SOURCE - Paix Liturgique - lettre N°570 - 22 novembre 2016
Pour bien terminer l'année liturgique, nous sommes heureux de vous offrir la traduction du sermon prononcé le 30 octobre 2016 en l'église de la Trinité des Pèlerins, à Rome, par Mgr Alexander K. Sample, archevêque de Portland in Oregon, pour la conclusion du cinquième pèlerinage international du peuple Summorum Pontificum.
Ce sermon pour la fête du Christ-Roi permet d'établir un pont entre la forme ordinaire (qui a fêté le Christ, Roi de l'univers, ce dimanche 20 novembre 2016, dernier dimanche de l’année liturgique, dernier dimanche avant l'Avent) et la forme extraordinaire (qui a fêté le Christ-Roi le 30 octobre 2016, soit le dimanche précédant la Toussaint).
Loué soit Jésus-Christ !
Alors que nous arrivons au terme de ce merveilleux pèlerinage au cours duquel nous avons célébré le motu proprio du pape Benoît XVI autorisant un plus grand et plus généreux usage de la Sainte Messe selon l'usus antiquior, nous le célébrons encore une fois en cette grande fête du Christ-Roi. Nous sommes très reconnaissants au pape Benoît de son amour bienveillant envers ceux qui sont attachés à cette ancienne forme du rite latin et nous prions pour que le plus large accès donné à la messe traditionnelle ait un effet profond et durable sur la célébration du culte divin aussi bien dans la forme extraordinaire qu'ordinaire du rite romain.
En cette fête du Christ-Roi, notre Sainte Mère l'Église nous rappelle à quel point le mystère du Christ se doit d'être au centre de nos vies et de notre culte. Nous célébrons notre Divin Sauveur comme le pivot de toute l'histoire humaine et comme celui qui nous révèle la vraie signification et le vrai sens de nos vies. C'est ce mystère que nous célébrons dans le saint sacrifice de la messe. Repassons ensemble ce que [dans son épître, NdT] saint Paul nous enseigne de la plénitude de la révélation que Dieu souhaite nous communiquer par Son Fils Jésus-Christ, notre Seigneur et notre Roi.
Jésus-Christ est l'image visible du Dieu invisible. Par le mystère de l'Incarnation, Dieu s'est pleinement révélé à nous dans le Verbe incarné, son Fils unique. Il est la manifestation tangible de la miséricorde de Dieu envers les pauvres pécheurs que nous sommes. En ce Jubilé de la Miséricorde, il est bon de rappeler qu'en Christ nous voyons la miséricorde incarnée. Or Christ est présent à chaque messe, tout particulièrement au moment d'offrir Son saint sacrifice et en Sa présence eucharistique, en Son corps, en Son sang, en Son âme et en Sa divinité.
Il est le premier-né parmi toutes les créatures, présent dès la création de l'univers tout entier. Dans une superbe trilogie d'expressions, saint Paul nous rappelle que toutes choses ont été créées dans le Verbe éternel, qu'Il précède toute créature et que tout subsiste en Lui. Christ est au centre de la volonté créatrice du Père.
Le Christ est la tête du corps qui est l'Église. L'Église est le corps mystique du Christ, Sa présence durable dans le monde créé. Par l'Église, le Christ poursuit Sa présence rédemptrice sur Terre. Nous sommes tous des membres individuels de ce corps, comme le soulignera saint Paul, dont le Christ est le roi et le chef, toujours présent parmi nous par Sa parole, Ses sacrements et l'assemblée des fidèles. Le Christ ne peut être séparé de Son Église même si beaucoup s'y essaient. Nous ne pouvons avoir le Christ sans l'Église tant Il est intimement et éternellement uni à elle. Nous, corps mystique du Christ, sommes inséparables de notre chef, Notre Seigneur Jésus-Christ. En cela, l'Église est le sacrement universel du salut du monde.
Le Christ est le premier parmi les morts. En nous précédant par Sa mort et Sa résurrection, Il a rendu possible notre propre résurrection des morts. Là où Il s'en est allé, nous espérons Le rejoindre un jour. Sa mort est la rançon de la nôtre et Sa résurrection notre promesse d'une vie nouvelle.
Il tient la première place et toute plénitude demeure en Lui. Rien ne manque à Sa divinité, unie pour toujours à Sa nature humaine formée dans le sein de la Vierge Marie. Il est la plénitude de ce que chaque cœur humain peut désirer. Quel que soit le bien que nous poursuivions dans cette vie, ce n'est que le pauvre reflet de la beauté, de la bonté, de la joie et de la perfection parfaites qui résident dans le Christ. Toute aspiration humaine vertueuse n'est rien d'autre qu'une aspiration au Christ.
