SOURCE - Florian Bardou - Libération - 3 août 2016
Sainte-Rita, connue pour ses bénédictions de chiens et chats, a vu s’allier les gallicans locataires avec des squatteurs complotistes.
Sainte-Rita, connue pour ses bénédictions de chiens et chats, a vu s’allier les gallicans locataires avec des squatteurs complotistes.
L’expulsion, mercredi, des squatteurs de «l’église des animaux» - le lieu étant connu pour ses bénédictions annuelles de chiens, chats et autres bêtes en tout genre - n’est que l’ultime rebondissement d’un feuilleton politico-judiciaire long de plusieurs années. Nouveau totem des «tradis» parisiens et de l’extrême droite, cette église de style néogothique érigée en 1900 a vu défiler, depuis 2012, une longue liste de soutiens hétéroclites, aux motivations parfois bien éloignées les unes des autres. Sainte-Rita, «c’est Amour, gloire et beauté», ironisait auprès de Streetpress, en décembre, Mgr Dominique Philippe, l’archevêque et ex-locataire des lieux.
Loyer modeste.Depuis sa construction, l’édifice religieux, hors du périmètre de la loi de 1905, est la propriété de l’association des Chapelles catholiques et apostoliques. En 1987, cette association cultuelle belge décide de louer le bâtiment, inoccupé depuis douze ans, à l’église catholique gallicane, une communauté catholique traditionaliste qui défend son autonomie face à la papauté. Pour y officier, Mgr Philippe, consent au versement d’un loyer modeste au propriétaire.
Au début des années 2000, le détenteur des murs fait part de son souhait de vendre l’édifice. Et fin 2010, la Commission du vieux Paris s’en mêle : l’église est en proie à de «graves infiltrations» d’eau et «ne mérite pas de protection patrimoniale». L’année suivante, la mairie de Paris délivre le permis de démolition. En 2012, l’édifice du 27, rue François-Bonvin est vendu à un promoteur immobilier nantais pour 3 millions d’euros. Le propriétaire belge réclame, en outre, près de 45 000 euros d’impayés de loyers à l’archevêque. Les gallicans entrent alors en résistance. Mais après avoir été débouté deux fois par la justice, le bailleur obtient, en mars 2014, l’expulsion des 250 paroissiens.
Dans le XVe, le maire de l’arrondissement, en pleine campagne pour les municipales, s’empare du dossier. La droite locale n’est pas la seule à se mobiliser pour sauver les gallicans. Nicolas Stoquer, fervent catholique romain et secrétaire général du micro-parti souverainiste Le Rassemblement, mobilise ses réseaux, avec son compagnon de route Alain Bournazel. Parmi eux, Radio Courtoisie - la radio d’extrême droite dans laquelle ils animent une émission un lundi sur quatre -, le site islamophobe Riposte Laïque ou encore les cathos traditionalistes.
Par la fenêtre.
Le dossier aurait pu en rester là si, à l’automne 2015, de drôles de défenseurs ne s’étaient pas joints opportunément au conflit. Dans la nuit du 5 au 6 octobre, veille des travaux de démolition, des militants du Mouvement du 14 Juillet, un collectif conspirationniste dont l’objectif était ni plus ni moins de renverser le gouvernement, parviennent à «libérer» l’église, en s’immisçant par une fenêtre du premier étage. «C’est moi qui les avais fait venir», reconnaît aujourd’hui à Libération Nicolas Stoquer, également président des Arches du patrimoine, l’association de défense de l’église.
La cohabitation entre les derniers des paroissiens gallicans et les squatteurs complotistes, n’est cependant pas de tout repos. Les gallicans, emmenés par un ex-mégrétiste, sont rapidement écartés au profit des cathos tradis. Figure bien connue de l’intégrisme catholique version Fraternité Saint-Pie-X, l’abbé Guillaume de Tanoüarn est également appelé à la rescousse. Sa mission : donner deux fois par jour une messe en latin selon le rite tridentin. Jusqu’à ce que la justice mette, mercredi, un point final à l’occupation.
Florian Bardou