SOURCE - DICI - 27 janvier 2016
A l’occasion de la Marche pour la vie de Washington (Etats-Unis), à laquelle il participait le 22 janvier 2016, Mgr Bernard Fellay a donné, la veille au soir, une conférence de presse sur le thème de la famille. En présence d’environ 200 personnes et suivi, en temps réel, sur Internet dans le monde entier, le Supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X a répondu aux questions de James Vogel, responsable de la maison d’édition du district des Etats-Unis, Angelus Press.
DICI propose à ses lecteurs la
traduction française des propos les plus significatifs tenus par Mgr Fellay,
lors de cette conférence. Il y est question de l’avortement, de la situation de
l’Eglise, des relations entre la Fraternité Saint-Pie X avec Rome et avec le
pape François.
La Marche pour la vie
« Ce n’est pas une affaire
nationale. C’est un combat mondial. Nous devons défendre les innocents, et
cette bataille pour la défense des innocents n’est qu’une partie d’un très
grand combat. (…)
« Ce qui est vraiment
impressionnant, c’est de voir que cela se passe partout, dans tous les pays.
Certains appellent cela ‘le progrès’, ils prétendent faire de belles choses
alors qu’ils sont juste en train de détruire l’humanité. Et ils commencent
cette destruction de la nature humaine au tout début de l’être humain, dans le
propre ventre des futures mères. (…)
« Bien sûr, nous devons
défendre ces innocents. Voilà pourquoi je suis ici, pour encourager tous ceux
qui se sont impliqués dans ce grand combat. » [1]
Confusion dans l’Eglise
« Il y a un mot qui résume
bien la situation de l’Eglise, c’est celui de confusion. Et le
dernier synode sur la famille a été l’expression de cette confusion. Ce qui
s’est passé autour du document final du synode est tout à fait caractéristique
(…) Cela a abouti à un texte ambigu et au bout du compte, on ne sait pas quoi
faire, quoi penser. Je crois que nous n’avons jamais été à ce degré de
confusion dans l’Eglise. Plusieurs évêques progressistes ont exprimé des choses
invraisemblables sur des notions fondamentales de morale, et ils n’ont pas du
tout été repris par l’autorité qui les a laissé faire. A côté de cela, il y a
des cardinaux, des évêques qui se sont dressés contre eux, ouvertement,
publiquement. Cela aussi, c’est nouveau. Et nous pouvons nourrir l’espoir que
c’est le début d’une vraie réaction, – mais il est grand temps ! »
Des évêques contre des évêques
« Cette situation me
rappelle le message de La Salette. La Très Sainte Vierge Marie a annoncé des
temps difficiles pour l’Eglise : des évêques contre des évêques, des
cardinaux contre des cardinaux. Et si vous regardez l’histoire de l’Eglise, jusqu’à
maintenant, vous ne trouvez pas de pareille situation.
« C’est vraiment tragique.
Comment les fidèles peuvent-ils s’y retrouver ? Et même si aujourd’hui, le
Saint Père venait à publier un document clair et précis, ce serait trop tard.
Le mal est fait. Quand quelque chose est cassé, pour le réparer, cela demande
beaucoup plus d’effort. C’est la situation dans laquelle nous nous trouvons
aujourd’hui. »
La juridiction accordée aux
prêtres de la Fraternité Saint-Pie X pour confesser
« Ce n’est pas juste une
délégation de pouvoir, c’est un pouvoir ordinaire d’entendre les confessions.
En temps normal, ce pouvoir est accordé au prêtre par l’évêque. Mais, dans le
cas présent, nous l’avons reçu directement du pape. C’est très rare mais il
peut le faire.
(…) Et cela implique aussi,
nécessairement, que toutes les sanctions qui pesaient sur les prêtres de la
Fraternité Saint-Pie X, sont levées. Les sanctions et la permission de
confesser ne pourraient aller de pair, ce serait absurde. »
Les relations avec Rome
« Cela peut sembler
difficile à comprendre, car le pape fait tant de reproches aux personnes qui
insistent sur la doctrine, qui ne veulent pas que les choses changent… Mais il
n’y a absolument aucun doute que le pape est personnellement impliqué dans
notre dossier.
« Il nous connaît très bien et la façon
dont il se comporte nous oblige à penser qu’il éprouve de la sympathie à notre
égard… Cela peut sembler contradictoire ! Personnellement, je pensais
vraiment que nous allions de nouveau être condamnés par Rome, mais c’est le
contraire qui arrive. »
Le pape François et la Fraternité
Saint-Pie X
« Il nous connaît depuis
l’Argentine. Nous avons été en relation avec lui car nous avions des soucis
administratifs. En Argentine, un concordat permet aux prêtres étrangers
d’obtenir un permis de séjour à la condition que l’évêque du lieu l’accepte. Ce
qui est, en soi, tout à fait normal. Evidemment, nous avions un problème avec
un évêque local qui ne voulait pas de notre présence. Nous aurions pu demander
une reconnaissance directement à l’Etat argentin, mais il en était hors de
question : nous sommes catholiques et nous ne voulions pas être traités
comme une secte. Alors, le supérieur de district d’Amérique du Sud a rencontré
le cardinal Bergoglio pour lui exposer le problème. Sa réponse a été très
claire : ‘vous êtes catholiques, c’est évident, vous n’êtes pas
schismatiques ; je vais vous aider.’ Et il l’a fait ! Il a pris contact
avec Rome, il a écrit une lettre en notre faveur au gouvernement qui, dans le
même temps, recevait une missive de la nonciature disant exactement le
contraire ! Et nous étions dans cette situation lorsqu’il a été élu pape.
