| On sait que nos évêques se sont       réunis à Lourdes, en assemblée plénière de « printemps »,       dans les premiers jours d’avril.  Ils       se sont penchés paternellement sur le difficile problème, pour eux,        de « l’accueil des groupes « traditionalistes »       au sein de leurs diocèses.  Le       cardinal Ricard, archevêque de Bordeaux et Président de la conférence       épiscopale de France,  en a       présenté les positions, dans un  texte       appelé « Conclusions » Dans le « Regard sur le       monde »  du 11 avril, j’ai       essayé d’analyser, aussi fidèlement que possible,        l’ensemble du document épiscopal. Je vous en ai        montré les bons côtés, la « nouveauté ».  Là,       ils expriment leur désir « sincère » d’organiser, enfin, l’accueil       des traditionalistes dans les diocèses. Ils disent vouloir leur faire       bonne place dans la structure diocésaine en respectant enfin la       légitimité de la liturgie romaine, latine et grégorienne de la messe       selon le rite dit de saint Pie V. et de faire bon accueil aussi de leur       mode « évangélique ». C’est ce qu’ils appellent       « l’accueil de la diversité ».Ceci a fait       « rager » de colère les journalistes de       « Gollias ». Je ne sais si c’est une « sainte       « colère. Peu importe ! On connaît leur goût de l’hérésie.       Leur « réaction » a circulé sur tous les sites. Il faut en       prendre acte. Il donne aussi une interprétation du texte. On ne peut l’ignorer. Dans la « Paroisse saint       Michel » de la même semaine, j’ai poursuivi mes réflexions et       essayer de voir les « intention »  de l’épiscopat,       vis-à-vis de Rome. S’étant montré depuis des décades très hostiles       à un  telle mouvement et l’ayant       combattu vraiment… mais constatant les volontés nouvelles de Rome de       régler enfin le problème de la « communion », et ne voulant       pas se voir imposer une solution romaine, les voilà tous monter au       créneau déclarant vouloir enfin régler le problème…le problème d’une       « communion » à la française…Ce qui retarde jusqu’en       novembre tout règlement de l’affaire…A moins que Rome…Mais je ne       pense pas…J’aimerais vraiment être déjugé… Je voudrais poursuivre cette étude       sur le problème de cette « communion avec l’épiscopat       français »…. Les       conditions d’une communion. Ils en donnent les conditions.         Elles valent certainement pour tout le mouvement traditionaliste :         et pour les communautés « Ecclesia Dei » et pour la         Fraternité sacerdotale saint Pie X. Ils se dépêchent de le faire         savoir. Ils rendent leur texte public…Rome est ainsi informée… Ils les précisent à la fin du         document. Voici le passage : « Cette         communion doit être recherchée dans la charité et la vérité. La         charité implique qu’on cherche à se connaître, à se comprendre, à         faire disparaître les images fausses que l’on peut avoir les uns des         autres. Elle implique également         l’abandon de toute polémique systématique et de toute volonté de         confrontation sur le terrain » Ce sont les conditions         « psychologiques » et « pastorales ». Se mieux         connaître, se mieux comprendre,  faire         disparaître les images fausses que l’on peut entretenir de part et d’autres…Voici         les conditions que j’appelle plus psychologiques. Il faut cesser « toute         polémique systématique » et toute « volonté de         confrontation sur le terrain »…Je pense que nos évêques font         allusion aux combats passés, ceux de M l’abbé Coache, souvent         « musclés »,  ceux         du Chamblac, de Lisieux…Ceux de « Paix liturgique 92 »         dans le diocèse de Nanterre… Tout cela me paraît très         légitime et normal. «          La vérité implique, poursuivent nos évêques,  qu’on soit au clair sur nos         points de dissension. Ceux-ci portent moins d’ailleurs sur les questions de liturgie que sur         celle de l’accueil du magistère, tout particulièrement de celui du         concile Vatican II et des papes de ces dernières décennies. La         communion peut s’accompagner de questions, de demandes de précision         ou d’approfondissement. Elle ne saurait tolérer un refus systématique du Concile, une critique         de son enseignement et un dénigrement de la réforme liturgique que le         Concile a décrétée ». Ce sont les conditions, que j’appellerais          plus « théologiques ».  Elles         portent sur les problèmes de vérité, sur « nos points de dissensions »…Ils les énumèrent. Ils          portent sur  Concile,         son interprétation, sur le problème de la réforme liturgique… son         acceptation, et ultimement sur le problème du magistère. Voilà les « points de         dissensions ». Ils doivent être pris en compte dans la         réalisation de cette « communion ». Et là, les évêques         font savoir clairement jusqu’où ils pourront aller, ce qu’ils ne         pourront pas accepter…ce qui serait même, pour eux,          inacceptable. N’oublions pas que pour les évêques de France         « tout n’est pas négociable ». Ils l’ont dit déjà du         temps du cardinal Eyt, cardinal de Bordeaux…qui s’était exprimé         juste au moment de la reprise du dialogue avec la FSSPX…en 2001. Les         choses se renouvellent… Ce qui ne serait certainement pas         acceptable ce serait : le          «  refus systématique du Concile, une critique de son         enseignement ». Ce serait          le         «  dénigrement de la réforme liturgique que le Concile a         décrétée ». Toute communion ne peut se faire sur le dos         de la « réforme conciliaire » ni sur le dos de  « la         réforme liturgique ». Ils         le disent  expressément  Retenons         cette phrase : «  La         communion peut s’accompagner de questions, de demandes de précision         ou d’approfondissement. Elle ne saurait tolérer un refus systématique du Concile, une critique         de son enseignement et un dénigrement de la réforme liturgique que le         Concile a décrétée ». Ils donnent les conditions sine         qua non pour l’instauration de toute communion. Elles sont à         accepter…Point c’est tout ! « On         ne saurait tolérer un refus systématique… » C’est cela  que         je voudrais aujourd’hui analyser. Et même me concentrer         essentiellement sur « le problème de la réforme         liturgique ». C’est ce que je vous disais à la fin de mon         précédent « Regard » Oui regardons de près la chose         « liturgique ». Pour avoir la moindre chance d’une         vraie « communion », il ne faudrait pas dénigrer la         réforme liturgique que le Concile a décrétée. Le «  dénigrement de la réforme liturgique que le Concile a         décrétée » serait, certainement, intolérable.           « Dénigrement ». C’est le terme épiscopal. Le dénigrement,         c’est l’action de « dénigrer ». « Dénigrer »         vient du verbe latin : « denigrare »         qui veut dire « noircir ». Alors on ne sera pas étonner de         son sens en français. « Dénigrer »  se traduit         par « diminuer ». Diminuer l’estime que l’on         accorde à une personne à une œuvre. On parlera en ce sens          de  « discréditer »,         « décrier ». Il exprime la perte de crédit d’une chose.         On parlera en ce sens d’une chose dépréciée. Voilà le sens que nous donne le         petit Robert de ce verbe « dénigrer ». Ceci dit, voilà la question que je         pose à l’épiscopat français. Considérez-vous que l’analyse du          «Bref examen critique » que les cardinaux Ottaviani et         Bacci ont présenté en 1969 au pape Paul VI relève du         dénigrement » ? Cette analyse est-elle : «  un         dénigrement de la réforme liturgique que le Concile a         décrétée » ? Si oui,  ces         deux cardinaux, s’ils vivaient encore,  ne         seraient pas admis dans votre future « communion » ?          Moi non plus alors…parce que je partage toujours leur analyse…Je         le suis pourtant…de facto…puisque je suis incardiné au diocèse de         Clermont…Où est alors le problème ? Mais ce même « Bref examen         critique » vient d’être de nouveau très heureusement          publié avec cette fois, une préface du cardinal Stickler,         toujours en vie. Serait-il lui aussi exclu de votre         « communion » ? Mais le cardinal pourtant se félicite         de cette analyse…du Bref examen critique. Il est en pleine communion         avec Benoît XVI. Alors ! Mais d’une façon plus précise         encore, la conférence qu’il prononça en          1997 en Autriche et qui a été connu en France , en 2000,          grâce au C.I.E.L qui en a donnée la traduction française         serait-elle considérée, par vous,  comme         le « dénigrement de la réforme liturgique que le concile a         décrétée » ? Si elle n’est pas à vos yeux un         « dénigrement » inacceptable de la réforme liturgique que         le Concile a décrété…alors j’ai toute mes chances d’être en         votre communion…ce dont je me réjouis très sincèrement… Mais quelle est donc cette         conférence à laquelle je semble donner tant d’importance ? Je crois qu’il faut de nouveau en         cette circonstance nouvelle de « communion »,  la         redonner. J’en faisais une analyse dans « Nouvelles de         Chrétienté » de décembre 2001. C’était le numéro 70 du         bulletin  du         « prieuré » saint Jean Eudes…à l’époque… Voici cette présentation. J’en         retiens les éléments essentiels…
 Le cardinal Stickler et la       réforme liturgique du Concile Vatican II Le cardinal Stickler, enfin, s’exprime         sur la réforme liturgique issue du Concile Vatican II et entre, à son         tour, dans cette bataille gigantesque. Son témoignage est tardif, certes. Il a du poids cependant. Pensez ! En poste à Rome depuis 1937, le         Cardinal est canoniste, canoniste reconnu. Il fut professeur d’université         puis recteur. Préfet de la Bibliothèque vaticane et des archives         secrètes du Vatican. Il a été membre des commissions préparatoires         du Concile Vatican II, puis expert auprès des différentes commissions         conciliaires, en particulier la Commission liturgique. On ne peut avoir meilleur témoin         de la pensée conciliaire surtout en matière liturgique. C’est lui, le premier, qui         révéla l’existence de cette fameuse commission de neuf cardinaux         nommés par le pape en 1986, pour savoir si la messe traditionnelle         avait été « abrogée par la Constitution « Missale         romanum » de Paul VI. La réponse avait été négative :         « La réponse donnée par huit (des neufs) cardinaux en 1986         fut que non, la messe de saint Pie V n’a jamais été interdite. J’étais         moi-même l’un des cardinaux. Un seul était contre         (NDLR : c’était le cardinal Benelli). Tous les autres         étaient pour une libre autorisation, pour que tous puissent choisir l’ancienne         messe. Je pense que le Pape a accepté ». (p. 27) Or ce même cardinal donna une         conférence que le C.I.E.L porta à la connaissance des français dans         une petite plaquette intitulé : « Souvenirs et expériences         d’un expert de la Commission conciliaire sur la liturgie ». La conférence est assez longue. Elle va de la page 31 à 66 du         livret que n’en fait que 99. Elle fut donnée en 1997 à l’         « Internationalen Théolojischen Sommerakademie des Linger         Priesterkreises ». Elle fut publiée, d’abord, en allemand par         Franz Breid – Die heilige liturgie – Ennsthaler. Ah quel brûlot ! Quel         brûlot ! Mes amis ! Il faut faire connaître cela, me         disais-je.
