28 août 2017

[FSSPX Actualités] Amoris laetitia: mirage ou prophétie?

SOURCE - FSSPX Actualités - 28 août 2017

Pomme de discorde jusqu’au sommet de la hiérarchie ecclésiastique, l’Exhortation apostolique Amoris laetitia devrait constituer la boussole des familles dans les années à venir. C'est du moins ce qu'affirme le compte-rendu publié dans l’édition italienne de L’Osservatore Romano du récent colloque international ayant rassemblé en Espagne plusieurs acteurs-clé de la pastorale familiale.
     
Du 17 au 21 juillet 2017 s’est tenue à Madrid la Rencontre internationale des familles. Cette initiative, qui a réuni quatre-vingts responsables laïcs venus de trente pays, est due aux efforts conjoints de l’Institut de la famille de l’Université pontificale de Comillas, et du Dicastère pour les laïcs, la famille et la vie, créé par le pape François en août 2016.

Cette rencontre a permis aux différents acteurs de la pastorale familiale, qui se réclament de la spiritualité de saint Ignace de Loyola, de revendiquer comme source d’inspiration et de réflexion l’Exhortation apostolique post-synodale Amoris laetitia. Pour preuve le thème général de la rencontre : « Regardez comme ils s’aiment : une réponse ignacienne à l’appel d’Amoris laetitia ».

Le Père Guilliermo Gutierrez Fernandez, prêtre mexicain, fut l’un des intervenants les plus remarqués de ce colloque. Ce religieux fait partie du nouveau Dicastère pour les laïcs, la famille et la vie qui, comme le rappellent ses statuts, « est compétent dans les matières qui relèvent du Siège apostolique pour la promotion de la vie et de l’apostolat des fidèles laïcs, pour le soin pastoral de la famille et de sa mission, selon le dessein de Dieu et pour la protection et le soutien de la vie humaine. » Cette nouvelle structure revêt une importance majeure dans le cadre des problématiques actuelles liées à la famille, notamment depuis que le dernier Synode sur la Famille y a jeté confusion et perplexité parmi le peuple fidèle.

De fait, les interventions du Père Gutierrez n’auront pas contribué à faire la clarté nécessaire sur la pastorale de la famille. D’entrée de jeu, le religieux a affirmé que « l’accompagnement pastoral est un exercice de patience et de miséricorde qui doit se réaliser davantage suivant le mode de la proposition en laissant de côté le mode impératif du commandement ». Il n'est pas dit si ce prêtre visait l'attitude du Christ lorsque celui-ci commanda à la femme adultère de ne plus pécher...

Puis, le Père Gutierrez a énoncé quelques-uns des défis qui doivent pousser l’Eglise à se faire toujours plus proche des gens. Telle une « Samaritaine accueillante », en relevant ces défis, elle deviendrait enfin « une Eglise en sortie missionnaire ».

Les fameux défis énumérés par le Père Gutierrez sont présentés sous forme d’apories sensées mener au dépassement de l’approche pastorale traditionnelle de l’Eglise. Parmi ces apories, citons l'opposition entre une réalité marquée par la « perte de l'espérance humaine et chrétienne dans l'amour » et la difficulté conséquente des jeunes « d’assumer une responsabilité et un engagement de toute la vie envers leur partenaire ».

Ou encore, l’opposition entre « les problématiques morales et anthropologiques liées à l’accueil de la vie humaine », et « l'exercice de la sexualité comprise comme l'expression mature de gestes qui permettent aux conjoints de vivre intensément la communion dans un don réciproque total ».

Et enfin, « la non-concordance entre le projet de se marier à l'église et une vie active de la foi ».

Ces impasses permettent au membre du Dicastère sur la famille de suggérer « quelques pistes d'action » comme la « relecture de l'Exhortation apostolique [Amoris laetitia], qui constitue une réelle feuille de route pour tous ceux qui travaillent en faveur des familles ». Celui qui n’aura pas fait d’Amoris laetitia un paradigme de vie pourra-t-il être un agent digne de la nouvelle pastorale familiale ?

Les pistes d'action se résument à la prétention de ne pas « imposer d’obligations de manière autoritaire ou des déclarations de principe », mais plutôt à « éduquer la liberté responsable », en aidant les gens à mûrir leurs convictions et leurs comportements « pour découvrir la vérité sur eux-mêmes ». On retrouve ici, au moins en filigrane, la morale de situation et la notion moderne de « loi de gradualité » qui considère que la loi morale divine comporte des degrés, chacun ayant sa légitimité dans la mesure où la personne est en marche vers l’idéal. Une telle conception de la loi s’oppose frontalement à la morale catholique. A moins qu'il ne s'agisse, tout bonnement, du primat de la liberté individuelle et de la conscience personnelle sur toute loi extérieure, qu'elle que soit l'autorité qui la porte, fût-elle divine.

« Dans tous les cas, a conclu le Père Gutierrez, la méthode que nous demande de suivre Amoris laetitia, c’est le dialogue, le fait d’aller à la rencontre, de construire des ponts, de porter un regard cordial sur le monde : afin de découvrir le sens des questions qui hantent les hommes et les femmes de notre temps, de les prendre par la main vers la rencontre avec le Père miséricordieux ». On reconnaît ici le discours habituel dans l'Eglise depuis 50 ans, fruit d'une pastorale positive à l'égard du monde, ignorante de la réalité du péché et de ses conséquences, oublieuse du nécessaire combat à mener contre l'esprit du monde et Satan qui en est le prince.

Dans tous les déserts il y a des mirages : Amoris laetitia en est un au beau milieu du vide de la « pastorale familiale ». Plus que jamais, il est du devoir du Saint-Père, à qui le Christ a confié la mission de confirmer ses frères dans la foi, de faire la clarté sur un sujet aussi fondamental pour la vie de l’Eglise que celui de la sainteté du mariage et l'épanouissement d'une vie familiale authentiquement chrétienne.