SOURCE - Frère Bruno Bonnet-Eymard - La Contre-Réforme Catholique au XXIe siècle - février 2011
L’abbé de Nantes a porté plainte contre Jean-Paul II vivant de ce Pape, « plainte pour hérésie, schisme et scandale à l’encontre de notre frère dans la foi Karol Wojtyla ». Les motifs de cette plainte sont rassemblés dans un “Livre d’accusation” remis au Saint-Siège, le 13 mai 1983, adressé à « notre Saint Père le pape Jean-Paul II, par la grâce de Dieu et la loi de l’Église, juge souverain de tous les fidèles du Christ » Cette démarche était conforme aux canons 212, 221 et 1417 du code de Droit canonique. Cependant, l’autorité a toujours refusé d’examiner et même de recevoir cette accusation.
Évidemment, si elle était objectivement fausse, non fondée, ou indéfendable, la “ béatification ” de Jean-Paul II, annoncée pour le 1er mai 2011, mettrait fin au litige, indirectement.
Mais dans l’actuelle situation catastrophique de l’Église, où les faits et statistiques confirment chaque jour les prévisions et analyses présentées à Rome en 1983 comme le fruit à attendre des erreurs doctrinales reprochées à Jean-Paul II par l’abbé de Nantes, il n’est pas possible de considérer ladite béatification autrement que comme un abus de pouvoir, un coup de force médiatique, un fait divers monstre qui fera revivre, dans quelques semaines, « “ l’ambiance de l’époque Jean-Paul II ”, celle des immenses célébrations, des grandes foules populaires qui, de jubilés en béatifications, ont ponctué, durant vingt- cinq ans de pontificat, les week-ends de la Ville éternelle » (La Croix du lundi 17 janvier 2011), sans aucun bénéfice pour l’Église, partant, pour le salut des âmes.
« Dans la petite chapelle Saint-Sébastien, sur le bas-côté droit de la nef de la basilique Saint-Pierre de Rome, devant l’autel central, les ouvriers s’affairent. C’est que le temps passe : tout doit être prêt pour accueillir, dans quelques semaines, le corps du Pape polonais... » Comme naguère les ouvriers s’affairaient, place Rouge, à construire le mausolée de Lénine...
Notre-Seigneur nous a avertis : « Il surgira de faux Christs et de faux prophètes, qui produiront des signes impressionnants et des prodiges, au point d’abuser, s’il était possible, même les élus. » (Mt 24, 24-25) C’est pourquoi l’Église a toujours considéré l’examen doctrinal des écrits du “ serviteur de Dieu ” comme la première condition de validité de sa béatification. La reconnaissance d’un miracle n’intervient que pour confirmer le jugement sur la foi et les autres vertus. Or, l’examen des enseignements de Jean-Paul II – s’il a eu lieu ? – n’a pas tenu compte des accusations de l’abbé de Nantes, reprises à sa suite par nous, Petits frères et Petites sœurs du Sacré-Cœur, dans un mémoire adressé le 6 août 2005 au postulateur de la cause de Jean-Paul II, et resté sans réponse (Il est ressuscité n° 38, septembre 2005, p. 5-20).
Si nous avons tort, qu’on nous le dise haut et fort !
Le monde entier célèbre à l’envi « une béatification hors normes pour un Pape d’exception » (La Croix du 17 janvier). Hors des normes de la foi, nul ne peut plaire à Dieu. Comment déclarer « bienheureux » un homme qui n’avait pas la foi catholique ?
Car c’est bien l’intégrité de la foi catholique qui est en cause, gravement atteinte, et le péril de damnation pour les âmes est grand, terrifiant même,... pour les juges comme pour les parties en ce procès.
Comment un Pape jouissant d’une “ réputation de sainteté ” apparemment universelle, a-t-il pu laisser l’Église dans un état de « ruine » sans précédent ? Le scandale de la pédophilie en est le signe le plus voyant, ainsi que la crise de l’institut des Légionnaires du Christ, dont le fondateur, le Père Marcial Maciel bénéficia, jusqu’à la fin, de l’amitié et de la confiance du prétendu “ bienheureux ”.
