12 mai 2013

[Abbé François Laisney, fsspx - sspxasia.com] Réponse ouverte à la lettre ouverte de Mgr. Williamson aux prêtres de la Fraternité Saint Pie X

Abbé François Laisney, fsspx - sspxasia.com -12 mai 2013

Singapour, le 12 mai 2013

Monseigneur,

Je vous entends porter laccusation :
Les Supérieurs actuels de la Fraternité Saint-Pie X veulent conduire celle-ci loin de lorientation définie pour elle par Mgr Lefebvre, et vers les idées et les idéaux du Concile Vatican II.

supérieurs désirant les conduire, ainsi que vous-mêmes, vers et même au cœur de lapostasie des temps modernes.
Cest une accusation très grave, qui requiert des faits proportionnés pour la justifier. Mais que trouvons-nous après ?

Suit une analyse de la déclaration de Mgr Fellay du 15 avril 2012. Dès le premier paragraphe, on y trouve un mauvais pli. En effet, Mgr Fellay avait écrit, comme tout premier paragraphe de sa déclaration : « Nous promettons dêtre toujours fidèles à lEglise catholique et au Pontife romain, son Pasteur suprême, Vicaire du Christ, successeur de Pierre et chef du Corps des évêques. » Cétait une citation presque mot-à-mot de Mgr Lefebvre : « Moi, Marcel Lefebvre, archevêque-évêque émérite de Tulle, ainsi que les membres de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X par moi fondée : Nous promettons dêtre toujours fidèles à lÉglise catholique et au Pontife romain, son Pasteur Suprême, Vicaire du Christ, Successeur du Bienheureux Pierre dans sa primauté et Chef du corps des évêques. » (5 mai 1988). Qui ne verrait pas dans une telle promesse une profession claire et sans ambiguïté de Foi catholique de de fidélité à lEglise Catholique ? Il semble difficile dy trouver quelque chose répréhensible. Et pourtant vous en trouvez, et écrivez quelle « peut facilement être mal orientée aujourdhui vers lÉglise conciliaire en tant que telle, et envers les pontifes conciliaires. » Mais un tel commentaire se détruit lui-même ; en effet, vous utilisez les mots « en tant que telle », qui signifient que vous voulez prendre les mots dans leur sens précis (« réduplicatif »). Appliquez-les à la phrase de Mgr Fellay, et ils réfutent votre commentaire : « nous promettons dêtre toujours fidèles à lEglise catholique en tant que telle et au Pontife romain, son Pasteur suprême, Vicaire du Christen tant que tel, successeur de Pierre en tant que tel et chef du Corps des évêques. » Ainsi donc, réprimander cette première phrase de Mgr Fellay manifeste cette « mauvaise disposition » dont part St Thomas dans sa Somme, IIaIIae qu.60 a.3 : [le soupçon peut arriver quand] « quelquun est mal disposé envers son prochain; or, lorsquun homme en méprise ou en déteste un autre, quil sirrite contre lui ou quil lenvie, de légers signes suffisent pour quil le juge coupable; car chacun croit facilement ce quil désire. »

Le reste de lanalyse continue dans le même esprit, et il est superflu de la reprendre paragraphe par paragraphe. Bien que cette déclaration du 15 avril ne soit pas sans défaut ce que Mgr Fellay lui-même reconnaît elle est cependant loin de mériter laccusation que vous essayez de prouver. Non, ce nest pas vrai que « celui qui étudie ces dix paragraphes dans le texte original ne peut que conclure que leur auteur ou les auteurs ont renoncé à la lutte de Mgr Lefebvre pour la Tradition, et quils se sont ralliés, en esprit, à Vatican II. » Au plus peut-on dire que ce texte est faible et quil contient certains mots quil faudrait corriger, étant inexacts, ambigus, mal-choisis ou tout simplement faux, comme au 7ème paragraphe. Ils sont le résultat dun effort pour trouver une déclaration doctrinale acceptable aux membres présents de la congrégation pour la doctrine de la foi. Affirmer que « le Quartier Général de la Fraternité la retirée sans la rétracter », cest jouer sur les mots : en effet, rétracter vient de re+tractum, participe passé de trahere qui veut dire… tirer ! Beaucoup de dictionnaires français vous donneront rétracter et retirer comme synonymes ; on peut certes y voir une nuance, mais lintroduire contre le contexte manifestecette même mauvaise disposition dont parlait St Thomas. Mgr Fellay a dit formellement à Mgr Di Noia le 28 août 2012 quil retirait cette proposition du mois davril, « qui ne peut désormais plus servir de base de travail. » Mgr Fellay est donc bien revenu dune proposition dangereuse à une position beaucoup plus sûre, selon les lettres du 30 novembre 2011 et 12 janvier 2012, et la déclaration du Chapitre.

