SUIVRE - Abbé Laguérie, ibp - 24 août 2010
Le lundi 5 juillet dernier, j’avais la joie de recevoir à dîner en la Maison Centrale, Mgr Jacques Gaillot, ancien évêque d’Evreux et actuellement évêque (In partibus infidelium) de Partenia. Ce fut une bonne soirée, vraiment, et sur plus d’un point, malgré des divergences de vues qu’on peut naturellement supposer, très instructives. En tous cas, une confrontation riche de nos différences qui, sur plus d’un point, se rejoignent fort curieusement.
Mais pourquoi avoir invité Mgr Gaillot, direz-vous ? Je réponds tout de go : et pourquoi pas ? C’était, il est vrai, quelque peu intéressé. Je venais d’apprendre que le Cardinal Canizares ne viendrait pas à Saint-Eloi pour les ordinations du 10 juillet (j’en connais à présent la raison et je préfère, pour l’heure, la garder pour moi : c’est inouï). J’avais quinze petits jours pour trouver un évêque catholique, fin juin-début-juillet. Véritable mission impossible, quand on sait qu’il faut parfois s’y prendre plus d’un an à l’avance. J’ai demandé à l’évêque auxiliaire de Paris, Mgr de Moulins-Beaufort qui, sauf engagements familiaux pris de longue date, fût venu très volontiers. Qu’il en soit vivement remercié. Finalement la délicieuse charité de Mgr Appignanesi et son affection pour le Bon-Pasteur ont pourvu admirablement. J’ai alors songé que, si j’avais une promesse ferme de Mgr Gaillot en personne, il serait assez facile de convaincre nombre de ses confrères en l’épiscopat...
Bien. Mgr a été un peu surpris mais je crois que, s’il n’avait eu un mariage ce jour-là, il aurait accepté le principe. Intrigué, on s’en doute, il voulait de toute façon en parler avec moi. Je l’invite donc, il accepte et arrive pile à l’heure. C’est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup (déjà). Le respect qui leur est dû m’oblige à ne pas citer ceux de ses confrères, auxquels il ne ressemble pas, qui ne répondent pas aux lettres, refusent de vous recevoir ou vous envoient promener de la plus belle manière…
Il faut dire que nous nous connaissions de longue date, comme frères ennemis. Les combats ont cessé mais la fraternité a demeuré. Je lui rappelais sans ambages que j’organisais des manifs devant la Nonciature, depuis Saint-Nicolas du Chardonnet, pour qu’il fût mis à pied. Et comme nous savions l’un et l’autre que ça n’avait eu aucune influence, nous en avons bien ri, en trinquant de bon cœur. Nous-nous étions aussi empoignés à la télé (De ce temps lointain où la télévision française invitait toujours des gens dont la pensée n’était pas encore formatée et abrutie par ses diktats. Je me souviens de la célèbre émission « Ciel mon Mardi » où j’affrontais seul, sur le préservatif de surcroit, Christophe de Chavannes, Bernard Tapie et …Mgr Jacques Gaillot. Belle époque de liberté révolue où le seul voyou des quatre était évidemment le présentateur. Mais tout cela crée des liens.
Le dénominateur commun qui me rend cet évêque sympathique est sans doute la persécution. Vous me direz à juste titre que c’est le motif de la persécution qui importe et qu’il est même des persécutions qu’on n’a pas volées ! Mais enfin, cette persistance à accepter patiemment un sort d’éternel banni finit par vous rendre héroïque ! Car au « bon » temps de l’inquisition on n’était pas si sévère. On s’occupait du prévenu, on lui demandait rétractation de ses erreurs, avec beaucoup de charité parfois (La mansuétude du Cardinal Cajetan vis-à-vis de Luther, par exemple). On ne se contentait pas de le désigner comme un diablotin, sans lui laisser d’autres chances que de finir ses jours en proscrit… Pour des raisons opposées sans doute, Mgr Lefebvre et Mgr Gaillot ont subi quelque peu le même sort. On se souvient que le recours à la Signature Apostolique du premier fut rejeté d’un trait de plume du Cardinal Villot, Secrétaire d’Etat.
