Le pape François, missionnaire en Asie, samedi 17 janvier 2015, à Tacloban, sous une pluie battante. |
SOURCE - Frère Bruno Bonnet-Eymard / La Contre-Réforme Catholique au XXIe siècle - mars 2015
Le pape François, missionnaire en Asie, samedi 17 janvier 2015, à Tacloban, sous une pluie battante.
Le pape François, missionnaire en Asie, samedi 17 janvier 2015, à Tacloban, sous une pluie battante.
EN démissionnant, le 11 février 2013, le pape Benoît XVI a sauvé l’Église d’un scandale épouvantable que l’information parue dans La Croix du 19 janvier 2015 résume : « Justice. Un prêtre condamné à dix-huit ans de réclusion criminelle pour pédophilie. Les faits remontent aux années 1980. »
Le pape François plagiant le récit de la défaite des Israélites face aux Philistins (1 S 4, 1-11), en faisait l’application à l’état présent de l’Église : « Mais, Seigneur, qu’est-il arrivé ? Tu as attiré sur nous le mépris de nos voisins, la moquerie et le dédain de ceux qui nous entourent. Tu nous as fait devenir la risée de notre prochain ! À notre propos les gens hochent la tête. » Après avoir ainsi paraphrasé le texte biblique, le Pape ajoutait : « N’en n’avons-nous pas honte ? Tous ces scandales que je ne veux pas énumérer, mais tout le monde le sait… Nous savons où ils se sont produits ! Des scandales dont certains ont coûté beaucoup d’argent… Mais avons-nous eu honte de ces scandales, de la déroute de ces prêtres-là, de ces évêques-là, de ces laïcs ? Plus rien ne les reliait à Dieu ! Ils avaient une position dans l’Église, une position de pouvoir et souvent confortable. Mais la Parole de Dieu, non ! “ Mais je porte une médaille ”; “ Moi, je porte la croix ”… Oui, mais comme ceux-ci portaient l’Arche ! Sans avoir un rapport vivant avec Dieu et avec la Parole de Dieu ! » (16 janvier 2014)
Tel est le fruit pourri du concile Vatican II dont le pape Benoît XVI, qui fut le bras droit de Jean-Paul II à partir desdites “ années 1980 ”, a débarrassé l’Église en démissionnant, non sans une inspiration du Saint-Esprit, comme l’a dit le pape François. Cette démission, l’abbé de Nantes, notre Père, la réclamait déjà de Paul VI. Sa voix s’est éteinte avant d’avoir été entendue, mais, à l’exemple de sainte Thérèse, il est “ redescendu ” depuis son dies natalis, le 15 février 2010, et il a tant fait que Ratzinger a démissionné pour “ passer la main ” à Bergoglio, un successeur “ hors contrat ”, libre du “ pacte conciliaire ”, c’est-à-dire exempt de l’hérésie, du schisme et du scandale qui “ ruinaient ” l’Église depuis un demi-siècle.
Un seul exemple entre mille : dans son homélie en la cathédrale de Manille, le 16 janvier 2015, le pape François a appelé l’assemblée à la radicalité évangélique, à la suite du Christ pauvre : « C’est seulement en devenant nous-mêmes pauvres, en renonçant à notre auto-accomplissement, que nous pourrons nous identifier aux derniers de nos frères et sœurs. » Autrement dit : en renonçant aux prétentions autolâtriques de Jean-Paul II. « Auto-accomplissement » est, en effet, le mot clef de toute la prétendue “ anthropologie ” du pape Jean-Paul II, qui n’est autre chose que le culte de l’homme.
On comprend que Jean-Marie Guénois, nostalgique de Jean-Paul II qu’il a suivi dès lesdites “ années 80 ” au jour le jour dans ses voyages, parle de « révolution » et non pas seulement de « réforme », à la suite du Père Adolfo Nicolas, général des jésuites. Le mot exact, mais interdit, serait celui de Contre-Réforme catholique au vingt et unième siècle.
J’ai raconté dans mon livre sur notre Père comment, dans les années 50, au lendemain de la publication de l’encyclique Humani generis, l’abbé Bolze, curé de la paroisse ouvrière Saint-Bruno à Grenoble, ne supporta pas longtemps le jeune abbé de Nantes qui venait le remplacer durant les vacances : « Vous comprenez, disait-il, en trois mois, il détruit notre pastorale d’une année. » En deux ans, le pape François a déblayé les « ruines » accumulées par cinquante ans de réforme conciliaire.
Depuis l’avènement du pape François, le 13 mars 2013, le bilan de deux ans de pontificat répond aux trois Livres d’accusation de l’abbé de Nantes contre ses prédécesseurs : Paul VI (Liber I ), Jean-Paul II (Liber II ) et Ratzinger (Liber III ). Ce bilan peut se résumer ainsi : ni hérésie, ni schisme, ni scandale. Mais « un pas vacillant », conformément au “ troisième secret ” du 13 juillet 1917 où les pastoureaux virent le Saint-Père traverser « une grande ville à moitié en ruine d’un pas vacillant ».
Comme exemple de cette marche hésitante, mais dans la bonne direction, prenons sa déclaration pour la clôture de la Semaine de l’unité, le 25 janvier 2014 : « Nous tous, nous ne voulons pas devenir un sujet de scandale. Et pour cela nous tous, nous cheminons ensemble, fraternellement, sur la route vers l’unité, unis aussi en marchant » dans une « diversité réconciliée ». Ces paroles s’adressaient à l’envoyé du patriarche Bartholomaios Ier, au métropolite Gennadios, au Révérend David Moxon, représentant à Rome du prétendu “ archevêque ” de Cantorbéry, Rowan Williams, réunis en la basilique papale Saint-Paul-hors-les-murs.
Le Pape leur a dit : « Le Seigneur nous attend tous, il nous accompagne tous, il est avec nous tous sur ce chemin de l’unité. Chers amis, le Christ ne peut être divisé ! » C’est vrai, et c’est pourquoi Rowan Williams n’est pas « du Christ », et encore moins archevêque ! puisqu’il est séparé du Christ. Le pape François le sait puisqu’il se recommande des « bienheureux » Jean XXIII, Paul VI et Jean-Paul II, « ouvrant des voies nouvelles et auparavant presque impensables ». Quel aveu !