Les mêmes accusations de faiblesse sont parfois portées contre le Protocole du 5 mai 1988, qui avait été préparé par le futur Mgr Tissier de Mallerais et signé par Mgr Lefebvre. Accuseriez-vous ces deux évêques de la même manière que vous accusez Mgr Fellay ? Certainement pas ! Si cette déclaration du 15 avril « renonce à la lutte de Mgr Lefebvre pour la Tradition, » les modernistes qui ne sont pas fous lauraient acceptée avec joie ! Quelque faible quelle soit, elle demeurait trop forte et donc inacceptable pour la CDF : donc elle était loin de« renonce[r] à la lutte de Mgr Lefebvre pour la Tradition. »

Sur ce sujet, tout lecteur honnête de la lettre de Mgr Lefebvre du 6 mai 1988 ne peut être daccord avec vos paroles : « Il est bien connu que le 6 mai, il a rejeté ce protocole parce quil a reconnu lui-même quil faisait trop de concessions pour que la Fraternité soit en mesure de continuer à défendre la Tradition. » Dans cette lettre, Mgr Lefebvre remercie chaudement le Cardinal Ratzinger pour le protocole, et loin de désapprouver ce dernier, il presse le Cardinal de le mettre en pratique promptement, demandant une date prochaine pour la consécration qui y avait été approuvée (le seul point sur lequel il séloigne du protocole consiste en la menace de procéder aux consécrations si on ne lui donne pas de date ; mais il sen est expliqué en disant que ces négociations navaient avancé que sous cette menace). Cest seulement après avoir reçu la réponse, où le Cardinal demande dautres candidats rendant ainsi la date proposée du 15 août impossible à tenir, car il ny aurait pas eu assez de temps pour approuver ces dossiers, que, ne pouvant constamment remettre à plus tard, Mgr Lefebvre décida daller de lavant le 30 juin, qui était déjà la 4ème date quil avait proposée. Le Cardinal Ratzinger était visiblement conscient du fait que Rome navait pas traité Mgr Lefebvre équitablement, et voulut pendant son pontificat remédier à cet état.

Vous concluez à la fin que « les supérieurs de la Fraternité semblent avoir perdu leur attachement à la primauté de la vérité, particulièrement la vérité catholique. »

Etant donné la disproportion dune telle conclusion et des accusations ci-dessus (et des autres accusations multiples des derniers 18 mois, par ex. la lettre ouverte à Mgr Fellay prétendue écrite par 37 prêtres français) avec le contenu de la déclaration de Mgr Fellay, quand jessaye de comprendre comment vous avez pu arriver à de telles conclusions, il me semble que laccusation sous-jacente est bien plutôt ici : « Le problème est moins laccord que le désir de tout accord qui accorde une reconnaissance officielle à la Fraternité, et ce désir est toujours bien là. » Et le raisonnement semble être celui-ci : ceux qui occupent aujourdhui le Siège de Pierre et les Congrégations romaines sont « les apostats de Rome », des hommes entièrement adonnés aux « idées et idéaux du Concile Vatican II » qui est la grande « apostasie des temps modernes » ; tout personne faisant un accord avec eux, même une reconnaissance canonique par eux, devient par là-même collaborateur dans cette grande apostasie, un libéral, un grand ennemi de Dieu.
 
En toute honnêteté, tel na jamais été le raisonnement de Mgr Lefebvre ! En effet, il disait (le 22 mars 1980, Homec 20A1) :
Cest pourquoi jinsiste aujourdhui particulièrement sur cette unité entre nous. Sans doute il est plus facile pour des familles religieuses qui sont des familles monacales, qui forment des monastères, il est plus facile de maintenir cette unité.

