SOURCE - Anne-Bénédicte Hoffner - La Croix - 3 décembre 2017
Le scénario semble se répéter : lors d’une célébration œcuménique ou interreligieuses, des jeunes serrés sur les premiers rangs tentent de couvrir les chants ou les interventions par des « Je vous salue Marie » récités avec force.
Le scénario semble se répéter : lors d’une célébration œcuménique ou interreligieuses, des jeunes serrés sur les premiers rangs tentent de couvrir les chants ou les interventions par des « Je vous salue Marie » récités avec force.
Ancienne déléguée à l’œcuménisme à Lyon, Régine Maire s’interroge sur une possible « réflexion à l’échelle de la Conférence des évêques de France » pour savoir comment réagir.
- Que s’est-il passé à Lyon ?
Une célébration œcuménique était prévue vendredi 1er décembre à 20 h 30 dans l’église Saint-Irénée de Lyon, sorte de point d’orgue aux commémorations du 500e anniversaire de la Réforme. Le thème était étrangement prémonitoire : « Du conflit à la communion, ensemble dans l’espérance ».
Car en réalité, le conflit a failli l’emporter sur la communion. À peine la musique s’est-elle faite entendre que des « Je vous salue Marie tonitruants » ont jailli des quatre premiers rangs, sur lesquels des garçons « aux cheveux ras et habillés de sombre mais sans aucun autre signe distinctif se serraient les coudes », rapporte Régine Maire, ancienne déléguée diocésaine à l’œcuménisme, présente sur place.
« L’un d’eux est monté sur sa chaise pour invectiver les participants. Il y a eu une sorte de flottement, puis le curé, des responsables engagés dans le dialogue œcuménique et même le cardinal Barbarin se sont approchés d’eux pour essayer de savoir pourquoi ils étaient là. Ils se sont heurtés à un mur ».
La célébration s’est finalement poursuivie dans la crypte de l’église, pendant que les policiers - sans doute prévenus par un fidèle - venaient entourer les quatre rangs en question. À la sortie, les jeunes avaient disparu, ne restaient que les forces de l’ordre.
Dans un communiqué publié sur son site Internet, l’Institut Civitas revendique la paternité de cette opération. « Les militants du Mouvement de la Jeunesse Catholique de France et de France Jeunesse Civitas se sont réunis pour empêcher une célébration œcuménique dans l’église Saint-Irénée de Lyon et réparer publiquement cette offense faite à Dieu et à son Église. Le cardinal Barbarin était présent à ce cirque blasphématoire, organisé entre autres avec des pasteurs protestants », écrit Alain Escada, président de Civitas. « Des militants catholiques ne pouvaient pas laisser ce scandale impuni ».
Même si la célébration a pu finalement se dérouler sans encombres, Régine Maire garde un souvenir « assez violent » de cette intrusion. « C’est dommage car ce devait être un temps fraternel et paisible, dans un cadre paroissial », déplore l’ancienne responsable diocésaine. « Mêler la Vierge Marie à tout cela est bien triste. Et nos amis protestants étaient médusés ».
- Quel est le contexte ?
Cet épisode est loin d’être le premier du genre. Mi-novembre, dans l’église de la Trinité à Bordeaux, des jeunes lefebvristes ont perturbé une conférence-débat sur « l’altérité et la rencontre de l’autre » organisée par le Service diocésain des relations avec les musulmans. Y participaient cette fois un prêtre catholique, un théologien protestant et un imam.
Installés là encore sur les trois premiers rangs, les jeunes se sont agenouillés et « ont chanté l’Ave Maria en boucle, pendant toute la durée de la conférence », rapportait le lendemain le journal Sud-Ouest, soulignant que l’événement avait finalement contribué à « souder » le reste de l’assistance.
En mars 2010, la même méthode avait été employée à l’encontre de Rivon Krygier, le rabbin de la communauté massortie Adath Shalom, que le cardinal André Vingt-Trois avait invité à prononcer une conférence de Carême à Notre-Dame de Paris. Alors que le cardinal venait de terminer son mot d’introduction, un homme s’était levé proposant à l’assemblée la récitation d’un chapelet « en réparation pour l’outrage », et contraignant Rivon Krygier à lire son texte depuis la sacristie...
Et il y a quelques années, lors d’une conférence publique à Villeurbanne, « le cardinal Tauran lui-même (NDLR : président du Conseil pour le dialogue interreligieux) avait été traité d’hérétique par le même genre de commando », se souvient Régine Maire. « Cette fois-là aussi, l’opération était très organisée. Les jeunes étaient encore là à la sortie et distribuaient des tracts ».
- Quel avenir ?
Il est bien sûr impossible de savoir si ce type d’incident est appelé à se reproduire. Ceux qui y ont assisté relèvent à chaque fois « l’organisation » bien rodée des perturbateurs... Et se demandent comment réagir. Faut-il contacter la police, voire porter plainte ? Ou au contraire éviter toute publicité ?
« Peut-être faudrait-il une réflexion à l’échelle de la Conférence des évêques de France qui nous aide à savoir quoi faire », avance Régine Maire. « Car sur le moment, on est pris de court ».
Anne-Bénédicte Hoffner