 A- Présentation du cardinal par lui-même Tout d’abord, le Cardinal, se         présente. Ce n’est pas le dernier personnage de l’Eglise..         Lisez : « J'ai         été professeur de droit canonique et d'histoire du droit         ecclésiastique à l'université salésienne, fondée en 1940, puis         pendant 8 ans, de 1958 à 1966, recteur de cette université. En cette         qualité, j'ai bientôt été nommé consulteur de la Congrégation         romaine pour les séminaires et les universités, puis, depuis les         travaux antépréparatoires jusqu'à la mise en oeuvre des décisions du         concile, membre de la commission dirigée par ce dicastère romain. En         outre, j'ai été nommé expert (peritus) de la commission pour le         clergé, et plus spécifiquement pour les problèmes relatifs aux droits         patrimoniaux : il s'agissait surtout de débarrasser le Droit Canon du         système des bénéfices. « Peu avant le concile, le         cardinal Laraona, dont j'avais été l'élève pendant mes études de         droit canon et de droit ecclésiastique au Latran et qui avait été         nommé président de la Commission conciliaire pour la liturgie, me fit         venir chez lui et m'annonça qu'il m'avait proposé comme expert de         cette Commission. Je lui objectai que j'avais déjà beaucoup à faire         en tant qu'expert de deux autres commissions, surtout celle des         séminaires et universités. Pourtant il maintint sa proposition en         faisant remarquer que, considérant l'importance canonique des         prescriptions relatives à la liturgie, il fallait également inclure         des canonistes dans cette commission. C'est par cette fonction non         recherchée que j'ai ensuite vécu le concile Vatican II depuis ses tout         débuts puisque, comme on le sait, la liturgie fut le premier sujet         inscrit à l'ordre du jour. Je fus ensuite affecté à la sous‑commission         qui devait rédiger les modifications apportées aux trois premiers         chapitres et aussi préparer l'ultime formulation des textes qui         devaient être soumis, pour discussion et approbation, à la commission         réunie en plénière avant d'être présentés dans l'aula conciliaire.         Cette sous-commission se composait de trois évêques: Mgr Callewaert,         archevêque de Gand, qui en était le président, Mgr Enciso Viana, de         Majorque et, si je ne me trompe, Mgr Pichler, de Banjaluka         (Yougoslavie), ainsi que de trois experts : Mgr Martimort, le P.         Martinez de Antonana, clarétin espagnol, et moi-même. Vous comprendrez         aisément que, dans le cadre de ces travaux, on pouvait se faire une         idée exacte de ce que souhaitaient les Pères conciliaires ainsi que du         sens réel des textes votés et adoptés par le concile » Ce personnage est important ! Puis il donne un témoignage         personnel – fort intéressant – sur la réforme liturgique :         son jugement sur « l’édition définitive » du nouveau         missel romain : « Mais vous pourrez         également comprendre ma stupéfaction lorsque, prenant connaissance de         l'édition définitive du nouveau Missel Romain, je fus bien obligé de         constater que, sur bien des points, son contenu ne correspondait pas aux         textes conciliaires qui m'étaient si familiers, que beaucoup de choses         avait été changées ou élargies, ou allaient même directement au         rebours des instructions données par le concile ». Voilà un témoignage         incontournable ! Irrécusable ! Il doit être pris en compte         si l’on veut juger l’œuvre liturgique conciliaire… Il ne peut être oublié dans la         « bataille de la messe ».  N’y         tenant plus – il doit avoir du caractère – il demande une audience         au cardinal Gut, alors Préfet de la Congrégation des Rites : « Comme j'avais         précisément vécu tout le déroulement du concile, les discussions         souvent très vives et longues et toute l'évolution des modifications         jusqu'aux votes répétés qui eurent lieu jusqu'à leur adoption         définitive, et que je connaissais aussi très bien les textes contenant         les prescriptions détaillées pour la réalisation de la réforme         souhaitée, vous pouvez vous imaginer mon étonnement, mon malaise         croissant et même ma fureur devant certaines contradictions         particulières, surtout considérant les conséquences nécessairement         graves que l'on pouvait en attendre. C'est ainsi que je décidai d'aller         voir le cardinal Gut qui, le 8 mai 1968, était devenu préfet de la         Congrégation des Rites en remplacement du cardinal Larraona, qui         s'était retiré le 9 janvier précédent. Je lui demandai une audience         dans son logement au monastère bénédictin de l'Aventin, audience         qu'il m'accorda le 19 novembre 1969. Je ferai remarquer en passant que,         dans ses Mémoires parus en 1983, Mgr Bugnini fait erreur sur la date de         la mort de Mgr Gut, l'avançant d'un an : Mgr Gut est mort le 8         décembre 1970 et non 1969. Mgr Gut me reçut très         aimablement, bien qu'il fût déjà visiblement malade et, comme l'on         dit, j'ai pu déverser tout ce que j'avais sur le cœur. Il me laissa         parler une demi‑heure sans m'interrompre, puis il me dit qu'il         partageait entièrement mes inquiétudes. Mais, ajouta‑t‑il,         la faute n'en incombait pas à la Congrégation des Rites : en effet,         toute la réforme était l’œuvre du Consilium constitué         expressément à cette fin par le pape, dont il avait nommé le cardinal         Lercaro Président et le P. Bugnini Secrétaire. Dans ses travaux, ce         Conseil n'avait eu de comptes à rendre qu'au pape.».
 B- Jugement sur Mgr Bunigni. Au passage, il donne son jugement         sur Mgr Bugnini. Il faut le dire, ce n’est pas sans intérêt : « À ce sujet, une         précision s'impose : le P. Bugnini avait été Secrétaire de la         Commission sur la liturgie pendant la période préparatoire du concile.         Comme son travail, effectué sous la direction du cardinal Gaetano         Cicognani, n'avait pas été jugé satisfaisant, il fut le seul à ne         pas être promu Secrétaire de la commission conciliaire correspondante         ; cette fonction fut attribuée au P. Antonelli, o.f.m., ultérieurement         nommé cardinal. Le groupe des liturgistes, d'inspiration plutôt         moderniste, fit valoir à Paul VI qu'il s'agissait là d'une injustice         faite au P. Bugnini et obtint du nouveau pape, qui était très sensible         à ce genre de choses, que, en compensation de cette injustice, le P.         Bugnini fût nommé Secrétaire du nouveau Consilium chargé d'opérer         la réforme. Ces deux nominations ‑         celles du cardinal Lercaro et celle du P. Bugnini ‑ aux postes         clefs du Consilium offrirent la possibilité de se faire entendre, pour         l'exécution de la réforme, à des gens qui jugeaient ne l'avoir pas         suffisamment été pendant le concile, et aussi d'en faire taire         d'autres : en effet, les travaux du Consilium se déroulaient dans des         zones de travail non accessibles aux non‑membres. Et pourtant : bien qu'ils se         soient consacrés corps et âme aux travaux énormes et délicats         réalisés par le Consilium, notamment sur le cœur même de la         réforme, à savoir le nouvel Ordo Missae Romanum qui fut réalisé dans         les délais les plus brefs, seul l'avenir nous expliquera pourquoi les         deux principaux acteurs sont visiblement tombés en disgrâce : le         cardinal dut renoncer à son siège épiscopal, et le P. Bugnini, nommé         archevêque dès 1968 et nouveau Secrétaire de la Congrégation des         Rites, ne reçut pas la pourpre cardinalice qui accompagne une telle         fonction ; il avait été nommé nonce à Téhéran lorsque, suite à         une opération, la mort vint interrompre son activité terrestre le 3         juillet 1982 ».
