Nous vous livrons cette semaine l’entretien que notre ami Massimo Battaglia a mené avec le Père Jean Song, un prêtre chinois qui termine actuellement ses études théologiques en Allemagne, dont le témoignage nous renseigne et nous éclaire à la fois sur la situation difficile des catholiques en Chine et sur les raisons profondes de l’attachement des fidèles chinois à la liturgie traditionnelle. Cette lettre complète les informations que nous avions révélées dans nos lettres 641 ( Entretien avec un curé de Shanghai) et 667 ( entretien avec le cardinal Zen )
Massimo Battaglia – Comment devient-on prêtre en Chine aujourd’hui ?
Père Jean Song – Je dirais qu’être un vrai prêtre, catholique et saint n’est jamais chose facile. Mais à mon avis, il n’y a pas de différence entre devenir prêtre pour un Chinois, pour un Italien ou un Français. Il est toutefois vrai que le fait de devenir prêtre en Chine présente des difficultés particulières, notamment en raison des persécutions religieuses qui sévissent dans notre pays. Toutefois je suis convaincu que les persécutions communistes sont moins graves pour nous catholiques que la confusion généralisée au sein même de l’Église catholique, tant du fait des reniements de l’authentique foi authentique, que de la profanation de la liturgie.
Massimo Battaglia – Y a-t-il de nouvelles conversions en Chine aujourd’hui ?
Père Jean Song – Oui, Deo gratias, il y a beaucoup de conversions au catholicisme en Chine aujourd’hui et bien que les néophytes ne soient généralement pas suffisamment bien préparés à leurs baptême, le Saint-Esprit travaille toujours dans son Église les protège et les guide dans leur cheminement vers l’unique vérité.
Massimo Battaglia – L’Église en Chine a-t-elle quelque ressemblance avec l’Église persécutées des trois premiers siècles ?
Père Jean Song – Je pense que oui, il y a une certaine ressemblance avec l’Église des trois premiers siècles au sein de l’Empire romain. Mais si au temps de Mao tsé tong, l’Église était en butte à une persécution violente proche de celle qu’avaient connues les premiers chrétiens, aujourd’hui nous sommes davantage confrontés à une persécution insidieuse qui a pour but de transformer l’Église en une Église qui ne serait plus la véritable Église du Christ. C’est beaucoup plus dangereux pour les fidèles, qui sont désorientés et peuvent parfois quitter la vraie foi sans même s’en rendre compte.
Massimo Battaglia – Comment avez-vous connu la messe traditionnelle ?
Père Jean Song – Je suis né dans une famille catholique qui a conservé la foi depuis plus de 150 ans. Comme vous le savez, l’Église en Chine a été isolée du reste du monde, et donc de Rome, pendant près de trente ans de 1949 à 1978. Ainsi, jusque dans les années 90, les prêtres qui venaient d’être libérés de prison continuaient à célébrer la messe selon le rite ancien, car ils ne connaissaient à ce moment ni le concile ni la réforme liturgique. Mais après 1990, ils se sont placés dans le courant des reformes conciliaires et ont suivi les mêmes évolutions que dans les autres régions du monde. Comme je suis né en 1986, je n’ai donc pas eu personnellement l’expérience de l’ancien rite, qui avait cessé d’être célébrée à partir des années 90. Mais, quand j’étais enfant, mes grands-parents m’ont toujours parlé de la beauté et la profondeur théologique de l’ancien rite. Je me souviens que pendant quelques années, mon grand-père avait céssé d’assister à la messe, car il disait que la messe moderne n’était plus un sacrifice mais qu’elle semblait n’être qu’un simple souvenir de la dernière Cène du Seigneur. Il croyait cela sans jamais avoir étudié la théologie ni la liturgie, mais sa foi était si forte qu’il distinguait très bien les différences existant entre la nouvelle liturgie et l’ancien rite qui avait nourri sa foi depuis son enfance.
Massimo Battaglia – Les valeurs de la culture orientale accordent beaucoup d’importance aux rituels, au sacré et au respect.
Père Jean Song – Vous avez raison que la culture et les traditions chinoises, fondées sur la doctrine confucéenne donnait une grande place aux rituels et au respect des anciens mais depuis la révolution culturelle qui a chamboulé la chine entre 1966 et 1976, les valeurs traditionnelles du monde chinois ont été presque totalement éliminées. Peut-être cette affirmation est-elle exagérée, mais d’un point de vue culturel, les Chinois modernes sont des barbares incultes…
Massimo Battaglia – Existe-t-il une « résistance » à la réforme liturgique de 1970 chez les catholiques chinois ?
Père Jean Song – Je ne sais pas si il existe une « résistance » aux innovations liturgiques en Chine, car la plupart des chinois ne se rendent pas compte des changements mais quand je retourne en Chine, les personnes âgées me demandent toujours de célébrer la messe traditionnelle car ils en ressentent un vrai besoin spirituel par rapport à ce qu’il trouvent aujourd’hui lors des célébrations par rapport à ce qu’ils avaient pu connaitre autrefois mais beaucoup de jeunes qui vivent dans un monde vide ressentent aussi ce besoin même si ils n’ont pas connu la liturgie comme elle était célébrée dans les temps anciens…
Massimo Battaglia – La demande de célébration de la messe traditionnelle est donc bien réelle en Chine ?
Père Jean Song – Oui et pas seulement chez les personnes âgées mais aussi chez beaucoup de jeunes qui me demandent de la célébrer. Ce souhait représente sans doute en partie la nostalgie d’un passé révolu en Chine, mais il est surtout l’affirmation d’un désir de prier en parfaite harmonie avec sa foi catholique.
Massimo Battaglia – Comment avez-vous appris à célébrer la messe traditionnelle ?
Père Jean Song – J’ai toujours éprouvé de l’intérêt pour l’apprendre, notamment à cause de l’amour que mon grand-père avait pour la messe traditionnelle. Ce sont les nombreuses demandes de célébration de cette messe qui m’ont convaincu de la célébrer. C’est ainsi que j’ai suivi une formation avec un prêtre ami.
Massimo Battaglia – Pensez-vous que la messe traditionnelle soit toujours importante pour les temps à venir ?
Père Jean Song – Je suis convaincu qu’elle a un rôle important à tenir. Pas seulement à cause de la beauté extérieure, mais surtout en raison de l’adage lex orandi, lex credendi : la messe traditionnelle révèle la saine doctrine de l’Église catholique, et est une façon très forte de combattre l’hérésie du néo-luthéranisme et du néo-modernisme qui nous assaillent. D’autre part, de la part des fidèles, il s’agit d’une demande juste et adéquate pour leur sanctification et la sanctification du monde. Comme pasteurs, nous avons le devoir de contribuer à la diffusion de la grâce par les sacrements.
Massimo Battaglia – Pourquoi pensez-vous que cette messe attire tant de jeunes, dont beaucoup avait abandonné la pratique religieuse ?
Père Jean Song – Je n’ai eu d’expérience pastorale des jeunes dans mon pays, et je ne peux pas dire pourquoi la messe traditionnelle les attire autant. Mais je sais qu’en Chine, il y a beaucoup de jeunes qui ont le désir de vivre leur foi sérieusement, malgré l’ignorance et la laïcisation. A cause des manquements et erreurs des pasteurs, les jeunes perdent leur identité catholique. Alors certains réalisent qu’il faut revenir à la tradition de l’Église et à la spiritualité catholique.