Les causes de cette étonnante cécité se résument en une proposition simple : Jean-Paul II avait foi en l’homme. Il en est résulté un détournement de l’espérance chrétienne, dans son esprit et dans celui des foules qui l’acclamaient, au profit de l’utopie d’un monde nouveau ici-bas, provoquant un tragique refroidissement de la vertu de charité dans l’Église.
Un supérieur religieux a observé à Rome, à propos du Père Marcial Maciel : « Jamais on n’a vu un fondateur atteindre de tels sommets de perversion. Or, le charisme d’une congrégation repose toujours sur la personne même de son fondateur. Comment reconstruire sur des bases si perverties ? » (La Croix du lundi 4 janvier 2011).
On peut appliquer ces paroles à toute l’Église, « grande ville à moitié en ruine », réduite à cet état par le règne d’un quart de siècle d’un Pape novateur que l’abbé de Nantes a accusé de trahir le Christ et d’avoir fait de Rome le siège de l’Antichrist, sans recevoir jamais le moindre démenti de l’autorité, ni la réfutation d’aucun théologien.
Le culte de l'Homme
À tout propos, Jean-Paul II n’a cessé de publier sa « foi en l’homme » au point de le substituer à Jésus-Christ. Par exemple, en commentant la réponse de Jésus à Pilate :
« Oui, je suis roi. Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix. » Il commente : « Le Christ est roi en ce sens qu’en lui, dans son témoignage rendu à la vérité, se manifeste la “ royauté ” de chaque être humain, expression du caractère transcendant de la personne. C’est cela l’héritage propre de l’Église. » (N’ayez pas peur, Dialogue avec André Frossard, 1982, p. 225)
Nous disons : c’est cela la revendication propre de l’Antichrist. Car cette affirmation contredit formellement la foi catholique selon laquelle la vérité à laquelle rend témoignage Notre-Seigneur Jésus-Christ concerne Dieu son Père et Lui-même dans son unique, sacrée, inviolable et inaccessible Sainteté, autrement dit sa “ transcendance ” de Fils de Dieu, unique Roi de l’univers et Sauveur de tous les hommes.
À la deuxième Personne de la Sainte Trinité, le Fils de Dieu fait homme, objet de notre foi, Jean-Paul II substitue la personne humaine, sa dignité transcendante, sa royauté. C’est un thème constant de la pensée de Karol Wojtyla. Il dépouillait déjà Notre-Seigneur Jésus-Christ de sa royauté dans la retraite prêchée devant Paul VI en 1976 : « La fonction royale de Jésus, ce n’est pas d’abord d’exercer l’autorité sur les autres, mais de révéler la royauté de l’homme. Cette royauté est inscrite dans la nature humaine, dans la structure de la personne. » (Le signe de contradiction, p. 176)
Faire ainsi de tout homme un roi, conduit à méconnaître la relation d’amour et de grâce que le Christ veut nouer avec chaque personne humaine en l’appelant à entrer dans l’Église catholique. Selon Jean-Paul II, Jésus n’a plus à conquérir les âmes une à une, chacune par sa vocation particulière, parce que « par son Incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme ». En citant continuellement cette proposition du concile Vatican II (Gaudium et spes 22, 2), par exemple dans l’encyclique Redemptor hominis, le Pape se citait lui-même, cette affirmation ayant été introduite dans le schéma conciliaire par Karol Wojtyla, alors archevêque de Cracovie.
On chercherait en vain le fondement d’une telle doctrine dans la sainte Écriture ou dans les Pères de l’Église ! L’absence de toute condition à l’union de tous au Christ conduit à l’affirmer comme donnée à tous, sans distinction de religion.