 C- Le thème de sa conférence. Ce préambule étant fait, le         Cardinal donne le thème de sa conférence : il veut juger « de         la concordance ou de la contradiction entre les dispositions         conciliaires et la réforme effectivement appliquée » (p.         35). Nous sommes en plein dans le sujet…dans         la préoccupation exprimé par nos évêques. Ils disent bien : La         « communion doit être recherché dans la charité et la vérité… La         vérité implique qu’on soit clair sur nos points de dissension.         Ceux-ci portent…sur les questions de          liturgie… ». Oui c’est bien cela ! Jusqu’ici – pour beaucoup –         les critiques adressées à la réforme liturgique émanaient, la         plupart du temps, de nos milieux…. J’étais content de trouver d’autres         critiques… Enfin, une « critique » qui ne venait pas de         « chez nous ». Une critique du « sérail ».
 D- Les rappels liturgiques du  Concile       Vatican II. 1- L’article 2. Tout au début, le Cardinal         rappelle quelques grands principes liturgiques heureusement soulignés         par la Constitution Sacrosanctum Concilium. Il nos rappelle l’article 2 qui         affirme que dans la liturgie « tout ce qui est humain doit         être subordonné et soumis au divin, le visible à l’invisible, l’action         à la contemplation, le présent à la cité divine future que nous         recherchons ». C’est à la page 35 du livret. Qui ne serait d’accord avec ce         principe…fut-il conciliaire ! Et vous savez le jugement du         Cardinal sur ce point. Tout simplement, les réformateurs ont échoués         en cette affaire. Il écrit vers la fin :         « Ma conférence, mes souvenirs et expériences, je pense, ont         permis d’évaluer dans quelle mesure la réforme avait satisfait aux         exigences d’ordre théologique et ecclésiastique énoncées par le         Concile, en d’autres termes, de voir si, dans la liturgie – et         surtout dans ce qui en constitue le centre : la Sainte Messe – ce         qui est humain a véritablement été ordonné et soumis au divin, ce         qui est visible à l’invisible, ce qui relève de l’action à la         contemplation et ce qui est présent à la cité future que nous         recherchons. Et l’on en arrive à se demander si, au contraire, la         nouvelle liturgie n’a pas, souvent, ordonné et soumis le divin à l’humain,         le mystère invisible au visible, la contemplation à l’activisme, l’éternité         future au présent humain quotidien ». (p. 64) Paroles du cardinal Stickler. De sorte que, lui aussi, avec le         cardinal Ratzinger, forme des vœux pour lancer la réforme de la         réforme. La première aurait donc échoué ? « C’est précisément         parce que l’on se rend toujours plus clairement compte de la         situation actuelle (NDLR - ie.de la déconfiture de la réforme         liturgique et son infidélité à la pensée conciliaire…mais à qui         la faute…) que se renforce l’espoir d’une éventuelle         restauration que le cardinal Ratzinger voit dans un nouveau mouvement         liturgique qui éveillera à une vie nouvelle le véritable héritage du         Concile Vatican II ». Et de citer le livre du Cardinal Ma         vie, op cit. p. 135. 2- D’autres articles conciliaires en matière liturgique. Le Cardinal survole et résume         quelques articles fondamentaux du Concile. Des rappels tout à fait         évidents et traditionnels. L’article 21, l’article 23 qui         affirme qu’il ne faut rien changer – en matière liturgique –         « avant que ne soit élaborée une soigneuse étude         théologique, historique, pastorale, en s’assurant d’un         développement organique harmonieux ». Qui ne serait d’accord ! L’article 33 qui rappelle la         finalité de la liturgie : « La liturgie est         principalement le culte de la majesté de Dieu » A la         bonheur ! 3- L’article 34, l’article 54 sur la langue latine. Témoignage du cardinal sur le latin. Là, le Cardinal donne son         témoignage. C’est fort instructif ! « Au bout de quelques         jours de débat au cours duquel tous les arguments pour et contre furent         vivement discutés, on en est arrivé à la conclusion bien claire –         tout à fait en accord ave le Concile de Trente – qu’il fallait         conserver le latin comme langue cultuelle du rite latin mais que des         exceptions étaient possibles et même souhaitables » (p.         38-39) 4- L’article 116 sur le chant grégorien. Sur le chant grégorien, sur les         orgues, le Cardinal rappelle l’article 116 de la Constitution :         « Le grégorien est le chant propre de la liturgie catholique         romaine depuis l’ époque de Grégoire le Grand et qu’en tant         que tel, il doit être conservé ». (p. 39) 5- L’article 108. Il rappelle l’article 108 qui         souligne spécialement l’importance des fêtes du Seigneur et surtout         celles du propre du temps, lequel doit avoir la priorité sur les fêtes         des saints pour ne pas affaiblir la pleine efficacité de la         célébration des mystères du salut (p. 39). Mais c’était l’enseignement qu’à         Ecône, Dom Guillou, professeur de liturgie, dispensait aux         séminaristes avec énergie et conviction. J’en fus marqué –         personnellement – pour toujours.
 E- Les critiques du cardinal. Ces principes liturgiques – et d’autres         encore – rappelés, le Cardinal passe à la critique de la réforme         liturgique – l’œuvre conciliaire par excellence – c’est la         deuxième partie de la conférence. 1- L’axiome « Lex credendi Lex orendi, ». Sans vouloir être exhaustif en         cette affaire, le Cardinal aborde cette critique avec énergie et         fraîcheur. Sous sa plume, je retrouvais l’enseignement de mes         maîtres. J’étais heureux. J’avais appris chez Dom Guillou,         chez Monsieur l’abbé Dulac que la liturgie devait exprimer la foi         catholique. Que de fois, en effet, avais-je entendu de la bouche de Mgr         Lefebvre, cet axiome : legem credendi, lex statuit supplicandi         ou plus simplement dit : lex orandi, lex credendi Je retrouvais dans ces pages que je         lisais même doctrine, la doctrine de toujours. Le cardinal écrivait :         « La liturgie contient et exprime la foi de façon juste et         compréhensible » (p. 40). De sorte que « la         pérennité de la liturgie participe de la pérennité de la foi, elle         contribue même à la préserver ». Et comme la foi est         immuable, la liturgie qui l’exprime, l’est aussi. « C’est         pourquoi il n’y a jamais eu de rupture, de re-création radicale dans         aucun des rites chrétiens, catholiques, y compris dans le rite romain          latin » (p. 40-41). L’évolution liturgique – dès         lors – est lente, nécessairement organique. J e me régalais en lisant ces         rappels. « Dans tous les rites, la liturgie est quelque chose         qui s’est développée et continue de croître lentement ; partie         du Christ et reprise par les Apôtres, elle a été organiquement         développée par leurs successeurs, en particulier par les figures les         plus marquantes tels les Pères de l’Eglise, tout cela en préservant         consciencieusement la substance, i.e. le corpus de la liturgie en tant         que tel » Mais Dom Guillou nous enseignait la         même chose ! Il écrivait en 1975, en la fête de la Pentecôte,         dans un texte merveilleux qui constitue la préface du livre Le livre         de la Messe, édité par Philippe Héduy – ce grand poète         - : « La Messe est d’institution divine et apostolique.         Mais elle ne nous est pas parvenue telle que les Apôtres l’ont         célébrée (bien qu’elle n’ait jamais été une pure imitation de         la Cène…), elle est maintenant la fleur d’une croissance         « sui generis ». Ses éléments constitutifs se sont         développés sans évolution, ni changement (substantiel) au cours des         siècles… sous la conduite de l’Esprit-Saint dont l’assistance a         été promise à l’Eglise » (p. 17-18). L’Esprit-Saint est Un et         Véridique. Ce qu’il inspire ne peut-être que un et véridique, le         même à travers les temps. J’aime cette expression du         cardinal. C’est clair, c’est net : « C’est pourquoi,         il n’y a jamais eu de rupture, de re-création radicale… dans le         rite latin romain ». Il poursuivais : « Il         n’y a jamais eu de rupture dans le rite romain latin à l’exception         de la liturgie post-conciliaire actuelle, en application de la réforme…bien         que le Concile…ait toujours réaffirmé que cette réforme devait         préserver absolument la tradition » (p. 40-41). Jamais de rupture…à l’exception         de la liturgie post-conciliaire actuelle. Mais c’est l’enseignement         du cardinal Ottaviani, me disais-je. Je courais prendre la lettre du         cardinal Ottaviani à Paul VI et lisais : « Le nouvel Ordo Missae,         si l’on considère les éléments nouveaux, susceptibles d’appréciation         fort diverses qui y paraissent sous-entendues ou impliquées, s’éloigne         de façon impressionnante dans l’ensemble comme dans le détail, de la         théologie catholique de la Sainte Messe, telle qu’elle a été         formulée à la 22ème Session du Concile de Trente ». C’est donc bien à une rupture         que l’on assiste avec le nouvel Ordo Missae. Cet éloignement est une         véritable rupture avec la Tradition. Du reste, le cardinal Ottaviani         utilise lui-même le mot : « Les raisons pastorales         avancées pour justifier une si grave rupture… » Le cardinal Stickler a la même         analyse. Avec le nouvel Ordo Missae, on assiste à une véritable         rupture avec la Tradition, « à une véritable          et radicale nouveauté ». Il l’affirme tout de         go : « L’Ordo Missae (est) radicalement nouveau ».  