11 février 2015

[Paix Liturgique] A Pélussin l’expérience durable de la paix liturgique

SOURCE - Paix Liturgique - Lettre 476 - 11 février 2015
Dans notre lettre 474, consacrée aux vœux de paix du pape François, nous écrivions : « En dépit de l’ostracisme qui perdure, les exemples de concorde et de paix durablement installées sont toujours plus nombreux. Partout où l’expérience de la forme extraordinaire a été tentée honnêtement par les curés, celle-ci a été couronnée de succès.Non seulement les réactions négatives sont limitées mais, surtout, les tensions finissent toujours par s’estomper dès lors que les préjugés, souvent nourris par la méconnaissance du prochain, tombent. »

Cette semaine, c’est à un de ces exemples que nous consacrons notre lettre : Pélussin, chef-lieu de canton du département de la Loire, sur les contreforts du massif du Pilat. Apparue dans une ferme dans les années 70 avec l’appui de la naissante Fraternité Saint-Pie-X, la messe traditionnelle est célébrée depuis le Motu Proprio Summorum Pontificum en l’église Notre-Dame, une des deux églises du bourg, dans la paix et la concorde grâce au curé de l’époque, le père François Reynard, devenu depuis vicaire général du diocèse de Saint-Étienne.

I – L’HISTOIRE D’UNE RÉSISTANCE PATIENTE

Première messe de l'abbé
Roseau (FSSP) à Pélussin
Dans les années 70, ne supportant plus les abus commis dans le nouveau rite, une famille d’agriculteurs de Pélussin se met en relation avec le père Bernard Waltz, l’un des premiers prêtres ordonnés par Mgr Lefebvre à Écône. Celui-ci, vite épaulé par l’abbé Chassagne, autre prêtre issu d’Écône, accepte dès lors de venir célébrer la liturgie traditionnelle dans la ferme de la famille où se retrouve un noyau de fidèles.

Devant l’augmentation numérique de la petite communauté (enfants obligent !), un accord est passé avec le maire d’une commune voisine qui met une chapelle proche de son village à disposition de la communauté. C’est ainsi que, pendant près de 25 ans, la messe sera célébrée en la chapelle Notre-Dame de Roisey jusqu’à ce qu’un beau jour, à la suite de la grande tempête de 1999, une nouvelle municipalité ne décide, sous prétexte de travaux urgents à réaliser, de revenir sur cet accord (1).

Contraints de trouver un nouveau lieu de culte, les fidèles entreprennent alors de se rapprocher de l’évêché. Canoniquement, leur situation est en effet en règle puisque l’abbé Chassagne, leur principal desservant, fait partie désormais de la Fraternité Saint-Pierre (FSSP). De fait, l’évêque de Saint-Étienne, à l’époque Mgr Joatton, prête une oreille secourable aux doléances de la communauté et demande au curé de Pélussin de bien vouloir lui ouvrir l’église Notre-Dame, l’une des deux églises du village, où aucune messe n’est célébrée le dimanche matin.

Ledit curé opposant un refus catégorique à cette invitation épiscopale, Mgr Joatton décide de suppléer en autorisant la communauté à célébrer la messe dominicale « en n’importe quel lieu ». Forts de ce blanc-seing épiscopal et n’ayant pas oublié que leur histoire avait commencé dans une ferme, les fidèles décident de profiter de l’hospitalité que leur offre une habitante du village dans sa maison, à quelques mètres de l’église Notre-Dame.

En 2006, alors que la rumeur se répand d’un texte en préparation à Rome en vue de libérer la messe traditionnelle, Pélussin accueille un nouveau curé : le père François Reynard. Précédemment curé de Marlhes, village de saint Marcellin Champagnat, où l'abbé Chassagne et la Fraternité Saint-Pierre organisent chaque année une colonie pour enfants – la Colonie Saint-Bernard –, le père Reynard avait eu l'occasion de connaître les prêtres et les familles de la FSSP. Chaque année, les enfants de la colonie font en effet un petit pèlerinage à pied jusqu'à la chapelle du Rosay, dédiée au père Champagnat, où une messe traditionnelle est célébrée avec l'accord du curé de Marlhes. Le père Reynard n'est donc pas un inconnu pour les fidèles de Pélussin qui, début 2007, lors d’une visite pastorale de Mgr Lebrun, successeur de Mgr Joatton à la tête du diocèse, décident d'exposer à l’évêque les conditions dans lesquelles ils se trouvent. 

Peu de temps après, à l'occasion d'un baptême, le père Reynard manifeste aux familles liées à la messe traditionnelle son désir de mieux les connaître. Une rencontre est alors organisée au presbytère, le 15 avril 2007. Le courant passe bien, ce qui permet aux fidèles de retracer librement au curé l’histoire de leur communauté, trop souvent marginalisée en raison de sa sensibilité liturgique. Les fidèles expliquent aussi au père Reynard que des ponts existent déjà entre leur groupe et la communauté paroissiale, par liens de famille ou de voisinage. De plus, différentes messes de mariage ainsi que la première messe d’un prêtre de la FSSP natif de Pélussin, l'abbé Roseau, ont déjà été célébrées en l’église Notre-Dame, en présence d’une nombreuse assemblée, sans créer d'émoi dans le village. 

