22 mai 2013

[Paix Liturgique] D'un pèlerinage à l'autre - Octobre 2013: Mgr Rifan avec le peuple Summorum Pontificum à Rome

SOURCE - Paix Liturgique - lettre n°388 - 22 mai 2013

Alors que les pèlerins de Chartres, saintement épuisés, rendent grâces pour les trésors spirituels reçus durant le week-end de Pentecôte, le pèlerinage du peuple Summorum Pontificum à Rome, en octobre, se prépare.

Nous nous y arrêtons cette semaine, en prenant prétexte du programme prévisionnel publié par les organisateurs, auquel nous ajoutons le contenu original d'un entretien donné la semaine dernière à la presse par le délégué général du Cœtus Internationalis Summorum Pontificum, Giuseppe Capoccia. Nous vous présentons la traduction de ces deux documents suivie de nos commentaires.

[En raison de l'actualité, la suite de notre portrait consacré à l'abbé Lourdelet et à l'Opus sacerdotale paraîtra la semaine prochaine.]
I – PROGRAMME PRÉVISIONNEL DU PÈLERINAGE DU PEUPLE SUMMORUM PONTIFICUM D’OCTOBRE 2013 À ROME
Cette année, outre la procession et la messe à Saint-Pierre, les temps forts du pèlerinage seront la Via Crucis (Chemin de Croix) dans les rues de Rome le vendredi et la messe de clôture, le dimanche de Christ-Roi, qui sera célébrée par Monseigneur Rifan, évêque de l'Administration apostolique Saint-Jean-Marie-Vianney de Campos au Brésil.

Jeudi 24 octobre, soirée : Vêpres solennelles de saint Raphaël et accueil des pèlerins à la Trinité-des-Pèlerins.

Vendredi 25 octobre, 8 heures : Chapelet à Sainte-Marie-Majeure, suivi de visites culturelles et spirituelles par groupes linguistiques.

Vendredi 25 octobre, 17 heures : Via Crucis dans les rues de Rome, guidée par les membres de l'Opera Familia Christi de don Riccardo Petroni, l'œuvre qui a la charge de la messe dominicale en la chapelle du Palais Altemps.

Vendredi 25 octobre, 19 heures : Messe pontificale à la Trinité des Pèlerins.

Samedi 26 octobre, à partir de 8 heures : Adoration eucharistique à San Salvatore in Lauro, suivie de la procession vers la basilique Saint-Pierre où sera célébrée la messe pontificale à 11 heures.

Dimanche 27 octobre matin : messe pontificale pour la solennité du Christ-Roi, célébrée par Mgr Rifan, administrateur apostolique de la com
munauté Saint-Jean-Marie-Vianney de Campos (Brésil).


Les organisateurs annoncent aussi d'autres activités, dont un concert en l'église de la Trinité des Pèlerins et, sous réserve, des rencontres pour le clergé et les laïcs le samedi après-midi. Le programme complet du pèlerinage sera communiqué lors de la conférence de presse qui se tiendra le mercredi 26 juin à Rome. Grâce au soutien de l'Opera Romana Pellegrinaggi, des précisions pour faciliter l’organisation du voyage des pèlerins et leur logement seront données ultérieurement.
II – ENTRETIEN AVEC GIUSEPPE CAPOCCIA, délégué général du Coetus internationalis Summorum Pontificum [*]
Voici, en version française, l'intégralité de l'entretien donné par le délégué général du Cœtus Internationalis Summorum Pontificum, organisateur du pèlerinage à Rome, à Alessandro Speciale, de Vatican Insider.