Mais à vrai dire, le pape François marche-t-il vraiment sur leurs traces ? Nous le voyons mettre tout le poids de son autorité en faveur de ce que l’abbé de Nantes appelait « l’œcuménisme catholique », pratiqué avant le Concile : attitude morale et spirituelle consistant « avant tout dans une révision des comportements, des jugements et des méthodes du passé […], allant jusqu’à la demande de pardon pour les “ fautes ” ayant accompagné ou aggravé les ruptures et entraîné de profondes blessures ». Sous cette forme catholique, « l’œcuménisme apparaissait alors comme un sincère effort et un puissant moyen pour atténuer ou guérir les conséquences de ces fautes par la mise en œuvre des vertus chrétiennes de foi, de charité et d’espérance ; mais on évitait de prendre en considération les causes réelles des séparations sur le terrain de la doctrine et de la foi ; à plus forte raison se gardait-on d’aborder “ en dialogue ” les questions touchant à la vraie nature de l’Église et aux critères de son unité visible. » (Préparer Vatican III, p. 203)
Tandis qu’en passant de cet « œcuménisme catholique » aux principes d’un mouvement ayant pris naissance et consistance en dehors de l’Église romaine, le concile Vatican II a renié son propre caractère « œcuménique » puisqu’il réduisait l’Église catholique romaine au rang de trois cent soixante et unième membre du Conseil œcuménique des Églises (coe) réformées et, accessoirement, orthodoxes.
Les catéchèses du pape François du 18 juin au 26 novembre 2014, ont « confirmé » notre foi en « l’Église une, sainte, catholique et apostolique », dont il est lui-même le témoignage éclatant, comme un signe levé parmi les nations qu’il parcourt, infatigable.
I. NI HÉRÉSIE
Le pape François confesse et défend le dogme de la foi catholique intégrale « contre les forces invisibles, les puissances des ténèbres qui dominent le monde, les esprits du mal qui sont au-dessus de nous », selon saint Paul (Épître aux Éphésiens 6, 10-20, commentée dans l’homélie quotidienne, à Sainte-Marthe, le 30 octobre 2014).
Notre génération, a dit le Pape, « a fait croire que le diable était un mythe, une idée, l’idée du mal… Mais le diable existe et il faut lutter contre lui avec le “ bouclier de la foi ”, car le diable ne jette pas des fleurs mais des flèches enflammées pour tuer. » C’est un combat à mort : il s’agit de se demander si l’on « croit vraiment », ou si l’on est « un peu croyant, un peu mondain ».
Tout chrétien est invité à s’interroger par ce jésuite directeur de conscience né, devenu Pape, mais particulièrement les évêques gardiens de la foi catholique et apostolique dont il est le chef. Il met en garde ceux du Synode sur la famille contre « la tentation de négliger le “ depositum fidei ”, de se considérer non pas comme des gardiens mais des propriétaires et des maîtres » (18 octobre 2014).
Aux évêques de Suisse : « Chers frères, vous avez la grande et belle responsabilité de maintenir la foi vive sur votre terre. » Faute de quoi, « les belles églises et les monastères y deviendront peu à peu des musées ; toutes les œuvres louables et les institutions rendront l’âme en laissant seulement des environnements vides et des gens abandonnés. » (1er décembre 2014) Ce n’est plus une prospective, c’est la constatation d’une réalité quotidienne. Mais le pape François ne renonce par pour autant.
Aux évêques du Congo, le 12 septembre 2014, il déclare : « La qualité de la foi au Christ mort et ressuscité, la communion intime avec lui est à la base de la solidité de l’Église. »
C’est dire que « Jésus condamne cette spiritualité de la cosmétique, où l’on veut “ paraître ” bon, beau, car la vérité intérieure est bien autre chose ! L’apparence, c’est arpenter les places, se faire voir en priant, se “ maquiller ” pour cacher son “ avidité ” et sa méchanceté ”. » (homélie du 14 octobre)
« Ce qui importe, c’est la foi agissant par la charité. » (Ga 5, 1-6) C’est dire que « la foi n’est pas seulement réciter le Credo » (14 octobre 2014), mais « pour être saine et robuste, elle doit être constamment nourrie de la Parole de Dieu » (Tweet du 21 octobre 2014).
LA PAROLE DE DIEU.
La Parole de Dieu consignée dans la Sainte Écriture est agissante, nous disait notre Père. Le pape François de même. Il précise que sa force « passe par le cœur de celui qui la transmet ». Elle résulte de « la rencontre entre ses péchés et le Sang du Christ, qui sauve ». Ainsi, l’Évangile nous montre Pierre qui voit son propre péché en rencontrant Jésus : « Seigneur, éloigne-toi de moi, car je suis un homme pécheur. » (Mt 4, 19)
« La force de la vie chrétienne et la force de la Parole de Dieu résident dans ce moment où le pécheur rencontre Jésus et cette rencontre change sa vie… Et il trouve la force d’annoncer le salut aux autres. » (homélie du 4 septembre 2014)
Ainsi, « le lieu privilégié de rencontre avec Jésus-Christ ce sont nos propres péchés… Sans cette rencontre, point de force dans le cœur. » Le chrétien devient alors « mondain, voulant parler des choses de Dieu avec le langage humain et cela ne sert à rien : cela ne donne pas la vie ».
C’est pourquoi l’apôtre Paul souligne deux raisons de s’enorgueillir, même si « cela scandalise » : nos péchés et le Crucifié.
« Si un chrétien n’est pas capable de se sentir pécheur et sauvé par le Sang du Christ, c’est un chrétien à mi-chemin, c’est un chrétien tiède. Et quand nous trouvons des Églises “ en ruine ”, des paroisses “ en ruine ”, des institutions “ en ruine ”, les chrétiens qui les composent n’ont sûrement pas rencontré Jésus-Christ ou ont oublié leur rencontre avec Lui. »
Le pape François parle comme saint Jean à l’Église d’Éphèse dans l’Apocalypse (Ap 2, 4). Et comme la Vierge Marie dans son troisième secret.