Et ceci est une véritable         nouveauté, la nouveauté par excellence… « Alors que toutes         les réformes antérieures adoptées par les papes et tout         particulièrement celles entreprises sous l’impulsion du Concile de         Trente et mise en œuvre par le pape Pie V et jusqu’à celles de Pie         X, de Pie XII et de Jean XXIII, ne furent pas des révolutions mais         uniquement des corrections qui ne touchaient pas à l’essentiel, des         ajustements et des enrichissements » (p. 41). C’est ce que demandait – du         reste – le Concile en son article 23 : « Le Concile a         expressément dit, à propos de la restauration souhaitée par les         Pères, qu’aucune innovation ne devait être faite qui ne fut vraiment         et certainement exigée par l’utilité de l’Eglise ». Je me souvenais de notre savant         abbé Dulac qui, dans l’analyse qu’il faisait de la Bulle Quo         primum ne cessait de rappeler les termes de la Bulle :         restaurata, restaurata. Non ! nous n’avons rien de         tel avec Paul VI. Nous avons un Novus Ordo Missae. Rien de comparable. Mais certains autres de la         hiérarchie catholique parlent, eux, pourtant, de continuité dans le         rite romain, d’un Ordo à l’autre. Le cardinal Castrillon Hoyos – en         particulier – ne disait-il pas, un jour dans la cathédrale de         Chartres,  qu’il ne fallait         pas « contra poser les deux rites. Ils seraient,         substantiellement, identiques… » Le Pape - lui-même – alors qu’il         recevait les communautés relevant du Motu Proprio Ecclesia Dei,         le 26 Octobre 1998 – venues à Rome en action de grâces, leur tenait         même langage : « Les derniers Conciles œcuméniques –         Trente, Vatican I, Vatican II – se sont particulièrement attachés à         éclairer le mystère de la Foi et ont entrepris des réformes         nécessaires pour le bien de l’Eglise, dans le souci de la         continuité avec la Tradition apostolique déjà recueillie par         saint Hippolyte » (La Nef, n° 89, Déc 1998). Que les choses sont bizarres ! Même au plus haut niveau du         gouvernement ecclésiale… les jugements des autorités divergent         fondamentalement sur le même objet : la réforme liturgique. Pour les uns, nous aurions « une         nouveauté radicale ». Pour les autres, « une         continuité parfaite ». Le magistère est vraiment divisé.         C’est un des éléments de la crise de l’Eglise. Il faut le prendre en compte à l’heure         où l’on nous appelle à la soumission au magistère… Soit ! Mais quel est son         enseignement ? Poursuivons la pensée de notre         Cardinal autrichien. 2- Analyses des « nouveautés » dans la réforme liturgique. Il nous dit : « Nous allons maintenant         présenter quelques exemples marquants (sans vouloir être exhaustif) de         ce qui a été créé dans la réforme post-conciliaire et en         particulier dans son cœur : l’Ordo Missae radicalement nouveau »         (p. 41). Alors le Cardinal passe en revue le         nouvel Ordo. Il feuillette le nouvel Ordo. Il n’insiste pas sur l’introduction         de la messe. Elle est « nouvelle » dit-il page 42 et         surtout comporte de « multiples variantes » (id) ce         qui souvent aboutît à une diversité presque illimitée. a- De l’offertoire. Il en vient, tout de suite, à l’Offertoire.         Là, il parle à ce sujet de révolution. « L’Offertoire, dans sa         forme et sur le fond, constitue une révolution : il n’est, en         effet, plus prévu d’offrande préalable des dons mais         simplement d’une préparation des oblats avec une teneur         nettement humanisée mais qui, en fin de compte, donne          tout de suite, une impression de dépassé » (p.         42). Il parle même de symbolisme « malheureux »…         L’industrialisation a envahi l’agriculture et la culture des         céréales… b- Génuflexions et signes de croix. Il poursuit : « Quant         aux signes hautement loués par le Concile de Trente et exigés par le         Concile de Vatican II tels que les nombreux signes de croix qui         renvoient à la Très Sainte Trinité, les baisers de l’autel et         les génuflexions, de tout cela, on a fait table rase » (p.         42). c- L’essentiel de la messe : le sacrifice. Il parle ensuite du sacrifice qui         est l’essence de la Messe. Il écrit : « Le centre essentiel de         la messe qui était précisément l’action sacrificielle elle-même, a         été déplacé au profit de la communion dans la mesure où, tout le         sacrifice de la messe a été transformé en un repas eucharistique. Ce         faisant, si l’on considère les termes utilisés, la communion est         devenue, dans la conscience des fidèles, la seule partie de la messe         ayant une effet intégrateur en lieu et place de la partie essentielle         qui est l’action sacrificielle de transsubstantiation »…         « Il est faux de faire de l’Eucharistie un repas, ce qui         se produit presque toujours dans la nouvelle liturgie »         (p. 43). On a envie de dire au         Cardinal : alors quoi ! Cette nouvelle messe est-elle         sacrifice ou repas. L’un est-il l’autre ou y a-t-il une différence         essentielle entre l’un et l’autre ? Le sacrifice n’est pas un         repas, ni un repas, un sacrifice. Mais on nous dit qu’il ne faut pas         « contra poser » les deux rites… Je me souvenais du Bref examen         critique, de la critique du fameux article 7 qui, dans cette affaire         liturgique, est capital. Je relisais : « La définition de la         messe est réduite à celle de la Cène et cela apparaît         continuellement (aux nos 8-48-55-56). Cette Cène est, en         outre, caractérisée comme étant celle de l’Assemblée présidée         par le prêtre, celle de l’Assemblée réunie afin de réaliser         « le mémorial du Seigneur » qui rappelle ce qu’il fit le         Jeudi Saint ». « Tout cela n’implique         ni la présence réelle, ni la réalité du Sacrifice, ni le caractère         sacramentel du prêtre qui consacre, ni la valeur intrinsèque du         sacrifice eucharistique indépendamment de la présence de l’Assemblée ». « En un mot, cette         nouvelle définition ne contient aucune des données dogmatiques qui         sont essentielles à la Messe et qui en constituent la véritable         définition. L’omission, en un tel endroit, de ces données         dogmatiques, ne peut qu’être volontaire. Une telle omission         volontaire signifie leur dépassement et au moins, en pratique, leur         négation » (Bref examen critique). J’avais encore en mémoire toutes         ces phrases quand j’arrivais au § 2 de la page 43, je tombais sur ces         paroles fulgurantes : « Ainsi, sont posés les         fondements d’un autre détournement de fonction : à la place du         sacrifice présenté à Dieu par le prêtre ordonné en tant qu’ « alter         Christus », s’instaure la communauté de repas des fidèles         assemblés sous le présidence du prêtre » (p. 43). Mais attention, le Cardinal         poursuit : « La définition de la         Messe qui, dans la première édition du N.O.M. confirmait cette         conception, a pu être supprimé, au dernier moment, grâce à la lettre         écrite à Paul VI par les cardinaux Ottaviani et Bacci : cette         édition fut mise au pilon sur ordre du Pape. Pourtant, la concession de         cette définition n’a entraîné aucune modification de l’Ordo         Missae en lui-même » (p. 43) J’étais estomaqué ! Avouez, sous la plume d’un         Cardinal, c’était cinglant, court, bref. Les mots choisis         particulièrement exemplaires. On comprend que le cardinal         Stickler puisse – lui aussi – parler « de bouleversement du         cœur même, du sacrifice de la messe ». Il insiste. Il veut enfoncer le         clou. « Ce bouleversement du cœur         même du sacrifice de la messe fut confirmé et accentué         par la célébration, « versus populum », pratique         autrefois interdite et renversement de toute la tradition         de la célébration vers l’orient et dans laquelle le prêtre n’était         pas l’interlocuteur du peuple mais se tenait à sa tête pour le         guider ver s le Christ avec le symbole du soleil levant à l’est ».         (p. 43) Je retrouvais tout l’enseignement         d’Ecône, celui que nous avait donné Dom Guillou dans des pages         célèbres qui ne le sont pas assez même dans nos milieux : en         voici un exemple à faire exalter de joie : «  Toute l’histoire de l’Eglise         elle-même, est une montée de lumière dans l’accroissement du nombre         des élus et dans l’épanouissement du développement de ses dogmes et         de son mystère propre, jusqu’à son achèvement dans les         éblouissantes splendeurs de la Jérusalem éternelle où l(introduira,         toute blanche, lavée dans le sang de l’Agneau, l’Epoux divin,         revenu en gloire pour établir son règne définitif, apparaissant sur         les nuées du Ciel comme un éclair qui part de l’Orient « sicut         fulgur exit ab oriente… ». Faut-il redire ici, après ce bref         aperçu, le dommage causé à l’esprit et à la manière liturgique         par l’abandon de la règle de l’orientation des églises et de la         messe et de la prière orientée, règle qui se relie à un immense         contexte éminemment humain, biblique et chrétien. Les Anciens         voulaient que le sanctuaire de leurs églises soit comme un Orient         spirituel que la lumière matinale inonde à cette première heure de l’office         de Laudes qui se termine, chaque jour par le chant du         « benedictus » de Zacharie, célébrant l’Orient          « ex alto », illuminant ceux qui sont assis à l’ombre de         la mort… Comme elle est significative ensuite, dans la joyeuse clarté         de l’aurore, cette prière du prêtre au bas des degrés lorsqu’il s’apprête         à monter dans le nuée lumineuse de l’autel : « Emitte         lucem tuam et veritatem tuam : ipsa me deduxerunt et adduxerunt in         montem sanctum tuum … et introibo ad altare Dei, ad Deum qui         laetificat juventutem meam » (Ps. 42). Sera-t-il dit que         tout ce poème des choses, que toutes des correspondances merveilleuses         échapperont à la myopie réformiste ? Pourtant, même au         strict point de vue pastorale, quelle plus belle illustration de cette         vérité : notre vie toute entière est comme une messe qui nous         conduit à l’union au Christ, à la céleste illumination où tout         sera renouvelé dans une jeunesse éternelle, par les mérites de la         Passion et de la Résurrection du Sauveur » (Lumen Christi         – Nouvelles de Chrétienté – numéro spécial de Pâques 1952). Oh,         merveille de culture !
