24 octobre 2011

[AFP - La Croix] Romeo Castellucci « pardonne » aux perturbateurs de sa pièce

SOURCE - AFP - La Croix - 24 octobre 2011

Le metteur en scène italien Romeo Castellucci a choisi de « pardonner » aux intégristes catholiques qui ont perturbé les représentations à Paris de sa pièce Sur le concept du visage du fils de Dieu tandis que l’Église catholique gardait toujours le silence lundi.

« Je leur pardonne car ils ne savent pas ce qu’ils font », a dit Romeo Castellucci, paraphrasant les paroles du Christ, après les perturbations provoquées par des membres de l’institut Civitas, proche de la Fraternité Saint-Pie-X, au Théâtre de la Ville à Paris. « Ils n’ont jamais vu le spectacle ; ils ne savent pas qu’il est spirituel et christique ; c’est-à-dire porteur de l’image du Christ », écrit-il dans un communiqué rendu public dimanche soir.

Interrogée par l’AFP, la Conférence des évêques de France n’avait pas réagi lundi midi 24 octobre à ces incidents, tandis que le ministre de la culture Frédéric Mitterrand avait condamné dès samedi ces « perturbations ». La Ville de Paris et le théâtre ont décidé, pour leur part, de déposer conjointement plainte contre les perturbateurs pour « actes de dégradation du domaine public » et « atteinte à la liberté de création et d’expression artistique ».
La demande d’interdiction du spectacle par voie de justice avait été déboutée le 18 octobre, précise la direction du théâtre qui a dû faire intervenir la police pour évacuer les perturbateurs.

Humanité défigurée

Le directeur du Théâtre de la Ville, Emmanuel Demarcy-Mota, rappelait lundi que le spectacle avait déjà été présenté dans plus d’une dizaine de pays européens sans « susciter la moindre réaction analogue ». « Ces agissements à caractère fascisant sont absolument inadmissibles », ajoutait-il dans un communiqué, affirmant la détermination de tous à ne céder "sous aucun prétexte à ces menaces et à cette intimidation".
Disant « détester la provocation » et ne pouvoir « accepter la caricature et l’effrayante simplification effectuées par les fondamentalistes chrétiens », Romeo Castellucci estime que les perturbateurs « sont dépourvus de la foi catholique même sur le plan doctrinal et dogmatique ». « Ils croient à tort défendre les symboles d’une identité perdue, en brandissant menace et violence… Désolé, mais l’art n’est champion que de la liberté d’expression », assure-t-il.
La pièce met en scène un fils aimant qui nettoie avec patience son père incontinent, sous le regard du Christ. Elle amène le spectateur à se demander jusqu’où peut aller sa propre sollicitude à l’égard d’un proche qui ne contrôle plus son corps et dont l’humanité apparaît défigurée. 

Campagne intégriste
 
Lors d’un entretien avec Jean-Louis Perrier pour le festival d’Avignon, Romeo Castelluci s’expliquait en ces termes : « Dans Sur le concept du visage de Dieu , ce regard du Christ est central et rencontre chaque spectateur, individuellement. Le spectateur est sans cesse observé par le fils de Dieu. Montrer le visage du fils de Dieu, c’est montrer le visage de l’Homme, Ecce Homo saisi au moment de la fragilité qui ouvre à la Passion ».
Depuis plusieurs semaines, les milieux intégristes catholiques (et notamment l’institut Civitas, lié à la Fraternité Saint-Pie-X) ont lancé, dans la foulée de leurs actions très médiatiques contre l’exposition de la photographie Piss Christ à Avignon, une vaste campagne contre la pièce Sur le concept du visage du fils de Dieu , jouant l’amalgame avec la pièce Golgota Picnic de Rodrigo García qui entend, quant à lui, ouvertement attaquer l’iconographie chrétienne, image de la « terreur et de la barbarie ».

AFP