La Parole de Dieu, pour le pape François, c’est Jésus lui-même, et Jésus crucifié, comme pour saint Paul :
« Je ne suis pas venu vous annoncer le mystère de Dieu avec le prestige du langage humain ou de la sagesse… Mais c’est l’Esprit et sa puissance qui se manifestaient. » Le pape François commente : « La Parole de Dieu est différente, elle n’est pas égale à la parole humaine, à une parole sage, scientifique, philosophique… non ! C’est autre chose ! » (1er septembre 2014)
C’est pourquoi la souffrance de Job, dans l’Ancien Testament, pose une question qui reste sans réponse jusqu’à l’avènement de Jésus, et de Jésus crucifié, « réponse d’amour au drame de la souffrance humaine, spécialement de la souffrance innocente, imprimée pour toujours dans le Corps du Christ ressuscité, montrant ses plaies glorieuses » (3 décembre, pour la 33e Journée mondiale du malade).
Le pape François a exprimé cette vérité d’une manière pathétique aux Philippines, le samedi 17 janvier 2015, à Tacloban, sur l’île de Leyte, sous une pluie battante (notre photo d’éditorial) et la menace d’une tempête tropicale, en s’adressant aux survivants du “ super-typhon ” Haiyan / Yolanda du 8 novembre 2013 :
« Je suis là pour vous dire que Jésus est le Seigneur, que Jésus ne déçoit pas. L’un de vous peut me dire : “ Père, il m’a déçu par ce que j’ai perdu ma maison, j’ai perdu ce que j’avais, je suis malade… ” C’est vrai ce que tu me dis, et je respecte tes sentiments ; mais je le vois là, cloué sur la Croix, et de là, il ne nous déçoit pas ! Il a été consacré Seigneur sur ce trône, et il est passé là pour toutes nos calamités. Jésus est le Seigneur ! Et il est le Seigneur de la Croix ; il a régné là ! Pour cette raison il est capable de nous comprendre, comme nous l’avons entendu dans la première lecture : il s’est fait en tout égal à nous. C’est pourquoi nous avons un Seigneur capable de pleurer avec nous, capable de nous accompagner dans les moments les plus difficiles de la vie. Beaucoup parmi vous ont tout perdu. Moi, je ne sais pas quoi vous dire. Lui, si, il sait quoi vous dire ! Beaucoup parmi vous ont perdu une partie de leur famille. Restons simplement en silence, je vous accompagne par le cœur en silence… »
UNE SAGESSE DU CŒUR.
Le pape François est au chevet de l’Église malade avec « la sagesse du cœur », qui « n’est pas une connaissance théorique, explique-t-il, abstraite, fruit de raisonnements. Elle est plutôt, comme écrit saint Jacques dans son Épître, “ pure, puis pacifique, indulgente, bienveillante, pleine de pitié et de bons fruits, sans partialité, sans hypocrisie ” (Jc 3, 17). Elle est donc un comportement inspiré par l’Esprit-Saint dans l’esprit et le cœur de celui qui sait s’ouvrir à la souffrance des frères et reconnaît en eux l’image de Dieu. Faisons donc nôtre l’invocation du psaume : “ Apprends-nous à bien compter nos jours, afin que nous venions à la sagesse du cœur ! ” » (Ps 90, 12)
« La sagesse du cœur veut dire servir le frère. Dans le discours de Job, “ homme juste qui jouit d’une certaine autorité parmi les anciens de la ville ” : “ J’étais les yeux de l’aveugle, les pieds du boiteux. ” » (Jb 29, 15)
Le Pape loue ces chrétiens qui « rendent témoignage aujourd’hui encore, non par leurs paroles, mais par leur vie enracinée dans une foi authentique […], qui sont proches des malades ayant besoin d’une assistance permanente, d’une aide pour se laver, s’habiller, se nourrir. Ce service, surtout lorsqu’il se prolonge dans le temps, peut devenir fatigant et pénible. Il est relativement facile de servir pendant quelques jours, mais il est difficile de soigner une personne pendant des mois, voire des années, même si celle-ci n’est plus capable de remercier. Et pourtant, voilà un grand chemin de sanctification ! Dans ces moments, on peut compter de manière particulière sur la proximité du Seigneur, et on apporte également un soutien spécial à la mission de l’Église.
« La sagesse du cœur, c’est être avec le frère. Le temps passé à côté du malade est un temps sacré. C’est une louange à Dieu, qui nous conforme à l’image de son Fils qui “ n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude ” (Mt 20, 28). Jésus lui-même a dit : “ Et moi je suis au milieu de vous comme celui qui sert. ” (Lc 22, 27)
« Avec une foi vive, nous demandons à l’Esprit-Saint de nous donner la grâce de comprendre la valeur de l’accompagnement, si souvent silencieux, qui nous conduit à consacrer du temps à ces sœurs et à ces frères qui, grâce à notre proximité et à notre affection, se sentent davantage aimés et réconfortés. En revanche, quel grand mensonge se dissimule derrière certaines expressions qui insistent tellement sur la “ qualité de la vie ”, pour inciter à croire que les vies gravement atteintes par la maladie ne seraient pas dignes d’être vécues !
« La sagesse du cœur, c’est la sortie de soi vers le frère. Notre monde oublie parfois la valeur spéciale du temps passé auprès du lit d’un malade, parce qu’on est harcelé par la hâte, par la frénésie de l’action, de la production et on oublie la dimension de la gratuité, de l’acte de prendre soin, de se charger de l’autre. En réalité, derrière cette attitude se dissimule souvent une foi tiède, oublieuse de cette parole du Seigneur qui déclare : “ C’est à moi que vous l’avez fait. ” (Mt 25, 40)»
Le Pape rappelle alors le principe posé dans son Exhortation apostolique Evangelii gaudium : « La priorité absolue de “ la sortie de soi vers le frère ” comme un des deux commandements principaux qui fondent toute norme morale et comme le signe le plus clair pour faire le discernement sur un chemin de croissance spirituelle en réponse au don absolument gratuit de Dieu. ” » (n° 179)
C’est ainsi que « de la nature missionnaire même de l’Église jaillissent “ la charité effective pour le prochain, la compassion qui comprend, assiste et encourage ” » (ibid.).
Après avoir mis en garde les modernes « amis de Job » contre « cette fausse humilité qui, au fond, recherche l’approbation et se complaît dans le bien accompli », le pape conclut ce message pour la 33e Journée mondiale du malade 2015, par une admirable élévation sur le sens de la souffrance « lorsque la maladie, la solitude et l’incapacité l’emportent sur notre vie de don ». C’est alors que « l’expérience de la souffrance peut devenir un lieu privilégié de la transmission de la grâce et une source pour acquérir et renforcer la sapientia cordis ».
