Yves Chiron - Aletheia - 6 février 2015
L’historien Jean de Viguerie a donné, le 6 août dernier à Fanjeaux, une conférence sur Jean Madiran. Le texte de cette conférence a été publié dans Présent les 21 et 28 novembre suivants. Jean de Viguerie, à la fin de sa conférence, reconnaît: «je connaissais bien les écrits de Madiran, mais très peu sa personne».
L’historien Jean de Viguerie a donné, le 6 août dernier à Fanjeaux, une conférence sur Jean Madiran. Le texte de cette conférence a été publié dans Présent les 21 et 28 novembre suivants. Jean de Viguerie, à la fin de sa conférence, reconnaît: «je connaissais bien les écrits de Madiran, mais très peu sa personne».
Cela se voit, et l’on constate aussi qu’il connaît mieux les écrits de la période 1960-1980 que les écrits des trois décennies qui ont suivi. C’est dommage, car cela amène l’historien à des jugements sommaires, à des opinions erronées et, même, à porter une accusation injuste voire injurieuse.
On passera sur les affirmations contestables : « Il était d’humeur changeante et cela lui a fait perdre du crédit et des abonnés » ou « il n’a pas toujours compris, à mon, humble avis, la profondeur de l’enracinement de la Révolution de 1789 » [1]. De ces jugements sur la personne de Jean Madiran, on peut discuter. Il serait stupide de faire de Jean Madiran un saint dans sa vie personnelle et un docteur infaillible dans tous ses écrits.
Mais d’autres affirmations sont historiquement erronées, et déforment ce que fut, ce que pensa et ce que fit Jean Madiran :
- Jean de Viguerie affirme: «Les évêques n’ont jamais voulu l’entendre». Certes, Jean Madiran, qui l’avait demandé, n’a jamais été admis à s’exprimer devant la Conférence des évêques de France, comme d’autres laïcs ont été invités à le faire en certaines circonstances. Mais il a été reçu par certains évêques dès les années 1950 (par Mgr Chappoulie, par exemple, qui était évêque d’Angers et abonné d’Itinéraires). Sa correspondance, dont je suis le dépositaire, atteste qu’il a entretenu avec certains évêques, jusqu’aux années récentes, des échanges de lettres.
- Jean de Viguerie affirme : « Aucun pape ne l’a reçu ». Certes, Jean Madiran n’a pas bénéficié, à la différence d’autres laïcs français, d’audiences privées de Paul VI, de Jean-Paul II ou de Benoît XVI. Mais il n’a pas été complètement méconnu, tenu à l’écart, voire méprisé. Le 3 octobre 2007, lors d’une audience publique Place Saint-Pierre, Benoît XVI a salué Jean Madiran et a échangé quelques mois avec lui. Une photographie en témoigne. Qui connaît un peu le fonctionnement du Vatican, des audiences, des photographies officielles (c’est le cas de celle-ci), comprend que cette rencontre, même brève, n’est pas due au hasard. Cette rencontre entre Benoît XVI et Jean Madiran n’était certainement pas une reconnaissance de tout ce qu’a fait et dit Jean Madiran, c’était au moins un hommage qui allait au-delà de la simple politesse. Jean Madiran, j’en ai parlé avec lui, l’avait perçue comme cela. La photographie en a paru à la une de Présent quelque temps plus tard, et figure en couverture du tome I des Chroniques sous Benoît XVI (2010). Mais Jean de Viguerie n’a sans doute vu ni l’une ni l’autre de ces publications.
- Jean de Viguerie écrit encore : « Il fut méconnu même après sa mort et par certains qu’il croyait être des siens. Des homélies prononcées à ses obsèques offensent sa mémoire ». Là l’historien se fait accusateur. Il dit rien moins que lors des obsèques de Jean Madiran le prédicateur a trahi sa mémoire et sa pensée. Des «homélies» prononcées le 5 août 2013, à Notre-Dame des Armées à Versailles, il n’y en eut qu’une, bien sûr. Celle prononcée par Dom Louis-Marie, Père Abbé du Barroux. Il n’a pas «offensé la mémoire» de Jean Madiran comme l’en accuse, si injurieusement Jean de Viguerie. Jean Madiran connaissait Dom Gérard, le fondateur de ce qui deviendra l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux, depuis les années 1940. Jean Madiran a été pendant une trentaine d’années oblat du monastère Sainte-Madeleine – sous le nom de frère Jean-Baptiste –, pendant l’abbatiat de Dom Gérard comme sous celui de son successeur, Dom Louis-Marie. Essayer d’opposer les positions de celui-ci, son sens élevé de l’Eglise, aux positions de Jean Madiran est une mauvaise oeuvre.
Pour réparer un peu l’outrage fait à Dom Louis-Marie, et pour rétablir dans sa vérité l’action et la pensée de Jean Madiran, je publie la belle et juste préface que Jeanne Smits a donnée au 2e volume des Chroniques sous Benoît XVI qui vient de paraître [2].
Yves Chiron
----------
[1] Affirmation contredite par le dernier article paru par Jean Madiran dans Présent et que rappelle Jeanne Smits dans le texte publié ci-dessous.
[2] Jean Madiran, Chroniques sous Benoît XVI, tome II (2010-2013), Via Romana (5 rue du Maréchal Joffre, 78000 Versailles), 397 pages, 34 €.