2 août 2013

[La Porte Latine] Décès de Jean Madiran - «Rendez-nous l'Écriture, le catéchisme et la messe!»

SOURCE - La Porte Latine - 2 août 2013

Parmi les grandes figures de la résistance catholique à l’aggiornamento, le nom de Jean Madiran figurera certainement parmi les plus cités et si on réduit la liste aux seuls laïcs français, rares sont ceux qui pourront lui disputer la première place. Ce qui est incontestable, c’est qu’il était l’un des derniers représentants de cette génération qui a écrit, qui a contredit, qui a bataillé pour mettre en garde les autorités de l’Église, pour redonner courage à ses prêtres fidèles et pour former les générations de demain.

Très marqué dans sa jeunesse par l’affaire de l’Action française et par les dommageables répercussions religieuses et sociales de sa condamnation, Jean Madiran engagea sans les compter ses dons au service de la pensée catholique française : Plume d’exception qui parvenait toujours à trouver le mot juste, la formule adéquate et un raisonnement convainquant, il était tout à la fois un historien rigoureux, un philosophe profond, un écrivain distingué et un contradicteur de talent. Ces qualités, il les déploya à merveille dans la célèbre revue qu’il dirigea à partir de 1956 : Itinéraires. Déjà, au sein de l’Église de France, progressivement inondée par les eaux de l’aggiornamento, les esprits recherchaient ces rocs solides où la pensée thomiste était assurée et l’ouverture intellectuelle privilégiée. Les articles d’Itinérairesétaient de ceux-là. A leur lecture, les jeunes français s’armaient intellectuellement face à la destruction programmée du catholicisme et aux errements d’un clergé en proie à la créativité.

Mais ce bras de fer ne pouvait que se solder par la persécution. Dès 1966, la revue fut mise au ban par l’épiscopat français qui mit en garde les fidèles contre la pensée d’Itinéraires, laquelle était coupable de contester « les principes du renouveau entrepris ». Cent ans auparavant, les évêques de notre pays avaient procédé de la même manière à l’encontre d’un Louis Veuillot, mais celui-ci bénéficiait alors de la protection paternelle d’un Pie IX. A l’inverse, Jean Madiran dut également mettre en garde Paul VI contre les nouveautés mises en place et il lui adressa en 1972 son vibrant appel qu’il destinait aussi à tous ses successeurs : « Rendez-nous l’Écriture, le catéchisme et la messe ! » Cette courageuse offensive, couronnée par une mise au ban n’était pas sans rappeler celle du fondateur du séminaire d’Écône où il fut lui-même un conférencier régulier et apprécié. En 1976, il lui dédia un numéro hors-série d’Itinéraires, intitulé : « la condamnation sauvage de Mgr Lefebvre ».

L’amitié et l’estime des deux hommes fut la victime de l’âpreté des temps, laquelle enjoignait à opter pour des solutions de survie. Jean Madiran marqua un moment ses réticences à l’égard des sacres épiscopaux conférés, avant de mourir, par le prélat. La disparition de ce dernier prolongea cette éphémère rupture des relations et le temps œuvrant, Jean Madiran reconnut, quelques années plus tard, le bien fondé des consécrations de 1988. Cette démarche coïncidait avec la lucidité de cet esprit brillant, qui considérait avec un recul saisissant l’histoire de l’Église et de ses enjeux.

L’histoire saura certainement retenir la mémoire de ces deux serviteurs de l’Église et de la messe traditionnelle. Ils furent des maillons sans l’ardeur desquels nous ne bénéficierions plus aujourd’hui de la sainte liturgie et de la saine doctrine.
« Depuis octobre 1958, mort de Pie XII, l’apostasie moderne, n’étant plus suffisamment contrecarrée dans l’Église, y a peu à peu conquis droit de cité. 
Depuis octobre 1962, ouverture du Concile, une avalanche de solennelles ambiguïtés, tombées de haut, a méthodiquement désorienté la foi et l’espérance des fidèles. 
Depuis l’année 1969, on ne peut plus douter que nous sommes en présence d’un système délibéré d’autodestruction de l’Église, imposé par une faction qui, campée comme une armée d’occupation, tient sous sa botte les hiérarchies et les administrations de l’Église militante». 
On découvre désormais, dans les documents ecclésiastiques publiés, des anomalies graves, des omissions inexplicables, et jusqu’à des altérations de l’Écriture sainte présentées comme « obligatoires » dans le nouveau catéchisme et dans le nouvelle liturgie. 
Il faudrait tout vérifier par soi-même, et la plupart des prêtres et des fidèles n’en ont ni le temps, ni les moyens, ni la compétence. 
Il est manifeste que les nouveaux catéchismes ne sont pas sûrs, que les nouveaux missels ne sont pas sûrs, que les nouvelles mœurs et les nouveaux rites ecclésiastiques ne sont pas sûrs. Cela constitue une catastrophe universelle. Et pour le moment l’autorité dans l’Église coexiste avec cette catastrophe sans y apporter aucun remède.» 
(Jean Madiran, Réclamation au Saint-Père, N.E.L, 1974, pp. 7-8).
La Porte Latine