Tel Job déclarant à Dieu : « Je ne te connaissais que par ouï-dire, mais maintenant mes yeux t’ont vu » (Jb 42, 5), « les personnes plongées dans le mystère de la souffrance et de la douleur, accueilli dans la foi, peuvent également devenir des témoins vivant d’une foi qui permet d’habiter la souffrance elle-même, bien que l’homme, par son intelligence, ne soit pas capable de la comprendre en profondeur ».
Le pape François termine en demandant à « Marie, Siège de la Sagesse, d’intercéder comme notre Mère pour tous les malades et pour ceux qui en prennent soin », afin que « dans le service du prochain qui souffre et à travers l’expérience même de la souffrance, nous puissions accueillir et faire croître en nous la véritable sagesse du cœur ».
Tout l’enseignement et le comportement du pape François permet de mesurer la formidable imposture et la mortelle illusion où le concile Vatican II a plongé l’Église depuis que les Pères se sont pris pour le Collège des Apôtres, témoins immédiats et inspirés du Christ lui-même, en citant la première lettre de saint Jean (1 Jn 1, 2-3) au début de la Constitution Dei Verbum :
« Saint Jean, qu’on cite là abusivement, avait “ vu ” et “ touché ” le Verbe de Vie et il a raconté, avec le secours de l’inspiration divine accordée aux Apôtres, ce qu’il avait lui-même entendu et vu le Christ dire et faire. Mais ni Paul VI, ni les cardinaux Alfrink, Suenens, Marty, etc., ni le Concile en sa totalité collégiale, n’ont vu ni touché ni entendu le Christ. À Vatican II, point d’apparition ni d’illumination ! Le prétendre est une première imposture. Une seconde est de faire comme si l’Esprit-Saint s’était tenu là pour inspirer les Pères à l’égal des Prophètes de l’Ancien Testament et des Apôtres de l’Évangile. » (Georges de Nantes, CRC n° 51, décembre 1971, p. 10)
Le pape François, lui, loin de tout illuminisme, ne cesse de nous exhorter à « toucher » réellement « la chair souffrante du Christ qui se rend visible à travers les innombrables visages de ceux que lui-même appelle “ ces plus petits de mes frères ” (Mt 25, 40-45) » (Message pour la journée mondiale de la paix 2015 ).
II. NI SCHISME
C’est ainsi que le pape François reconstitue l’unité de l’Église par sa charité universelle. « Bien enracinés dans la communion personnelle avec Dieu, dit-il aux religieux et religieuses pour l’ouverture de l’Année de la vie consacrée, soyez des constructeurs infatigables de fraternité, avant tout en mettant en pratique entre vous la loi évangélique de l’amour mutuel, et puis avec tous, spécialement les plus pauvres. Montrez que la fraternité universelle n’est pas une utopie, mais le rêve même de Jésus pour l’humanité tout entière. » (30 novembre 2014)
Tel était aussi « le rêve » du Père de Foucauld, « frère universel ». Et ce « n’est pas une utopie », parce que « la vie consacrée est un don à l’Église, disait déjà Mgr Bergoglio, le 13 octobre 1994 au Synode sur la vie consacrée, elle naît dans l’Église, croît dans l’Église, et est tout orientée vers l’Église ».
« Non, Vénérables Frères, disait saint Pie X, il n’y a pas de vraie fraternité en dehors de la charité chrétienne, qui, par amour pour Dieu et son Fils Jésus-Christ notre Sauveur, embrasse tous les hommes pour les soulager tous et pour les amener tous à la même foi et au même bonheur du Ciel. » (Lettre sur le Sillon, n° 24, CRC n° 47, p. 7)
Aux participants de la rencontre internationale “ Le projet pastoral d’Evangelii gaudium ”, organisée par le Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation, le pape François confie son souci : « Jésus, “ en voyant ces foules, fut saisi de compassion envers elles parce qu’elles étaient désemparées et abattues comme des brebis sans berger ” (Mt 9, 36). Tant de personnes, dans les périphéries existentielles de nos jours, sont “ désemparées et abattues ” et attendent l’Église, nous attendent ! »
À vrai dire, dans notre monde en folie, un seul homme répond à cette attente : notre Saint Père le pape François !
« Comment les rejoindre ? Comment partager avec elles l’expérience de la foi, de l’amour de Dieu, de la rencontre avec Jésus ? » (19 septembre 2014) D’abord, en « confessant » cette foi sans défaillance. Il le rappelle avec insistance aux évêques :
« La mission qui vous est confiée est de paître le troupeau, en marchant selon les circonstances devant, au milieu et derrière. »
Comme Dieu. À l’homélie du 8 septembre 2014, en la fête de la Nativité de la Très Sainte Vierge Marie, le Pape commente la généalogie qui ouvre l’Évangile selon saint Matthieu en présentant la succession des générations d’Abraham à la Vierge Marie, « de laquelle naquit Jésus » (Mt 1, 16). Dieu laisse la Création à ses lois internes pour se développer, mais à l’homme, au sixième jour, il donne « une autre autonomie, un peu différente : la liberté. Et il dit à l’homme d’avancer dans l’histoire. » Et même lorsque l’homme « a mal usé de cette liberté, Dieu lui fait une promesse et l’homme sort du Paradis avec une espérance.
« Son chemin ne se fait pas dans la solitude. Dieu marche avec lui, parce qu’il est le Dieu du temps, il est le Dieu de l’Histoire et il est le Dieu qui marche avec ses enfants. » C’est pourquoi l’autonomie de l’homme n’est pas « une indépendance ».
« Le peuple de Dieu ne peut subsister sans ses pasteurs, évêques et prêtres ; le Seigneur a fait à l’Église le don de la succession apostolique, au service de l’unité de la foi et de sa transmission complète. » (1er décembre, visite ad limina des évêques de Suisse)
Par exemple, si « nous devons cacher notre foi eucharistique sous prétexte de rencontre, nous ne prenons pas suffisamment au sérieux notre patrimoine ni celui de notre interlocuteur ». Ce n’est pas « marcher vers le rétablissement de la pleine communion à laquelle nous tendons ». La remarque ne vaut pas seulement pour la Suisse ! …
Comment avancer sur ce chemin ? Par le « dialogue » et le martyre.
LE DIALOGUE.
