SOURCE - Pierre Jova - La Vie - 20 mars 2015
En ordonnant un évêque sans autorisation ni de Rome, ni de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X (FSSPX), dont il a été exclu, Richard Williamson sort du phénomène catholique traditionaliste. Il devient le leader d’un groupuscule dissident.
En ordonnant un évêque sans autorisation ni de Rome, ni de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X (FSSPX), dont il a été exclu, Richard Williamson sort du phénomène catholique traditionaliste. Il devient le leader d’un groupuscule dissident.
Né dans le Buckinghamshire en 1940, Richard Williamson est le deuxième enfant d’une famille de trois garçons. Les Williamson sont plutôt aisés : le père est vendeur chez Marks & Spencer, le jeune Richard accomplit ses études à l’université de Winchester, et reçoit un diplôme en littérature de Cambridge. L’étudiant choisit de professer l’anglicanisme, alors que son père est presbytérien (calviniste), et sa mère adepte de la Science chrétienne, une confession américaine dérivée du protestantisme.
Parlant français, allemand et espagnol, Richard Williamson est envoyé comme enseignant au Ghana, puis à Londres. Après sa rencontre avec le Père John Flanagan, un missionnaire irlandais, il rejoint l’Eglise catholique en 1971, et se dirige vers la prêtrise. Il est refusé par l’Oratoire pour son caractère éruptif : « toi, tu ne sais pas fermer ta gueule », lui dit alors son mentor, le Père Flanagan. Williamson rejoint en 1972 le séminaire d’Ecône, où Mgr Marcel Lefebvre forme les prêtres de la FSSPX. Fondée deux ans auparavant, la FSSPX n'est alors pas encore sortie des clous de la discipline romaine. Le P. Williamson est ordonné prêtre par l’évêque français en 1976. Il devient à partir de 1983 recteur du séminaire américain de la FSSPX,.
En 1987, Mgr Lefebvre le choisit comme futur évêque, aux côtés des abbés Galarreta, Fellay, et Tissier de Mallerais. Ils sont ordonnés l’année suivante, et excommuniés par Rome. Le schisme lefebvriste est consommé.
Richard Williamson demeure recteur du séminaire américain de la FSSPX pendant 15 ans, puis prend la direction du séminaire de La Reja, en Argentine, en 2003. En tant qu’évêque, il voyage beaucoup dans le monde, pour visiter les fidèles lefebvristes. Williamson affirme déjà son indépendance par rapport à Mgr Bernard Fellay, supérieur de la FSSPX depuis la mort de Mgr Lefebvre en 1991.
De plus en plus isolé
Il sort vraiment de l’anonymat mondial avec une interview à la télévision suédoise, enregistrée en novembre 2008. En effet, l’évêque lefebvriste est venu au séminaire allemand de la FSSPX, à Zaitzkofen, pour procéder à l’ordination diaconale de Sten Sandmark, ancien pasteur luthérien suédois. Devant la caméra, il estime qu’il n’y a pas de « preuves historiques » de l’existence des chambres à gaz nazies. Williamson n’en est pas à son coup d’essai sur le sujet : il est un sympathisant déclaré de l’auteur négationniste allemand Ernst Zündel. En 1991, il conseillait à ses ouailles de lire les Protocoles des Sages de Sion, pamphlet antisémite russe du début du XXe siècle. Enfin, il affirme que les attentats du 11 septembre 2001 sont l’œuvre d’un complot « judéo-maçonnique ».
L’interview est diffusée le 21 janvier 2009, le même jour de la levée par Rome des excommunications sur les évêques lefebvristes. Devant le tollé, le supérieur de la FSSPX, Mgr Bernard Fellay, désavoue publiquement Williamson. Les deux autres évêques lefebvristes ne le défendent pas, confirmant sa position minoritaire et isolée au sein de la FSSPX.
Expulsé d’Argentine, Williamson se réfugie à Londres, où il reçoit toutefois nombre de visiteurs : ses sorties lui valent d’être populaire dans les réseaux complotistes. Le site d’Alain Soral Egalité & Réconciliation le sollicite pour des entretiens, le dernier datant de février 2015. Dans un accent d’universitaire distingué, Richard Williamson y dénonce la « pourriture » du monde moderne, et les« médias vilissimes » (sic). Affirmant que « Dieu en a jusque-là ! », il promet un « déluge de feu »imminent. Il dénonce également la « trahison » de la FSSPX envers son fondateur, Mgr Lefebvre, par son rapprochement avec Rome.
En effet, Richard Williamson s’est opposé jusqu’au bout au dialogue de Mgr Fellay avec le Vatican. Echouant à attirer ses confrères évêques dans sa résistance, il a été exclu de la FSSPX en 2012. Il rallie alors un temps la FSSPX « de stricte observance » (FSSPX-SO), issue d'une scission datant de 2012. Puis il se rapproche du couvent dominicain lefebvriste d’Avrillé (Maine-et-Loire), avec lequel il fonde l’Union Sacerdotale Marcel Lefebvre en 2014. C’est Jean-Michel Faure, ancien prieur de ce couvent, qui a été ordonné évêque au Brésil par Richard Williamson.
En se dissociant officiellement de la FSSPX, Williamson rejoint le cortège des prêtres lefebvristes devenus « évêques » de groupuscules dissidents, comme les Américains Clarence Kelly en 1993, ou Robert McKenna en 2002. Aux côtés de la Société Saint-Pie V, du Mouvement catholique romain orthodoxe, et de la FSSPX-SO, l’Union sacerdotale Marcel Lefebvre de Richard Williamson ressemblerait presque à une Eglise évangélique indépendante, ayant traversé plusieurs scissions. Un comble, pour un converti du protestantisme.