15 décembre 2017

[Lettre à Nos Frères Prêtres - FSSPX (France)] Le prêtre à l'image du Christ - Le sacerdoce d’après le cardinal Mercier

SOURCE - Lettre A Nos Frères Prêtres (FSSPX) - Lettre trimestrielle de liaison de la Fraternité Saint-Pie X avec le clergé de France - décembre 2017

Le cardinal Mercier commence d’abord par relier le prêtre humain au Prêtre divin, Notre Seigneur Jésus-Christ.
Le prêtre est un autre Christ
Il n’y a qu’un Prêtre de la Loi nouvelle qui soit agréé de Dieu, un seul Médiateur entre le Père et les hommes, un seul Pontife (pontifex, «qui fait le pont»), Jésus-Christ. Les Apôtres et leurs successeurs ne font que prolonger, dans l’espace et le temps, la mission sacerdotale du Verbe incarné. Ils ne sont donc pas prêtres à titre personnel et pour leur propre compte. Ils sont les représentants du divin Prêtre, ils assurent sa présence et son action sacerdotale au sein du peuple chrétien. Tel est le cœur du mystère du sacerdoce chrétien.
    
C’est dans La vie intérieure que le Cardinal développe tout au long ce thème du Sacerdos alter Christus, «le prêtre est un autre Christ». Après avoir évoqué le Royaume du Verbe incarné et l’Église, Temple du Très Haut, il poursuit en ces termes: «Dans ce Royaume et dans ce Temple, quel rôle nous est dévolu ? Vous et nous, quelle place y tenons-nous ? La première place, sous la dépendance du Christ, notre Chef. Quelles fonctions y accomplissons-nous ? Celles du Christ lui-même, Grand-Prêtre de l’Alliance nouvelle» (La vie intérieure, p. 135).
     
Et, quelques pages plus loin: «Votre sacerdoce vous unit au Christ: l’exercice du sacerdoce vous identifie à lui. Je pense, en écrivant ces lignes, à ce moment, le plus solennel de nos journées où (…) le Christ Jésus, notre Grand-Prêtre, se sert de mon intelligence, de ma volonté, de mes lèvres pour me faire penser, vouloir, prononcer l’assertion qui déclare: “Ceci est mon corps, ceci est la coupe de mon sang”» (La vie intérieure, pp. 138-139).
     
Dans la conclusion de ce chapitre, le Cardinal résume son propos en ces termes: «Le prêtre, plus que personne, est tenu de vivre en union avec Dieu et avec son Christ, parce que le sacerdoce dont il est investi est une dépendance du sacerdoce du Christ ; dans l’exercice de ses fonctions sacerdotales, il est identifié au Grand-Prêtre de la Loi nouvelle. La tradition chrétienne l’a bien compris et a traduit son sentiment dans cette formule devenue une sorte d’adage théologique: Sacerdos alter Christus, le prêtre est un autre Christ» (La vie intérieure, p. 143).
Le Seigneur est ma part d’héritage
Médiateur entre Dieu et les hommes comme le divin Prêtre, le prêtre est un homme consacré. Il a refusé tout partage, dans sa vie, entre les biens créés et le Souverain Bien. Il s’est engagé à vivre pour Dieu seul: «Le Seigneur est ma part d’héritage» (Ps 16, 5). «Oui, écrit le Cardinal, nous sommes par vocation et sommes devenus par état des consacrés, c’est-à-dire des séparés, des objets inviolables, voués exclusivement au service de Dieu. Le caractère de l’Ordre, que nous avons reçu, nous a pour toujours isolés du monde profane, soustraits non seulement à ses vices ou à ses folies, mais à ses préoccupations les plus légitimes d’affaires, de prospérité, de splendeur, de jouissance» (Retraite pastorale, p. 230).
     
Cette vocation supérieure requiert et suppose acquise une haute perfection morale, et celle-ci ne va pas sans renoncement total, à l’exemple des Apôtres: «Voici que nous avons tout quitté pour vous suivre» (Mt 10, 28). Mais le prêtre ne saurait garder conscience de la grandeur de son état, et se maintenir au niveau de sa vocation, sans vie intérieure, sinon il aboutit à une vue purement humaine de son ministère.
     
