1 septembre 2019

[Paix Liturgique] Rappel à Dieu d'un grand évêque catholique, Mgr Juan Rodolpho Laise (2)

SOURCE - Paix Liturgique - lettre 706 - 5 août 2019

Nous reproduisons ci-dessous la quintessence de plusieurs entretiens que nous avons eu avec Mgr Juan Rodolfo Laise à propos de la liturgie Traditionnelle
Paix liturgique - Excellence, Actuellement quelle messe célébrez-vous chaque jour depuis que vous vivez à San Giovanni Rotondo ?
Mgr Juan Rodolfo Laise - Aujourd'hui je célèbre chaque jour à 6h du matin la messe de Saint-Pie V lors de ma messe privé à San Giovanni Rotondo.
Paix liturgique - Des fidèles peuvent-ils y assister ?
Mgr Juan Rodolfo Laise - Malheureusement, il n’y a pas d’ouverture envers la liturgie traditionnelle parmi les capucins de la communauté, souvent de la part de ceux d’un âge certain. Parmi les jeunes prêtres de passage, il arrive en revanche que certains y soient favorables. Il serait bon qu’il y ait une célébration publique de l’usus antiquior offerte aux pèlerins du sanctuaire et je suis certain que les fidèles répondraient favorablement mais les temps ne sont pas encore mûrs du point de vue des autorités. Pour ma part, je célèbre pro bono pacis, en ayant à cœur d’éviter toute tension rester discret sur mes positions.
Paix liturgique - Comment avez-vous vécu la proclamation du Motu Proprio Summorum Pontificum de Benoît XVI ?
Mgr Juan Rodolfo Laise - Bien entendu, j’ai été très sensible à Summorum Pontificum qui a restauré et encouragé la célébration de la liturgie traditionnelle. La messe a des siècles d’histoire derrière elle. Quand je célèbre la forme ordinaire, je reprends les oraisons de la forme extraordinaire, à l’offertoire notamment. Et le canon romain, bien sûr. C'est dans ce sens, je crois, que le Pape Benoit XVI envisageait les deux formes d'un même rite…
Paix liturgique - Voyez-vous une évolution de la mens liturgica des prêtres ?
Mgr Juan Rodolfo Laise - Il faut distinguer en fonction des générations. Il y a une attitude positive chez les jeunes prêtres, souvent déclenchée par la connaissance d’un prêtre auprès duquel ils ont pu découvrir le missel traditionnel. Ils accèdent ainsi à tout un contenu spirituel et théologique qu’ils ignoraient et qui ne demande qu’à être exploré et partagé. Le contenu de la messe traditionnelle est plus riche, plus précis que celui de la messe moderne. Par exemple, la sainte Vierge, saint Michel archange et les saints apôtres Pierre et Paul sont dans toutes les oraisons de la forme extraordinaire alors qu’ils ont totalement disparu, ou presque, dans la forme ordinaire. Quand je célébrais avec le nouveau missel, j’optais toujours pour la première prière eucharistique, le Canon romain.
Paix liturgique - Quel souvenir gardez-vous de la messe que vous avez célébrée en 2015 en la basilique Saint-Pierre pour le pèlerinage du peuple Summorum Pontificum ?
Mgr Juan Rodolfo Laise - Vous savez, quand vous célébrez, et c’est l’une des grâces de la forme extraordinaire, vous êtes absorbé par le mystère. Alors, les souvenirs que j’ai sont ceux que me communiquent les personnes qui étaient présentes et qui me remercient parce qu’elles étaient heureuses de cette belle cérémonie. Ce que je dois surtout vous dire c’est que mon accord pour participer à votre pèlerinage n’était pas seulement un acte d’amitié mais un acte d’adhésion profonde à ce que vous faites pour mieux faire connaitre le trésor liturgique que représente la liturgie traditionnelle de l’Eglise, une liturgie à laquelle je suis profondément attaché depuis le jour de mon ordination en 1949.
Paix liturgique - Vous avez été ordonné prêtre dans et pour la forme extraordinaire ?
Mgr Juan Rodolfo Laise - Bien sûr en 1949 il n'existait pas autre chose pour nous freres capucins et j’ai célébré l’usus antiquior pendant 20 ans, y compris à Rome quand j'ai étudié à la Grégorienne. Je l'ai célébrée jusqu'à la réforme de Bugnini qui a trahi la pensée des Pères conciliaires. Et peut-être celle de Paul VI. En tout cas c'est ce que l'exemple de la communion dans la main – que Paul VI ne voulait pas, comme il l'a manifesté dans l'instruction Memoriale Domini, mais que les évêques allemands et français ont imposée – me laisse penser.
Paix liturgique - Et votre ordination épiscopale ?
