Abbé François Laisney, fsspx - sspxasia.com -12 mai 2013
Singapour, le 12 mai 2013
Singapour, le 12 mai 2013
Monseigneur,
Je vous entends porter l’accusation :
Les Supérieurs actuels de la Fraternité Saint-Pie X veulent conduire celle-ci loin de l’orientation définie pour elle par Mgr Lefebvre, et vers les idées et les idéaux du Concile Vatican II.supérieurs désirant les conduire, ainsi que vous-mêmes, vers et même au cœur de l’apostasie des temps modernes.
C’est une accusation très grave,
qui requiert des faits proportionnés pour la justifier. Mais que trouvons-nous
après ?
Suit une analyse de la déclaration de Mgr Fellay du 15
avril 2012. Dès le premier paragraphe, on y trouve un mauvais pli. En effet,
Mgr Fellay avait écrit, comme tout premier paragraphe de sa déclaration :
« Nous promettons d’être
toujours fidèles à l’Eglise
catholique et au Pontife romain, son Pasteur suprême, Vicaire du Christ,
successeur de Pierre et chef du Corps des évêques. » C’était
une citation presque mot-à-mot de Mgr Lefebvre : « Moi, Marcel
Lefebvre, archevêque-évêque émérite de Tulle, ainsi que les membres de la
Fraternité sacerdotale Saint-Pie X par moi fondée : Nous promettons d’être
toujours fidèles à l’Église
catholique et au Pontife romain, son Pasteur Suprême, Vicaire du Christ,
Successeur du Bienheureux Pierre dans sa primauté et Chef du corps des évêques. »
(5 mai 1988). Qui ne verrait pas dans une telle promesse une profession claire
et sans ambiguïté de Foi catholique de de fidélité à l’Eglise
Catholique ? Il semble difficile d’y trouver
quelque chose répréhensible. Et pourtant vous en trouvez, et écrivez qu’elle
« peut facilement être mal orientée aujourd’hui
vers l’Église conciliaire en tant que
telle, et envers les pontifes conciliaires. »
Mais un tel commentaire se détruit lui-même ; en effet, vous utilisez les
mots « en tant que telle », qui signifient que vous voulez
prendre les mots dans leur sens précis (« réduplicatif »).
Appliquez-les à la phrase de Mgr Fellay, et ils réfutent votre
commentaire : « nous promettons d’être
toujours fidèles à l’Eglise catholique en tant que
telle et au Pontife romain, son Pasteur suprême, Vicaire du Christen
tant que tel, successeur de Pierre en tant que tel et chef du Corps
des évêques. » Ainsi donc, réprimander cette première phrase de Mgr Fellay
manifeste cette « mauvaise disposition » dont part St Thomas dans sa
Somme, IIaIIae qu.60 a.3 : [le soupçon peut arriver quand] « quelqu’un
est mal disposé envers son prochain; or, lorsqu’un
homme en méprise ou en déteste un autre, qu’il
s’irrite contre lui ou qu’il
l’envie, de légers signes suffisent pour qu’il
le juge coupable; car chacun croit facilement ce qu’il
désire. »
Le reste de l’analyse
continue dans le même esprit, et il est superflu de la reprendre paragraphe par
paragraphe. Bien que cette déclaration du 15 avril ne soit pas sans défaut –
ce que Mgr Fellay lui-même reconnaît – elle est
cependant loin de mériter l’accusation que vous essayez de prouver.