C'est le Christ que nous honorons comme roi de l'univers. Mais Notre Seigneur Lui-même nous rappelle que Son royaume n'est pas de ce monde. Les disciples de Jésus ne finirent par comprendre cela véritablement qu'après Sa résurrection et l'effusion de l'Esprit Saint le jour de la Pentecôte, nous ne devons pas l'oublier. Nous ne vivons pas pour la plénitude et l'accomplissement dans ce monde, mais nous efforçons de faire de ce monde un reflet toujours plus juste du royaume de Dieu. Toute notre vie n'est qu'une préparation à la plénitude du royaume de Dieu.
Le royaume de Dieu, imparfaitement présent dans Son Église, même de nos jours, est aussi un royaume de vérité. Notre Seigneur nous dit que la raison pour laquelle Il est né et venu au monde est de rendre témoignage de la vérité. Tous ceux qui appartiennent à cette vérité écoutent et répondent à Sa voix. La vérité que nous révèle le Christ est la vérité de Dieu, la vérité de notre création à Son image et à Sa ressemblance, la vérité du salut éternel gagné pour nous par Sa passion, Sa mort et Sa résurrection. C'est la vie éternelle que nous reconnaissons et vivons dans la vérité.
Le monde dans lequel nous vivons devient semble-t-il chaque jour davantage plus laïque et matérialiste : il ne veut plus admettre une vérité éternelle qui s'impose à tous. Le pape Benoît XVI a appelé cela la « dictature du relativisme ». Sauf que vivre sans la vérité éternelle de Dieu, donc vivre sans le Christ, c'est vivre dans les ténèbres, l'ignorance, le doute et la peur. Le Christ est venu rendre témoignage à la vérité et nous libérer des ténèbres du péché et de la mort pour nous éclairer de la Bonne Nouvelle de Sa miséricorde et de Son amour. Les premiers mots de Son ministère public furent : « Le royaume des Cieux est proche. Repentez-vous et croyez à la bonne nouvelle ! »
Nous sommes transportés dans ce royaume du Fils bien-aimé de Dieu par la participation à la rédemption qu'il nous a gagnée par Son Sang, obtenant la rémission de nos péchés. Comme le dit saint Paul, le Christ a réconcilié toutes choses en Lui-même par le sang de la Croix. Nous recevons la grâce de cette rédemption dès le jour de notre baptême, purifiés du péché originel et sanctifiés par la grâce de Dieu.
Ce mystère éternel de la rédemption est aussi renouvelé à chaque fois que nous participons à l'offrande du saint sacrifice de la messe. Le Christ, qui s'est offert pour nous à la fois comme prêtre et victime sur l'autel de la Croix, s'offre désormais, par le ministère des prêtres, de manière non sanglante et sacramentelle sur les autels de nos églises chaque fois que la messe est célébrée.
Alors même qu'Il pend sur la Croix de notre salut, le Christ-Roi règne triomphant sur la mort. Son mystère pascal, rendu présent par le sacrifice eucharistique de Son corps et de Son sang, est la source de notre sanctification continue dans le culte divin par lequel nous glorifions Dieu.
Cette réalité est fortement exprimée dans chaque messe, aussi bien dans la forme ordinaire qu'extraordinaire du rite romain. Mais, par ses signes, ses symboles et ses mots, la messe traditionnelle, aujourd'hui appelée forme extraordinaire, l'évoque de manière particulièrement claire et puissante.
Les prières de la forme extraordinaire, ses gestes rituels et, tout spécialement, l'orientation liturgique du prêtre à l'autel traduisent de façon évidente la nature sacrificielle du saint sacrifice de la messe. Il s'agit indubitablement d'une louange que le prêtre et les fidèles offrent au Dieu tout-puissant pour Sa plus grande gloire et la sanctification de leurs âmes.
Le pape Benoît XVI a reconnu que la forme ordinaire du rite romain, du moins telle qu'elle est célébrée en de nombreux endroits, manque de cette clarté et de cet éclat. Il a rappelé qu'il ne pouvait jamais y avoir de rupture avec la tradition et que, de ce fait, toute réforme et tout renouveau liturgiques authentiques ne pouvaient que se placer dans la continuité de l'ancienne forme de la Sainte Liturgie. C'est précisément pour cette raison, pour réconcilier l'Église avec son passé, qu'il a promulgué le motu proprio Summorum Pontificum.
Le désir et la volonté de Benoît XVI étaient que les deux formes du rite romain puissent s'enrichir mutuellement, afin qu'un vrai renouveau de la Sainte Messe soit possible. C'est ce que certains appellent « la réforme de la réforme » de la Sainte Liturgie.
L'objectif ultime de cette réforme est de manifester plus fortement la souveraineté du Christ-Roi au cours de la Sainte Messe, alors qu'Il s'offre pour notre salut, mystère qui se réalise à chaque célébration. Puisse la messe traditionnelle s'épanouir dans l'Église afin que beaucoup puissent profiter de cette ancienne forme du rite latin, pour le plus grand honneur et la plus grande louange du Christ-Roi. À Lui le règne, la puissance et la gloire, dans les siècles des siècles, Amen !
Mgr Alexander K. Sample
Archevêque de Portland in Oregon