Lors d’un sermon prononcé le 2 février, Mgr Fellay l’a annoncé. «Je crois qu’on ne peut pas aller plus loin dans la confusion. En d’autres termes, cela signifie qu’ils donnent une autre signification au mot «Tradition», et peut-être au mot «cohérence». Voilà pourquoi nous avons été obligés de dire «non». Nous n’allons pas signer cela. Nous sommes d’accord dans le principe, mais nous nous rendons compte que la conclusion est contraire.» L’évêque des lefebvristes a donc signifié la décision prise au nom de la fraternité et certainement de l’avis de la grande majorité de ses membres. Dès la mise en ligne des paroles de Mgr Fellay, les premières réactions parlaient «d’échec». Pour ma part je préfère parler d’une réussite qui aboutit à un échec.
Echec certes, car la réintégration est refusée par la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X. Et en l’état on ne voit pas Rome leur forcer la main. Le Saint Père se retrouve dans la même situation qu’en 1988, quand Mgr Lefebvre retira sa signature du protocole d’accord signé la veille en présence du Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Les efforts du théologien et du pasteur auraient mérité une fin plus heureuse. J’ai bien de la peine pour Benoît XVI…
Mais réussite car les diverses rencontres au Palais du Saint Office ont permis d’exprimer clairement les positions de chacun. Ecône a souvent joué sur une certaine forme d’ambiguïté. Le Concile OUI, mais certaine chose NON. La «nouvelle messe» OUI SI, mais il ne faut pas y aller. Nous sommes avec le Pape, mais le Pape se trompe (Assises et sa participation à des prières avec d’autres chrétiens, etc..). Au début de sa prédication le supérieur d’Ecône joue de cette même mélodie, proche de Rome, avec Rome, mais en lutte contre Rome. Après tant d’explications, la décision tombe enfin: «nous avons été obligés de dire non». Ecône restera fidèles à la leçon laissée par Mgr Lefebvre (cf. le texte annexé en bas de page). C’est Non au Concile, Rome doit revenir à la Tradition telle qu'elle est comprise par la FSSPX. C'est ainsi que Mgr Fellay a fait écho aux discussions avec Rome: «[Ils nous disent] Vatican II a été fait par l’Eglise, or dans l’Eglise il doit y avoir continuité, donc Vatican II appartient aussi à la Tradition. Et nous de réagir: «pardon, que dites-vous là?» Plus Catholique que moi, tu meurs!
L’excommunication de 1988, à la suite des ordinations épiscopales, se fondait sur des arguments canoniques, mais ces derniers semblent bien cacher des raisons théologiques. En ce sens, les diverses rencontres sont une réussite, nous savons désormais pourquoi Ecône ne veut pas réintégrer l’Eglise: C’est pour des raisons de foi. La FSSPX ne partage pas la foi de l’Eglise telle qu'exprimée à la suite du Concile Vatican II. Les points de convergences ne suffisent pas, les divergences sont trop profondes. Dont acte, au terme de ces rencontres.
SI (et seulement si) la rupture est confirmée par Rome, les lefebvristes devront continuer leur chemin seuls. Ils devront définir eux-mêmes ce qui peut changer dans la Tradition vivante de l’Eglise, quels saints peuvent entrer dans le calendrier, comment dialoguer avec le monde et les autres croyants, comment et quoi adapter aux circonstances nouvelles, comment demander pour eux et respecter chez les autres la «liberté religieuse». Quand le pape est moderniste ou ne l’est pas, quand tel évêque ou tel prêtre est dans le juste ou ne l’est pas, qui mérite de recevoir une ou cinq «mitres». Hé oui, être «magistère» réclame bien du travail. Sauf, naturellement, si la FSSPX continue à jouer au poisson pilote de l’Eglise Catholique, auquel cas elle se servira dans les décisions de l’Eglise, selon son bon vouloir, son libre arbitre.
Dans sa prédication Mgr Fellay dit aussi: «Regardons les protestants, comme ils ouvrent les églises pour eux; et pour nous, ils les ferment. Mais nous disons: «ne nous soucions pas de cela». A titre personnel, je prends note «qu’ils ne se soucient pas de cela». Mais pourquoi en est-il ainsi? Sans parler des raisons canoniques, pourquoi accueillir des Protestants, alors que leurs positions théologiques sont plus éloignées que celles des lefebvristes? Il existe certainement plusieurs réponses; j’en donne une: Car ils sont plus respectueux que vous! Quand ils parlent du pape ou de nos évêques, dont ils ne partagent pas – comme vous – toutes les opinions, ils le font avec respect. Ils acceptent les différences et sont reconnaissants pour le dialogue que nous entretenons avec eux. C’est vrai, c’est un argument très «humain», mais ne sommes nous pas, comme eux, des «modernistes»?
Ecône a parlé, il reste maintenant à attendre la position romaine. Tous s’accordent à dire que le dossier se trouve désormais dans les mains du pape, ce qui est la moindre des choses étant donnée la gravité de la décision à prendre. Il faut attendre la position du Vatican, car ce ne sera que «quand Rome aura parlé, que la cause sera entendue».
Pour lire le sermon de Mgr Fellay: Extrait du sermon de Mgr Fellay le 2 février 2012, au Séminaire de Winona (Etats-Unis)
Dom Romain