 d- De la formule de la consécration du pain et du vin. Le       « mysterium fidei ». Puis le Cardinal en arrive à la         formule de la consécration du pain et du vin. Là, sur ce sujet, il est         également très sévère. Jugez vous même ! Il parle de la très grave atteinte         à la formule de consécration du vin en le sang du Christ en raison de         la suppression des mots « Mysterium fidei ». « Les mots         « Mysterium fidei » en ont été supprimés pour être         ajoutés à l’appel du peuple à la prière, après la consécration,         ce qui fut présenté comme un gain majeur du point de vue de la         « participatio actuosa » » (p. 44). Là, le Cardinal part en         guerre. C’est le cardinal, recteur d’université, archiviste, qui         parle. Il enseigne. Il cite ses sources. Il démontre que         « Mysterium fidei » - ces deux mots – sont d’origine         apostolique. Il ne fallait en rien y toucher. Saint Basile l’enseigne. Saint         Augustin aussi. Le « Sacramentarium Gelasianum » également.         « Le « Sacramentarium Gelasianum » qui est le livre         de messe le plus ancien de l’Eglise romaine, dans le Codex Vaticanus,         Reg. Lat. 316, in folio 181v, dans le texte original (il ne s’agit         donc pas d’une addition postérieure) inclus clairement le mysterium         fidei » (p.45). Il poursuit – on sent le Cardinal         en colère, sainte colère – il cite la lettre de Jean de Lyon,         en 1202, au pape Innocent III et donne la réponse du Pape avec les         références. C’est argumenté : « En décembre de la même         année, dans une longue lettre, le Pape répondait que ces paroles et d’autres         encore du Canon que l’on ne trouvaient pas dans les Evangiles,         devaient être crues en tant que paroles transmises par le Christ aux         Apôtres et par ceux-ci, à leurs successeurs » (p. 45). Il donne les références         historiques. C’est le professeur qui enseigne. Son affirmation est         incontournable. Elle est scientifique. Vous la trouverez là,         dit-il : X, III, 41, 6 ; Friedberg III, p. 636, sq. C’est net. Il continue : « Le fait que cette         décrétale qui fait partie du recueil de décrétales d’Innocent III         dans le grand recueil du liber X, établi par Raymond de Pegnafort à la         demande de Grégoire IX, n’ait pas été abandonnée comme dépassée,         ce qui fut le cas de bien d’autres mais ait continué à être         transmise par la Tradition, prouve qu’une valeur durable était         attribuée à cette déclaration de ce grand Pape » (p. 45). Nul doute que l’on ne pouvait         toucher à ces deux mots dans la forme de la consécration du vin, les         supprimer, les déplacer en en changeant le sens. On ne le pouvait pas         sans être infidèle à la tradition catholique et de toute évidence,         en rupture avec elle. C’est la pensée du Cardinal. Il invoque aussi l’autorité         de saint Thomas d’Aquin. Vraiment, le Cardinal veut enfoncer le         clou…veut régler l’affaire définitivement. Il veut prouver –         vraiment – que cette réforme liturgique est en rupture non seulement         avec les prescriptions demandées par le Concile Vatican II mais même         avec la Tradition toute entière que le Concile ne faisait, ici, que         rappeler. Il écrit : «  Saint Thomas s’exprime         clairement sur cette question dans sa « Somme théologique »         (III, 78, 3 ad nonum) : à propos des paroles de consécration du         vin, rappelant la nécessaire discipline secrète de l’Eglise ancienne         dont parle aussi Denis l’Aéropagyte, il écrit : « les         paroles ajoutées « éternelle » et « mystère de         foi » viennent de la tradition du Seigneur qui est parvenue à l’Eglise         par l’intermédiaire des Apôtres » ; il renvoie lui-même         à 1 Cor., 10, 23 et 1 Tim, 3, 4. En note de ce texte de saint Thomas,         le commentateur, se référant à DD Gousset dans l’édition Marietti         de 1939 (V. p. 155), ajoute « sanebbe un grandissimo errore         sustituire un’altra forma eucharistiea a quella del Missale Romano…         Si sopprimere ad esempio la parola aeterni et quella mysterium fidei che         abbiamo della tardizione » (p.46). Et puis, il invoque l’autorité         du Concile de Florence – le XVIIème Concile œcuménique         - : « Dans la bulle d’union         avec les Coptes, le Concile œcuménique de Florence complète         expressément les formules de consécration de la Sainte Messe qui n’avaient         pas été incluses en tant que telles dans la Bulle d’union avec les         Arméniens et que l’Eglise romaine avaient toujours utilisées sur la         base de l’enseignement et de la doctrine des Apôtres Pierre et Paul         (conc.oecu. decreta, ed herder, 1962, p. 557) » (p.46). Ayant le document, je suis allé         vérifier. C’est bien exact. Le concile de Florence, dans le décret         pour les Grecs – qui suit celui d’avec les Arméniens – cite bien         expressément le mystérium fidei dans la formule de         consécration. Il y est dit : « mais         parce que dans le décret des Arméniens rapporté ci-dessus, n’a pas         été expliqué la formule qu’a toujours en coutume d’employer, dans         la consécration du Corps et du Sang du Seigneur, la sacro-sainte Eglise         romaine, affermie par la doctrine et l’autorité des apôtres Pierre         et Paul, nous pensons qu’il faut l’introduire dans les         présentes ». En latin, nous avons –         « illam praesentibus duximus inserendam ».         « Duximus », c’est le parfait du verbe         « ducere ». Il vaudrait mieux traduire : nous estimons,         nous commandons. « Nous pensons » me paraît un peu faible.         « Ducere », c’est le commandement, c’est le chef qui         affirme. Peu importe… Mais ce n’est pas tout. Le         Cardinal ne s’en tient pas pour satisfait… Il poursuit sa         démonstration de théologie positive. Là, pour le coup, il est         exhaustif. Il invoque, cette fois, le         catéchisme – le catéchisme « de référence », dit-il, -         ce sont ses mots. Je m’attendais à voir citer le nouveau catéchisme         de l’Eglise catholique. Mais pas du tout ! Il cite le catéchisme         du Concile de Trente. A la bonheur ! Il donne toutes les         références. Manifestement, quand il préparait sa conférence, le         Cardinal est allé chercher, dans sa bibliothèque, ce catéchisme. Il         vous dit qu’au chapitre  9,         au n° 21,  à propos de l’Eucharistie…le         catéchisme enseigne que « les mots « mysterium         fidei » et « aeterna » viennent de la Sainte Tradition         qui est l’interprète et la gardienne de la vérité catholique »         (p. 46). Je regrette que le Cardinal n’ait         pas poursuivi sa lecture du catéchisme car il aurait aussi rappeler qu’en         changeant de place cette expression très traditionnelle, les auteurs de         la réforme liturgique en changeait le sens. Alors que le « mysterium         fidei » placé dans la formule de la consécration porte sur         la présence réelle qui vient d’être réalisée par l’énonciation         de la formule consécratoire, le « mysterium fidei » mis         après la consécration – comme acclamation populaire – dirige l’attention         du peuple, non plus sur le mystère de la Transsubstantiation réalisée         « hic et nunc », mais bien sur le retour en gloire du         Seigneur qui est aussi l’objet de notre foi : « donec veniat ». Il y a, là, dans ce changement de place, une         malice, une duplicité, une ruse, une          équivoque. La foi ici affirmée ne porte plus sur la         Transsubstantiation mais sur le retour en gloire du Seigneur. Ainsi l’attention         des fidèles – et leur « participatio actuosa » est         détournée de la présence du Christ réalisée par la         Transsubstantiation. Ils devraient adorer la présence réelle de Notre         Seigneur Jésus-Christ sur l’autel, on leur fait acclamer le retour en         gloire du Seigneur. Voyez l’enseignement du         catéchisme du Concile de Trente, p. 216 de l’édition d’Itinéraires.
