elle sera devenue insupportable à nos sociétés post-décadentes, les clercs comprendront qu’il ne leur reste plus que le martyre ou l’apostasie et ce n’est pas une juridiction sur des paroisses qu’ils nous donneront, mais sur des catacombes. Nous espérons les y retrouver... Au moins n’aurons-nous pas la responsabilité de cette décadence orchestrée, mortelle et ...stupide.
Abbé Philippe Laguérie
M l’abbé,
J’ai un problème d’herméneutique de la continuité de l’IBP !
Vous avez probablement pris connaissance de l’article de M Madiran dans Présent daté de ce jour : « Pastorale d’ensemble » et séminaire de l’IBP.
On y lit en particulier : — Nous nous sommes heurtés à la difficulté d’obtenir, pour nous installer, l’accord de l’Ordinaire du lieu [c’est-à-dire l’évêque du diocèse].
Or, vous aviez déclaré, à propos de l’ouverture du séminaire de Courtalain : "L’évêque de Chartres était à Rome il y a 15 jours et le Cal Castrillon Hoyos lui a bien précisé que l’IBP ayant juridiction ordinaire sur ses membres, l’ouverture du séminaire de Courtalain ne nécessitait pas son accord." (Rendez-vous du Forum catholique du 17 octobre 2006). Dans un autre message sur ce Forum, vous indiquiez "Je puis simplement dire que l’IBP ne reculera jamais quand elle aura le Droit Canon pour elle."
Dès lors, vous comprenez mon interrogation : l’Institut du Bon Pasteur doit-il, pour installer un séminaire, avoir l’accord de l’Ordinaire (et est passé "en force" à Courtalain avec le soutien d’un cardinal), ou l’article de M Madiran est-il erroné sur ce point et dans ce cas comment expliquer vos recherches infructueuses, si l’argument du Droit ne peut être retenu ?
Bien à vous,
Jean-Pierre Antoine
Cher monsieur,
Merci de votre pertinente question !
Mais ni M. Madiran n’a tort (au contraire, je le remercie vivement) ni mes propos d’alors n’étaient faux. Tertium datur. Et voici pourquoi.
En ce qui concerne l’ouverture d’une maison dans un diocèse , quelle qu’en soit la nature, elle requiert l’autorisation préalable écrite de l’ordinaire du lieu. (CIC 733 §1). Mais au moment de la fondation de l’I.B.P. et mise à part la paroisse Saint-Eloi comme maison-mère de l’Institut, dont l’accord de principe fut obtenu avant, il avait été convenu avec le cardinal Castrillon-Hoyos que les autres maisons étaient "de fait" et qu’elles seraient régularisées par la suite. Mgr Pansard a toujours admis, avec beaucoup de bienveillance, l’existence du Séminaire Saint-Vincent et a même précisé, à l’époque, qu’il n’y avait besoin d’aucun document émanant de lui puisque Rome en avait décidé ainsi. Il en est de même du Centre Saint-Paul, dont l’existence et les activités n’ont jamais fait l’objet d’aucune contestation, le Cardinal donnant même les pouvoirs de confesser à l’abbé de Tanoüarn, à l’abbé Bauman et à moi-même.
Passée cette période de fondation, il reste donc à appliquer le droit canon en la matière...
La juridiction est double. Pour les membres de l’I.B.P., y compris les séminaristes, c’est l’Institut qui la donne (votre serviteur en l’occurence), tant au for externe qu’au for interne. Cette disposition est commune aux Instituts de Droit Pontifical, se trouve dans le Droit Canon et dans nos statuts.
Mais quand il s’agit des fidèles, il faut une délégation de l’évêque. C’est le cas de Rolleboise (diocèse de Versailles) ou celui de la paroisse de Courtalain elle même, etc.
Vous noterez que la collation de la juridiction est générallement incluse dans le fait de concéder un ministère... Un curé et même ses vicaires ont juridiction du fait-même de leur fonction.
