Henri Tincq - Le Monde - 14 février 2006
C'est la première fois que Benoît XVI réunissait les chefs de dicastères (ministères) de la Curie, pratique tombée en désuétude à la fin du pontificat de Jean Paul II. A l'ordre du jour, lundi 13 février, figurait un dossier sensible, celui de la réintégration des catholiques traditionalistes, héritiers de Marcel Lefebvre (1905-1991), évêque français rebelle du concile Vatican II, excommunié le 29 juin 1988, ainsi que les quatre évêques qu'il avait consacrés - sans l'accord du pape - le jour même.
Aucun communiqué n'a suivi ce "conseil des ministres". Mais selon des indiscrétions, la levée des excommunications, prononcées contre les quatre évêques de la Fraternité Saint Pie X, serait en bonne voie. Benoît XVI a exprimé le souhait de régler rapidement ce schisme dont Paul VI, ni Jean Paul II n'avaient pu venir à bout. Les intégristes sont plusieurs milliers en France, en Allemagne, en Suisse, aux Etats-Unis, en Amérique du Sud, conduits par 463 prêtres (dont 130 en France).
Dès le 29 août 2005, le nouveau pape avait accepté de rencontrer à Castelgandolfo Mgr Bernard Fellay, supérieur de la Fraternité. Depuis, le Vatican a mis les bouchées doubles sous l'influence du cardinal colombien Dario Castrillon Hoyos, préfet de la congrégation du clergé, chargé de ce dossier, avocat actif d'une levée des excommunications. Le 15 décembre, Mgr Fellay était à nouveau reçu au Vatican et confiait à des journalistes français qu'il était surpris par la volonté d'en finir de ses interlocuteurs : "Ce sont les discussions les plus fructueuses que nous avons eues jusqu'ici".
L'étape suivante portera sur l'obtention, pour les lefebvristes, d'un statut d'autonomie disciplinaire, appelé "administration apostolique". Mais ce statut particulier suppose que les traditionalistes acceptent de se soumettre à l'autorité du pape, ce qui est loin d'être acquis, tant ils restent hostiles aux réformes de Vatican II et divisés sur les compromis à trouver. Au cours de la réunion de lundi autour de Benoît XVI, des cardinaux ont exprimé le souhait d'une plus grande "générosité" pour les fidèles attachés à la messe en latin. Mais au jeu de la surenchère, les lefebvristes seront toujours gagnants : "L'ancienne messe, nous ne la demandons pas pour nous, mais pour tous", disent-ils.
Plus grave, l'autre contentieux restant porte sur la liberté de religion, le dialogue avec le judaïsme, l'islam et les autres confessions chrétiennes. Les traditionalistes ont pris bonne note du discours prononcé le 22 décembre 2005 par le pape, reconnaissant que la liberté de religion - contre laquelle ils militent - ne signifie pas la "canonisation du relativisme" et que le concile ne doit pas être interprété dans une logique de "rupture" (le point de vue progressiste), mais de "continuité" avec la tradition de l'Eglise. De là à approuver la visite de Benoît XVI à la synagogue de Cologne (bientôt celle de Rome) ou la réconciliation avec les protestants et les orthodoxes - l'une des priorités du nouveau pontificat -, il y a un fossé que les schismatiques n'ont pas encore franchi.
Henri Tincq
C'est la première fois que Benoît XVI réunissait les chefs de dicastères (ministères) de la Curie, pratique tombée en désuétude à la fin du pontificat de Jean Paul II. A l'ordre du jour, lundi 13 février, figurait un dossier sensible, celui de la réintégration des catholiques traditionalistes, héritiers de Marcel Lefebvre (1905-1991), évêque français rebelle du concile Vatican II, excommunié le 29 juin 1988, ainsi que les quatre évêques qu'il avait consacrés - sans l'accord du pape - le jour même.
Aucun communiqué n'a suivi ce "conseil des ministres". Mais selon des indiscrétions, la levée des excommunications, prononcées contre les quatre évêques de la Fraternité Saint Pie X, serait en bonne voie. Benoît XVI a exprimé le souhait de régler rapidement ce schisme dont Paul VI, ni Jean Paul II n'avaient pu venir à bout. Les intégristes sont plusieurs milliers en France, en Allemagne, en Suisse, aux Etats-Unis, en Amérique du Sud, conduits par 463 prêtres (dont 130 en France).
Dès le 29 août 2005, le nouveau pape avait accepté de rencontrer à Castelgandolfo Mgr Bernard Fellay, supérieur de la Fraternité. Depuis, le Vatican a mis les bouchées doubles sous l'influence du cardinal colombien Dario Castrillon Hoyos, préfet de la congrégation du clergé, chargé de ce dossier, avocat actif d'une levée des excommunications. Le 15 décembre, Mgr Fellay était à nouveau reçu au Vatican et confiait à des journalistes français qu'il était surpris par la volonté d'en finir de ses interlocuteurs : "Ce sont les discussions les plus fructueuses que nous avons eues jusqu'ici".
Plus grande "générosité"La levée des excommunications serait une première étape vers le règlement, pleine de chausse-trapes : les traditionalistes n'ont jamais reconnu ces excommunications et ne sont pas prêts à l'acte d'humilité qui consiste à demander au pape leur levée. Et pour le Vatican, la levée des excommunications ne signifie pas la reconnaissance des ordinations épiscopales "invalides" de 1988. Toutefois, le discours change. Le cardinal Castrillon ne parle plus de "schisme", mais de simple "attitude schismatique".
L'étape suivante portera sur l'obtention, pour les lefebvristes, d'un statut d'autonomie disciplinaire, appelé "administration apostolique". Mais ce statut particulier suppose que les traditionalistes acceptent de se soumettre à l'autorité du pape, ce qui est loin d'être acquis, tant ils restent hostiles aux réformes de Vatican II et divisés sur les compromis à trouver. Au cours de la réunion de lundi autour de Benoît XVI, des cardinaux ont exprimé le souhait d'une plus grande "générosité" pour les fidèles attachés à la messe en latin. Mais au jeu de la surenchère, les lefebvristes seront toujours gagnants : "L'ancienne messe, nous ne la demandons pas pour nous, mais pour tous", disent-ils.
Plus grave, l'autre contentieux restant porte sur la liberté de religion, le dialogue avec le judaïsme, l'islam et les autres confessions chrétiennes. Les traditionalistes ont pris bonne note du discours prononcé le 22 décembre 2005 par le pape, reconnaissant que la liberté de religion - contre laquelle ils militent - ne signifie pas la "canonisation du relativisme" et que le concile ne doit pas être interprété dans une logique de "rupture" (le point de vue progressiste), mais de "continuité" avec la tradition de l'Eglise. De là à approuver la visite de Benoît XVI à la synagogue de Cologne (bientôt celle de Rome) ou la réconciliation avec les protestants et les orthodoxes - l'une des priorités du nouveau pontificat -, il y a un fossé que les schismatiques n'ont pas encore franchi.
Henri Tincq