1. Quel regard porte le peuple Summorum Pontificum sur l'élection du pape François et ses premiers mois de pontificat ?

Comme tant de catholiques, nous avons été déconcertés par la renonciation de notre bien-aimé Benoît XVI. Et, pour nous aussi, l'élection de François, grandement méconnu jusque là, a été une surprise. Nous avons donc été très attentifs, depuis, à tous ses gestes comme à toutes ses paroles. Et je dois dire que ses paroles nous ont immédiatement rassurés : il a parlé du diable qui s'agite contre nous mais ne peut rien contre la miséricorde divine ; il nous a invités à ne pas perdre confiance en l'amour de Dieu ; il nous a appelés à « sortir » de notre routine pour aller vers les périphéries de l'existence ; et nous a mis en garde contre le risque de devenir des « collectionneurs d’antiquités ou de nouveautés au lieu d’être des pasteurs pénétrés de “l’odeur de leurs brebis”, au milieu de leur propre troupeau, et des pêcheurs d’hommes ».

Chacun des sermons du pape François nous appelle à vivre avec une plus grande intensité et cohérence notre vie chrétienne. Le peuple Summorum Pontificum ne peut qu'apprécier et recevoir avec joie cet appel. En effet, c'est précisément par désir de renouveler et de soutenir notre vie spirituelle que beaucoup d'entre nous ont choisi de vivre leur propre foi au rythme de la liturgie traditionnelle. Comme l'avait bien compris Benoît XVI, nous sommes nombreux à chercher le Christ à travers une liturgie plus digne et imprégnée d'un plus grand sens du sacré. 
 
2. Que pensez-vous de son style liturgique ? Son pontificat prend-il une direction opposée à celle de Benoît XVI ?

Il serait hypocrite de nier que si, d'un côté, les paroles de François nous donnent du courage, de l'autre, certains de ses gestes nous déconcertent. Nous comprenons que certains expriment quelque malaise mais, en tant que fidèles sensibles à la tradition, donc attachés au long terme, nous voulons éviter de nous laisser piéger par l'immédiateté. Le pape actuel vient d'une culture liturgique et pastorale différente de celle qui se pratique à Rome et il faut lui laisser le temps de s'approprier la tradition liturgique pontificale.

Par ailleurs, il ne faut pas réduire la liturgie à une question de style car ce qui prime, c'est la solidité et la valeur théologiques du rite même. Enfin, il est évident que chaque pontificat a ses spécificités. Si Benoît XVI considérait la crise de la liturgie comme cause et révélateur de la crise de la Foi, il ne nous semble pas, cependant, que François manifeste le contraire. Il n'y a qu'à penser au fait que la grande publicité donnée, avec la permission du Pape lui-même, à sa messe quotidienne à Sainte-Marthe, retentit comme un appel clair à tous les catholiques, prêtres comme laïcs, à prendre conscience que seule l'Eucharistie est source d'évangélisation. 
 
2 bis. D'autres expressions du monde traditionnel sont très critiques envers le pape, à commencer par la Fraternité Saint-Pie X : qu'en dites-vous ?

Plus que de critiques véritables, au sens de critiques doctrinales, nous avons plutôt lu et entendu des incompréhensions et des inquiétudes. Souvent, il faut dire, il s'agit de réactions fondées sur de fausses informations, comme celle qui annonçait le renvoi de l'actuel cérémoniaire pontifical ou la nomination de son prédécesseur à la tête de la Congrégation pour le Culte divin ! Internet favorise malheureusement ces réactions à chaud qu'alimente une certaine ivresse à l'idée de pouvoir se faire entendre du monde entier.

En ce qui concerne la Fraternité Saint-Pie X, ses déclarations officielles nous ont semblé plutôt mesurées et prudentes. Nous ne sommes cependant pas surpris que l'un ou l'autre se soit laissé aller à des commentaires plus durs mais les motivations en sont peut-être plus à rechercher dans les rivalités internes à la Fraternité que dans une réelle défiance à l'encontre du Saint Père.

