30 octobre 2011

[Bruno Bouvet - La Croix] Une manifestation « anti-christianophobie » aux multiples visages

SOURCE - Bruno Bouvet - La Croix - 30 octobre 2011

2000 personnes environ ont participé samedi 29 octobre à Paris à une manifestation « anti-christianophobie » organisée par l’Institut intégriste Civitas pour protester contre deux spectacles jugés blasphématoires.

Au-delà du cercle lefebvriste, des familles nombreuses, beaucoup de jeunes issus du catholicisme traditionnel et même des chrétiens d’Orient s’étaient joints au cortège.

Elle a hésité. Devait-elle participer ce samedi à Paris à la manifestation « anti-christianophobie » organisée par l’Institut Civitas, lié à la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X ? Élisabeth, la soixantaine, assistante de direction et paroissienne de Notre Dame des Champs, dans le 6e  arrondissement, n’est pas proche du mouvement lefebvriste. Pas plus que des jeunes d’extrême droite du Groupe union défense (GUD) qui ferment la marche.
C’est un article paru dans «   Le Figaro   » sur le spectacle de Romeo Castellucci donné depuis le 20 octobre au Théâtre de la Ville à Paris, qui l’a convaincue de se mêler aux manifestants qui crient à forte voix « La France est chrétienne et doit le rester ! », « Christ humilié ! Défendons notre foi, le Christ est notre Roi » , sous une forêt de drapeaux tricolores.

Élisabeth aurait aimé une condamnation plus forte des propos du metteur en scène qui a déclaré au sujet des manifestants qui ont perturbé, parfois avec violence, chacune des représentations de « Sur le concept du visage du fils de Dieu » : « Pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » . Elle n’a pas assisté au spectacle incriminé et n’ira sans doute pas davantage au «  104 », où il sera représenté du 2 au 6 novembre, dans l’est de la capitale. Intellectuellement, cela la dérange.

Amalgame


Difficile dans le cortège de trouver des témoins directs, notamment parmi les nombreux jeunes, du « blasphème » reproché au spectacle de Castellucci, à l’origine de l’intense campagne menée par l’Institut Civitas. « Quand je croise une merde de chien dans la rue, je n’ai pas besoin de mettre le pied dedans pour savoir qu’elle est néfaste, »  tranche un prêtre en soutane de la Fraternité sacerdotale saint Pie X.
À l’avant du cortège qui a rassemblé 1 500 manifestants selon la police, 5 000 selon les organisateurs, le mouvement lefebvriste et ses clercs est particulièrement présent. Créant l’amalgame entre le spectacle de Romeo Castellucci et « Golgota Picnic » de Rodrigo Garcia, joué du 8 au 17 décembre au Théâtre du Rond-Point, l’institut Civitas a réussi à mobiliser au-delà de son cercle traditionnel.

C’est sans doute le cas de Marie-Louise, 76 ans, de Seine-et-Marne, qui confie : « Ce qui se passe me rend malade. On devrait tous être là. » Ou de Philippe, ancien cadre dans l’informatique et paroissien dans le 17e arrondissement, dont le drapeau orné du « Christ roi couronné » aux multiples épines, attire caméras et photographes. « Aujourd’hui, le Christ est persécuté de toutes parts     » , assène-t-il, en faisant remarquer que la manifestation rassemble aussi des chrétiens d’Orient et « même des juifs et des musulmans     ». Dans les rangs, le soutien apporté par Mgr Raymond Centène, évêque de Vannes, est largement relayé.

Chapelet à genoux sous la pluie

Fort de cette audience inattendue, Alain Escada, le secrétaire général de l’Institut Civitas, prend les accents du tribun. Promettant une « mobilisation qui surprendra     » , partout où les spectacles seront joués, il annonce un « automne chrétien »  avant que les participants ne disent un chapelet, à genoux et sous la pluie, devant la Comédie-Française…

Le matin même, sur Radio Notre-Dame, le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris et président de la Conférence des évêques de France, avait condamné fermement les violences commises au Théâtre de la Ville et rappelé que les manifestants ne disposaient d’aucun mandat pour défendre l’Église.

BRUNO BOUVET