Rassurez-vous, dans son chômage forcé, Mgr s’occupe. Son site « Partenia » fait 9000 lectures par jour. Qui dit mieux ?
Nous avons tout de même abordé des questions de fond. Sur cette éternelle « charité » qui ouvre toutes les portes, excuse toutes les irrégularités et même veut fermer les yeux sur la délinquance, Mgr Gaillot finit par convenir qu’un Etat qui s’y adonne sans mesure court lui-même à sa ruine et se prive finalement des moyens de sa folle miséricorde. Bref, il reconnaît avec Chesterton que « Le monde est rempli de vertus chrétiennes devenues folles » et que la charité sans l’ordre qu’elle perfectionne n’est qu’une utopie dévastatrice. Avec l’âge sans doute (il a 75 ans qu’il porte très bien), le bon sens finit par l’emporter. Il n’y a que les ados de gauche qui pensent qu’on peut éternellement piquer dans la caisse sans qu’elle se vide un jour…
Quand on en vient à l’affaire de Thiberville, il est scandalisé. C’est lui qui a nommé le curé Michel et connaît son zèle. « Je tolérais très bien, dit-il, le Père Mongomery-Wright, et n’aurais jamais songé à l’inquiéter, il faisait du bon travail ». « Quand je songe qu’on en est déjà au contentieux et bientôt aux censures canoniques, ajoute-t-il, c’est effrayant ».
Bref, un libéral sans doute et de grand chemin, mais logique avec son option et en rien sectaire, étriqué, rabougri par le pouvoir à conserver jalousement. Il l’a perdu et s’en porte, ma foi, fort honorablement. L’Eglise aussi ? Ce n’est pas sûr, tant il est vrai que le sectarisme aveugle peut faire autant de mal que le libéralisme clairvoyant.
P.S. J’avais une belle photo à mettre en ligne mais j’en fus incapable. Et mes techniciens sont en vacances… A suivre.
Le lundi 5 juillet dernier, j’avais la joie de recevoir à dîner en la Maison Centrale, Mgr Jacques Gaillot, ancien évêque d’Evreux et actuellement évêque (In partibus infidelium) de Partenia. Ce fut une bonne soirée, vraiment, et sur plus d’un point, malgré des divergences de vues qu’on peut naturellement supposer, très instructives. En tous cas, une confrontation riche de nos différences qui, sur plus d’un point, se rejoignent fort curieusement.
Mais pourquoi avoir invité Mgr Gaillot, direz-vous ? Je réponds tout de go : et pourquoi pas ? C’était, il est vrai, quelque peu intéressé. Je venais d’apprendre que le Cardinal Canizares ne viendrait pas à Saint-Eloi pour les ordinations du 10 juillet (j’en connais à présent la raison et je préfère, pour l’heure, la garder pour moi : c’est inouï). J’avais quinze petits jours pour trouver un évêque catholique, fin juin-début-juillet. Véritable mission impossible, quand on sait qu’il faut parfois s’y prendre plus d’un an à l’avance. J’ai demandé à l’évêque auxiliaire de Paris, Mgr de Moulins-Beaufort qui, sauf engagements familiaux pris de longue date, fût venu très volontiers. Qu’il en soit vivement remercié. Finalement la délicieuse charité de Mgr Appignanesi et son affection pour le Bon-Pasteur ont pourvu admirablement. J’ai alors songé que, si j’avais une promesse ferme de Mgr Gaillot en personne, il serait assez facile de convaincre nombre de ses confrères en l’épiscopat...