« On lui a offert la
biographie de Mgr Lefebvre, il l’a lue deux fois ! Ce qui ne se fait pas
si l’on ne s’intéresse pas à ce sujet.
« Il dit souvent
publiquement qu’il ne faut pas se renfermer sur soi, qu’il ne faut pas rester
entre nous mais prendre soin de ‘la périphérie’, etc. Et il voit que c’est
exactement ce que nous faisons. Nous allons chercher les âmes là où elles se
trouvent, nous essayons de les aider, et je suis à peu près sûr que le pape
voit tout cela et qu’il en est satisfait. Peut-être qu’il n’est pas content de
tout ce que nous faisons, mais de cet aspect-là, oui.
En Argentine, il a dit à nos
prêtres ceci : ‘si vous voulez que vos enfants perdent la foi, envoyez-les
dans les écoles du diocèse !’ Ce qui veut dire qu’il a parfaitement
conscience de ce qui se passe. Il sait qu’il y a de gros problèmes dans
l’Eglise, même s’il n’en parle pas beaucoup.
« Parfois, en l’observant,
nous sommes perdus. Personnellement, je n’ai pas toutes les réponses, j’observe
juste les éléments de sa personnalité. Il est inclassable, il est impossible de
le placer dans une catégorie, il est tellement imprévisible. Mais, au bout du
compte, en tant que pape, il a personnellement réglé notre situation en
Argentine. (Lire DICI n°314 du 24/04/15)
« La Fraternité Saint-Pie X
a une relation étroite avec lui, un accès direct à lui, ce qui peut sembler fou
dans la situation actuelle.
La régularisation canonique de la
Fraternité Saint-Pie X ?
« Il est impossible de vous
dire ce qui va se passer demain. Est-ce que nous allons être reconnus ?
Sincèrement, je n’en ai aucune idée. Pourquoi ? A cause de la situation de
l’Eglise ! A Rome même, certains veulent notre mort. Ils veulent que nous
soyons condamnés ! Qui va l’emporter ? Le pape ou les autres ?
Je suis navré de vous dire que je ne sais pas.
« Mais nous n’allons pas
être paralysés par cette situation. Nous savons ce que nous avons à faire,
alors nous continuons. Nous admettons que si certains éléments étaient acquis,
comme la régularisation canonique, ce serait mieux. Il y a des discussions, il
y a eu de nouvelles propositions, mais nous savons que nous avons des ennemis
au sein du Vatican. Ce n’est pas nouveau.
« Nous demandons au Seigneur
de nous éclairer sur sa Volonté parce que c’est cela qui compte : la
Volonté de Dieu, la divine Providence. Jusqu’à maintenant, Dieu nous a protégés
et il n’y a pas de raison pour que cela change dans l’avenir. »
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(Source : FSSPX/USA, traduit de l’anglais – DICI n°329 du 29/01/16)
[1] Le matin du 22 janvier, au cours de la messe, Mgr Fellay a affirmé :
« Tout avortement est un horrible péché. Pour un peu mieux saisir ce
qu’est ce péché, il faut préalablement comprendre que, dans un tel acte, il y a
une attaque contre l’intention de Dieu sur ce petit enfant. On ne touche
pas seulement à la vie humaine, on agresse Dieu. » Et se demandant comment
on pouvait réparer de tels crimes, il répondait : « La seule façon
est de se tourner vers Dieu. Sur le plan humain, nous ne pouvons pas réparer
par nos propres moyens. Bien sûr, nous pouvons nous exprimer, c’est ce que nous
faisons à travers la Marche pour la vie, nous protestons, nous souffrons, nous
donnons quelque chose. Oui, nous tentons de réparer autant qu’il nous est possible,
mais la vraie réparation, elle intervient ici, à la messe. Parce que la messe
est le renouvellement non sanglant du sacrifice de Notre Seigneur. Dieu a
vraiment tout réparé à notre place, sur le calvaire. Et c’est précisément ce
que nous avons ici : le calvaire. Ce n’est pas seulement un prêtre ou un évêque
qui est là, c’est Notre Seigneur. Notre Seigneur Jésus-Christ lui-même. Ce même
Jésus qui était en Palestine, est présent à la messe. Le prêtre n’est que son
instrument, c’est vraiment Jésus qui est là, et qui fait exactement ce qu’Il a
fait sur la croix. Il offre sa vie en réparation.
« L’enseignement de l’Eglise
dit ceci : chaque jour nous célébrons le sacrifice de la messe à cause des
péchés que nous commettons. C’est l’enseignement du Concile de Trente. A cause
des péchés qui sont commis chaque jour sur la terre, nous célébrons la messe.
Le Padre Pio l’exprime d’une manière merveilleuse : il dit que le monde peut
survivre plus facilement sans le soleil que sans la messe. Ce qui fait que la
terre est encore vivable, c’est la célébration quotidienne de la messe. »