Pour nous qui sommes très dispersés par la nature même de notre Fraternité Sacerdotale, lunité peut paraître quelquefois plus difficile. Eh bien, si elle est plus difficile, justement elle demande que nous ayons des liens plus forts, plus solides, plus résolus afin de demeurer unis les uns aux autres et de travailler au règne de Notre Seigneur Jésus-Christ, dans cette famille religieuse qui est - encore une fois - unie à lEglise de toujours. Et unie à lEglise daujourdhui, et même unie, je dirai, à ses chefs qui, sils sont influencés par les idées modernes auxquellesnous ne pouvons pas adhérer silssont influencés par des idées de ce droit nouveau, comme le disait Léon XIII droit qui a été condamné par Léon XIII et par tous ces prédécesseurs si en ce sens nous ne nous sentons pas parfaitement en communion de pensée, avec ceux avec lesquels nous devrions être en pleine communion de pensée, eh bien, cela, peu importe. Cela ne rompt pas cependant cette unité, car à travers leurs personnes qui devraient être parfaitement soumises à la Tradition, parfaitement soumises à ce que leurs prédécesseurs ont enseigné, eh bien nous sommes réunis par eux, quand même à cette apostolicité qui descend à travers tous les souverains pontifes jusquau Souverain Pontife régnant aujourdhui.

Et en cela nous devons être persuadés, convaincus, que nous sommes justement intimement plus que nimporte qui, membres de la Sainte Eglise et quavec tous les membres de lEglise, nous luttons pour le règne de Notre Seigneur Jésus-Christ. Même si certains dentre eux, hélas, par leur conduite, par leurs pensées, par leurs écrits, par leurs actes, ne favorisent pas le règne de Notre Seigneur Jésus-Christ. Cela a été de tous les temps dailleurs dans lHistoire de lEglise.
Est-ce que reconnaître le Pape François comme pape légitime fait de nous des modernistes ? En faisant cela, nous reconnaissons simplement en lui la possession de lautorité légitime qui vient de Notre Seigneur Jésus Christ, comme le faisait Mgr Lefebvre ci-dessus. Cette autorité est catholique. Et si cet élément catholique en lui nous reconnaît, cela ne fera pas de nos des modernistes.

Votre raisonnement ci-dessus manifeste « avoir perdu [son] attachement à la primauté de la vérité, particulièrement la vérité catholique », tombant par-là dans le défaut-même que vous condamnez. En effet, la Vérité Catholique nest pas quelque chose dont on peut ne prendre quune partie : soit on croit le tout, soit on perd la foi. Or un article essentiel de la foi catholique est précisément cette foi en léglise, cette « foi en Pierre » que professait Mgr Lefebvre le jour-même de votre ordination, 29 juin 1976 : « Oh, oui, nous avons la foi en Pierre, nous avons la foi dans le successeur de Pierre ! » Et il dit dans une autre occasion : « si quelquun rompt avec Rome, ce ne sera pas moi. » Dès le début de la Fraternité, il prit soin dobtenir lapprobation de Mgr Charrière, et même après Assise il accepta trois fois de repousser les Consécrations dans lespérance de pouvoir le faire avec lapprobation du Pape et dans une structure canonique approuvée. Ce nest que devant le manque de bonne foi des autorités à Rome quil alla de lavant sans elles.

La foi catholique nous enseigne que nous ne pouvons pas nous sauver tout seuls, séparés de lEglise. La foi seule nest pas suffisante ; sans la charité, ce « lien de la perfection » (Col. 3:14) qui nous unit au Christ et à chaque membre du Christ, il est impossible daller au ciel. « Et quand jaurais toute la science, et toute la foi, … si je nai pas la charité, je ne suis rien… cela ne me sert de rien. » Si le lien intérieur avec lEglise, consistant dans la grâce et la charité, est absolument nécessaire pour le salut, le lien extérieur avec lEglise, consistant comme lenseigne St Robert Bellarmin dans la profession de foi catholique, la pratique du culte catholique (commençant par le sacrement de baptême) ET la communion hiérarchique est aussi nécessaire au salut, « reautvoto de fait ou de désire » ; cest-à-dire que, au cas où sans faute de la part de quelquun lun de ces liens extérieur nest pas possible de fait, alors au moins le votum, la volonté ferme et de désir de ce lien est nécessaire pour le salut. Donc lEglise enseigne que le désir dune situation canonique régulière (dans laquelle consiste la communion hiérarchique pratiquement) est nécessaire. Lisez donc St Robert (cité dans mon petit livre Is FeeneyismCatholic ? p.40) : il dit clairement que si la reconnaissance canonique est injustement refusée, son manque nest pas un obstacle au salut ; mais cela présuppose son désir. Si ce désir lui-même manque, alors ce manque est un obstacle au salut.