« Un authentique dialogue est toujours une rencontre entre des personnes avec un nom, un visage, une histoire ; et pas seulement une confrontation d’idées.
« Cela vaut surtout pour nous, chrétiens, qui savons que la vérité est la personne de Jésus-Christ. L’exemple de saint André qui, avec un autre disciple, a accueilli l’invitation du divin Maître : “ Venez et voyez ”, et “ ils restèrent auprès de lui ce jour-là ” (Jn 1, 39), nous montre avec clarté que la vie chrétienne est une expérience personnelle, une rencontre transformante avec Celui qui nous aime et veut nous sauver. De même, l’annonce chrétienne se répand grâce à des personnes qui, amoureuses du Christ, ne peuvent pas ne pas transmettre la joie d’être aimées et sauvées. »
C’est la raison pour laquelle la vie consacrée est « au cœur de l’Église comme un élément décisif de sa mission, en tant qu’elle exprime l’intime nature de la vocation chrétienne et la tension de toute l’Église Épouse vers l’union avec l’unique Époux » (Lettre apostolique du pape François à tous les consacrés, 2 décembre 2014)
Le pape François en est en lui-même la preuve vivante. Comme successeur de Pierre à qui le Seigneur a confié la tâche de confirmer ses frères dans la foi (Lc 22, 32), et « comme votre frère, consacré à Dieu comme vous », écrit-il à tous les religieux de l’Église catholique romaine (ibid.).
Il les a invités à « revenir aux fondateurs » afin de « garder vivante l’identité, comme aussi pour raffermir l’unité de la famille » et « cueillir l’étincelle inspiratrice, les idéaux, les projets, les valeurs qui les ont mus ».
Comme sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, au plus loin de la grandiloquence de ses prédécesseurs conciliaires, le pape François invite « les religieux et religieuses » à « confesser avec humilité et grande confiance dans le Dieu Amour (cf. 1 Jn 4, 8) sa propre fragilité » et à « la vivre comme une expérience de l’amour miséricordieux du Seigneur ». Comme le Père de Foucauld voulait « crier l’Évangile » par toute sa vie, le Pape veut faire de l’Année de la vie consacrée « une occasion pour crier au monde avec force et pour témoigner avec joie de la sainteté et de la vitalité présentes chez un grand nombre de ceux qui ont été appelés à suivre le Christ dans la vie consacrée ».
La première question que nous pose notre Saint-Père, à nous religieux, modèles du troupeau par vocation, s’inspire de la lettre à l’Église d’Éphèse, dictée par Jésus à saint Jean dans l’Apocalypse : « Jésus est-il vraiment notre premier et unique amour, comme nous nous le sommes proposé quand nous avons professé nos vœux ? C’est seulement s’il en est ainsi que nous pouvons et devons aimer dans la vérité et dans la miséricorde chaque personne que nous rencontrons sur notre chemin, parce que nous aurons appris de Lui ce qu’est l’amour et comment aimer : nous saurons aimer parce que nous aurons son Cœur même. »
Et quel est le fruit de cette communion au Sacré-Cœur de Jésus ? « La compassion qui prenait Jésus quand il voyait les foules comme des brebis dispersées sans pasteur. Comme Jésus, mû par cette compassion, a donné sa parole, a guéri les malades, a donné le pain à manger, a offert sa vie même, de même les fondateurs se sont aussi mis au service de l’humanité à qui l’Esprit les envoyait, selon les manières les plus diverses : l’intercession, la prédication de l’Évangile, la catéchèse, l’instruction, le service des pauvres, des malades. »
Le pape François réussira-t-il à ranimer cet Esprit exténué par cinquante ans de “ Réforme ” conciliaire ? Oui, s’il en appelle au Cœur Immaculé de Marie. Toute la vie de sœur Lucie en porte témoignage. Elle n’a pas “ réformé ” son Carmel, mais elle s’y est consumée d’une ardente dévotion au Cœur Immaculé de Marie comme « le dernier remède » donné au monde pour le sauver de sa folie : « Le saint Rosaire et la dévotion au Cœur Immaculé de Marie étant les ultimes remèdes, cela signifie qu’il n’y en aura pas d’autre. » (au Père Fuentes, 1957 !)
L’ŒCUMENISME DU SANG.
Or, dans la vision du « troisième secret », la Vierge Marie a montré par quel moyen Dieu, notre Père, administrerait cet « ultime remède » : « Sous les deux bras de la Croix, il y avait deux Anges, chacun avec un vase de cristal à la main, dans lequel ils recueillaient le sang des martyrs, et avec lequel ils arrosaient les âmes qui s’approchaient de Dieu. »
Aujourd’hui, non seulement les événements accomplissent cette prophétie, mais ils indiquent au pape François le même « remède » aux divisions qu’il déplore : « Les souffrances endurées par les chrétiens apportent une contribution inestimable à la cause de l’unité. C’est l’œcuménisme du sang, qui demande un abandon confiant à l’action de l’Esprit-Saint. » (Lettre aux chrétiens du Moyen-Orient, 23 décembre 2014)
Le sanctuaire de l’Esprit-Saint est le Cœur Immaculé de Marie. La dévotion du pape François à la Vierge Marie est manifeste. Il lui manque seulement… quoi donc ?
Le 8 décembre dernier, il remarquait que « Marie répond à la grâce et s’abandonne en disant à l’ange : “ Qu’il me soit fait selon ta parole. ” (Lc 1, 38) Elle ne dit pas : “ Je ferai selon ta parole ” :non ! Mais : “ Qu’il me soit fait ” […]. À nous aussi, il est demandé d’écouter Dieu qui nous parle et d’accueillir sa volonté. »
À la bonne heure ! Le Pape va donc « écouter Dieu » qui lui demande de recommander la dévotion réparatrice des cinq premiers samedis, et d’ordonner à tous les évêques du monde en communion avec lui de consacrer la Russie au Cœur Immaculé de Marie… Bientôt ?
À l’Angélus du 21 décembre, commentant la même Salutation angélique, le Pape a loué « la capacité qu’a la Mère du Christ de reconnaître le temps de Dieu. Marie est celle qui a rendu possible l’Incarnation du Fils de Dieu, “ la révélation du mystère enveloppé dans le silence depuis les siècles éternels ” (Rm 16, 25). Elle a rendu possible l’incarnation du Verbe, grâce précisément à son “ oui ”humble et courageux.
