1 février 2015

[Abbé Simoulin, fsspx - Le Seignadou] Je suis François-Xavier

Le Seignadou - février 2015

Nul ne peut se réjouir de la mort du pécheur mais, quand j’entends le mot Charlie, c’est la chanson de Gilbert Bécaud qui me vient à l’esprit: Charlie, t’iras pas au paradis! C’est peut-être impertinent alors que, nous dit-on, la république est en danger! Mais je me dis d’abord que ce qui est en danger c’est une idéologie républicaine plus qu’un système politique, en soi admissible. Et je me dis aussi qu’il faudra autre chose qu’une Marseillaise chantée en chœur par nos députés pour obtenir de Dieu quelque grâce de salut pour cette république, car cet hymne manque pour le moins d’élévation spirituelle!

J’étais précisément en train de relire un excellent article de l’abbé Berto rédigé pendant le Concile sur « le caractère laïc de la société civile », lorsque sont survenus les évènements du 7 janvier et  jours suivants. Terrible illustration des méfaits de cette laïcité désormais admise par l’Eglise! Cette laïcité dont on nous dit aujourd’hui : « La réponse aux urgences de notre société doit être forte, et sans hésitation. Elle réside dans la République et dans ses valeurs, en premier lieu la laïcité, qui est gage d’unité et de tolérance. Le seul enjeu qui importe, c’est la laïcité, la laïcité, la laïcité! C’est le cœur de la République, et donc de l’école ». Comme disait l’autre : on n’est pas sorti de l’auberge!

Et voici qu’un autre de ces messieurs nous déclare qu’il faut être « Intraitable sur les valeurs de la République! Intraitable! Le jour où l'on affaiblit ce socle nous sommes renvoyés les uns et les autres à notre communauté ou à notre religion et c'est le vivre-ensemble qui est menacé ; d'ailleurs ces terroristes, ces assassins, c’est ce qu'ils ont essayé de faire comme première victime : le vivre-ensemble. Moi je veux que l'on réussisse même si cela prend un peu de temps. Regardez le temps qu'il a fallu pour faire accepter à la religion Catholique le fait qu'il y a une religion suprême pour chacun d'entre nous : c'est la religion de la République. » Ou encore : « la République doit redevenir un messianisme, avec ce que le messianisme a de transgressif, de collectif, de discipliné, d’exigeant, de moral. » C’est du délire, penserez-vous! Non, c’est l’extase! C’est la république en extase devant sa divine laïcité! En fait, le loup sort du bois, et la république révèle son vrai visage, intolérant et tyrannique parce qu’elle se veut la révélation suprême faite à l’homme par les philosophes des lumières!

Cette laïcité « républicaine » est bien une nouvelle religion. Elle est la religion suprême, un nouveau Panthéon au sein duquel doivent s’accorder toutes les autres religions, celles de l’enfance de l’humanité, qui ont préparé sa révélation et qui doivent maintenant s’effacer devant elle, comme l’ancien testament devant le nouveau! Sans doute la France a été chrétienne, mais elle n’était pas encore adulte et c’était pour la préparer à devenir messianique, c’est-à-dire républicaine et laïque! Que tous les dieux s’entendent à présent entre eux pour servir le Messie républicain, la religion suprême, la religion de l’homme, l’homme devenu enfin laïc et républicain!

Et il est logique que cette religion suprême nous accorde un droit nouveau: le «droit au blasphème»! Aujourd’hui il est interdit de rire d’une ministre de cette nouvelle religion, mais elle peut proclamer sans rire qu’« On peut rire de toutes les religions »! Mais attention : riez de tous les dieux mais pas de moi! Et surtout, ne riez jamais de cette religion suprême que nous vous avons révélée : la religion de la république et de la laïcité!