 F- « Légèreté souveraine du cardinal Lescaro et de Mgr Bunigni. Fort de cet exposé très savant,         le Cardinal qui ne mâche pas ses mots et ses critiques contre les         réformateurs,  parle de         « légèreté souveraine » d’un Lercaro, d’un Bugnini et         de leurs collaborateurs. « On peut à juste titre s’interroger         sur la légèreté dont on fait preuve, ici, les collaborateurs du         cardinal Lercaro et du Père Bugnini, avec nécessairement leur accord »         (p. 46). « Ils ont purement et simplement         « ignorés », non seulement ignorés mais aussi         « méprisés » l’obligation de procéder à une recherche         historique et théologique exacte » (p. 46). C’est ce que réclamait         expressément le Concile du Vatican II dans son article 23 de la         Constitution liturgique (cf p.36). Mais rien de tel n’a été fait         et le Cardinal de conclure et de lancer la suspicion sur l’ensemble         de l’œuvre réformée : « Si cela s’est produit         dans ce cas qu’en aura-t-il été de cette importante obligation pour         les autres modifications » (p. 46). C’est terriblement grave ! Nous nous trouvons devant une         réforme infidèle à la Tradition… Mais que vont dire nos évêques et         archevêques de France devant une telle critique? Cette critique du         cardinal Stickler est-elle inacceptable ! Est-elle          un dénigrement de la réforme liturgique ? Mais attention à votre conclusion,         messeigneurs ! Enfin, laissant la théologie         positive, le Cardinal s’élève à une considération doctrinale et         pastorale,  tout à la fois,  que         je pourrais résumer ainsi : cet oubli du « mysterium         fidei » de la forme eucharistique, loin de favoriser et de         développer le sens de la piété et de la vie théologale chez le         peuple fidèle, favorise, au contraire, la         « démystification » constatée aujourd’hui ainsi que l’         « anthropomorphisation ». Rien ne vaut. Rien n’est vrai         que ce qui est rationnel. L’Eucharistie n’est pas à la portée de         la raison. Elle est peut-être un simple symbole. « Mais c’est aussi la         raison pour laquelle l’exclusion du « mysterium fidei » de         la formule eucharistique devient – elle aussi – le symbole de la         démystification et donc de l’anthropomorphisation de ce qui constitue         le centre du culte divin : la Sainte Messe » (p. 47). Ce retrait du « mysterium         fidei » est pour le moins malheureux.
 G- De la « participatio activa » des fidèles. Le cardinal en arrive enfin aux         décisions des réformateurs quant à « la participation         vivante et active des  fidèles         à la célébration de la messe » (p. 47). On sait qu’on se plaignait         beaucoup, avant le Concile, du manque de participation des fidèles à         la messe. Aussi le Concile Vatican II a-t-il abordé  le sujet dans         deux articles importants : l’article 30 et l’article 48. Il en         a donné les principes : « Le Concile a insisté         particulièrement – dit le Cardinal -          sur la participation intérieure qui seule permet de         rendre fructueux le culte » (p. 38). Le Cardinal donne alors son         jugement sur cette fameuse participation active telle qu’aménagée         par nos réformateurs. Il est          terrible. Il s’exprime avec une pointe d’humour         sarcastique et légèrement méprisante… Le pauvre Bugnini n’a         vraiment pas fait une œuvre excellente… On comprend pourquoi il est         resté sur le carreau… Au témoignage du Cardinal : « Le         Père Bugnini avait été secrétaire de la Commission sur la liturgie         pendant la période préparatoire du Concile. Comme son travail,         effectué sous la direction du cardinal Gaetano Cicognani, n’avait pas         été jugé satisfaisant, il fut le seul à ne pas être promu         secrétaire de la Commission conciliaire correspondante ; cette         fonction fut attribuée au Père Antonelli, ofm, ultérieurement nommé         cardinal » (p. 34). Lisez, vous dis-je. Je ne peux me         résoudre à résumer. Il faut tout citer : «  Nous en arrivons ainsi         au mandat donné aux réformateurs de promouvoir la participation vivante         et active des fidèles à la célébration de la messe, un mandat qui,         trop souvent, a été mal interprété et adapté à la mentalité         actuelle. Comme toute la liturgie, ainsi que le dit expressément le         Concile, le but principal de la messe est le culte de la divine         majesté. Aussi le cœur et l'âme des participants doivent‑ils en         premier lieu être élevés et s'élever vers Dieu. Cela n'exclut pas         que la participation se manifeste concrètement à l'intérieur de la         communauté et vis-à-vis d'elle. Et c'est la raison pour laquelle, pour         pallier l'absence de participation des fidèles dont on se plaignait si         souvent avant le Concile, ce dernier a instamment demandé cette         « actuosa participatio ». Mais si celle-ci dégénère en un         enchaînement ininterrompu de paroles et d'actions, avec une         distribution des rôles aussi large que possible afin que tous aient         leur part à l'action, lorsque l'on en arrive à un activisme qui         relève plutôt d'un rassemblement humain purement externe et qui, pire         encore, juste avant le moment le plus sacré pour les participants :         dans la rencontre individuelle de chaque fidèle avec le Dieu-homme         eucharistique, est plus bavarde et distrayante que jamais, la mystique         contemplative de la rencontre avec Dieu, le culte qui lui est rendu avec         la crainte respectueuse, la révérence qui doit l'accompagner toujours         - tout cela ne peut que mourir : alors l'humain tue le divin et emplit         le cœur de vide et de désolation. Ce moment appartient au silence, qui         est expressément prévu, et qui n'a gardé - difficilement - sa place         qu'après l'action que constitue la distribution de la communion, comme         une petite feuille de vigne sur un grand corps nu. C'est ainsi que,         reflétant la tendance actuelle de la conscience du monde à se limiter         aux apparences, on voit se développer dans l'Église un agir cultuel de         conception humaine et projeté vers l'extérieur ». Voilà donc un jugement général         du cardinal sur la réforme liturgique bugninienne.
 H- L’usage du latin dans la pensée conciliaire. Mais après ce jugement général         qui est une vraie condamnation de la réforme, le Cardinal aborde des         points plus particuliers : le latin, le grégorien, l’orgue… Sur le latin : Le Cardinal exprime sur ce sujet         – du latin comme langue liturgique – son étonnement. Il ne comprend         pas comment, après ce que demandèrent les Pères conciliaires sur ce         point, on en soit arrivé à la suppression générale et au triomphe         des langues vernaculaires. Ce passage de la conférence est         fort intéressant. Il faut le citer dans son intégralité. Il donne un         témoignage historique, puis l’enseignement magistériel, enfin les         arguments théologiques. Notre Cardinal fut vraiment – durant le         Concile – au cœur du problème. 1- Et tout d’abord, son         témoignage personnel : « A ce stade, il convient         de mentionner une disposition du concile qui a été non seulement mal         comprise mais, plus encore, complètement répudiée : la langue         cultuelle. Je me permettrai ici, une fois encore, d'étayer mon argument         par un souvenir personnel. En qualité d'expert de la Commission pour         les séminaires, on m'avait confié le rapport sur la langue latine. Il         fut clair et bref et, après mûre discussion, rédigé sous une forme         qui correspondait aux souhaits de tous les membres avant d'être soumis         à l'aula conciliaire. C'est alors que, sans que l'on s'y attendît, le         pape Jean XXII1 signa en toute solennité, à l'autel de saint Pierre,         la lettre apostolique « Vetera, Sapientia », ce qui, de         l'avis de la Commission, rendait superflue la déclaration conciliaire         sur le latin dans l'Église : cette lettre présentait non seulement le         rapport entre la langue latine et la liturgie mais encore toutes les         autres fonctions de cette langue dans la vie de l'Église. Lorsque, plusieurs jours durant,         la question de la langue du culte fut discutée dans l'aida conciliaire,         je suivis avec beaucoup d'attention tout ce débat, ainsi d'ailleurs que         la discussion, jusqu'au vote final, des différentes formulations         incluses dans la Constitution sur la Sainte Liturgie. Je me rappelle         très bien que, à la suite de quelques propositions radicales, un         évêque sicilien se leva et adjura les Pères de procéder, sur cette         question, avec prudence et intelligence car, sinon, le risque était que         la messe fût dite dans sa totalité en langue vernaculaire, ce qui fit         bruyamment éclater de rire toute l'aula conciliaire. Et c'est pourquoi         je n'ai jamais compris comment, dans ses Mémoires publiés en 1983, Mgr         Bugnini, à propos du passage radical et complet du latin obligatoire à         la langue vernaculaire comme langue cultuelle exclusive, ait pu écrire         que le concile avait pratiquement dit que la langue vernaculaire était,         dans toute la messe, une nécessité pastorale (op. cit., pp. 108‑121         dans l'édition italienne originale). A l'encontre de cela, je puis         témoigner que les formulations de la constitution conciliaire sur ce         point, tant dans sa partie générale (Art. 36) que dans les         dispositions particulières relatives au sacrifice de la messe (Art. 54)         ont été approuvées quasiment à l'unanimité dans les discussions des         Pères conciliaires et surtout lors du vote final : 2 152 oui et 4 non ». Cette critique sera-t-elle comprise         comme « un dénigrement de la réforme liturgique que le Concile a         décrétée »…Cela ma paraîtrait vraiment difficile… 2-Ensuite l’enseignement         magistériel sur le latin : « Au cours des recherches         que j’ai effectuées pour préparer le rapport sur la tradition sur         lequel devait s'appuyer ce décret conciliaire sur la langue latine,         j'ai constaté que toute la tradition était absolument unanime sur ce         point, jusqu'au pape Jean XXIII : elle s'est toujours prononcée         clairement contre toutes les tentatives antérieures visant à renverser         cet ordre des choses. Je pense ici en particulier à la décision du         concile de Trente, sanctionnée d'un anathème, contre Luther et le         protestantisme, à Pie VI contre l'évêque Ricci et le Synode de         Pistoïé, et à Pie XI qui, à propos de la langue cultuelle de         l'Église, a prononcé un clair « non vulgaris » ». Là, le Cardinal ne fait que citer         mais ses citations sont parfaitement fondées. Jugez en effet. Le Concile de Trente enseigne bien         dans son canon 9 dans sa 22ème session : « Si         quelqu’un dit…que la messe ne doit n’être célébrée qu’en         langue vernaculaire…qu’il soit anathème ». Et dans son         chapitre doctrinal – au chapitre 8 de la même session – on         lit : « Bien que la messe contienne un riche enseignement         pour le peuple fidèle, il n’a cependant pas paru bon aux Pères qu’elle         soit célébrée indistinctement en langue vulgaire ».         