«Oh ! mes chers Confrères, combien ces vérités sublimes nous transportent loin de cette conception vulgaire, banale, disons le mot, bourgeoise, que nous sommes parfois tentés de nous faire de notre vie lorsque, négligeant l’oraison qui nous introduit sur les hauteurs, nous nous laissons déchoir au niveau naturel des gens de profession qui nous entourent» (Retraite pastorale, pp. 239-240).
Le prêtre est-il un religieux ?
Le cardinal Mercier pose la question: Les prêtres sont-ils des religieux ? Il rappelle d’abord que tous les membres du clergé, depuis l’évêque jusqu’au simple clerc, sont des hommes séparés des simples fidèles et voués au service de Dieu, à l’imitation du Christ, le souverain Prêtre. Sans doute, tous les baptisés sont consacrés à Dieu et forment un sacerdoce royal. Mais le sacerdoce des fidèles ne rend pas superflu celui des ministres sacrés.
     
«La divine Providence a voulu, déjà sous la Loi ancienne, qu’une tribu fût officiellement investie de la mission de célébrer la louange divine, d’offrir à Jéhovah, au nom du peuple entier, des sacrifices, et de présider aux cérémonies publiques du culte. Elle libéra, à cet effet, les Lévites des sollicitudes temporelles, exigeant d’eux que leur âme fût toute vouée à la religion. La Loi n’était qu’une préparation de l’Évangile ; le sacerdoce mosaïque annonçait le sacerdoce du Christ. Le Christ a institué un sacrement qui destine officiellement une élite à l’accomplissement de la religion, au nom de la société chrétienne, envers le Père éternel» (La vie intérieure, pp. 157-158).
     
Tous les membres du clergé sont donc par excellence des «hommes de Dieu», des «consacrés». En vertu de cette consécration, ils sont tenus à une perfection morale supérieure à celle qui est requise du simple fidèle, même si celui-ci s’est engagé, par la profession religieuse, à poursuivre la perfection par la pratique des conseils évangéliques.
     
Résumant sa pensée, le Cardinal s’adresse à ses prêtres en des termes qui trahissent sa conviction et son émotion: «Oui, mes chers Confrères, nous appartenons au premier Ordre religieux établi dans l’Église ; votre Fondateur est Notre Seigneur Jésus-Christ lui-même ; les premiers religieux de son Ordre furent les Apôtres ; leurs successeurs sont les évêques et, en union avec eux, les prêtres, tous les ministres des saints Ordres et jusqu’aux clercs eux-mêmes, qui font publiquement profession de ne plus vouloir que Dieu pour héritage et le service de Dieu pour occupation de leur vie» (La vie intérieure, p. 197).
Pour le Royaume des cieux
Le cardinal Mercier évoque peu, de façon directe, le célibat sacerdotal. Ce silence relatif n’a rien d’étonnant. A son époque, personne, ni prêtres, ni séminaristes, ni fidèles ne mettaient en question le renoncement du prêtre au mariage «pour le Royaume des cieux».
     
Dans Retraite pastorale, il étudie «les défaillances d’une âme sacerdotale». A plusieurs reprises, il est alors fait allusion aux dangers qui menacent la chasteté du prêtre, et le Cardinal propose les moyens de résister au mal. Plus loin, il traite de l’abnégation, et dit ceci: «Au début, les Apôtres avaient été astreints à vivre de leur travail, mais dès qu’ils le purent, ils se déchargèrent sur les diacres de ces intérêts d’ordre inférieur et, fidèles à leur vocation, ils se livrèrent exclusivement à la prière et à la prédication (cf. Ac 6, 4). Pourquoi avons-nous solennellement promis de garder, notre vie durant, le célibat, sinon pour nous assurer le moyen de n’avoir ni le cœur enchaîné par une créature, ni l’esprit absorbé ou le temps occupé par les soucis inévitables d’une famille à élever et à entretenir» (Retraite pastorale, pp. 235-236).
     
Plus loin encore, traitant des conditions de persévérance au lendemain de la retraite, le Cardinal cite, après l’oraison, la vigilance: il faut fuir les occasions de chute. Règle particulièrement urgente lorsqu’il s’agit de chasteté, ainsi que l’enseignent saint Augustin et saint Jérôme (cf. Retraite pastorale, pp. 354-356).
     
Si le cardinal Mercier parle peu du célibat ecclésiastique de façon directe, celui-ci est cependant partout présent dans son enseignement, est partout impliqué, est partout supposé. Car lorsque l’auteur enseigne que le prêtre est un homme consacré, voué au service exclusif de Dieu et de l’Église, il entend bien parler d’un don total, sans partage, comportant le renoncement à tout le reste: «Voici que nous avons tout quitté pour vous suivre» (Mt 10, 28).