Bien. Mgr a été un peu surpris mais je crois que, s’il n’avait eu un mariage ce jour-là, il aurait accepté le principe. Intrigué, on s’en doute, il voulait de toute façon en parler avec moi. Je l’invite donc, il accepte et arrive pile à l’heure. C’est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup (déjà). Le respect qui leur est dû m’oblige à ne pas citer ceux de ses confrères, auxquels il ne ressemble pas, qui ne répondent pas aux lettres, refusent de vous recevoir ou vous envoient promener de la plus belle manière…
Il faut dire que nous nous connaissions de longue date, comme frères ennemis. Les combats ont cessé mais la fraternité a demeuré. Je lui rappelais sans ambages que j’organisais des manifs devant la Nonciature, depuis Saint-Nicolas du Chardonnet, pour qu’il fût mis à pied. Et comme nous savions l’un et l’autre que ça n’avait eu aucune influence, nous en avons bien ri, en trinquant de bon cœur. Nous-nous étions aussi empoignés à la télé (De ce temps lointain où la télévision française invitait toujours des gens dont la pensée n’était pas encore formatée et abrutie par ses diktats. Je me souviens de la célèbre émission « Ciel mon Mardi » où j’affrontais seul, sur le préservatif de surcroit, Christophe de Chavannes, Bernard Tapie et …Mgr Jacques Gaillot. Belle époque de liberté révolue où le seul voyou des quatre était évidemment le présentateur. Mais tout cela crée des liens.
Le dénominateur commun qui me rend cet évêque sympathique est sans doute la persécution. Vous me direz à juste titre que c’est le motif de la persécution qui importe et qu’il est même des persécutions qu’on n’a pas volées ! Mais enfin, cette persistance à accepter patiemment un sort d’éternel banni finit par vous rendre héroïque ! Car au « bon » temps de l’inquisition on n’était pas si sévère. On s’occupait du prévenu, on lui demandait rétractation de ses erreurs, avec beaucoup de charité parfois (La mansuétude du Cardinal Cajetan vis-à-vis de Luther, par exemple). On ne se contentait pas de le désigner comme un diablotin, sans lui laisser d’autres chances que de finir ses jours en proscrit… Pour des raisons opposées sans doute, Mgr Lefebvre et Mgr Gaillot ont subi quelque peu le même sort. On se souvient que le recours à la Signature Apostolique du premier fut rejeté d’un trait de plume du Cardinal Villot, Secrétaire d’Etat.
Rassurez-vous, dans son chômage forcé, Mgr s’occupe. Son site « Partenia » fait 9000 lectures par jour. Qui dit mieux ?
Nous avons tout de même abordé des questions de fond. Sur cette éternelle « charité » qui ouvre toutes les portes, excuse toutes les irrégularités et même veut fermer les yeux sur la délinquance, Mgr Gaillot finit par convenir qu’un Etat qui s’y adonne sans mesure court lui-même à sa ruine et se prive finalement des moyens de sa folle miséricorde. Bref, il reconnaît avec Chesterton que « Le monde est rempli de vertus chrétiennes devenues folles » et que la charité sans l’ordre qu’elle perfectionne n’est qu’une utopie dévastatrice. Avec l’âge sans doute (il a 75 ans qu’il porte très bien), le bon sens finit par l’emporter. Il n’y a que les ados de gauche qui pensent qu’on peut éternellement piquer dans la caisse sans qu’elle se vide un jour…
Quand on en vient à l’affaire de Thiberville, il est scandalisé. C’est lui qui a nommé le curé Michel et connaît son zèle. « Je tolérais très bien, dit-il, le Père Mongomery-Wright, et n’aurais jamais songé à l’inquiéter, il faisait du bon travail ». « Quand je songe qu’on en est déjà au contentieux et bientôt aux censures canoniques, ajoute-t-il, c’est effrayant ».
Bref, un libéral sans doute et de grand chemin, mais logique avec son option et en rien sectaire, étriqué, rabougri par le pouvoir à conserver jalousement. Il l’a perdu et s’en porte, ma foi, fort honorablement. L’Eglise aussi ? Ce n’est pas sûr, tant il est vrai que le sectarisme aveugle peut faire autant de mal que le libéralisme clairvoyant.
P.S. J’avais une belle photo à mettre en ligne mais j’en fus incapable. Et mes techniciens sont en vacances… A suivre.