Contribution publiée dans le cadre de l'enquête dirigée par l'Abbé de Tanoüarn
De quelle manière la Fraternité Saint-Pie X se met-elle concrètement au service de l'Eglise aujourd'hui?
Concrètement         la Fraternité Saint-Pie X se met au service de l'Eglise dans la         défense de la messe et du sacerdoce. Elle concourt à manifester ainsi         la visibilité de l'Eglise avec une attitude qu'elle veut 100 %         catholique. Il s'agit de reformer un tissu catholique en créant des         séminaires et des écoles, en encourageant les familles chrétiennes.         On peut dire que le mouvement traditionaliste à engendré toute une         génération. La rupture de tradition qui menaçait depuis la         révolution conciliaire n'a pas eu lieu. A Saint-Nicolas-du-Chardonnet,         nous sommes bien placés pour l'attester puisque nous sommes une         véritable paroisse catholique. Qu'est-ce qu'une paroisse ? C'est         l'instrument idéal de la sainteté pour tous les chrétiens, chacun à         sa place. Et plus nos paroisses se sanctifient, plus elles rayonnent.         C'est cela aussi, concrètement, le service de l'Eglise. Toute oeuvre         apostolique part de l'église paroissiale pour y revenir. C'est une         erreur de croire que la paroisse ou le prieuré traditionnel peut         effrayer le nouveau venu. Celui qui en franchit la porte, toujours         ouverte, est heureux de trouver des prêtres qui ont grâce d'état pour         toucher et guider les âmes, il rencontre des laïcs dévoués et         zélés ; il y assiste à une belle liturgie sacrée, en un mot il y         entrera dans une famille. Les prieurés qui ont été ouverts en France         et dans le monde par la Fraternité Saint-Pie X, comme notre église         Saint-Nicolas, s'ils n'ont pas un statut canonique de paroisse, ont pour         finalité de reconstituer des communautés paroissiales si essentielles         à la vie de l'Eglise, car la paroisse est à l'Eglise ce que la famille         est à la société civile : la cellule de base. Les mouvements         catholiques nationaux sont venus perturber cet ordre au lendemain de la         guerre. Ils ont pratiqué un apostolat in vitro, coupé de toute         attache paroissial. Indirectement, c'est certainement une des causes du         Concile.
Qu'est-ce que cette romanité dont Mgr Lefebvre parlait si souvent ?
La         romanité est certainement l'une des valeurs que Mgr Lefebvre vivait de         manière extraordinaire. Jusqu'à ses 83 ans, il n'a pas arrêté de se         rendre à Rome pour plaider sa cause, pour plaider en faveur de la         tradition romaine. C'est que Rome plus que Jérusalem est le berceau des         chrétiens. Jérusalem était la ville de l'ancienne alliance, celle         contractée avec Moïse, mais elle a perdu sa prééminence lorsque le         voile du Temple s'est déchiré en deux le jour du Vendredi saint. Rome         aujourd'hui est la Jérusalem nouvelle, la ville vers laquelle tous les         regards des catholiques convergent. La découverte du tombeau de saint         Pierre, durant le pontificat de Pie XII nous donne une raison         supplémentaire d'aimer cette Ville, où sont les catacombes, les         églises antiques, les tombeaux des papes. Tant de saints sont venus,         tant de bienfaits ont coulé sur la chrétienté depuis Rome. C'est vers         elle que nous regardons. Certes, la crise conciliaire l'a défigurée,         mais nous sommes convaincus qu'un jour, quand Dieu le voudra, la         restauration de la Tradition viendra de Rome et de son Vicaire, il nous         faut pour l'instant attendre et tenir par amour pour la Rome éternelle,         convaincus qu'ainsi nous servons la papauté. Dans cette perspective,         où Rome pour ainsi dire n'est plus dans Rome, il est significatif que         le pape se sente à l'étroit à Rome et voyage sans arrêt dans le         monde entier. Quant aux traditionalistes, leur pèlerinage à Rome en         août dernier manifeste bien leur attachement intérieur à Rome malgré         les difficultés actuelles. C'est cet attachement à la fois viscéral         et lucide que recommandait Mgr Lefèbvre dans son Itinéraire spirituel         : « Plus les scandales viennent de haut et plus ils provoquent         des désastres. Certes l'Eglise en elle-même garde toute sa         sainteté et ses sources de sanctification, mais l'occupation de ses         institutions par des papes infidèles et par des évêques apostats         ruine la foi des clercs et des fidèles, stérilise les instruments de         la grâce, favorise les assauts de toutes les puissances de l'Enfer, qui         semble triompher... » Et notre fondateur ajoutait : « Plus la         sainte Eglise est outragée, plus nous devons nous attacher à elle         corps et âme, plus nous devons nous efforcer de la défendre et lui         assurer sa continuité en puisant dans ses trésors de sainteté pour         reconstruire la chrétienté »...
Comment caractérisez-vous les sacres de 1988 ?
Les         sacres c'est un acte suprême de charité, charité vis-à-vis de Dieu         pour sauver le sacerdoce et la messe, charité vis-à-vis des hommes         pour donner aux fidèles des prêtres, charité vis-à-vis de soi-même         car le prêtre peut continuer à dire la messe. Au jour d'aujourd'hui,         il faut bien reconnaître qu'il n'existe pas un seul évêque qui         accepte la fidélité totale à la tradition. Alors cette         désobéissance matérielle, si on la regarde sous cet angle-là devient         un acte d'héroïsme pour ce que Mgr Lefebvre lui-même appelait         l'opération survie de la Tradition.
La Fraternité Saint-Pie X est-elle une avant-garde ou une arrière-garde dans le combat catholique aujourd'hui ?
Avec ses         quatre cent trois prêtres qui ont une moyenne d'âge de 35 ans, je suis         convaincu que la Fraternité Saint Pie X est une cavalerie légère qui         essuie les coups en souffrant à la fois pour et par l'Eglise. Nous         répétons que ces deux mille ans d'Eglise dont nous sommes issus ne         sont pas pour nous une nostalgie mais un principe d'action et de         conversion. On le voit bien à Paris où beaucoup de gens qui avaient         arrêté de pratiquer retrouvent une très grande ferveur. Vous me         parlez de stratégie. Je ne peux mieux faire que de vous citer le pape         saint Pie X, patron céleste de notre Fraternité, dans sa première         encyclique E supremi apostolatus : « L'action, voilà ce que         réclame les temps présents mais une action qui se porte sans réserve         à l'observation intégrale et sans réserve des lois divines et des         prescriptions de l'Eglise, à la profession ouverte et hardie de la         religion, à l'exercice de la charité sous toutes ses formes sans nul         retour sur soi ni sur ses avantages terrestres. D'éclatants exemples de         ce genre donnés par tant de soldats du Christ auront plus tôt fait         d'ébranler et d'entraîner tes âmes que la multiplicité des         paroles et la subtilité des discussions... ». Je crois que         l'histoire de saint Nicolas depuis le commencement est l'histoire de ce         courage, de cette résolution et de cette fierté, qui n'a que faire de         jouer profil bas.