Peut-être direz-vous : oui, je veux une communion hiérarchique en ordre, mais avec des autorités vraiment catholiques, pas avec ceux qui occupent présentement Rome. Mais alors cest fondamentalement la position sédévacantiste, et ce ne fut JAMAIS la position de Mgr Lefebvre, comme le montre le texte ci-dessus, et ce nest pas conforme à la réalité « à la vérité catholique » pour reprendre votre expression. Dans certains de vos écris (plusieurs églises), vous présentez la situation comme si les autorités présentes sont dans léglise conciliaire et pas dans lEglise Catholique, présentant lEglise Catholique comme seulement la partie de léglise visible qui demeurerait sainte. Voici vos paroles :
L’unique partie de l’Église visible qui soit catholique est celle qui est une, sainte, universelle et apostolique. Le reste n’est autre que différentes espèces de pourriture visible (ou concrète).
Ce ne fut JAMAIS la pensée de Mgr Lefebvre. (Voir mon propre texte sur Plusieurs Eglises ?) Il na jamais considéré lEglise Catholique comme étant seulement une partie dun tout que serait léglise visible, une partie dont les limites ne seraient plus clairement visibles, une partie où il ny aurait plus une hiérarchie proprement constituée, car vous écrivez : « l’‘église officielleest largement Conciliaire et non-catholique. » Lerreur de ce raisonnement est de confondre lêtre/la substance dune chose avec ses propriétés/ses marques : du fait que les quatre marques de lEglise sont moins visibles dans certaines personnes à cause des erreurs du Concile, spécialement de lœcuménisme scandaleux, on ne peut pas conclure quelles sont « non-catholiques ». Dans son mémorable sermon du 29 juin 1982 (ordination de Mgr Fellay, et de votre serviteur), Mgr Lefebvre a exposé admirablement lépreuve que la crise présente cause pour la foi de certains ; il montra comment la Passion de Notre Seigneur Jésus Christ fut un défi pour la foi de certains au début de lEglise : dune part certains hérétiques ont refusé de reconnaître une nature humaine vraie en Notre Seigneur et sous prétexte que Dieu ne pouvait pas sêtre soumis à tant de souffrances il ont imaginé quIl navait un corps quen apparence ; de lautre part il y eut dautres hérétiques qui ont refusé de reconnaître la Divinité de Celui qui a souffert autant. De la même manière en notre temps la passion de lEglise, Corps Mystique de Notre Seigneur, est un défi pour la foi de certains, et les uns refusent de reconnaître les erreurs et maux présents dans lEglise, disant que le Christ ne pourrait pas permettre tant de mal dans son Eglise, et les autres refusent de reconnaître que les personnes aux postes dautorité dans lEglise qui se sont tant éloignés de leur devoir soient encore membre du Corps Mystique et deviennent sédévacantistes. Mgr Lefebvre rejetait ces deux erreurs, et expliquait que, de même que personne naurait pu dire à priori jusquà quel point le mal physique (souffrance) pouvait aller dans le corps physique du Christ, de même personne ne peut dire à priori jusquà quel point le mal spirituel (péché) peut aller dans le Corps Mystique du Christ. Cest un mystère que le Fils de Dieu ait pu dire dans ses souffrances : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi mavez-vous abandonné ? » (Mt. 27:46) ; cependant nous devons garder la foi comme la Sainte Vierge au pied de la Croix. De même cest un mystère que le successeur de Pierre puisse inviter toutes les religions à être ensemble pour prier à Assise comme Jean-Paul II la fait : prier quel Dieu ? Cependant, contra factum non fit argumentum, comme vous le rappelez souvent. Malgré cela, après cette réunion scandaleuse à Assise, Mgr Lefebvre travaillait avec le Cardinal Gagnon pour établir une situation canonique régulière pour la FSSPX.

La vérité catholique est que, malgré toutes les imperfections et même les péchés très graves des successeurs des Apôtres, les uns des Saints, les autres des réprouvés comme Judas, nous devons être en communion avec eux, parce quils sont successeurs des Apôtres.

