SOURCE - Mathilde Leleu - La Voix du Nord - 2 mars 2015
Dans la nuit du 6 au 7 août, ils ont fui leur village du nord de l’Irak pour échapper à Daesh. Pendant six mois, Rana, Jinan et leurs trois enfants survivent dans un camp, aux crochets de l’aide internationale. Ils sont enfin arrivés à Liévin, il y a une semaine, hébergés par la communauté religieuse de Riaumont.
Dans la nuit du 6 au 7 août, ils ont fui leur village du nord de l’Irak pour échapper à Daesh. Pendant six mois, Rana, Jinan et leurs trois enfants survivent dans un camp, aux crochets de l’aide internationale. Ils sont enfin arrivés à Liévin, il y a une semaine, hébergés par la communauté religieuse de Riaumont.
Avant d’arriver à Riaumont il y a quelques jours, ces cinq-là ont traversé l’enfer. Sur les visages des membres de cette famille irakienne, des sourires pourtant. Ils se disent chanceux d’être arrivés en France, en sécurité, ensemble. « Quand nous sommes montés dans l’avion, nous avons su que la lumière allait de nouveau briller pour nous », confie encore ému le père, Jinan, 54 ans. Il sait qu’il revient de très loin.
Avec sa femme et ses trois enfants, Jinan vivait à Karakosh, au nord de l’Irak. Ses enfants à l’école, sa femme couturière, lui à la tête de sa petite confiserie, les douze années passées dans les geôles iraniennes n’étaient plus qu’un très lointain souvenir. Une vie presque normale en somme, jusqu’à cette nuit du 6 août 2014. « Les prêtres ont toqué à nos portes et nous ont dit de fuir. Nous sommes partis sur le coup, sans rien d’autre que nos vêtements», se souvient Rana. Avec des centaines d’autres chrétiens, ils partent direction Ankawa au Kurdistan, immense camp de réfugiés à ciel ouvert. Sept heures pendant lesquelles la peur, l’entassement des corps, la chaleur sont insupportables. « Certains sont morts de soif », confie Rana. À Ankawa, la famille dort dans la rue, puis sous tente, et se nourrit des dons de l’aide humanitaire. Ils y restent six mois avant d’enfin obtenir le Graal : des visas pour quitter le pays. Direction la France. « Nous avions de la famille ici. Et puis la France est une terre d’accueil, non ? Nous savions que nous serions en sécurité ici.»
La famille doit son salut à l’homme qui leur fait face : père Argouac’h, prieur de Riaumont, une veste de cuir au-dessus de la soutane. « Ça faisait longtemps que je voulais faire quelque chose. Nous avions cette maison qui servait de lieu de réunion. On a décidé de les accueillir. » Rana le regarde pleine de gratitude. Elle lui doit sa vie et celle de ses enfants. «Les miliciens de Daesh ont enlevé des enfants, violé des petites filles. Ils se sont filmés en train de détruire les églises, les statues, et de planter le drapeau islamique à la place. Si on n’était pas partis, ils nous auraient tous tués. » Derrière elle, le regard de Noor, treize ans, se perd. Il ne se plaint pas, se dit « heureux d’être là », dans ce pays dont il ne connaît encore rien, ne parle pas la langue. D’ici une semaine, il rejoindra les jeunes du village d’enfants de Riaumont avec son frère. Émily, la petite sœur, rejoindra l’école Sainte-Thérèse de Lens.