1 septembre 2019

[Paix Liturgique] «J'ai compris que la messe traditionnelle était la messe»

SOURCE - Paix Liturgique - lettre 708 - 20 août 2019

Pour compléter et enrichir notre dossier consacré à la situation de la liturgie traditionnelle en Corée, que nous avons publié dans nos lettres 691, 692, 694 et 695 t la semaine derniers dans la lettre 707, nous reproduisons ci-dessous quelques témoignages de fidèles venus d’Europe, d’Afrique et d’Amérique qui vivent en Corée et que nous avons rencontrés au cours de notre voyage missionnaire en février 2019.

Deborah (Etats-Unis)

Je m’appelle Deborah Yoon et bien que d’origine coréenne, je viens d’Amérique. J’ai découvert la messe latine traditionnelle en rencontrant aux Etats-Unis le blog du Father Z. et ensuite celui de la Fraternité Saint-Pie X.

J’ai assisté pour la première fois à la messe traditionnelle lorsque j’habitais à Hong Kong. J'ai été conquise et j’ai compris qu’elle était la liturgie dont j’avais besoin. Mais la célébration était très éloignée de mon domicile ; aussi n’ai-je commencé à assister régulièrement à la messe traditionnelle qu’à l’automne dernier, lorsque je me suis installée à Suwon en Corée.

J’ai fait le choix d’assister à la messe traditionnelle car elle met davantage l’accent sur la sainteté de Dieu. Elle est pour moi comme une méditation, alors que la messe ordinaire m’apparaît comme une réunion des fidèles plutôt que comme un temps de prière et d’adoration.

Anthony (Nigéria)

Je m’appelle Anthony et je viens du Nigéria. Je suis venu en Corée depuis maintenant 5 mois et j’y resterai encore probablement pour une année pour une recherche postdoctorale. J’ai découvert la messe traditionnelle lorsque j’étais étudiant à l’Université Fédérale de Technologie de Akure (Nigéria).

Dans la plupart des régions du Nigeria la messe traditionnelle n’est pas connue, mais dans notre université il y avait beaucoup de discussions à propos de la tradition catholique, et un certain nombre de personnes parlaient de la messe ancienne, bien qu’à ce moment aucun des étudiants ne la connaissaient autrement que par Internet. Et puis, vers 2002 ou 2003, quelqu’un nous a informés qu’il y avait au Nigeria une chapelle de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre (FSSP) où était célébrée la messe ancienne. Ce n’était pas très loin de notre l’école, nous sommes montés dans un bus et sommes allés y assister. J’ai été illuminé par cette liturgie et j’y assiste depuis très régulièrement.

Voilà pourquoi avant de venir en Corée j’ai cherché sur Internet quelles étaient les célébrations traditionnelles qui y existaient. C’est comme cela que je fréquente désormais la chapelle de la Fraternité Saint-Pie X qui est proche de l’endroit où j’habite, ce qui est commode en Corée où les déplacements sont souvent longs et difficiles.

Dès ma première rencontre avec la messe traditionnelle, j’ai senti, j’ai réalisé qu’elle est ce que la messe est. Ce fut presque intuitif. Ce fut pour moi comme une certitude innée qu’elle était « La Messe ».

J’ai entendu beaucoup de choses à propos de la messe en latin avant de la découvrir, mais personne ne m’avait parlé du silence. On m’avait expliqué comment je pourrais suivre la messe avec un missel, quels étaient les chants et les gestes que faisait le prêtre et ceux que je devrais faire, mais personne n’avait mentionné le silence.

Quand j’ai découvert la messe traditionnelle, j’ai découvert qu’elle était comme un grand espace où chacun pouvait effectivement être libre, marchait librement et retrouvait Dieu à tous les niveaux. Donc pour moi ça a été quelque chose de très profond de constater la capacité de cette liturgie par sa richesse à correspondre aux attentes de toutes les personnes dans leur diversité d’origine, de culture ou de manière de vivre leur foi.

Christian (France)

Je m’appelle Christian Barde et je suis Français. Quand j’avais 18 ans, je suis allé avec mon mère et certaines personnes amies à une messe en latin. C’était en fait une nouvelle messe en latin, mais pour moi ce furent les premiers pas. Je me suis donc intéressé à ce sujet jusqu’à ce qu’un ami me parle d’une chapelle de la FSSPX à Lyon où je suis allé ensuite presque uniquement.

Aujourd’hui je vis à Séoul depuis 24 ans et je pratique depuis mon arrivée dans la chapelle de la FSSPX. Je suis allé aussi quelques fois dans l’une des églises pour étrangers : les célébrations s’y déroulaient comme dans un festival, comme dans une réunion entre amis, entre très bon amis d’ailleurs. Mais je n’y suis jamais revenu, car si j’apprécie d’être entre amis, ce n’est pas la même chose que d’être dans une église à prier, en silence devant Dieu de lui parler et de l’adorer.

Robert (Etats-Unis)

Je m’appelle Robert Landholt et je viens des États-Unis. Je vis à Séoul depuis 5 ans. J’ai grandi dans une famille catholique traditionnelle. Ma famille a pratiqué sa foi en assistant à la messe en latin aussi loin que je me souvienne.

Vers 2009 j’ai fait mon premier voyage en Corée où j’ai naturellement fréquenté la chapelle traditionnelle que j’y ai trouvée. Lorsque je me suis installé définitivement en 2014, j'ai alors commencé à assister à la messe dans cette chapelle, qui appartient désormais à la Marian Corps (la « Résistance »).

Au début l’assistance réunissait environ 10 à 15 personnes, mais petit à petit le nombre des fidèles s’est accru et désormais nous sommes environ 35 lors de chaque messe dominicale.

