SOURCE - Anne Le Pape - Présent - Abbé Aulagnier - 20 février 2015
M. l’abbé Aulagnier, désormais directeur du séminaire de l’Institut du Bon Pasteur à Courtalain, passe sur le gril des questions de Présent.
— Monsieur l’abbé, parlez-nous du séminaire dont vous êtes le directeur.
— J’ai été nommé au séminaire Saint-Vincent de Paul par Dom Forgeot, père abbé émérite de Fontgombault. Je savais la difficulté de l’œuvre. Former de jeunes prêtres, quelle belle mission ! Mais à côté de cela, quelle charge ! J’avais fondé et dirigé le district de France de la FSSPX pendant 19 ans, j’arrivais donc avec une certaine expérience. Malgré la lourdeur de la tâche, je ne regrette rien. J’aime les séminaristes, leur enthousiasme, leur fraîcheur, leur foi, leur piété, leur jeunesse. M. l’abbé Philippe Laguérie, qui demeure avec nous dans la maison générale, est d’un précieux soutien. Il a une joie de vivre communicative.
Je dois dire que l’exemple de Mgr Lefebvre, dans la direction de son séminaire à Ecône me sert beaucoup. Il était un modèle de patience et de force.
— Quelle population touchez-vous pour l’instant ?
— Nous avons surtout au séminaire trois « populations » pour reprendre votre expression. Un important groupe de Brésiliens, un bon groupe de Français et un groupe de Polonais. Il se trouve également un Espagnol, un Africain du Congo, un Américain et un Colombien. Le corps professoral est également multinational, avec une prépondérance de Français. Le séminaire est ainsi franchement international, mais la langue officielle est le français.
— Comment êtes-vous installés à Courtalain ?
— Nous sommes désormais bien installés. Juste devant l’ancien séminaire se trouvait une grande et belle maison de retraite pour personnes âgées qui, depuis quelques années, était libre, parfaite pour un séminaire : 65 chambres, un beau réfectoire, une grande cuisine, un hall d’entrée spacieux, une zone pour l’administration. J’ai signalé au propriétaire, le Conseil général, que nous étions intéressés. Nous avons conclu d’abord un bail puis une signatured’achat à intervenir le 15 juillet 2015.
Nous avons lancé un appel à nos bienfaiteurs pour qu’ils viennent à notre secours. J’en profite pour le renouveler ici.
— Quels sont vos projets dans un proche avenir ?
— Tout d’abord, acheter cette maison et en faire la restauration totale. Mais ce qui me préoccupe surtout, c’est de former de bons prêtres pour l’Eglise, dans le sens où l’entendaient saint Pie X et Pie XII. Je voudrais des prêtres « contre-révolutionnaires », qui ne s’en laissent pas compter par cette déclaration « des droits de l’homme sans Dieu », déclaration qui, précisément, fait la guerre à Dieu et à ses commandements.
— Vous avez été éditeur de diverses publications (Fideliter, puis divers bulletins « papier », enfin des bulletins sur internet) et aussi d’ouvrages (édtions Fideliter notamment). Quelle place, selon vous, doit-on donner à cet apostolat par l’écrit ?
— Je suis trop pris pour continuer d’une manière efficace l’apostolat de la plume. Je le considère pourtant comme essentiel. Parmi nous, nous avons M. l’abbé de Tanoüarn qui mène ce combat. Il y réussit très bien. Qu’il continue !J’anime cependant toujours un site, Item (la.revue. Item) que j’actualise très régulièrement. Je ne peux pas faire plus. Mais dès que je quitterai le séminaire, j’essaierai de reprendre la plume. C’est vous dire que je considère que c’est un bel apostolat.
— Dans ce que l’on peut appeler « la galaxie tradi », la Fraternité Saint-Pie X a-t-elle un avenir à vos yeux ?
— Je pense que la FSSPX a encore un très grand rôle à jouer dans l’Eglise. C’est une fondation d’une très grande solidité. Avec ses prieurés, ses écoles primaires et secondaires, avec ses très nombreuses familles, avec ses prêtres et ses frères très nombreux, on entendra parler encore longtemps de la FSSPX. Mgr Lefebvre la protège du haut du ciel. Et ce n’est pas les quelques « trublions » qui vont la détruire. On n’entendra plus parler de tout ce petit monde que la FSSPX existera encore et gardera la messe tridentine et la doctrine de toujours. Elle finira bien par trouver une solution avec Rome.
Depuis longtemps, je pense qu’il faut qu’elle « normalise » sa situation canonique avec Rome. Cette normalisation se fera peut-être avec le pape François. Je dis bien « normalisation ». On a malheureusement entretenu bien trop longtemps la confusion au sujet de ce mot, même au plus haut niveau de la FSSPX. « Normalisation » ne veut pas dire « ralliement ». Comment voulez-vous vous rallier à l’Eglise « conciliaire » et aux évêques d’aujourd’hui ? Leur attitude lors des événements du 11 janvier 2015 suffit pour rester sur la réserve. Mais rien n’empêche la « normalisation » d’une situation canonique, puisque le Vatican la veut. Et comme je l’ai dit dans mon livrePlaidoyer pour l’unité, il est dangereux de rester trop longtemps loin de l’autorité « légitime ».
— Quel est votre sentiment sur la situation de l’Eglise ? Sur les récentes déclarations du pape François, un peu à l’emporte-pièce ?
— Ce pape est bien « original ». Son attitude au dernier synode m’a profondément choqué. Fasse le ciel qu’il puisse reprendre la situation en main lors du synode prochain d’octobre. Il doit garder la foi. Le Saint-Esprit ne lui a pas été donné pour autre chose. Je n’aime pas son attitude à l’égard des Franciscains de l’Immaculée. Il ne devait pas revenir sur le Motu Proprio de Benoît XVI ayant restauré la messe tridentine pour qui le voulait, les supérieurs en ayant donné l’autorisation. Je n’ai pas aimé sa déclaration sur la « liberté de conscience » qu’il a tenue avec ce journaliste athée italien de La Republica.
— Nous vous savons attaché à votre pays. Que pouvez-vous nous dire sur la situation actuelle de la France ?
— La situation de la France est catastrophique. Ses hommes politiques la conduisent à la mort. Ils se dressent contre la chrétienté, contre la civilisation chrétienne, contre la France. Contre la loi de Dieu et, aujourd’hui, contre la création de Dieu elle-même. Nous assistons par eux, à cause d’eux, à une « décréation ». Mais une réaction merveilleuse se fait jour, dont il leur faudra tenir compte. Ils en sont comme sidérés : n’auraient-ils pas encore assez pourri la jeunesse avec leur laïcité ? Une grande espérance se lève. C’est encore celle du Christ et de l’Eglise.
Propos recueillis par Anne Le Pape