Non, ce n’est pas vrai que « celui qui étudie ces dix
paragraphes dans le texte original ne peut que conclure que leur auteur ou les
auteurs ont renoncé à la lutte de Mgr Lefebvre pour la Tradition, et qu’ils
se sont ralliés, en esprit, à Vatican II. »
Au plus peut-on dire que ce texte est faible et qu’il
contient certains mots qu’il faudrait corriger, étant
inexacts, ambigus, mal-choisis ou tout simplement faux, comme au 7ème
paragraphe. Ils sont le résultat d’un effort
pour trouver une déclaration doctrinale acceptable aux membres présents de la
congrégation pour la doctrine de la foi. Affirmer que « le Quartier
Général de la Fraternité l’a retirée sans la
rétracter », c’est jouer sur les mots : en
effet, rétracter vient de re+tractum, participe passé de trahere
qui veut dire… tirer ! Beaucoup de dictionnaires français vous
donneront rétracter et retirer comme synonymes ; on peut
certes y voir une nuance, mais l’introduire
contre le contexte manifestecette même mauvaise disposition dont parlait St Thomas.
Mgr Fellay a dit formellement à Mgr Di Noia le 28 août 2012 qu’il
retirait cette proposition du mois d’avril,
« qui ne peut désormais plus servir de base de travail. » Mgr Fellay
est donc bien revenu d’une proposition dangereuse à une position
beaucoup plus sûre, selon les lettres du 30 novembre 2011 et 12 janvier 2012,
et la déclaration du Chapitre.
Les mêmes accusations de faiblesse sont parfois
portées contre le Protocole du 5 mai 1988, qui avait été préparé par le futur
Mgr Tissier de Mallerais et signé par Mgr Lefebvre. Accuseriez-vous ces deux
évêques de la même manière que vous accusez Mgr Fellay ? Certainement
pas ! Si cette déclaration du 15 avril « renonce à la lutte de Mgr
Lefebvre pour la Tradition, » les modernistes –
qui ne sont pas fous – l’auraient
acceptée avec joie ! Quelque faible qu’elle
soit, elle demeurait trop forte et donc inacceptable pour la CDF : donc
elle était loin de« renonce[r] à la lutte de Mgr Lefebvre pour la
Tradition. »
Sur ce sujet, tout lecteur honnête de la lettre de Mgr
Lefebvre du 6 mai 1988 ne peut être d’accord
avec vos paroles : « Il est bien connu que le 6 mai, il a rejeté
ce protocole parce qu’il a
reconnu lui-même qu’il
faisait trop de concessions pour que la Fraternité soit en mesure de continuer
à défendre la Tradition. » Dans cette lettre, Mgr
Lefebvre remercie chaudement le Cardinal Ratzinger pour le protocole, et loin
de désapprouver ce dernier, il presse le Cardinal de le mettre en pratique
promptement, demandant une date prochaine pour la consécration qui y avait été
approuvée (le seul point sur lequel il s’éloigne
du protocole consiste en la menace de procéder aux consécrations si on ne lui
donne pas de date ; mais il s’en est
expliqué en disant que ces négociations n’avaient
avancé que sous cette menace). C’est
seulement après avoir reçu la réponse, où le Cardinal demande d’autres
candidats rendant ainsi la date proposée du 15 août impossible à tenir, car il
n’y aurait pas eu assez de temps pour approuver ces
dossiers, que, ne pouvant constamment remettre à plus tard, Mgr Lefebvre décida
d’aller de l’avant le
30 juin, qui était déjà la 4ème date qu’il
avait proposée. Le Cardinal Ratzinger était visiblement conscient du fait que
Rome n’avait pas traité Mgr Lefebvre équitablement, et voulut
pendant son pontificat remédier à cet état.
Vous concluez à la fin que « les supérieurs de
la Fraternité semblent avoir perdu leur attachement à la primauté de la vérité,
particulièrement la vérité catholique. »
Etant donné la disproportion d’une
telle conclusion – et des accusations ci-dessus (et
des autres accusations multiples des derniers 18 mois, par ex. la lettre
ouverte à Mgr Fellay prétendue écrite par 37 prêtres français) –
avec le contenu de la déclaration de Mgr Fellay, quand j’essaye
de comprendre comment vous avez pu arriver à de telles conclusions, il me
semble que l’accusation sous-jacente est bien
plutôt ici : « Le problème est moins l’accord
que le désir de tout accord qui accorde une reconnaissance officielle à la
Fraternité, et ce désir est toujours bien là. » Et le raisonnement
semble être celui-ci : ceux qui occupent aujourd’hui
le Siège de Pierre et les Congrégations romaines sont « les apostats de
Rome », des hommes entièrement adonnés aux « idées et idéaux du
Concile Vatican II » qui est la grande « apostasie des temps
modernes » ; tout personne faisant un accord avec eux, même une
reconnaissance canonique par eux, devient par là-même collaborateur dans cette
grande apostasie, un libéral, un grand ennemi de Dieu.