3. Comment a été accueilli le précédent pèlerinage et pourquoi recommencez-vous cette année ?

L'an dernier, nous avons voulu témoigner notre communion de Foi et notre proximité avec Benoît XVI, le Souverain Pontife qui a redonné son plein droit à la liturgie traditionnelle. Nous entendions également affirmer l'existence d'un peuple Summorum Pontificum au sein du grand troupeau catholique ; un peuple qui exprime sa joie de faire partie, à part entière, de l'Église catholique, apostolique et romaine. Notre initiative était aussi une participation convaincue à la Nouvelle évangélisation voulue par Jean-Paul II et Benoît XVI. Enfin, nous espérions aussi concourir au retour de la Fraternité Saint-Pie X dans le giron romain.

Comme il arrive souvent avec les initiatives nouvelles, certains de nos amis nous ont regardé avec méfiance tandis que le cardinal Cañizares, préfet de la Congrégation pour le Culte divin, comme le Saint-Père, nous ont démontré leur bienveillance : le premier en déclarant, avant de célébrer à Saint-Pierre, qu'il le faisait tout simplement parce que c'était “normal” ; le second en nous adressant, via le cardinal Secrétaire d'État, un message de bienvenue.

Cette année, nous souhaitons réaffirmer notre pleine disponibilité au défi de la Nouvelle évangélisation. Par bien des aspects, le peuple Summorum Pontificum ressemble aux nouveaux mouvements nés après le concile Vatican II, fruits d'une meilleure prise de conscience du rôle des laïcs dans la vie de l'Église : il attire à lui beaucoup de familles, souvent nombreuses, il est caractérisé par un grand dynamisme pastoral et est ferment de multiples vocations aussi bien religieuses que sacerdotales. Il nous semble donc essentiel que cette ressource soit mise à profit, aussi bien dans les diocèses que dans les paroisses.

4. Combien de personnes attendez-vous?

Nous espérons avoir 3000 personnes le samedi, jour de la procession et de la messe à Saint-Pierre et misons sur au moins 500 pèlerins étrangers à l'Italie venant pour les trois jours du pèlerinage. Nous aurons une idée plus précise des effectifs fin juin quand nous présenterons le programme officiel.

5. Que voulez-vous manifester au monde catholique en général par votre initiative ?

Pendant des années, les fidèles et les prêtres liés à la tradition liturgique de l'Église ont été marginalisés et traités avec mépris si ce n'est haine, ils ont été maintenus aux périphéries de l'Église et nul ne devait s'en approcher. Nous désirons contribuer à la guérison définitive des blessures provoquées durant ces années de persécution et d'injustice, et il nous semble plus opportun de le faire en nous intégrant à la dynamique nouvelle que nous propose le pape François et l'Église plutôt qu'en revendiquant. Nous souhaitons témoigner, dans la joie et en esprit de service, de l'unité de l'Église.

Dans le cadre particulier du nouveau pontificat, nous voudrions également illustrer combien la forme extraordinaire du rite romain est un outil adapté à la redécouverte de la pauvreté à laquelle nous appelle le pape François : s'agenouiller, supplier, se taire, confesser, sont quatre attitudes caractéristiques aussi bien de la messe traditionnelle que de la pauvreté spirituelle. La redécouverte de ce que saint François disait de la liturgie – n'oublions pas que c'est lui qui fit connaître le missel romain en dehors de la Cour pontificale – pourrait aider à comprendre encore mieux ce qu'est la pauvreté chrétienne, la pauvreté d'esprit qui fait de nous comme des mendiants du Christ qui vient à notre rencontre dans la liturgie et nous offre Sa splendeur, nous ouvrant les portes du Ciel où se trouve la vraie richesse. Ce n'est pas un hasard si le dernier saint à avoir célébré la messe traditionnelle toute sa vie durant a été Padre Pio, reflet fidèle de saint François.

Dans les diocèses et les paroisses, de nombreux fidèles sont en quête d'une nourriture spirituelle que la forme extraordinaire du rite romain pourrait leur offrir mais ils ne la connaissent pas et, bien souvent, n'ont même pas l'occasion de la connaître car certains pensent qu'elle est inadaptée à notre époque, qu'elle n'est pas "populaire" voire qu'elle est élitiste et un peu snob. En revanche, la nouveauté pérenne de la liturgie traditionnelle a encore beaucoup à offrir à l'Église : en ce sens, notre pèlerinage est un signe important, non seulement pour le peuple Summorum Pontificum mais aussi pour tous, surtout en ces temps de Nouvelle évangélisation..