« Marie nous enseigne à saisir le moment favorable où Jésus passe dans notre vie et demande une réponse rapide et généreuse. Jésus passe […]. Le Verbe qui a trouvé sa demeure dans le sein de Marie, dans la célébration de Noël vient à frapper nouvellement dans le cœur de chaque chrétien. Chacun de nous est appelé à répondre, comme Marie, avec un “ oui ” personnel et sincère, en se mettant pleinement à la disposition de Dieu et de sa miséricorde, de son amour.
« Combien de fois Jésus passe dans notre vie, et combien de fois il nous envoie un ange, combien de fois, nous ne nous en rendons pas compte parce que nous sommes si pris, plongés dans nos pensées, dans nos affaires, et même en ces jours dans nos préparatifs de Noël, que nous ne nous rendons pas compte qu’Il passe et qu’il frappe à la porte de notre cœur, en demandant accueil, en demandant un “ oui ” comme celui de Marie.
« Un saint disait : “ J’ai peur que le Seigneur passe ! ” Savez-vous pourquoi il avait peur ? Il avait peur de ne pas s’en rendre compte et de le laisser passer. »
Il s’agit de saint Augustin. Le Père Kolbe le cite en effet, lui aussi, dans une lettre du 3 janvier 1927 à ses frères : « Souvenons-nous aussi souvent que la dureté du cœur est une conséquence de l’abus de la grâce divine. Voilà pourquoi saint Augustin dit : “ Je crains le Dieu qui passe, c’est-à-dire la grâce qui passe parce que parfois je la néglige, et je crains d’avoir un jour à rendre compte pour cela. ” »
Le pape François ignorera-t-il encore longtemps la grâce qui passe dans le message de Notre-Dame de Fatima dont nous célébrerons le centenaire en 2017 ? Il vaudrait mieux ne pas attendre que disparaissent tous les chrétiens du Moyen-Orient, dont la Russie est aujourd’hui le seul défenseur sur la scène internationale…
Prions pour que le Saint-Père la consacre au Cœur Immaculé de Marie !
III. NI SCANDALE, SINON CELUI DE LA CROIX
Car ce Pape plein de componction, n’hésite pas à demander pardon pour ses propres manquements ou erreurs et pour ceux des responsables de la Curie, notamment « pour les scandales qui ont fait tant de mal ». Dans le demi-siècle écoulé depuis le Concile c’est une première ! tout inspirée de l’Évangile, au chapitre de la « correction fraternelle » où Jésus « indique l’effort que le Seigneur demande à la communauté pour accompagner celui qui se trompe, afin qu’il ne se perde pas. Il faut d’abord éviter le bruit des faits divers et le potin de la communauté – c’est la première chose, cela. “ Va lui parler seul à seul et montre-lui sa faute. ” (Mt 18, 15)
« Cette attitude est faite de délicatesse, de prudence, d’humilité, d’attention à l’égard de celui qui a commis une faute, en évitant que les paroles blessent et tuent le frère. Car, vous le savez, les paroles aussi peuvent tuer ! Quand je médis, quand je fais une critique injuste, quand j’ “ écorche ” un frère avec ma langue, tout cela c’est tuer la renommée de l’autre ! Les paroles aussi tuent. Faisons attention à cela. » ( Angélus du 7 septembre 2014)
Par exemple, quelques lignes d’un “ vaticaniste ” : dans Le Figaro, en blessant le bon renom du Saint-Père, introduisent la défiance dans l’âme de ses brebis. Mortelle atteinte à son œuvre de restauration de l’unité du troupeau derrière son bon et beau Pasteur !
« Dans le même temps, avoir la discrétion de lui parler seul à seul sert à ne pas mortifier inutilement le pécheur. On en parle à deux, personne ne s’en aperçoit et tout est fini. C’est à la lumière de cette exigence que se comprend aussi la série d’interventions suivantes, qui prévoit l’implication de quelques témoins, puis de la communauté.
« Le but est d’aider la personne à se rendre compte de ce qu’elle a fait, et que par sa faute elle a offensé non seulement une personne, mais tous. »
Le fruit de la “ correction fraternelle ” ainsi conçue est de désarmer « la colère ou le ressentiment, qui portent à insulter et à attaquer. Il est très laid de voir sortir de la bouche d’un chrétien une insulte ou une agression. C’est laid. Entendu ? [murmure approbateur des cinquante mille personnes massées place Saint-Pierre, sous la fenêtre du Saint-Père]. Pas d’insulte ! Insulter n’est pas chrétien. Entendu ? Insulter n’est pas chrétien. »
Le Pape y revient le 12 septembre, à l’homélie de sa Messe quotidienne, en commentant l’Évangile de la paille et de la poutre (Lc 6; 39-42) :
« On ne peut pas corriger une personne sans amour et sans charité. On ne peut pas faire une intervention chirurgicale sans anesthésie : le malade mourrait de douleur. La charité est comme une anesthésie qui aide à recevoir les soins et à accepter la correction. » Il s’agit de parler avec douceur, avec amour, en vérité, sans « calomnies » ni « commérages ». « La vérité dite avec charité et amour est plus facile à accepter. » (12 septembre 2014)
« En réalité, devant Dieu nous sommes tous pécheurs et nous avons besoin du pardon. Tous. Jésus en effet nous a dit de ne pas juger. La correction fraternelle est un aspect de l’amour et de la communion qui doivent régner dans la communauté chrétienne, c’est un service réciproque que nous pouvons et devons nous rendre les uns aux autres. Corriger le frère est un service, qui n’est possible et efficace que si chacun reconnaît qu’il est pécheur et qu’il a besoin du pardon du Seigneur. La même conscience qui me fait reconnaître la faute de l’autre me rappelle d’abord que j’ai moi-même fait des fautes et que je fais si souvent des fautes. » (7 septembre).
C’est pourquoi « celui qui corrige doit aussi s’abstenir de “ faire le juge ” », ajoute le Pape, en observant que les chrétiens ont souvent « la tentation de se prendre pour des Docteurs, de se situer en dehors du jeu du péché et de la grâce, comme s’ils étaient des anges » (12 septembre).
En définitive, « c’est l’Esprit-Saint qui parle à notre esprit et nous fait reconnaître nos fautes à la lumière de la parole de Jésus ».