Dans Redemptor hominis, Jean-Paul II a bien tenté de donner un fondement scripturaire à cette affirmation, qui est le noyau dur de cette encyclique, en rappelant « l’expression incisive de saint Jean dans le prologue de son Évangile » selon laquelle « “ le Verbe a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu ” ». À qui ? À tout homme, du seul fait de l’Incarnation, répète le Pape à quatre reprises, au prix d’une falsification du texte inspiré ! En effet, la citation complète de saint Jean est la suivante : « À tous ceux qui le reçurent, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, à ceux qui croient en son nom. » (Jn 1, 12) C’est-à-dire à ceux qui croient à son être intime, à son origine, à sa mission à « Lui qui ne fut engendré ni des sangs, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu. » (Jn 1, 12)
Jean-Paul II confond la nature et la grâce, la vie humaine et la vie divine, l’une étant « en quelque sorte » présente à l’autre, selon lui, en tous et pour toujours, comme il l’affirme sans équivoque au numéro 14 de l’encyclique : « Le Christ est en quelque sorte uni à l’homme, à chaque homme sans aucune exception, même si ce dernier n’en est pas conscient. »
Cette naturalisation du surnaturel a dominé tout le pontificat de Jean-Paul II. Elle l’a conduit à organiser la rencontre interreligieuse universelle de prière, de jeûne et de marche silencieuse pour la paix mondiale, du 27 octobre 1986, à Assise.
Le pape Benoît XVI s’apprête à célébrer le vingt-cinquième anniversaire de cet événement en se rendant lui-même, en octobre prochain, « en pèlerinage dans la cité de saint François, en invitant à s’unir à ce chemin nos frères chrétiens des différentes confessions, les représentants des traditions religieuses du monde (sic !) et, idéalement, tous les hommes de bonne volonté, dans le dessein de faire mémoire de ce geste historique voulu par mon prédécesseur, et de renouveler solennellement l’engagement des croyants de toute religion à vivre leur foi religieuse comme un service de la cause de la paix. Qui est en marche vers Dieu ne peut pas ne pas transmettre la paix, qui construit la paix ne peut pas ne pas se rapprocher de Dieu. » (Angélus du samedi 1er janvier 2011)
Ces propos ne sont qu’une reprise de ceux de Jean-Paul II que l’abbé de Nantes jugeait « faux, injurieux à Dieu unique, vivant et vrai dont il n’est pas permis de se moquer pareillement ! à son Christ, Jésus, le Jésus de l’histoire et de l’Église, crucifié par les juifs, rejeté par les musulmans, méprisé par les bouddhistes, ignoré par les païens ! et à leur Esprit-Saint, Esprit de pure Vérité et d’Amour, d’amour fraternel et de pardon conservé dans et par la seule Chrétienté, n’en déplaise aux rêveurs mondialistes.
« Mais tout cela est aussi méchant et malfaisant pour les millions d’âmes, dont des multitudes ont mérité secrètement par leur foi et leur charité de devenir les temples du Saint-Esprit et les membres invisibles du Corps mystique du Christ, parce que tant d’éloges mensongers de la prière talmudique, ou islamique, ou shintoïste, et du yoga, ou du zen, ou par le calumet de la paix au grand Manitou, ou au ligam adoré (je parle hindi par respect pour mes lectrices), ou au Serpent, ou au Soleil et au Feu... tant de compliments mensongers aux représentants, conscients et informés, de toutes les fausses religions du monde, travaillent contre la prédication libératrice de l’Évangile qui serait le salut de centaines de millions d’êtres et la sanctification heureuse de milliers d’entre eux, déjà justifiés et avides des splendeurs de l’Eucharistie, du culte de la Vierge et des saints et de tous les trésors qu’ils ignorent de la révélation divine, des sacrements de l’Église, de l’ordre et des vertus de la Chrétienté !
« Quel coupable ! quel misérable ! quel complice de Satan qu’un pape qui parle en mondiovision un langage si faux, véritablement trompeur et antichrist ! » (CRC n° 230, février 1987, p. 10)
frère Bruno de Jésus.