En toute honnêteté, tel n’a
jamais été le raisonnement de Mgr Lefebvre ! En effet, il disait (le 22
mars 1980, Homec 20A1) :
C’est pourquoi j’insiste aujourd’hui particulièrement sur cette unité entre nous. Sans doute il est plus facile pour des familles religieuses qui sont des familles monacales, qui forment des monastères, il est plus facile de maintenir cette unité.Pour nous qui sommes très dispersés par la nature même de notre Fraternité Sacerdotale, l’unité peut paraître quelquefois plus difficile. Eh bien, si elle est plus difficile, justement elle demande que nous ayons des liens plus forts, plus solides, plus résolus afin de demeurer unis les uns aux autres et de travailler au règne de Notre Seigneur Jésus-Christ, dans cette famille religieuse qui est - encore une fois - unie à l’Eglise de toujours. Et unie à l’Eglise d’aujourd’hui, et même unie, je dirai, à ses chefs qui, s’ils sont influencés par les idées modernes – auxquellesnous ne pouvons pas adhérer – s’ilssont influencés par des idées de ce droit nouveau, comme le disait Léon XIII – droit qui a été condamné par Léon XIII et par tous ces prédécesseurs – si en ce sens nous ne nous sentons pas parfaitement en communion de pensée, avec ceux avec lesquels nous devrions être en pleine communion de pensée, eh bien, cela, peu importe. Cela ne rompt pas cependant cette unité, car à travers leurs personnes qui devraient être parfaitement soumises à la Tradition, parfaitement soumises à ce que leurs prédécesseurs ont enseigné, eh bien nous sommes réunis par eux, quand même à cette apostolicité qui descend à travers tous les souverains pontifes jusqu’au Souverain Pontife régnant aujourd’hui.Et en cela nous devons être persuadés, convaincus, que nous sommes justement intimement plus que n’importe qui, membres de la Sainte Eglise et qu’avec tous les membres de l’Eglise, nous luttons pour le règne de Notre Seigneur Jésus-Christ. Même si certains d’entre eux, hélas, par leur conduite, par leurs pensées, par leurs écrits, par leurs actes, ne favorisent pas le règne de Notre Seigneur Jésus-Christ. Cela a été de tous les temps d’ailleurs dans l’Histoire de l’Eglise.
Est-ce que reconnaître le Pape François comme pape
légitime fait de nous des modernistes ? En faisant cela, nous reconnaissons
simplement en lui la possession de l’autorité
légitime qui vient de Notre Seigneur Jésus Christ, comme le faisait Mgr
Lefebvre ci-dessus. Cette autorité est catholique. Et si cet élément catholique
en lui nous reconnaît, cela ne fera pas de nos des modernistes.
Votre raisonnement ci-dessus manifeste « avoir
perdu [son] attachement à la primauté de la vérité, particulièrement la vérité
catholique », tombant par-là dans le défaut-même que vous condamnez. En
effet, la Vérité Catholique n’est pas quelque chose dont on
peut ne prendre qu’une partie : soit on croit
le tout, soit on perd la foi. Or un article essentiel de la foi catholique est
précisément cette foi en l’église, cette « foi en
Pierre » que professait Mgr Lefebvre le jour-même de votre ordination, 29
juin 1976 : « Oh, oui, nous avons la foi en Pierre, nous avons la foi
dans le successeur de Pierre ! » Et il dit dans une autre
occasion : « si quelqu’un rompt
avec Rome, ce ne sera pas moi. » Dès le début de la Fraternité, il prit
soin d’obtenir l’approbation
de Mgr Charrière, et même après Assise il accepta trois fois de repousser les
Consécrations dans l’espérance de pouvoir le faire
avec l’approbation du Pape et dans une structure canonique
approuvée. Ce n’est que devant le manque de bonne
foi des autorités à Rome qu’il alla de l’avant
sans elles.