Les histrions de tous âges, depuis ceux de l’antiquité jusqu’aux chansonniers de mon enfance, s’en prenaient à des êtres de chair et d’os qui pouvaient répondre et se défendre! Ils usaient pour cela d’une insolence pleine de finesse, dans des formules ciselées avec humour, pour faire rire ou sourire même leurs victimes. Mais ils prenaient quand même le risque d’une sanction. Et ils avaient le bon goût de respecter ce qui pouvait blesser le cœur des hommes de foi, et de ne pas toucher à certaines valeurs considérées comme sacrées par les autres hommes! Ils riaient – et faisaient rire – à propos des hommes et de leurs travers, mais ils ignoraient ce blasphème qui offense et meurtrit le cœur de millions de croyants qui aiment, adorent et servent le Dieu blasphémé!

Aujourd’hui l’humour s’est réfugié dans les pots de chambre : on ne se fatigue plus à penser, à fignoler des formules subtiles; on insulte, on salit, on patauge dans les latrines et la scatologie, et la république trouve cela admirable! Elle se reconnaît sans doute dans ces cabinets sans esprit, pendant que pleurent les amis de Dieu. Mais elle semble oublier que le seul Dieu qui pardonne est Jésus! Jésus a été crucifié par des blasphémateurs, et il pardonnait! Allah ou Mahomet, eux, ne pardonnent pas… nous venons de vivre sa terrible réponse! Tous les français sont blessés, quelles que soient leurs opinions politiques, quand un drapeau français est brûlé. C’est même un délit que d’offenser le drapeau. De même se moquer des croyants dans ce qu'ils ont de plus cher revient à les blesser eux-mêmes, et, dans le cas de l'islam, nous l’avons vu, c’est s'exposer à des représailles sanglantes.

Alors que signifie ce « droit au blasphème » qui serait une des gloires de la république ? En toute logique, le blasphème appartient à la sphère religieuse. Cet acte ne peut constituer un droit républicain, puisque la république ignore Dieu! Oui, mais vous oubliez la divine laïcité qui est le cœur de cette religion suprême! Et le blasphème devient une arme pour établir le règne de cette sainte laïcité : tous les dieux égaux devant le blasphème! Et c’est pourquoi la république elle-même – en la personne de ses gouvernants – s’identifie aux blasphémateurs et se fait ordurière avec eux! Au nom de la sainte liberté, c’est la république elle-même qui glorifie et subventionne les blasphémateurs! C’est la république qui incarne le droit au blasphème et en désigne l’objet : tous les dieux autre qu’elle-même!

Mais cette laïcité hypocrite n’a pas fini de nous étonner, puisqu’elle ose proclamer que «les musulmans sont les premières victimes du fanatisme». Incroyable! Mieux que la Shoah! Tous victimes, sauf les saints de notre martyrologe, qui s’allonge chaque jour encore. Où trouve-t-on aujourd’hui des fanatiques ? Hormis l’antique fanatisme musulman et le fanatisme communiste plus récent, je ne vois d’autre fanatisme que celui des laïcards!

C’est le fanatisme laïc qui part en guerre contre les faux fanatismes, et qui protège donc tout ce qui n’est pas chrétien, pour que disparaisse en France ce qui reste encore d’esprit chrétien. La France est encore trop imprégnée d’esprit chrétien. – Les réactions des pays arabes le manifestent bien : c’est aux églises et aux chrétiens qu’ils s’en prennent. Pour eux, la France c’est les chrétiens! – Il faut donc favoriser et protéger les autres religions afin qu’elles occupent en France une place au moins équivalente à celle de l’Eglise pour parvenir à cet équilibre nécessaire à l’instauration de la divine laïcité. Sans remonter jusqu’aux fanatiques de la guillotine, souvenez-vous du fanatisme qui matraquait la manif pour tous! Le plus dangereux fanatisme est précisément celui d’un premier ministre qui réclame et veut imposer la laïcité comme religion suprême : Tous en chœur et au pas derrière le souverain pontife de la république, armés de la même pancarte pour chanter avec lui la gloire de la liberté et gare à qui ne blasphème pas avec les autres! Qui sont aujourd’hui ces tyrans que leur république naissante jurait pourtant d’envoyer au cercueil ?