Toutefois, ordre était donné aux pasteurs d’âmes de donner         régulièrement des instructions pour expliquer le sens des belles         pièces du missel romain. Quant au pape Pie VI invoqué par         le Cardinal, on peut, de fait, citer entre autres, la proposition         66 : « La proposition qui         affirme qu’il est contraire à la pratique apostolique et aux conseils         de Dieu, de ne pas préparer au peuple des voies plus faciles pour         joindre sa voix à la voix de toute l’Eglise, si elle est entendue en         ce sens qu’il faut introduire l’usage de la langue vulgaire dans les         prières liturgiques, est fausse, téméraire, perturbe l’ordre         présent pour la célébration des mystères, produit facilement de         nombreux maux ». Voici qui est bien dit. Voilà la         vraie tradition catholique que Mgr Bugnini et son personnel devaient         défendre et respecter et qu’ils n’ont ni défendu, ni respecté. Vraiment, le Cardinal prouve bien         son jugement : « L’ordo missae – celui de Mgr         Bunigni, celui de Paul VI – est radicalement nouveau ».         Il ne respecte pas la tradition catholique, qui fut rappelée par          le Concile Vatican II. Mais dire cela, est-ce         « dénigrer » la réforme liturgique ? Est-ce dénigrer         le Concile Vatican II…Est-ce lui être infidèle. Est-ce refuser         « systématiquement le concile Vatican II ». N’est-ce pas,         plutôt,  refuser un certain         esprit, le « fameux esprit du concile » que Benoît XVI a         dénoncé le 22 décembre 2005 ? Attention nosseigneurs ! 3- Il donne, enfin, les         raisons justifiant le nécessaire maintient du latin dans la         liturgie et dans l’Eglise : « Il faut bien voir que la         raison n'en est pas uniquement d'ordre cultuel, même si cet aspect est         toujours mis en avant. C'est aussi une question de révérence, de         crainte respectueuse : comme le voile recouvre les vases sacrés, le         latin sert de protection contre la profanation - à la manière de         l'iconostase des Églises orientales derrière laquelle s'accomplit         l'anaphore ‑ et aussi contre le danger de vulgariser, en utilisant         la langue vernaculaire, toute l'action liée au mystère, ce qui se         produit effectivement souvent de nos jours. Mais cela tient aussi à la         précision du latin, qui sert comme nulle autre langue la doctrine         dogmatiquement claire ; au danger d'obscurcir ou de fausser la vérité         dans les traductions, ce qui d'ailleurs pourrait aussi porter gravement         préjudice à l'élément pastoral, si important ; et aussi à limité         qui est ainsi manifestée et renforcée dans toute         l'Église ». « Toujours du point de         vue pastoral, l'abandon du latin comme langue liturgique, à l'encontre         de la volonté expresse du concile, engendre une deuxième source         d'erreurs, plus grave encore: je veux parler de la fonction de langue         universelle qu'assume le latin, qui unit toute l'Église, justement,         dans le culte public, sans déprécier aucune langue vernaculaire         vivante. Et précisément à notre époque où le concept d'Église         qu'on voit se développer met l'accent sur l'ensemble du peuple de         Dieu considéré comme Corps mystique un du Christ, aspect d'ailleurs         toujours souligné dans la réforme, il se fait que, par l'introduction         de l'usage exclusif des langues vernaculaires, et même de dialectes,         l'unité de l'Église universelle est remplacée par une diversité         d'innombrables chapelles populaires, jusqu'au niveau des communautés         villageoises et églises paroissiales, qui sont séparées les unes         des autres par une véritable différence de tension naturelle qui,         entre elles, est et ne peut qu'être insurmontable. D'un point de vue         pastoral, comment alors un catholique peut-il retrouver sa messe dans le         monde entier, et comment peut-on abolir les différences entre races et         peuples dans un culte commun, grâce à une langue liturgique sacrée         commune, ainsi que l'a expressément souhaité le concile, alors qu'il y         a tant d'occasions, dans un monde devenu si petit, de prier ensemble ?         Dans quelle mesure alors chaque prêtre a-t-il la possibilité         pastorale d'exercer le sacerdoce suprême de la sainte messe n'importe         où, surtout dans ce monde où les prêtres sont devenus si rares ? »
 I- La critique de « l’introduction d’un cycle liturgique de       3 ans » Enfin, le cardinal critique         « l’introduction d’un cycle liturgique de 3 ans. C’est         là un péché contre nature » dit le Cardinal. « Il         ne fallait pas abolir le déroulement d’un cycle annuel naturel »         (p. 53). Toutes ces modifications, ces changements « ont         condamné les remarquables mélodies grégoriennes variables à une mort         lente ». Ce qu’il déplore : « Au mandat         donné par le Concile de préserver et promouvoir le chant liturgique         romain typique, très ancien, a répondu une épidémie pratiquement         mortelle » (p. 53). Comme il déplore la disparition de l’orgue :         « remplacé par une multitude d’instruments (qui) ont         favorisé l’introduction dans la musique religieuse d’éléments reconnus         comme diaboliques » (p. 55). Comme il déplore enfin les         nombreuses « variantes autorisées » - vrai principe         constitutif de la réforme liturgique – qui « risquent de         mener à l’anarchie qu’avait toujours si bien maîtriser l’ancien         ordo latin » (p. 56). « C’est ainsi que le         nouveau garant de l’ordre – le Cardinal veut dire : le nouvel         Ordo missae – devient, de soi, facteur de désordre. « Aussi         ne faut-il pas s’étonner que chaque paroisse, pour ne pas dire chaque         église, semble avoir adopté un ordo différent. C’est là une         constatation que l’on peut faire partout ». (p. 55) Et qui         entraîne l’irrévérence actuelle, la perte du sens du sacré et la         superficialité. Tout cela étant grandement dommageable à la dignité         du nouveau rite.
 J- De la validité du « nouvel       ordo missae ». Quoiqu’il en soit de toutes ses         critiques, le Cardinal ne va pas jusqu’à affirmer l’invalidité du         nouveau rite. Ce que nul d’entre nous n’a jamais affirmé. « Pour éviter tout         malentendu à propos de cette présentation de la réforme…je voudrais         préciser expressément que je n’ai jamais mis en doute que ce soit         dogmatiquement ou juridiquement la validité de cet Ordo : sans         doute, d’un point de vue juridique, ai-je ressenti des doutes         sérieux qui tiennent à ce que j’ai intensivement étudié les         canonistes médiévaux, lesquels sont unanimes à dire que les papes         peuvent tout changer à l’exception de ce que prescrit la Sainte         Ecriture, de ce qui touche aux décisions doctrinales de plus haut         niveau déjà adoptés et du « status ecclesiae » ». Et ses doutes venaient –         viennent-ils encore, je ne sais, il n’en dit rien – de ce que l’on         « peut penser » que la liturgie relève du « status         ecclesiae ». Elle serait alors, sous ce rapport, immuable dans sa         substance, immuable par essence.
 K- Position pratique du cardinal Mais le Cardinal n’insiste pas.         Il dit la chose. Il passe et en profite même pour dire immédiatement         après, sa position pratique : « Je m’empresse de         préciser que lorsque la nouvelle liturgie est célébrée avec révérence         – ce qui est toujours le cas, par exemple,          à Rome et par le Pape lui-même – les abus regrettables qui         relèvent essentiellement de la divergence entre la Constitution         conciliaire et le nouvel ordo, n’ont pas lieu » (p. 57/58). Peut-on ici discuter, « poser         des questions, des demandes de précision ou d’approfondissement ? Je me le permets. Que le nouvel « ordo         missae » soit valide, nul ne le contestera mais que parce qu’il         est célébré avec révérence, cela fasse tomber tous les abus         regrettables et qu’ils n’aient même plus lieu…là, je ne         comprends pas. La langue vernaculaire reste la         langue vernaculaire qu’elle soit utilisée avec révérence ou non. L’Offertoire nouveau reste l’offertoire         nouveau – le cardinal l’a décrit comme une vraie révolution dans l’Eglise         – qu’il soit dit avec révérence ou non. La prédominance du repas sur le         sacrifice demeure quelque soit la révérence du célébrant, fut-ce le         Pape. La modification de la formule de         consécration du vin reste ce qu’elle est : une véritable         infidélité à toute la Tradition que la nouvelle formule soit         prononcée avec révérence ou non. Et pensez-vous que l’abolition du         grégorien et du chant polyphonique, de l’orgue, du silence, de la         contemplation intérieure, pensez-vous vraiment que tout cela favorise,         nourrisse la révérence du peuple ? Pensez-vous que l’abolition des         signes de croix, des baisers de l’autel, des génuflexions – ce que         la Cardinal déplore – puissent favoriser plus grande révérence pour         les mystères célébrés ? Tout cela me paraît contradictoire         et peut-être même pusillanime. Je préfère la mâle autorité du         cardinal Ottaviani demandant à Paul VI – après l’exposé fait dans         le Bref examen critique – l’abrogation du nouvel « Ordo         missae » ou tout au moins « la possibilité de continuer         à recourir à l’intègre et fécond missel romain de saint Pie V ». Je trouve cela plus cohérent. Et je constate – là encore –         une diversité pratique, concrète, du magistère actuel dans l’application         de la réforme, même parmi les meilleurs. Certains demandant purement et         simplement son abrogation, Alors que d’autres se contentent         de demander – malgré les insuffisances doctrinales graves – qu’il         soit célébré, du moins,  « avec         révérence ». Le cardinal Stickler nous démontre         que cette réforme liturgique n’est pas fidèle à la Tradition         catholique sur des points majeurs, - qu’elle s’en éloigne, - qu’elle est, sur bien des         points, une vraie révolution, - qu’elle est         « nouvelle » - que l’aspect sacrificiel de la         messe est presque éliminé… Et comme attitude pratique :         il se contente de dire – ici – que si elle est célébrée avec         « révérence », il n’y a plus de problème. Tout rentre         dans l’ordre ! Cela me paraît très léger, voire         insignifiant.
