21 mars 2015

[Riposte Catholique] Interprétation de Vatican II: l’herméneutique de la dialectique permanente?

SOURCE - Riposte Catholique - 21 mars 2015

Dans son récent article sur ce qu’il est convenu d’appeler « la messe du 7 mars 1965″, l’abbé Claude Barthe mentionnait plusieurs points qui ont rythmé la destruction graduelle de la liturgie entre 1964 et 1968. Parmi ceux-ci, « la communion reçue de plus en plus généralement debout ».
Ce point est à mettre tout particulièrement en exergue parce que la réception de la communion debout (dans l’Église d’Occident) n’a été autorisée qu’en 1967 (instruction « Eucharisticum Mysterium », n° 34). Or, le 7 mars 1965, à sa messe à la paroisse de Tous les Saints (Ognissanti), Paul VI avait distribué la communion aux fidèles debout (voir photo [ci-contre]).

Il ne s’agissait pas d’un « accident »:
  1. Le sanctuaire avait été aboli, puisque l’autel sur lequel le pape a célébré face au peuple avait été placé en dehors du sanctuaire existant, c’est-à-dire devant le banc de communion, et aucun banc de communion mobile n’avait été installé. Il était donc clair dès le départ qu’il serait impossible de donner la communion à genoux.
  2. La distribution de la communion par le pape avait été longuement préparée, puisque, jusque là, lors des messes papales, le Souverain Pontife ne donnait jamais la communion aux fidèles. En février et mars 1965, il avait fallu de houleuses discussions entre pas moins de trois dicastères romains pour trancher la question de savoir si le Pape pouvait donner la communion à de simples fidèles. Rien n’avait donc été laissé à l’improvisation.
  3. Paul VI a publiquement ridiculisé, dix jours plus tard, ceux qui protestaient contre le non-agenouillement à la communion. À l’audience générale du mercredi 17 mars 1965, il se moquait comme suit des réticences à l’aggiornamento liturgique: « Auparavant, on était tranquille, chacun pouvait prier comme il voulait, le déroulement du rite était parfaitement connu; aujourd’hui tout est nouveau, tout a changé (…) Auparavant, on pouvait somnoler, voire papoter; mainenant c’est fini, il faut écouter et prier (…). On a même supprimé la clochette au Sanctus! Et puis ces prières qu’on ne sait pas où trouver, et la communion reçue debout… ». Dans ce même discours, Paul VI rejetait dédaigneusement de telles critiques en ces termes: « Nous ne ferons pas la critique de ces observations parce qu’il faudrait démontrer combien elles révèlent une compréhension superficielle du sens des rites religieux ».
Or, comme la communion à genoux est restée obligatoire jusqu’en 1967, ce que Paul VI tournait en ridicule en mars 1965 étaient tout simplement les règles liturgiques en vigueur! Pire encore, il qualifiait leur attachement de « révélateur d’un sens superficiel » de la liturgie. Comment nous convaincre ensuite que, quand le curé de la paroisse du coin viole les règles liturgiques et les tourne en ridicule, il est coupable de désobéissance? En réalité, il suit l’exemple donné par Paul VI (et ce dès avant la fin du concile).Plus encore, violer et dépasser en permanence la norme parce qu’elle ne va jamais assez loin dans la subversion devient d’après Paul VI une clef d’interprétation de Vatican II. En effet, toute cette audience générale du 17 mars 1965 était placée sous le signe de l’application et de l’interprétation de Vatican II, puisque Paul VI l’a ouverte en ces termes: « Chers fils et filles, dans une audience comme celle-ci, notre conversation familière ne peut manquer de revenir sur la question du jour: l’application de la réforme liturgique à la célébration de la sainte messe».

Ce sont donc bien, en vertu de l’enseignement papal, une juste conception du sens de la liturgie et une bonne interprétation de Vatican II qui demandent de tourner en ridicule les règles liturgiques en vigueur et de les transgresser. En d’autres termes, avec Vatican II la règle consiste désormais à violer la règle. C’est Paul VI qui l’a enseigné comme juste compréhension du concile. À ce stade-là, ce n’est plus l’herméneutique de la rupture, ça devient l’herméneutique de la dialectique permanente. Cette herméneutique enseignée par le pape, interprète suprême d’un concile oecuménique, a d’autant plus de poids en l’occurrence qu’il s’agit du pape qui a dirigé le concile en question et qui l’a appliqué et expliqué de cette manière avant même la clôture de ce concile. Étant donné tout cela, que 50 ans plus tard l' »herméneutique de la continuité » ait du mal à convaincre, voilà qui ne devrait étonner personne.
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N.B.: nous conseillons à nos lecteurs de lire l'analyse fouillée fournie à ce sujet, l’année dernière déjà, par Alain de Beaugrain et l’abbé Benoît Wailliez.