Mgr Juan Rodolfo Laise - Celle-ci se déroula en 1971, donc avec le nouveau rite. Quand je suis devenu évêque de San Luis, la réforme était déjà appliquée. Et je dois dire qu’il n’y avait pas de problème car, à l’époque, en Argentine, nous respections scrupuleusement les rubriques, nous célébrions dans l’esprit de la liturgie précédente. Ce n’est que peu à peu que la situation s’est dégradée. C’est pour ça que la communion dans la main n’est arrivée que tardivement dans le pays,seulement en 1996.
Paix liturgique - Vous avez, je crois, une anecdote à nous confier au sujet de votre élévation à l’épiscopat ?
Mgr Juan Rodolfo Laise - Comme tous les frères capucins je portais jusqu’à mon sacre épiscopal une barbe fournie. Au moment où le nonce apostolique m’annonça la décision du pape Paul VI de me nommer évêque de San Luis celui-ci lui me suggéra en m’indiquant que cette suggestion venait du pape lui-même de me raser la barbe, car à cette époque-là celle-ci aurait pu sembler à beaucoup être une sorte d’appartenance aux tenants de la Théologie de la libération, qui souvent portaient la barbe à la manière du Castro ou du Ché. J’ai obéi, même si sur le moment ce fut difficile et que je cru perdre mon identité de capucin. Il n’en fut rien d’ailleurs. Aujourd’hui, revenu à San Giovanni Rotondo pour y reprendre la vie conventuelle, j’ai repris l’habit de mon ordre, mais je ne me laisse plus pousser la barbe à la mode capucine pour respecter les usages du plus grand nombre de mes frères d’aujourd’hui.
Paix liturgique - Comment voyez-vous la situation actuelle ?
Mgr Juan Rodolfo Laise - Je vois une grosse difficulté, qui est la perte du latin. Le latin n’est plus enseigné dans les écoles et encore moins dans les séminaires ce qui fait que même des prêtres bien intentionnés, et volontaires ne parviennent pas à s’approprier la forme extraordinaire comme il pourrait le faire avec une meilleure connaissance de la langue latine. Cependant ceux qui poussés par leur Foi et leur amour de la messe y parviennent même si ils ne sont pas de grands latinistes: c'est ce qui se passait déjà dans les temps anciens ou l'important était de s'associer le plus parfaitement à se que voulait l'Eglise 
Paix liturgique - Voyez-vous quelque signe positif dans les temps présents ?
Mgr Juan Rodolfo Laise - Les jeunes. Ils ont le respect de la liturgie, l’apprécient et beaucoup sont attirés par la forme extraordinaire mais ils ont besoin de se former. La messe de saint Pie V est un tout : liturgique, spirituel, théologique et moral. C’est chacun de ses aspects qu’il convient de redécouvrir. On s’en rend bien compte sur la question de la communion : saint Thomas d’Aquin enseigne que le Christ est présent dans la moindre partie de l’hostie consacrée, d’où le respect dû au corps du Christ réellement et substantiellement présent dans les saintes espèces, qui conditionne l’attitude de prière et d’adoration des fidèles. La communion dans la main est ainsi inimaginable dans la forme extraordinaire. Quand on accepte une vérité et quand on y croit, on vit en fonction de cette conviction. Il y a une cohérence entre la vie que l’on mène et notre foi : on ne peut pas vivre en contradiction avec une foi authentique, mais on fait de son mieux pour s’y conformer. La messe traditionnelle est exemplaire en ce sens par la rigueur de son contenu théologique et spirituel pour redécouvrir cette cohérence de vie dont nous avons tant besoin. Elle est l'épine dorsale de la liturgie comme le Catéchisme de l'Église Catholique est le résumé de notre foi.
Paix liturgique - Les tenants de la réforme liturgique l’ont justifiée en partie par les abus qui se vérifiaient avant le Concile dans la célébration de la liturgie tridentine : avez-vous observé ces abus au cours de vos premières années de sacerdoce ?
Mgr Juan Rodolfo Laise - Oui, bien sûr ! Mais cela tenait plus à des abus singuliers et personnels qu’à des abus généralisés. Je me souviens que, tout jeune vicaire, je devais lire les avis paroissiaux alors que le curé disait les prières au pied de l’autel. Cela me choquait. La messe requiert une grande concentration sur les choses de Dieu, sur le mystère de la Croix, la Passion et la Résurrection de Notre Seigneur. Le célébrant doit éviter les occasions de se distraire et de distraire les fidèles mais je le repete fondamentalement ces abus n'avaient aucun rapport réel avec la liturgie traditionnelle en elle-même mais étaient plutôt dus à une insuffisante formation des clercs au sujet de l'Eucharistie.