11 avril 2006

La place des « traditionalistes »
R. Fontaine - 11 avril 2006 - Présent - www.present.fr - Mis en ligne par le Forum Catholique

La place des « traditionalistes »

Tandis que s’achevait le 7 avril la Conférence des évêques de France, où a été notamment abordée la question de « l’accueil et la place des “groupes traditionalistes” dans les diocèses », se tenait la deuxième réunion des chefs de dicastères de la Curie romaine autour de Benoît XVI sur la restauration possible de la pleine communion avec la Fraternité Saint-Pie X (FSSPX). La première avait eu lieu le 13 février.
Le cardinal Dario Castrillon Hoyos, préfet de la Congrégation pour le clergé et président de la Commission Ecclesia Dei, avait déjà résumé les conclusions de la réunion des cardinaux du 23 mars en affirmant que l’Eglise « attend à bras ouverts » les disciples de Mgr Lefebvre. « Nous étudions maintenant le meilleur moyen », avait-il ajouté en réponse à une question sur la possibilité d’accorder seulement une « prélature » dépendant du Pape.
De son côté, le cardinal Ricard, président de la Conférence des évêques de France, confirme (dans son discours de clôture de Lourdes) que « dans les semaines ou les mois qui viennent, [le Pape] devrait donner des directives pour faciliter le chemin vers un retour possible à une pleine communion » (avec la FSSPX). « Nous les accueillerons dans la foi et les mettrons en oeuvre fidèlement », précise t-il. Non sans émettre quelques réserves à cette bonne volonté, tant pour l’accueil de la FSSPX (qui « mérite un traitement particulier ») que des communautés dites inadéquatement Ecclesia Dei (Présent du 7 avril). Par exemple :
« La vérité implique qu’on soit au clair sur nos points de dissension. Ceux-ci portent moins d’ailleurs sur les questions de liturgie que sur celle de l’accueil du magistère, tout articulièrement de celui du concile Vatican II et des papes de ces dernières décennies. La communion peut s’accompagner de questions, de demandes de précision ou d’approfondissement. Elle ne saurait tolérer un refus systématique du Concile, une critique de son enseignement et un dénigrement de la réforme liturgique que le Concile a décrétée. »
Mais, de Mgr Lefebvre à Mgr Fellay, il n’a jamais été question d’un refus systématique du Concile pris comme une entité majusculaire. Ce sont plusieurs points, certes importants, de ce concile pastoral (comme le noeud gordien de la liberté religieuse) qui sont discutés. En outre, ces points de dissension commencent bien avec la question liturgique qui n’est pas la moindre pomme de discorde (comme le laisse accroire Mgr Ricard), selon l’adage classique qui résume le lien substantiel entre la prière et la foi : lex orandi, lex credendi.
Si la liturgie est la foi qui chante, force est d’admettre que la foi n’est plus tout à fait chantée comme avant, comme l’a du reste souvent concédé le cardinal Ratzinger. En matière de réception du magistère (y compris celui de Vatican II et de sa mauvaise traduction systématique), on peut d’ailleurs facilement retourner le reproche : au nom de « l’esprit du Concile », la réforme liturgique « que le Concile a décrétée » (comme dit improprement Mgr Ricard : la nouvelle messe est de 1969) a commencé par ne pas correspondre, sur des points essentiels, à la volonté clairement exprimée des Pères conciliaires, avec l’exemple éloquent du latin liturgique (Présent du 6 janvier)...
Sans développer davantage tous ces paradoxes et ces contradictions que Jean Madiran a par ailleurs expliqués ici même à plusieurs reprises (notamment en commentant le fameux discours papal à la Curie du 22 décembre dernier), on saisit qu’il ne s’agit pas seulement d’un problème de « sensibilités » : « Comment reconnaître la place dans l’Eglise d’une diversité de sensibiliés liturgiques et d’animations cclésiales, sans pour autant contribuer à faire naître des Eglises parallèles qui n’auraient pas de liens entre elles ? », demande le cardinal Ricard.
On peut néanmoins se réjouir, comme l’abbé de Cacqueray (supérieur du District de France de la FSSPX), de ce changement de ton des évêques de France – ils disent vouloir rechercher une communion « dans la charité et la vérité » en cherchant à « faire disparaître les images fausses que l’on peut avoir les uns des autres » – et de l’attention nouvelle qu’ils portent aux fidèles « traditionalistes ». L’abbé de Cacqueray ajoute cependant (dans le Figaro de samedi) : « Nous ne souhaitons pas d’accords pratiques » mais des « modus vivendi, sur le terrain, au cas par cas ».
RÉMI FONTAINE