La foi catholique nous enseigne que nous ne pouvons
pas nous sauver tout seuls, séparés de l’Eglise.
La foi seule n’est pas suffisante ; sans la
charité, ce « lien de la perfection » (Col. 3:14) qui nous unit au
Christ et à chaque membre du Christ, il est impossible d’aller
au ciel. « Et quand j’aurais toute la science, et toute
la foi, … si je n’ai pas la charité, je ne suis
rien… cela ne me sert de rien. » Si le lien intérieur avec l’Eglise,
consistant dans la grâce et la charité, est absolument nécessaire pour le
salut, le lien extérieur avec l’Eglise, consistant comme l’enseigne
St Robert Bellarmin dans la profession de foi catholique, la pratique du culte
catholique (commençant par le sacrement de baptême) ET la communion hiérarchique
est aussi nécessaire au salut, « reautvoto – de fait
ou de désire » ; c’est-à-dire que, au cas où sans
faute de la part de quelqu’un l’un
de ces liens extérieur n’est pas possible de fait,
alors au moins le votum, la volonté ferme et de désir de ce lien est
nécessaire pour le salut. Donc l’Eglise
enseigne que le désir d’une situation canonique régulière
(dans laquelle consiste la communion hiérarchique pratiquement) est nécessaire.
Lisez donc St Robert (cité dans mon petit livre Is FeeneyismCatholic ?
p.40) : il dit clairement que si la reconnaissance canonique est
injustement refusée, son manque n’est pas
un obstacle au salut ; mais cela présuppose son désir. Si ce désir
lui-même manque, alors ce manque est un obstacle au salut.
Peut-être direz-vous : oui, je veux une communion
hiérarchique en ordre, mais avec des autorités vraiment catholiques, pas avec
ceux qui occupent présentement Rome. Mais alors c’est
fondamentalement la position sédévacantiste, et ce ne fut JAMAIS la position de
Mgr Lefebvre, comme le montre le texte ci-dessus, et ce n’est
pas conforme à la réalité – « à la vérité
catholique » pour reprendre votre expression. Dans certains de vos écris (plusieurs
églises), vous présentez la situation comme si les autorités présentes sont
dans l’église conciliaire
et pas dans l’Eglise Catholique, présentant l’Eglise
Catholique comme seulement la partie de l’église
visible qui demeurerait sainte. Voici vos paroles :
L’unique partie de l’Église visible qui soit catholique est celle qui est une, sainte, universelle et apostolique. Le reste n’est autre que différentes espèces de pourriture visible (ou concrète).
