6 avril 2006

Benoît XVI et les catholiques intégristes : la main tendue
 Samuel Lieven - Pèlerin n°6436 du 6 avril 2006 - pelerin.info
Benoît XVI a fixé parmi ses priorités le début de discussions avec les catholiques « intégristes ». Quelles réponses ceux-ci donneront à cette ouverture ? Réactions contradictoires. En 1976, déjà, Mgr Lefebvre faisait l’objet d’une suspension a divinis, soit l’interdiction de dire la messe et d’ordonner de nouveaux prêtres.

En février 1977, à la fin de la messe, des centaines de partisans de Mgr Lefebvre pénètrent par la force dans le chœur de l’église Saint-Nicolas-du-Chardonnet, à Paris. Depuis lors, l’église est occupée en toute illégalité par les prêtres de la FSSPX. L’arrêté d’expulsion obtenu par l’archevêché n’a jamais été appliqué. La messe selon le rite saint Pie V est dite plusieurs fois par jour dans ce haut lieu de l’intégrisme.

En 1988, c’est la rupture avec Rome. L’excommunication, que le pape Jean-Paul II souhaitait éviter, fait l’effet d’une bombe dans les rangs intégristes.

Refusant de suivre Mgr Lefebvre dans le schisme, une partie de son mouvement retourne aussitôt dans le giron de l’Eglise catholique et fonde la Fraternité Saint-Pierre. Par la constitution apostolique Ecclesia Dei, ses 180 prêtres sont autorisés à conserver le rite de saint Pie V et forment aujourd’hui l’un des principaux courants traditionalistes à l’intérieur de l’Eglise. Ils ont toujours besoin de l’accord de l’évêque du lieu pour les célébrations.

Du côté des lefebvristes, pourtant, la réalité même du schisme – du mot grec skhisma, la séparation – n’est toujours pas admise. Ces derniers continuent de proclamer leur fidélité à l’Eglise et au pape, tout en rejetant les principales orientations de Vatican II. « Entre les mots “schisme, passéisme ou attitude schismatique”, le Vatican nage dans plusieurs interprétations à notre sujet... », raille Mgr Fellay, pour qui « rien n’a changé » depuis ses dernières entrevues avec le pape Benoît XVI. « Les discussions risquent de durer longtemps », ajoute l’évêque schismatique.

Sur le parvis de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, à la sortie de la messe, les avis divergent sur le retour de la Fraternité dans le giron romain. Françoise, 60 ans, et sa nièce Cécile, 25 ans, affirment ne pas se faire d’illusions : « Rome ne reviendra jamais sur ses positions. » Au-delà du rite, les deux femmes réclament un retour intégral de l’Eglise à la tradition. Pour Marie-Hélène, 65 ans, Vatican II a tout simplement donné naissance à une nouvelle religion : « Les problèmes ne pourront pas se régler en cinq minutes... »

Pourtant, estime Bruno, 38 ans, le temps joue contre la Fraternité : « Cela fait une génération que ça dure : le problème de la transmission commence à se poser. » Satisfaits de l’élection du pape Benoît XVI, ce jeune cadre et son épouse ont pris des distances avec Saint-Nicolas-du-Chardonnet en même temps que certaines figures intégristes, dont l’abbé Aulagnier, ancien bras droit de Mgr Lefebvre. « Il faut savoir arrêter une grève », souligne ce dernier, désormais exclu de la FSSPX. En 2002, il avait soutenu l’accord alors proposé par le Vatican, qui donnait aux intégristes le droit de célébrer la messe traditionnelle sous certaines conditions après leur retour.

«De son vivant, Mgr Lefebvre aurait signé», estime l’abbé Aulagnier. « Facile à dire, Mgr Lefebvre est mort, rétorque Mgr Fellay, dont le mandat à la tête de la Fraternité expire en juillet. Nous ne voulons pas nous jeter sur un accord canonique avant que les problèmes de fond n’aient été réglés.»
Samuel Lieven
Pèlerin n° 6436 du 6 avril 2006