Ce n’est pas tant la faillite de l’école qu’il faut déplorer : cette faillite est ancienne car elle ne peut enseigner que les valeurs républicaines, c’est la faillite de la laïcité, qui n’a aucune réponse à donner au besoin religieux des âmes. « L'homme est un animal religieux. L'homme est le seul animal religieux. » (Mark Twain). Toutes les âmes, baptisées ou non, appartiennent à Dieu, et la république ne perdrait rien à le reconnaitre. Bien au contraire, l’Eglise seule détient le remède et peut aider à une laïcité paisible et tolérante dans la société: rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu! Mais la république n’a pas d’âme et elle ignore les âmes!

Mais j’observe encore que les seuls que nous n’entendons pas, ce sont nos évêques, désarmés depuis le Concile, sans arguments pour combattre une laïcité qui n’est qu’une arme de choix contre l’âme Catholique de la France. Hormis deux ou trois parmi eux, nos évêques se taisent ou ne disent que des fadaises! Que peuvent dire, en effet, les évêques d’une Eglise convertie à ce culte nouveau, conforme à cette religion suprême : le culte de l’homme ? Rappelez-vous : « Croyants et incroyants sont généralement d'accord sur ce point : tout sur la terre doit être ordonné à l'homme comme à son centre et à son sommet. » (Gaudium et Spes. 12) «L'humanisme laïque et profane enfin est apparu dans sa terrible stature et a, en un certain sens, défié le Concile. […] La vieille histoire du bon Samaritain a été le modèle et la règle de la spiritualité du Concile. Une sympathie sans bornes pour les hommes l'a envahi tout entier […] Reconnaissez-lui au moins ce mérite, vous, humanistes modernes, qui renoncez à la transcendance des choses suprêmes, et sachez reconnaître notre nouvel humanisme : nous aussi, nous plus que quiconque, nous avons le culte de l'homme. » (Paul VI. 7.12.1965)

Oui, j’en veux à nos évêques et à leurs silences. Depuis le Concile, il n’est plus question de réclamer quoi que ce soit pour le Christ-Roi, rien de plus que la permission de l’aimer et de l’adorer mais en privé, dans nos maisons ou dans nos églises. La laïcité de la république doit être respectée et même enseignée. Et l’œuvre de déchristianisation de la société, inaugurée par la révolution en arrive à son apogée : il ne reste plus pour éduquer la jeunesse que les « valeurs républicaines » dont la spiritualité est assez dérisoire. C’est le vide spirituel intégral.

Nos évêques (ou certains d’entre eux) marchent pour la vie, et cela est bien, mais quand marcheront-ils pour Jésus-Christ ?

Faut-il s’étonner si tant de jeunes demandent à d’autres dieux, ceux du Djihad, de leur proposer un idéal qui aille jusqu’au sacrifice suprême ? Le don de soi a quitté notre terre autrefois chrétienne pour se réfugier chez ceux qui veulent la détruire! « L'homme est un animal crédule qui a besoin de croire. En l'absence de raisons valables de croire, il se satisfait de mauvaises » (Bertrand Russell).

Dans une lettre à St Ignace, saint François Xavier, patron des missions, exprimait son désir de parcourir les universités d’Europe, et d’abord celle de Paris : « Bien souvent, il me prend envie de descendre vers les universités d’Europe, spécialement celle de Paris, et de crier à pleine voix, comme un homme qui a perdu le jugement, à ceux qui ont plus de science que de désir de l’employer avec profit : «Combien d’âmes manquent la gloire du ciel et tombent en enfer à cause de votre négligence!».

Puissent nos évêques entendre ce cri, et s’assembler bientôt, avec ou sans pancartes, pour crier tous ensemble dans l’immense désert spirituel de la laïcité: «Je suis François-Xavier!»