Ce ne fut JAMAIS la pensée de Mgr Lefebvre. (Voir mon
propre texte sur Plusieurs Eglises ?) Il n’a
jamais considéré l’Eglise Catholique comme étant
seulement une partie d’un tout que serait l’église
visible, une partie dont les limites ne seraient plus clairement visibles, une
partie où il n’y aurait plus une hiérarchie
proprement constituée, car vous écrivez : « l’‘église
officielle’est largement Conciliaire et non-catholique. » L’erreur
de ce raisonnement est de confondre l’être/la
substance d’une chose avec ses propriétés/ses
marques : du fait que les quatre marques de l’Eglise
sont moins visibles dans certaines personnes à cause des erreurs du Concile,
spécialement de l’œcuménisme scandaleux, on ne peut
pas conclure qu’elles sont
« non-catholiques ». Dans son mémorable sermon du 29 juin 1982
(ordination de Mgr Fellay, et de votre serviteur), Mgr Lefebvre a exposé admirablement
l’épreuve que la crise présente cause pour la foi de
certains ; il montra comment la Passion de Notre Seigneur Jésus Christ fut
un défi pour la foi de certains au début de l’Eglise :
d’une part certains hérétiques ont refusé de reconnaître
une nature humaine vraie en Notre Seigneur et sous prétexte que Dieu ne pouvait
pas s’être soumis à tant de souffrances il ont imaginé qu’Il
n’avait un corps qu’en
apparence ; de l’autre part il y eut d’autres
hérétiques qui ont refusé de reconnaître la Divinité de Celui qui a souffert
autant. De la même manière en notre temps la passion de l’Eglise,
Corps Mystique de Notre Seigneur, est un défi pour la foi de certains, et les
uns refusent de reconnaître les erreurs et maux présents dans l’Eglise,
disant que le Christ ne pourrait pas permettre tant de mal dans son Eglise, et
les autres refusent de reconnaître que les personnes aux postes d’autorité
dans l’Eglise qui se sont tant éloignés de leur devoir soient
encore membre du Corps Mystique et deviennent sédévacantistes. Mgr Lefebvre
rejetait ces deux erreurs, et expliquait que, de même que personne n’aurait
pu dire à priori jusqu’à quel point le mal physique
(souffrance) pouvait aller dans le corps physique du Christ, de même personne
ne peut dire à priori jusqu’à quel point le mal spirituel
(péché) peut aller dans le Corps Mystique du Christ. C’est
un mystère que le Fils de Dieu ait pu dire dans ses souffrances :
« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’avez-vous
abandonné ? » (Mt. 27:46) ; cependant nous devons garder la
foi comme la Sainte Vierge au pied de la Croix. De même c’est
un mystère que le successeur de Pierre puisse inviter toutes les religions à
être ensemble pour prier à Assise comme Jean-Paul II l’a
fait : prier quel Dieu ? Cependant, contra factum non fit
argumentum, comme vous le rappelez souvent. Malgré cela, après cette
réunion scandaleuse à Assise, Mgr Lefebvre travaillait avec le Cardinal Gagnon
pour établir une situation canonique régulière pour la FSSPX.
La vérité catholique est que, malgré toutes les
imperfections et même les péchés très graves des successeurs des Apôtres, les
uns des Saints, les autres des réprouvés comme Judas, nous devons être en
communion avec eux, parce qu’ils sont successeurs des
Apôtres.
Vous direz
peut-être : oui, nous reconnaissons le Pape, mais nous devons garder nos
distances, parce que « ce sont les supérieurs qui forment leurs sujets, et
non le contraire. » Pour cela, le grand principe de St Augustine devrait
calmer vos craintes : « dans l’Eglise,
la communion avec les méchants ne nuit pas aux bons, tant qu’ils
ne consentent pas à leurs actions mauvaises. » Une telle crainte ne doit
pas nous faire rejeter ce qui est bien en soi : la communion hiérarchique,
être dans l’ORDRE dans l’Eglise,
à la place qui nous convient par rapport à ceux qui possèdent l’autorité
qui vient du Christ. Seulement en face d’un abus
dans l’exercice de l’autorité
devons-nous résister.D’où le devoir d’exercer
la vertu de prudence – et c’est
ce que Mgr Fellay fait depuis les offres de Rome en l’an
2000 – afin de pourvoir des garanties à la protection et la
continuation de l’œuvre de la Tradition.
Quand Mgr Fellay exposa dans le Cor Unum du
printemps dernier ses principes directeurs pour l’exercice
de cette prudence, il écrivit : « Notre position de principe :
la foi d’abord et avant tout. Nous voulons rester catholiques
et pour cela avant tout conserver la foi catholique. » Ensuite il explique
que « deux points [sont] absolument nécessaires pour assurer notre survie.