Ce sentiment intime ne quitte pas le Saint-Père. Aux Philippines, à Tacloban, sur l’île de Leyte, dévastée par le typhon Yolanda en novembre 2013, « la Messe a été pour moi un moment très fort, confie‑t‑il. Voir tout le peuple de Dieu, là, immobile, en train de prier, après cette catastrophe, penser à mes péchés, et à ces gens… Au moment de la Messe, je me suis senti comme anéanti, j’avais presque de la peine à parler. » (19 janvier 2015, dans l’avion de retour de Manille à Rome)
Mais il y a plus grave que les péchés du Saint-Père ! Le scandale, a expliqué le Pape, à l’homélie du 10 novembre 2014, c’est « afficher un style de vie : “ Je suis chrétien ”, et puis vivre comme un païen qui ne croit en rien. »
Alors que le chrétien doit être tel que l’Ancien décrit par saint Paul : “ Un homme sans reproche[…]; il ne doit être ni arrogant, ni coléreux, ni buveur, ni violent, ni avide de propos malhonnêtes ; il doit ouvrir sa maison à tous, être ami du bien, raisonnable, juste, saint, maître de lui… ” (Tt 1, 1-9)
En effet, « la foi confessée » doit être « vécue » :
« Quand un chrétien ou une chrétienne, qui va à l’Église, qui va en paroisse, ne vit pas comme tel, il scandalise […]. Le scandale détruit la foi ! »
De même, « un chrétien qui n’est pas capable de pardonner scandalise : il n’est pas chrétien ». Selon la parole du Christ « Si ton frère a commis une faute contre toi, fais-lui de vifs reproches et, s’il se repent, pardonne-lui. Même si sept fois par jour il commet une faute contre toi, et que sept fois de suite il revienne à toi en disant : “ Je me repens ”, tu lui pardonneras.
« Tant de familles sont divisées parce qu’on ne s’y est pas pardonné ! Enfants éloignés des parents, maris éloignés des femmes… »
« Sans la foi on ne peut vivre sans scandaliser et en pardonnant toujours ». Et cette « lumière de la foi » est un don : « Personne ne peut avoir la foi par les livres ou en allant à des conférences. La foi est un don de Dieu. »
Et ce don est gratuit ! Nous lisons dans l’Évangile que Jésus expulse les marchands du Temple profané par « le grave péché qu’est le scandale de la maison de Dieu qui devient un lieu d’affaires ». Suivez mon regard… C’était le 21 novembre, en la fête de la Présentation de la Vierge Marie :
« Le peuple de Dieu sait pardonner à ses prêtres lorsqu’ils ont une faiblesse, lorsqu’ils tombent dans un péché… Mais il y a deux choses qu’il ne peut pardonner : un prêtre attaché à l’argent et un prêtre qui maltraite les gens. »
Aussi le Pape a-t-il conclu en souhaitant que Marie enseigne aux chrétiens « à garder le Temple propre, à recevoir avec amour ceux qui viennent, comme si chacun d’eux était la Vierge Marie ».
Dans sa catéchèse du 29 octobre sur l’Église, « réalité visible », le Pape enseigne ce mystère : « Malgré nos limites et notre pauvreté, le Seigneur a fait de nous des instruments de grâce et le“ signe ” visible de son amour pour toute l’humanité. Oui nous pouvons devenir motif de scandale, mais nous pouvons aussi devenir motif de témoignage, en disant par notre vie ce que Jésus veut de nous. »
C’est pourquoi le Pape a déclaré la guerre aux « bavardages », aux « murmures », aux « commérages » si contraires à ce « témoignage ». Il ne cesse d’y revenir. C’est le point numéro 9 de ses “ vœux ” à la Curie ! C’est une « maladie grave qui commence simplement, peut-être seulement pour échanger quelques mots, et elle s’empare de la personne en la faisant devenir “ semeur de zizanie ” (comme Satan) et, dans beaucoup de cas, “ homicide de sang-froid ” de la réputation de ses collègues et de ses confrères. »
Le ton du Pape est pathétique : « Frères, gardons-nous du terrorisme des bavardages ! »
Et il en avertit les millions d’abonnés à son tweet : « Le commérage est une bombe que l’on jette sur la communauté et qui la détruit. » (30 décembre 2014)
En revanche, il est un “ scandale ” réparateur.
LE SCANDALE DE LA CROIX.
Par la Croix, « Dieu transmet sa force de guérison qui est sa miséricorde, plus forte que le venin du tentateur », explique le Pape aux jeunes mariés qui ont échangé leurs consentements en sa présence, à Saint-Pierre, le 14 septembre, en la fête de l’Exaltation de la Sainte Croix.
Dans son homélie, le Pape a comparé la famille à ce peuple hébreu en marche dans le désert :
« Ce peuple fait penser à l’Église en marche dans le désert du monde d’aujourd’hui, Peuple de Dieu composé en majorité de familles. »
Le Pape commente le récit biblique :
« À un certain point, “ le peuple n’a pas supporté le voyage ” (cf. Nb 21, 4). Ils sont fatigués, l’eau manque et ils mangent seulement la “ manne ”, une nourriture prodigieuse, donnée par Dieu, mais qui en ce moment crucial semble insuffisante. Alors ils se lamentent et protestent contre Dieu et contre Moïse : “ Pourquoi nous avez-vous fait partir ?… ” (cf. Nb 21, 5) Il y a la tentation de revenir en arrière, d’abandonner le chemin.
« Cela fait penser aux couples qui “ ne supportent pas le voyage ” de la vie conjugale et familiale. La fatigue du chemin devient une lassitude intérieure ; ils perdent le goût du mariage, ils ne puisent plus l’eau de la source du sacrement. La vie quotidienne devient pesante, et souvent “ écœurante ” », comme la “ manne ” dont les juifs se dégoûtèrent…
« En ce moment de désarroi, dit la Bible, surviennent les serpents venimeux qui mordent les gens, et beaucoup meurent. Ce fait provoque le repentir du peuple, qui demande pardon à Moïse et lui demande de prier le Seigneur pour qu’il éloigne les serpents. Moïse supplie le Seigneur et celui-ci donne le remède : un serpent de bronze, suspendu à une hampe ; quiconque le regarde sera guéri du venin mortel des serpents.