S’appuyant sur une lettre pastorale de Mgr Lebrun qui évoque l’imminente publication d’un texte de Benoît XVI, et prenant en considération les témoignages favorables recueillis auprès de laïcs engagés dans la paroisse, le père Reynard assure les fidèles de son désir de régulariser la situation. Une solution est même immédiatement entrevue puisque le curé entend profiter de travaux dans l’église paroissiale (Saint-Jean) pour ramener la messe dominicale à l’église Notre-Dame. Comme les fidèles traditionnels ont leur messe à 8h15 et que celle de la paroisse est à 10h30, il lui apparaît aussitôt que les deux célébrations pourraient s’enchaîner sans inconvénient

À l’issue de cette réunion, le curé demande seulement aux familles un peu de temps pour rendre compte du projet à son évêque et préparer, ensuite, les paroissiens habituels à cet arrangement.

« Nous lui avons répondu, témoigne un fidèle présent, que désormais le temps presse car il n’est pas normal, eu égard à la dignité du culte, que perdure cette situation, qu’une messe dominicale soit célébrée dans une maison particulière à moins de cent mètres d’une église paroissiale vide. Cela est d’autant plus urgent que nous attendons depuis bien longtemps, patiemment, sans faire de bruit, dans la paix, sans jamais manifester, et que le temps est venu, à présent, d’inscrire notre démarche dans le sens du désir du Saint-Père, relayé par notre évêque. »

La publication, puis l’entrée en vigueur du Motu Proprio Summorum Pontificum de Benoît XVI au cours de l’été 2007 viennent à point nommé conforter le père Reynard dans sa position. C’est donc dans un climat paroissial bienveillant que la messe traditionnelle, « selon la forme extraordinaire du rite romain » comme la qualifie désormais le texte pontifical, peut enfin être célébrée de façon régulière en l’église Notre-Dame de Pélussin à compter de l’Avent 2007.

Depuis cette date, les fidèles assurant le service musical, la messe est chantée tous les dimanches et jours de fête à 8h15 dans ce gros village de campagne. Les familles fondatrices du groupe ayant forcément vieilli au cours de ces plus de 35 ans de résistance, une nouvelle génération de fidèles apparaît peu à peu, pour lesquelles la messe traditionnelle n’est plus un trésor à conserver mais à découvrir.

II – LES RÉFLEXIONS DE PAIX LITURGIQUE

1) Paisible, silencieuse... mais résolue. Telle apparaît la longue résistance des familles de Pélussin attachées à la messe traditionnelle. En effet, malgré les difficultés et les oppositions, ils ont toujours su s’organiser pour maintenir leur célébration dominicale. Il faut dire qu’ils ont bénéficié dès le départ de prêtres ayant fait le choix d’Écône au début des années 70, donc prêts, et habitués, à tous les sacrifices pour pouvoir offrir « la messe de toujours » aux fidèles qui le demandaient. Néanmoins, que ce soit lors des discussions avec le maire de Roisey ou, plus tard, avec Mgr Joatton et, encore plus tard, avec le père Reynard, ils n’ont jamais hésité à recourir aux autorités administratives comme ecclésiastiques pour améliorer leur sort et bénéficier d’un lieu de culte digne et légitime.

2) Nous ne connaissons pas le père Reynard mais le portrait qui lui est consacré sur le site du diocèse nous donne quelques indices : étudiant en mai 68, ordonné dans les années 70, longtemps responsable de la pastorale des jeunes dans la ville ouvrière de Firminy, portant chemise à carreaux... son parcours et son style sont typiques de ceux des prêtres de l’après-Concile. Toutefois, à la différence de tant d’autres, il est véritablement un homme d’écoute et de concorde. C’est en tout cas ce dont témoignent volontiers les fidèles de Pélussin. Si l’écoute est une qualité rare chez nos pasteurs, l’écoute sincère – celle qui consiste à se mettre dans la disposition d’esprit et de cœur non seulement d’entendre la demande d’autrui mais aussi d’y répondre le plus favorablement possible – l’est encore plus. Or le père Reynard, aujourd’hui vicaire général du diocèse de Saint-Étienne, a démontré savoir la pratiquer pour le plus grand bien des fidèles de Pélussin, ordinaires comme extraordinaires. Grâces lui soient rendues !

3) Ajoutons que l’attitude compréhensive des évêques successifs de Saint-Etienne, Mgr Joatton puis Mgr Lebrun, à partir de 2006, a favorisé l’heureuse évolution. À cela a correspondu le profil des prêtres desservants. Toutefois, malgré ces éléments favorables, il a tout de même fallu plus de 35 ans de patience pour que la situation de la messe célébrée selon la forme extraordinaire soit pleinement établie à Pélussin.

4) Quand la plupart des églises rurales de France ferment les unes après les autres et que les clochers sont regroupés en ensembles paroissiaux sur une échelle toujours plus vaste, qu’il y ait encore deux messes dominicales dans un bourg de 3 500 habitants devrait faire réfléchir nos pasteurs. Nous l’avons souvent écrit et l’exemple de Pélussin le confirme une fois de plus : plus l’offre est large, mieux répondent les fidèles. Au droit, à la charité, à la paix s’ajoute en effet un autre argument en faveur de l’application de Summorum Pontificum : la ré-évangélisation.

(1) C’était en 2002. Treize ans plus tard, la chapelle est toujours fermée au culte...