Le premier est qu’il ne soit pas demandé à la
Fraternité des concessions qui touchent la foi et ce qui en découle (liturgie,
sacrements, morale, discipline). Le deuxième, qu’une
réelle liberté et autonomie d’action soit concédée à la
Fraternité, et qu’elle lui permette de vivre et de
se développer concrètement. » Comment après cela pouvez-vous honnêtement
écrire qu’il nous mène« loin de l’orientation
définie pour elle par Mgr Lefebvre, et vers les idées et les idéaux du Concile
Vatican II… vers et même au cœur de l’apostasie
des temps modernes » et qu’il
a « perdu [son] attachement à la primauté de la vérité,
particulièrement la vérité catholique » ? Vous pouvez dire qu’il
a eu quelque imprudence et faiblesse, mais vous ne pouvez pas tirer de telles
conclusions si excessives ! Elles sont si loin de la réalité entière, c’est-à-dire
de tout ce que Mgr Fellay a dit, et non pas seulement quelques mots pris
hors contexte, qu’on ne peut que se demander si ce
n’est plutôt vous qui a « perdu [son]
attachement à la primauté de la vérité, particulièrement la vérité catholique. »
Vous nous mettez en garde contre « le danger
dans lequel [n]os supérieurs mettent leur foi et par là leur salut éternel. »
Cher Monseigneur, il y a des prêtres qui vous suivent et qui sont tombés dans
des déclarations scandaleusement schismatiques. M. l’abbé
Chazal a répondu par un « Non ! » scandaleusement schismatique à
la question : « Dans un tel mélange où on distingue mal le blé de
l’ivraie que faisons-nous ? Allons-nous au champ ? Non ! »
S’il n’est pas dans le champ du
Seigneur, il ne sera pas engrangé avec les élus du Seigneur : il ne
peut pas être moissonné avec le bon grain s’il n’est
pas dans le champ du Seigneur. Un tel « non ! » est le
refus de l’Eglise telle qu’elle est
concrètement ; c’est vraiment un « non ! »
schismatique. Bien qu’il n’y
ait pas de vraie autorité dans votre association libre –une
association vraiment libérale – cependant vous avez une certaine
autorité morale sur ces associés, et donc un devoir de le corriger, pour son
propre salut. S’il ne revient dans le champ du
Seigneur, il ne peut être sauvé.
Les protestants ont rejeté l’Eglise
à cause des scandales des papes et des évêques de la Renaissance. Nous ne
devons pas suivre leurs exemples !
Mgr Lefebvre fut un vrai homme d’Eglise,
un homme dont la vie a été entièrement au service de l’Eglise,
un homme fidèle à l’Eglise. Il me semble que ce mot, fidélité,
peut résumer toute la vie et tout le combat de Mgr Lefebvre : il a été
fidèle à la foi, fidèle à la liturgie, fidèle à la morale, fidèle à l’Eglise !
Cette fidélité est exprimée très simplement par ces mots qu’il
a demandé qu’on inscrive sur sa tombe :
« Je vous ai transmis ce que j’ai
reçu. » Cette fidélité est elle-même votre devise épiscopale !
Les supérieurs de la Fraternité sont indubitablement
engagés à poursuivre cette fidélité de Mgr Lefebvre, fidélité sans compromis, à
la foi, à la liturgie, à la morale et à l’Eglise,
comme la dernière lettre de Mgr Fellay aux amis et bienfaiteurs le manifeste.
Nous, prêtres de la Fraternité Saint Pie X, ne voulons donc pas la
quitter !
La première fois que j’ai
rencontré Mgr Lefebvre, en février 1976, à l’époque où
les média parlaient de lui comme de l’évêque de
fer, la qualité qui me frappa le plus en lui fut sonhumilité
et sa douceur. Il pouvait vraiment dire avec St Paul : « soyez
mes imitateurs, comme je le suis du Christ » (1 Cor. 11:1), « je vis,
non pas moi, le Christ vit en moi » (Gal. 2:20). Mgr Lefebvre était un
homme de foi, un homme qui vivait de la foi ; il manifestait par ses
vertus la foi qui l’habitait. Etre fidèle à l’exemple
de sa sainteté sacerdotale est aussi un élément essentiel de la fidélité que
chaque membre de la Fraternité Saint Pie X doit pratiquer.