« Que signifie ce symbole ? Dieu n’élimine pas les serpents, mais il offre un “ antidote ” : à travers ce serpent de bronze, fait par Moïse. »
Qu’est ce mystère ? C’est la figure de celui de la Rédemption. « Jésus s’est identifié à ce symbole » qui est la figure de sa propre vocation de Rédempteur : « En effet, explique le Pape, le Père, par amour, l’a “ donné ” aux hommes, Lui, le Fils unique, pour qu’ils aient la vie (cf. Jn 3, 13-17); et cet amour immense du Père pousse le Fils, Jésus, à se faire homme, à se faire serviteur, à mourir pour nous et à mourir sur une croix ; à cause de cela, le Père l’a ressuscité et lui a donné la domination sur tout l’univers. Ainsi s’exprime l’hymne de la Lettre de saint Paul aux Philippiens (2, 6-11). Celui qui se confie à Jésus crucifié reçoit la miséricorde de Dieu qui guérit du venin mortel du péché. »
Application où nous retrouvons tout l’enseignement de Georges de Nantes, notre Père, sur le mariage : « Le remède que Dieu offre au peuple vaut aussi, en particulier, pour les époux qui “ ne supportent pas le chemin ” et sont mordus par les tentations du découragement, de l’infidélité, de la régression, de l’abandon… À eux aussi, Dieu le Père donne son Fils Jésus, non pour les condamner, mais pour les sauver : s’ils se confient à Lui, il les guérit par l’amour miséricordieux qui surgit de sa croix, par la force d’une grâce qui régénère et remet en chemin, sur la route de la vie conjugale et familiale. »
Le synode sur la famille a donné l’occasion au pape François de mettre en garde, dans son discours de clôture de la première session, contre « la tentation de descendre de la Croix, pour faire plaisir aux gens », au lieu d’y rester attaché pour faire plaisir au Père (18 octobre 2014).
LA VICTOIRE DE LA CROIX, NOTRE SEULE ESPÉRANCE.
À l’Angélus du dimanche 14 septembre, en la fête de l’Exaltation de la Sainte Croix, le Pape a déclaré : « Un non-chrétien pourrait nous demander : Pourquoi “ exalter ” la Croix ?
« Nous pouvons répondre que nous n’exaltons pas n’importe quelle croix : nous exaltons la Croix de Jésus, parce qu’en elle s’est révélé au plus haut point l’amour de Dieu pour l’humanité : “ Dieu a tant aimé le monde qu’il lui a donné son Fils unique. ” (Jn 3, 16) Le Père a “ donné ” le Fils pour nous sauver, et cela a comporté la mort de Jésus et sa mort sur la Croix.
« Pourquoi la Croix a-t-elle été nécessaire ? À cause de la gravité du mal qui nous tenait esclaves. La Croix de Jésus exprime ces deux choses : toute la force négative du mal, et toute la douceur toute-puissante de la miséricorde de Dieu. La Croix semble déclarer la faillite de Jésus mais, en réalité, elle marque sa victoire.
« Sur le Calvaire, ceux qui se moquaient de lui disaient : “ Si tu es le Fils de Dieu, descends de la croix. ” (Mt 27, 40) Mais c’est l’inverse qui était vrai : c’est précisément parce qu’il était le Fils de Dieu, que Jésus était là, sur la Croix, fidèle jusqu’au bout au dessein d’amour du Père. Et c’est justement pour cela que Dieu a “ exalté ” Jésus (Ph 2, 9), en lui conférant une royauté universelle.
« Et quand nous tournons notre regard vers la croix où Jésus a été cloué, nous contemplons le signe de l’amour, de l’amour infini de Dieu pour chacun de nous et la racine de notre salut. De cette Croix jaillit la miséricorde du Père qui embrasse le monde entier. Par la Croix du Christ, le Malin est vaincu, la mort est battue, la vie nous est donnée, l’espérance revit. C’est important : par la Croix du Christ, l’espérance nous est redonnée. La Croix de Jésus est notre seule espérance !
« Voilà pourquoi l’Église “ exalte ” la Sainte Croix, voilà pourquoi nous, chrétiens, nous bénissons par le signe de Croix. C’est-à-dire que nous “ n’exaltons pas ” les croix, mais la Croix glorieuse de Jésus, signe de l’immense amour de Dieu, signe de notre salut et chemin vers la Résurrection. Voilà notre espérance.
« Et quand nous contemplons et célébrons la Sainte Croix, nous pensons avec émotion à nos si nombreux frères et sœurs qui sont persécutés et tués à cause de leur foi en Jésus-Christ. » (14 septembre 2014)
La vision du “ troisième secret ” de Notre-Dame de Fatima nous en avertit depuis bientôt cent ans :
À la suite d’ « un Évêque vêtu de Blanc » dont « nous eûmes le pressentiment que c’était le Saint-Père », écrit Lucie, « plusieurs autres évêques, prêtres, religieux et religieuses gravissaient une montagne escarpée, au sommet de laquelle était une grande Croix de troncs bruts comme si elle était en chêne-liège avec l’écorce. Le Saint-Père, avant d’y arriver, traversa une grande ville à moitié en ruine et, à moitié tremblant, d’un pas vacillant, affligé de douleur et de peine, il priait pour les âmes des cadavres qu’il trouvait sur son chemin. Parvenu au sommet de la montagne, prosterné à genoux au pied de la grande Croix, il fut tué par un groupe de soldats qui lui tirèrent plusieurs coups et des flèches. Et de la même manière moururent les uns après les autres les évêques, prêtres, religieux et religieuses, et divers laïcs, des messieurs et des dames de rangs et de conditions différentes.
« Sous les deux bras de la Croix, il y avait deux Anges, chacun avec un vase de cristal à la main, dans lequel ils recueillaient le sang des martyrs, et avec lequel ils arrosaient les âmes qui s’approchaient de Dieu. »
Ainsi s’achève le grand “ secret ” confié le 13 juillet 1917 à trois enfants. Notre-Dame ajouta ceci que les événements dramatiques des 7, 8 et 9 janvier marquent d’une actualité urgente :
« Quand vous récitez le chapelet, dites après chaque mystère : “ Ô mon Jésus, pardonnez-nous, préservez-nous du feu de l’enfer, attirez au Ciel toutes les âmes, surtout celles qui en ont le plus besoin. ” »Ainsi soit-il !
frère Bruno de Jésus-Marie