 Vous direz peut-être : oui, nous reconnaissons le Pape, mais nous devons garder nos distances, parce que « ce sont les supérieurs qui forment leurs sujets, et non le contraire. » Pour cela, le grand principe de St Augustine devrait calmer vos craintes : « dans lEglise, la communion avec les méchants ne nuit pas aux bons, tant quils ne consentent pas à leurs actions mauvaises. » Une telle crainte ne doit pas nous faire rejeter ce qui est bien en soi : la communion hiérarchique, être dans lORDRE dans lEglise, à la place qui nous convient par rapport à ceux qui possèdent lautorité qui vient du Christ. Seulement en face dun abus dans lexercice de lautorité devons-nous résister.Doù le devoir dexercer la vertu de prudence et cest ce que Mgr Fellay fait depuis les offres de Rome en lan 2000 afin de pourvoir des garanties à la protection et la continuation de lœuvre de la Tradition.

Quand Mgr Fellay exposa dans le Cor Unum du printemps dernier ses principes directeurs pour lexercice de cette prudence, il écrivit : « Notre position de principe : la foi dabord et avant tout. Nous voulons rester catholiques et pour cela avant tout conserver la foi catholique. » Ensuite il explique que « deux points [sont] absolument nécessaires pour assurer notre survie. Le premier est quil ne soit pas demandé à la Fraternité des concessions qui touchent la foi et ce qui en découle (liturgie, sacrements, morale, discipline). Le deuxième, quune réelle liberté et autonomie daction soit concédée à la Fraternité, et quelle lui permette de vivre et de se développer concrètement. » Comment après cela pouvez-vous honnêtement écrire quil nous mène« loin de lorientation définie pour elle par Mgr Lefebvre, et vers les idées et les idéaux du Concile Vatican II… vers et même au cœur de lapostasie des temps modernes » et quil a « perdu [son] attachement à la primauté de la vérité, particulièrement la vérité catholique » ? Vous pouvez dire quil a eu quelque imprudence et faiblesse, mais vous ne pouvez pas tirer de telles conclusions si excessives ! Elles sont si loin de la réalité entière, cest-à-dire de tout ce que Mgr Fellay a dit, et non pas seulement quelques mots pris hors contexte, quon ne peut que se demander si ce nest plutôt vous qui a « perdu [son] attachement à la primauté de la vérité, particulièrement la vérité catholique. »

Vous nous mettez en garde contre « le danger dans lequel [n]os supérieurs mettent leur foi et par là leur salut éternel. » Cher Monseigneur, il y a des prêtres qui vous suivent et qui sont tombés dans des déclarations scandaleusement schismatiques. M. labbé Chazal a répondu par un « Non ! » scandaleusement schismatique à la question : « Dans un tel mélange où on distingue mal le blé de livraie que faisons-nous ? Allons-nous au champ ? Non ! » Sil nest pas dans le champ du Seigneur, il ne sera pas engrangé avec les élus du Seigneur : il ne peut pas être moissonné avec le bon grain sil nest pas dans le champ du Seigneur. Un tel « non ! » est le refus de lEglise telle quelle est concrètement ; cest vraiment un « non ! » schismatique. Bien quil ny ait pas de vraie autorité dans votre association libre une association vraiment libérale cependant vous avez une certaine autorité morale sur ces associés, et donc un devoir de le corriger, pour son propre salut. Sil ne revient dans le champ du Seigneur, il ne peut être sauvé.

Les protestants ont rejeté lEglise à cause des scandales des papes et des évêques de la Renaissance. Nous ne devons pas suivre leurs exemples !

Mgr Lefebvre fut un vrai homme dEglise, un homme dont la vie a été entièrement au service de lEglise, un homme fidèle à lEglise. Il me semble que ce mot, fidélité, peut résumer toute la vie et tout le combat de Mgr Lefebvre : il a été fidèle à la foi, fidèle à la liturgie, fidèle à la morale, fidèle à lEglise ! Cette fidélité est exprimée très simplement par ces mots quil a demandé quon inscrive sur sa tombe : « Je vous ai transmis ce que jai reçu. » Cette fidélité est elle-même votre devise épiscopale !