Je suis sûr que tous les membres de la Fraternité
Saint Pie X se réjouiraient grandement si vous reveniez là d’où
vous n’auriez jamais dû vous éloigner, à l’intérieur
de la Fraternité Saint Pie X, continuant cette même fidélité sans introduire
des idées nouvelles sur l’Eglise Catholique réduite à une partie
de l’Eglise visible. Et si certains ordres semblent
difficiles, puisqu’ils ne sont pas contre Dieu, il
est bien plus profitable pour votre âme et ce serait un bien meilleur exemple
donné aux autres, d’obéir avec humilité plutôt que de
résister : « celui qui résiste à l’autorité
se rebelle contre l’ordre établi par Dieu. Et les
rebelles se feront eux-mêmes condamner » (Rom. 13:2), parce que
« Dieu résiste aux orgueilleux, mais Il donne sa grâce aux humbles »
(Jac. 4:6).
Nous prions tous pour vous, pour que vous reveniez
avec la douceur et l’humilité de Mgr Lefebvre.
Sincèrement vôtre en Jésus et Marie,
Abbé François Laisney
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P.S. Ce dernier souhait était celui-là même de Mgr
Lefebvre, dans la conférence citée plus haut :
P.S. Voici le passage précédant juste la longe
citation de Mgr Lefebvre Homec 20A1:
« Alors nous devons avoir conscience de cette
unité. Et c’est pourquoi, nous déplorons d’autant
plus le départ de certains de nos membres. Sans doute cela est dû aux
circonstances dans lesquelles nous vivons. Circonstances où le doute s’installe
partout; où les esprits sont troublés. Circonstances qui veulent que, étant, d’une
certaine manière, un corps de combat de première ligne, facilement, ceux qui
sont en première ligne, deviendront des francs-tireurs. Ils se croiront avoir
une mission particulière. Mais il est dangereux de se constituer en
francs-tireurs. On peut, non seulement ne pas accomplir la volonté de Dieu, ne
pas accomplir la volonté des supérieurs, mais on peut aussi détruire,
involontairement sans doute, l’œuvre que le Bon Dieu nous
demande d’accomplir. Et s’ils
peuvent être excusés d’une certaine manière, par le fait
que nous sommes très dispersés, que physiquement nous sommes très éloignés les
uns des autres, dans ce ministère qui absorbe nos activités, cependant étant
données les années qu’ils ont passées dans cette
maison, étant donnés les liens qui les unissaient à la Fraternité, il est
douloureux, il est triste de penser qu’ils ont
cru devoir nous quitter. Et nous prions Dieu, afin qu’ils
comprennent que leur place est dans la Fraternité et que leur activité
sacerdotale doit s’exercer dans l’intérieur
de la Fraternité, dans l’intérieur d’une
famille sacerdotale. Sinon, elle risque d’être fort
stérile et de ne pas être bénie par Dieu. »
Vous me direz: nous n’avons pas
quitté la FSSPX, nous en avons été chassés. Je répondrais: vous vous êtes
constitué non seulement en franc-tireur, mais pire tirant sur le
Supérieur général (!) et de facto vous aviez rompu les liens d’obéissance
dans la Fraternité. La déclaration d’exclusion
n’a fait que clarifier la réalité déjà existante de
votre départ. Mais voyez comment Mgr Lefebvre déplorait une telle attitude,
annonçait les destructions qu’elle causerait, et priait Dieu
"afin qu’ils comprennent que leur place
est dans la Fraternité et que leur activité sacerdotale doit s’exercer
dans l’intérieur de la Fraternité!"