 L- Le jugement pratique de l’abbé Dulac. Et je préfère le jugement         pratique – o combien pastoral – d’un abbé Dulac qui se plaignait,         lui aussi, de l’aspect équivoque de cette réforme. Il écrivait en 1975 : « Nous avons été les         premiers à dénoncer le défaut radical, inguérissable du nouvel         « ordo missae ». C’était le 25 juin 1969, quelques jours         après l’apparition, en France, de « l’édition         typique » de cette messe réformée. « Nous y sommes revenus         bien des fois depuis cette date. « Nos critiques étaient         assez graves pour que nous ayons pu, dès le début, y trouver le motif         d’un refus. « Mais jamais, nous n’avons         dit que la nouvelle messe était hérétique. « Hélas ! Elle est,         pourrait-on dire, pis que cela : elle est équivoque. Elle est         flexible en des sens divers. Flexible à volonté. La volonté         individuelle qui devient ainsi la règle et la mesure des choix ». Ne serait-ce pas la         « révérence » dont nous parle le cardinal Stickler ?
 M- Les raisons d’un refus. Les vraies ! L’hérésie formelle et claire agit à la manière d’un coup de         poignard. L’équivoque agit à la manière d’un poison lent. L’hérésie attaque un article précis du dogme. L’équivoque, en lésant l’ « habitus » lui-même de la         foi, blesse ainsi tous les dogmes. On ne devient formellement hérétique qu’en le voulant. L’équivoque peut ruiner la foi d’un homme à son insu. L’hérésie affirme ce que nie le dogme ou nie ce qu’il affirme. L’équivoque détruit la foi aussi radicalement en s’abstenant d’affirmer         et de nier : en faisant de la certitude révélée, une opinion         libre. L’hérésie est ordinairement un jugement contradictoire à l’article         de la foi. L’équivoque est dans l’ordre de ce que les logiciens appellent         « le disparate ». Elle est à côté de la foi. A côté         même de la raison, de la logique. Eh bien, nous osons le dire :         il y a pire encore peut-être que l’équivoque. Il y a le substitut de la foi         théologale, sa contrefaçon, son ersatz : son succédané         sentimental. Ce que le cardinal Stickler appelle         – peut-être – la « révérence » dans la célébration         du rite. Et le plus détestable de ces         succédanés, c’est celui qui dissimulerait l’artifice sous le         vernis mystique, celui qui, dans le cas de la messe, marquerait l’indigence         théologique ou sa carence formelle sous le sucre d’un mystère         frelaté. Comme si, ce que notre Cardinal         appelle – peut-être – « révérence », - piété,         « expérience », « action »-  pouvait         suppléer aux omissions et aux équivoques de la foi intellectuelle. « La sagesse mystique         goûtant dans l’amour cela même que la foi atteint comme caché, nous         fait jugés et estimés de façon merveilleuse ce que nous connaissons         par la foi mais ne nous découvre aucun objet de connaissance que         la foi n’atteindrait pas. Elle perfectionne la foi quant au mode de         connaître, non quant à l’objet connu ». C’est Jacques Maritain qui         écrivait ces excellentes choses en 1932. Le Maritain, non point de l’         « Humanisme intégral » mais celui des « Degrés du         savoir » (3ème ed., p. 524) Et il ajoutait : « C’est         une désastreuse illusion de chercher l’expérience mystique –         ce que le Cardinal appelle peut-être « révérence » - en         dehors de la foi, d’imaginer une expérience mystique affranchie de la         foi théologale ». Mais dire cela, demander des         précisions…L’épiscopat français semble le tolérer…Alors je me         suis permis…Je me suis risqué…je vais même plus loin…Je leur dis         franchement : faites de votre réforme ce que bon vous voulez,         maintenez la,  réformez la…où         tout autre chose encore…mais redonnez-nous le trésor de la tradition…la         Messe dite de saint Pie V et permettez-nous enfin d’œuvrer avec elle         à la sanctification du peuple….
 Conclusion du cardinal Stickler… Le Cardinal conclut enfin son         exposé en parlant des « réalités officielles négatives, quoi que dans une mesure limitée, à         la réforme de la messe telle que publiée » (p. 57). Certains ont pu reprocher « la         hâte incompréhensible » dans laquelle cette réforme a été         « expédiée et rendue obligatoire ». Il cite le témoignage du         cardinal Dopfner, archevêque de Munich (p. 57). Mais cela est-ce         « dénigrement – intolérable -          de la réforme liturgique que le Concile a         décrétée » ? Il invoque l’autorité du         cardinal Ratzinger et tout spécialement ses jugements exprimés dans         son dernier livre : Ma vie (Fayard, 1998)          et Le Sel de la Terre. Ces livres nous          les avons analysés ailleurs. Sont-ils autant de          dénigrement intolérable? Il invoque également l’épiscopat         allemand et surtout « le responsable des questions liturgiques         auprès de la Conférence épiscopale d’Autriche – il ne donne pas         son nom – qui aurait déclaré, déjà en 1995, dans une conférence         donnée à Cracovie, « que le Concile avait voulu, non pas une         révolution, mais une restauration dans la liturgie qui fut fidèle à         la tradition. Au lieu de quoi – ajoutait-il – nous avons eu         un culte de la spontanéité et de l’improvisation qui a sans aucun         doute, contribué à la diminution du nombre des participants à la         messe » (p. 60). Est-ce          dénigrement insupportable ? Il invoque le cardinal Danneels. En Italie, il invoque aussi l’auteur         de la Tunique déchirée (1967), Tito Casini. Et aussi la réaction des laïcs d’         « Una voce ». Des laïcs canadiens. Il cite une revue         canadienne « Preciois Blood Banner » : on y lit :         «  Il apparaît toujours plus clairement que l’extrémisme         des réformateurs post-conciliaires a consisté, non pas à réformer la         liturgie catholique depuis ses racines mais à la déraciner de son sol         traditionnel ; selon cet article, ils n’ont pas restauré le rite         romain, ce que leur demandait le Concile Vatican II, ils l’ont         déraciné » (p. 61). Ces paroles sont citées par le         cardinal. Est-ce dénigrement ? Il invoque le témoignage de Max         Thurian « ancien prieur calviniste de Taizé, passé au         catholicisme et ordonné prêtre » (p. 61). Celui-là même qui,         au temps de la réforme, avait déclaré que les Protestants pourraient         bien célébrer la Cène avec ces nouvelles prières. Il cite et résume         son article critique paru dans L’Osservatore Romano quelques         temps avant sa mort. Il avait bien évolué ! Il invoque le témoignage de Mgr         Gamber. Vous en connaissez beaucoup de lui. Puis, il termine évoquant l’attitude         pratique du Pape Jean-Paul II en cette affaire liturgique. :         « (Tout) nous permet de penser avec une confiance justifiée         que, dans ses efforts pour rétablir l’unité de la paix, le Pape ne         reviendra pas sur ce qu’il a déjà fait mais qu’au contraire, il         ira plus loin encore dans la voie amorcée, en particulier aux         paragraphes 5 et 6 du Motu proprio de 1988 pour instaurer une juste         réconciliation entre la tradition inaliénable et un développement         justifié par le temps » (p. 66). Je pense que Benoît XVI veut aller         plus loin…en matière liturgique… Mais il veut le faire dans un         consensus ecclésial… Les évêques de France viennent de         dire leurs « mots »… Comment Benoît XVI le         reçoit-il ? L’a-t-il reçu ? Mais qu’en est-il maintenant du         problème du Magistère ? L’épiscopat a bien écrit : «          La vérité implique qu’on soit au clair sur nos         points de dissension. Ceux-ci         portent moins d’ailleurs sur les questions de liturgie que sur celle         de l’accueil du magistère, tout particulièrement de celui du concile         Vatican II et des papes de ces dernières décennies ».
 Nous verrons cela dans le prochain « Regard ». |