Aux frontières du film et du
documentaire, Le 13e Jour sort
ce mercredi sur les écrans – ou plutôt sur un unique écran à Paris. Son sujet –
Fatima – et son point de vue, ouvertement catholique, ne favorisent pas la
reconnaissance médiatique ni la distribution en salles. D’autant que ses
réalisateurs ont délibérément choisi le dépouillement, la retenue, l’intimisme
même pour un sujet qui pouvait se prêter au spectaculaire, voire au kitsch.
C’est un premier bon point.
Les réalisateurs anglais, Ian et Dominic Higgins, se sont tôt spécialisés dans le cinéma expérimental et digital ; Le 13e jour est leur premier long-métrage, paru en 2009 en langue anglaise, obtenant aussitôt d’excellentes critiques de la part des milieux catholiques anglophones. Qu’il ait fallu attendre près de sept ans la sortie française du film est révélateur de la difficulté de passer la barrière laïciste qui se dresse dans le monde cinématographique français. Il aura fallu la ténacité de la maison de production SAJE, proche de la Communauté de l’Emmanuel, pour que l’aventure puisse avoir lieu. Elle s’était déjà distinguée en faisant entrer Cristeros dans les cinémas français ; on lui doit aussi la sortie française de Padre Pio de Carlo Carlei, saluée en son temps par reinformation.tv.
Intimisme et cinéma d’art au
service du message de Fatima
Ian et Dominic Higgins ont choisi de conter l’histoire de Fatima, cruciale pour notre temps, en lui donnant une saveur surannée par l’image mais très actuelle et précise dans la présentation des voyants, Lucie, Jacinthe et François, et du message qui leur a été confié. On peut y voir un film d’art et d’essai : images en noir et blanc, éclairage qui fait penser aux allures visuelles du cinéma muet, peu de dialogues. Le rythme lent force à la réflexion. On est aux antipodes du reportage, même si l’imagerie renvoie clairement aux photos d’époque.
Et pourtant, l’objectif de
restituer, autant que faire se peut, la vérité des événements est bien atteint.
Les Higgins ont choisi de tourner sur place, au Portugal ; ils ont choisi
des acteurs peu connus, mais professionnels, pour les rôles d’adultes, tandis
que les noms des enfants ne sont même pas mis en avant.
Au départ, les frères Higgins
avaient reçu une commande pour un court-métrage sur le Miracle du Soleil :
creusant un sujet qu’ils connaissaient peu malgré leur éducation catholique,
ils ont compris que c’était l’ensemble de l’histoire de Fatima qu’il fallait
porter à l’écran et en ont convaincu leur « investisseurs », Leo
Hughes, grand dévot de Notre Dame. « Fatima représente tellement plus
qu’un événement monumental », expliquaient-ils lors d’un entretien
avec Ignatius Press lors de la sortie du film.
“Le 13e jour”, un film
remarquable de sobriété
Ils ont choisi de concentrer leur
film sur les six mois qu’ont duré les apparitions mariales de Fatima, les 13 de
chaque mois de mai à octobre, culminant dans l’esprit du public avec le Miracle
du Soleil que 70.000 témoins ont vécu mais chez les petits voyants avec le
message et les secrets confiés par la Mère de Dieu qui donnait maternellement
son « plan de paix » au monde. Un plan fait de prière et de pénitence
associé à la dénonciation des erreurs « de la Russie » où de fait, en
1917, la révolution bolchevique prenait le pouvoir. Les apparitions préalables
de l’ange du Portugal qui ont magnifiquement préparé les enfants à la venue de
la Sainte Vierge ne sont pas évoquées.
Le contexte de l’époque était
celui d’une guerre mondiale d’une barbarie inédite. Mais la menace qui pesait
sur le monde était bien plus grave et n’a pas fini de produire ses effets…
La force du 13e Jour est
de suivre les enfants dans leur ouverture à la grâce et à la responsabilité de
porter ce message. Ici l’intimisme est un atout : en braquant leur caméras
sur trois enfants dont la vie a été bouleversée, les réalisateurs révèlent par
leur art les doutes et le courage, les souffrances et les affres liées à une
« popularité » dont Lucie et ses cousins se seraient bien passés,
d’autant que leurs visions leur avaient valu les moqueries de beaucoup et, pour
Lucie, la défiance de sa mère et du curé du village. Sans compter la ruine qui
menaçaient leurs familles du fait de l’afflux de curieux qui piétinaient leurs
terres et mettaient en péril leur subsistance.
La sortie du “13e jour” à
Paris : un film à ne pas manquer
Le film permet ainsi de vivre
quasiment en direct cette croix psychologique que les voyants ont acceptée avec
courage, préférant la fidélité à leur mission aux attraits d’une vie ordinaire
rude mais douce, ponctuée des chants et des danses qui étaient leur quotidien,
« avant ».
Il évoque également avec beaucoup
de détails la persécution dont Lucie, Jacinthe et François ont été l’objet de
la part des autorités portugaises, alors sous la coupe de la
franc-maçonnerie : ils ont cru qu’ils seraient jetés dans un chaudron
d’huile bouillante et refusé pour autant de nier la réalité de leurs visions ou
de révéler les secrets que la Vierge leur avait confiés.
L’héroïsme ordinaire et
extraordinaire qu’ils ont su déployer par fidélité aux apparitions est au cœur
de ce film, meilleure preuve de leur sincérité et de l’authenticité du message.
Celui-ci en est l’autre protagoniste : c’est pourquoi les paroles de Notre
Dame et ses demandes y prennent bien plus de place que le fameux Miracle – très
bien mis en scène au demeurant.
Anne Dolhein
• Séances : du 13 au 19 janvier au Lucernaire à Paris, 53
rue Notre-Dame des Champs, puis du 20 au 26 au Publicis, 129 avenue des
Champs-Elysées.