Les supérieurs de la Fraternité sont indubitablement engagés à poursuivre cette fidélité de Mgr Lefebvre, fidélité sans compromis, à la foi, à la liturgie, à la morale et à lEglise, comme la dernière lettre de Mgr Fellay aux amis et bienfaiteurs le manifeste. Nous, prêtres de la Fraternité Saint Pie X, ne voulons donc pas la quitter !

La première fois que jai rencontré Mgr Lefebvre, en février 1976, à lépoque où les média parlaient de lui comme de lévêque de fer, la qualité qui me frappa le plus en lui fut sonhumilité et sa douceur. Il pouvait vraiment dire avec St Paul : « soyez mes imitateurs, comme je le suis du Christ » (1 Cor. 11:1), « je vis, non pas moi, le Christ vit en moi » (Gal. 2:20). Mgr Lefebvre était un homme de foi, un homme qui vivait de la foi ; il manifestait par ses vertus la foi qui lhabitait. Etre fidèle à lexemple de sa sainteté sacerdotale est aussi un élément essentiel de la fidélité que chaque membre de la Fraternité Saint Pie X doit pratiquer.

Je suis sûr que tous les membres de la Fraternité Saint Pie X se réjouiraient grandement si vous reveniez là doù vous nauriez jamais dû vous éloigner, à lintérieur de la Fraternité Saint Pie X, continuant cette même fidélité sans introduire des idées nouvelles sur lEglise Catholique réduite à une partie de lEglise visible. Et si certains ordres semblent difficiles, puisquils ne sont pas contre Dieu, il est bien plus profitable pour votre âme et ce serait un bien meilleur exemple donné aux autres, dobéir avec humilité plutôt que de résister : « celui qui résiste à lautorité se rebelle contre lordre établi par Dieu. Et les rebelles se feront eux-mêmes condamner » (Rom. 13:2), parce que « Dieu résiste aux orgueilleux, mais Il donne sa grâce aux humbles » (Jac. 4:6).

Nous prions tous pour vous, pour que vous reveniez avec la douceur et lhumilité de Mgr Lefebvre.

Sincèrement vôtre en Jésus et Marie,

Abbé François Laisney
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P.S. Ce dernier souhait était celui-là même de Mgr Lefebvre, dans la conférence citée plus haut :

P.S. Voici le passage précédant juste la longe citation de Mgr Lefebvre Homec 20A1:

« Alors nous devons avoir conscience de cette unité. Et cest pourquoi, nous déplorons dautant plus le départ de certains de nos membres. Sans doute cela est dû aux circonstances dans lesquelles nous vivons. Circonstances où le doute sinstalle partout; où les esprits sont troublés. Circonstances qui veulent que, étant, dune certaine manière, un corps de combat de première ligne, facilement, ceux qui sont en première ligne, deviendront des francs-tireurs. Ils se croiront avoir une mission particulière. Mais il est dangereux de se constituer en francs-tireurs. On peut, non seulement ne pas accomplir la volonté de Dieu, ne pas accomplir la volonté des supérieurs, mais on peut aussi détruire, involontairement sans doute, lœuvre que le Bon Dieu nous demande daccomplir. Et sils peuvent être excusés dune certaine manière, par le fait que nous sommes très dispersés, que physiquement nous sommes très éloignés les uns des autres, dans ce ministère qui absorbe nos activités, cependant étant données les années quils ont passées dans cette maison, étant donnés les liens qui les unissaient à la Fraternité, il est douloureux, il est triste de penser quils ont cru devoir nous quitter. Et nous prions Dieu, afin quils comprennent que leur place est dans la Fraternité et que leur activité sacerdotale doit sexercer dans lintérieur de la Fraternité, dans lintérieur dune famille sacerdotale. Sinon, elle risque dêtre fort stérile et de ne pas être bénie par Dieu. »

Vous me direz: nous navons pas quitté la FSSPX, nous en avons été chassés. Je répondrais: vous vous êtes constitué non seulement en franc-tireur, mais pire tirant sur le Supérieur général (!) et de facto vous aviez rompu les liens dobéissance dans la Fraternité. La déclaration dexclusion na fait que clarifier la réalité déjà existante de votre départ. Mais voyez comment Mgr Lefebvre déplorait une telle attitude, annonçait les destructions quelle causerait, et priait Dieu "afin quils comprennent que leur place est dans la Fraternité et que leur activité sacerdotale doit sexercer dans lintérieur de la Fraternité!"