Notre prêtre vient des Philippines et nous avons la messe les premiers vendredis, samedis et dimanches du mois, et puis pour les grandes fêtes comme Pâques et Noël. La chapelle est toujours ouverte pour les fidèles, qui peuvent venir y prier. Normalement, toute personne qui assiste régulièrement à la messe connaît le code de la porte, afin qu’elle puisse venir habituellement à la chapelle.

Nous avons eu quelques étrangers de ci de là, mais ceux qui assistent régulièrement à la messe sont pour la plupart des Coréens.

Comme je vis en Corée depuis quelques années maintenant, j’ai beaucoup appris de la foi et des pratiques religieuses de mes amis coréens, et je pense que très nombreux sont ceux d’entre eux qui désireraient pouvoir assister à la messe traditionnelle si celle-ci leur était proposée plus largement et à des horaires plus faciles.

Plus je connais et plus je comprends la culture coréenne, plus je suis frappé par son respect de l’autorité et de la solennité que cela inspire à la pratique religieuse. Il est certain que les catholiques coréens les plus dévots se tourneront vers la liturgie traditionnelle dont ils apprécient la grandeur, la solennité, la piété et l’esprit d’humilité. Mais dans un pays très attaché à l’ordre et à l’obéissance aux autorités les choses ne peuvent aller rapidement. Il faut du temps pour envisager un changement profond, qui ne pourra aboutir que si les autorités l’acceptent. En attendant ce moment, probablement lointain, les catholiques les plus convaincus devront continuer à prier et à être des missionnaires de la messe catholiques traditionnelle, afin que celle-ci soit davantage connue et que de plus en plus de catholiques coréens aient le courage d’y assister car je crois que dès qu’ils la connaîtront ils s’y rallieront.

RÉFLEXIONS DE PAIX LITURGIQUE

1 – Quête et découverte

Il est étonnant de constater que plusieurs de nos témoins ont rencontré la messe traditionnelle « par hasard », ou plutôt providentiellement, en cherchant ce qu’ils ne connaissaient pas encore, un peu comme un homme qui aurait faim chercherait à se nourrir sans savoir ce qu’il allait trouver mais qui chercherait seulement parce qu’il a faim : n’est-ce pas ce qui arrive à beaucoup dans notre monde repus qui en laisse beaucoup justement sur leur faim spirituelle ? Et dans notre Eglise, qui semble ne plus savoir nourrir ses enfants ? Ce qui déclenche cette quête est sans doute tout simplement l’insatisfaction ou le malaise qui sont les leurs dans les lieux qu’ils ont l’habitude de fréquenter. Cette découverte se réalise souvent via Internet, qui joue aujourd’hui un rôle puissant d’information pour tous, où qu’ils soient et quels que soient leur culture ou leur milieu d’origine (combien de jeunes gens choisissent aujourd’hui le séminaire dans lequel ils décident d’entrer en comparant les informations qu’ils trouvent sur Internet !). Ce qui montre une fois de plus que ceux qui cherchent et trouvent ne sont pas uniquement des nostalgiques, mais tout simplement de pieux catholiques ou parfois de simple curieux, qui découvrent, souvent instantanément, que la liturgie traditionnelle est l’authentique prière de l’Eglise conforme à leur foi. Le rôle des réseaux d’amis est également essentiel pour propager la connaissance de la messe : beaucoup de ceux qui adhèrent à l’usus antiquior l’ont fait après avoir été invités par des proches à « rencontrer » ce dont il n’avait pas l’idée. Que les pusillanimes, que ceux qui, par respect humain, n’osent pas dire quelle messe ils fréquentent, sentent quelle est leur responsabilité !

2 – L’adhésion

Il est aussi significatif de constater qu’à peine rencontrée la messe traditionnelle devient naturellement « La messe » pour nos témoins, qui font instantanément la distinction entre ce que l’on nomme aujourd’hui la forme ordinaire et la forme extraordinaire dont, avec une vraie finesse, ils découvrent les limites et les richesses. « Y a pas photo ! », comme disent les jeunes qui ont connu la messe nouvelle et qui fréquentent la messe traditionnelle.

Le témoignage d’Antony est très fort, sur le thème : on ne m’avait pas dit que la messe traditionnelle était la messe du silence sacré. C’est d’ailleurs une remarque directe ou indirecte que l’on retrouve toujours : la question du silence est fondamentale dans l’adhésion à la liturgie traditionnelle, que ce soit la recherche du silence pour la contemplation ou simplement le rejet de la « dictature du bruit » propre au monde moderne (Cardinal Robert Sarah, Nicolas Diat, La force du silence, contre la dictature du bruit, Fayard, 2016), et propre, hélas, à la liturgie moderne.

3 – La Corée

Remarquable est l’acuité du regard de Robert, notre témoin américain, sur les catholiques coréens qu’il côtoie depuis plusieurs années, et qui rejoint ce que nous disions dans nos lettres précédentes sur le dossier coréen. Combien de fidèles pieux se tourneraient « vers la liturgie traditionnelle, dont ils apprécient la grandeur, la solennité, la piété et l’esprit d’humilité », si cela leur était permis par leurs pasteurs ! Pour des raisons peut-être moins idéologiques – un respect très grand et, en l’espèce, mal entendu, de l’ordre social – en Corée aussi, comme chez nous, la pluralité liturgique n’est pas au programme. Et en Corée aussi, comme chez nous, si la messe traditionnelle était largement offerte, elle serait largement fréquentée. L’attachement à la liturgie traditionnelle n’est pas une affaire de Français, ni d’Occidentaux, mais bien une affaire de catholiques.