Maintenant reste intacte la question de politique ecclésiastique. Les récentes déclarations de mon "beau-frère" l’évêque de Saint-Etienne (ou plus exactement le frère de ma belle-soeur ou le beau-frère de mon frère, ce qui revient au même !) sont simplement consternantes et entièrement contraires au droit canon. Tout d’abord parce que le statut des paroisses est lui-même canonique (Canons 1205 à 1234) et qu’il n’appartient pas à un évêque de décider de leur abolition, même par impuissance à y pourvoir. Il appartient à l’évêque d’y pourvoir, précisément et l’évêque ne ratifie que son incompétence. L’attitude de Mgr Lebrun est à peu près celle d’un garde des sceaux qui, faute de magistrats, déciderait que la justice ne sera plus rendue...
D’autre part, il existe toute une série de canons qui obligent l’évêque, tous les évêques, à favoriser l’implantation des instituts, à les aider et les favoriser, en respectant toujours leur caractère propre. C’est une obligation des ordinaires et l’on voit bien qu’en ne réglant pas ces deux questions l’une par l’autre (au moins partiellement) il manque deux fois au droit canon. Citons-en quelques lignes.
" L’évêque favorisera les diverses formes d’apostolat dans son diocèse et veillera à ce que (...) toutes les oeuvres d’apostolat soient coordonnées sous sa direction, en respectant le caractère propre de chacune d’elles" (CIC 394 §1).
"Il appartient aussi à l’évêque de veiller pour sa part à ce que les instituts croissent et fleurissent selon l’esprit des fondateurs et les saines traditions" (CIC 576).
"Entre les divers instituts et aussi entre ceux-ci et le clergé séculier, que soit encouragée une collaboration organisée ainsi que, sous la direction de l’évêque diocésain, une collaboration de toutes les oeuvres et activités apostoliques, restant sauf le caractère, le but, de chaque institut et les lois de la fondation" (CIC 680).
"il appartient aux ordinaires des lieux de sauvegarder et de protéger cette autonomie (des instituts, CIC 586 §2).
" La pensée des fondateurs et leur projet, que l’autorité ecclésiastique compétente a reconnus, concernant la nature, le but, l’esprit et le caractère de l’institut ainsi que les saines traditions, toutes choses qui constituent le patrimoine de l’institut, doivent être fidèlement maintenus par tous" (CIC 578).
Je garde en réserve, pour un autre jour, le canon 591 qui prévoit une juste exemption possible, car c’est une autre histoire... Mais ces longues citations prouvent, et bien d’autres avec elles, que si les évêques appliquaient le droit canon, secundum mentem et factum, les paroisses refleuriraient, on trouverait facilement un grand séminaire, tous les prêtres disponibles et sérieux auraient un poste utile ("L’Église a besoin de tous ses prêtres" dit le pape ), les vocations repartiraient... Et mon bof ne saurait plus où donner de la tête.
Madiran a donc parfaitement raison : ce sont les idéologies et la pensée dominante qui empêchent cet exorde. Il y a aussi le fait que les évêques de bonne volonté ont hérité de diocèses quasi ingouvernables. C’est une explication, sans être une excuse. Fallait pas tant exalté leur pouvoir à Vatican II pour qu’il n’en reste rien par après.Reste que les faits, d’ici quelques années, vont parler plus haut et plus fort que tout le reste. La religion de Jésus-Christ vit ses dernières années de tolérance. Quand elle sera devenue insupportable à nos sociétés post-décadentes, les clercs comprendront qu’il ne leur reste plus que le martyre ou l’apostasie et ce n’est pas une juridiction sur des paroisses qu’ils nous donneront, mais sur des catacombes. Nous espérons les y retrouver... Au moins n’aurons-nous pas la responsabilité de cette décadence orchestrée, mortelle et ...stupide.
Abbé Philippe Laguérie