III – LES RÉFLEXIONS DE PAIX LITURGIQUE

1) Remarquons au passage que si le pèlerinage Summorum Pontificum fait célébrer pour la deuxième fois une messe à l’autel de la Chaire, à Saint-Pierre, une messe dans la forme extraordinaire avait déjà été célébrée en 2011 à ce même autel, à l’issue du colloque sur le Motu Proprio conduit par le père Nuara, aujourd'hui officiel de la commission Ecclesia Dei. 2011, 2012, 2013 : la messe pontificale traditionnelle annuelle auprès de la Tombe de Pierre est en passe de devenir une tradition romaine. Le pèlerinage entre d’ailleurs cette année dans la programmation de l'Opera Romana Pellegrinaggi, qui offre ses services pour le bon déroulement des pèlerinages sur la tombe de l'apôtre.

2) Nous ne cachons pas que Paix liturgique apprécie grandement le fait que ce pèlerinage du peuple Summorum Pontificum soit un pèlerinage pour tous, qui s’adresse à des pèlerins individuels, prêtres, séminaristes, fidèles, des communautés comme des paroisses les plus diverses. Les organisateurs nous ont dit vouloir mettre en valeur les « paroisses spécialisées », autrement dit les paroisses personnelles pour la forme extraordinaire, en ce qu’elles montrent à toutes les autres paroisses que la forme extraordinaire, selon l’esprit et la lettre de Summorum Pontificum, a toute sa place dans le cadre pastoral normal. C’est la raison pour laquelle ils ont invité Mgr Rifan, évêque d’un « diocèse spécialisé », une administration apostolique vouée à la forme extraordinaire, comme un signe donné aux autres diocèses pour qu’ils fassent toute sa place, de manière habituelle, à la messe traditionnelle.

3) Sans présumer du concert ni des conférences du samedi après-midi, nous remarquons que le programme que nous communiquent les organisateurs est cette année plus riche, notamment avec les visites par groupe linguistique du vendredi matin et le Chemin de Croix qui, d'après nos informations, devraient prendre place sur la colline du Palatin.

4) L’entretien de Giuseppe Capoccia fait allusion avec beaucoup de finesse à une querelle née en Italie sur le thème « Les traditionalistes sont contre le pape François ». En réalité, nous avons pu observer que l’inquiétude née de la renonciation de Benoît XVI, auquel on ne saurait trop rendre grâces d'avoir initié le redressement de la liturgie romaine, a surtout touché le clergé diocésain qui œuvrait en ce sens et a craint de se retrouver isolé, ne pouvant plus dire, par exemple, à ses paroissiens : « Comme le fait le Pape, je célèbre face au Seigneur et je donne désormais la communion sur les lèvres. »

Les propos du délégué général du pèlerinage et l’existence du pèlerinage lui-même ont l’avantage de montrer que les choses peuvent et vont continuer dans la même direction. Comme le dit Giuseppe Capoccia, le nouveau Pape découvre beaucoup de choses en arrivant à Rome. À nous de lui faire filialement découvrir la réalité croissante de cette sensibilité liturgique (nous usons toujours de ce terme dans sa valeur la plus forte : expression du sens de la foi) à la fois jeune, fervente, missionnaire, féconde en vocations, colonne vertébrale de familles très chrétiennes et référence potentielle pour la rénovation de la liturgie des paroisses.
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[*] Giuseppe Capoccia, magistrat de Lecce, dans les Pouilles, a succédé à Riccardo Turrini Vita, haut fonctionnaire italien appelé par Benoît XVI comme juge auprès de la Cour d'appel du Vatican. Giuseppe Capoccia est l'un des animateurs de la Scuola Ecclesia Mater.