3 août 2017

[FSSPX Actualités] Mgr Schneider: «Oui, il y a des ambiguïtés dans Vatican II»

SOURCE - FSSPX Actualités - 3 aout 2017

Le 26 juillet 2017, Mgr Athanasius Schneider, évêque auxiliaire de l'archidiocèse d’Astana au Kazakhstan, publiait en italien une tribune libre dans les colonnes de Corrispondenza Romana, sur le thème de « l’interprétation du Concile Vatican II en relation avec la crise actuelle dans l’Eglise ». En voici les principaux points.

L’évêque auxiliaire d’Astana dresse tout d’abord le constat de la crise sans précédent que traverse l’Eglise et qui, selon ses propres termes, est « comparable à la crise générale du IVe siècle, lorsque l'arianisme avait contaminé la grande majorité de l’épiscopat ».

Faire face à une telle situation réclame – dans la pensée de Mgr Schneider - de rester sur une ligne de crête : « réalisme » sur la situation d’une part, mais aussi « esprit surnaturel, avec un amour profond pour l'Eglise, notre mère, qui souffre de la Passion du Christ à cause de cette confusion doctrinale énorme et générale, liturgique et pastorale », d’autre part. Cette ligne est censée éviter les « deux extrêmes » que sont - selon le prélat - le « rejet complet » de Vatican II, et la posture « infaillibiliste » qui prétend interdire tout débat sur les points litigieux du Concile.

L’« attitude respectueuse » que prône Mgr Schneider à l’égard du Concile « ne signifie pas, précise-t-il, qu’il ne soit pas permis d'exprimer des doutes raisonnables ou des suggestions d'amélioration respectueuses de certains éléments spécifiques, en se fondant néanmoins sur toute la tradition de l'Eglise et son magistère constant ».

Le prélat se fait plus précis : oui, il y a bien des « ambiguïtés » dans le Concile. « Les déclarations de Vatican II qui sont ambiguës doivent être lues et interprétées selon les définitions de toute la tradition et le magistère constant de l’Eglise ».

Et si le doute subsiste, « les déclarations du magistère constant - les conciles précédents, les documents des papes, dont le contenu se révèle être une tradition sûre et repris tout au long des siècles dans le même sens -, l'emportent sur les déclarations objectivement ambiguës ou nouvelles contenues dans Vatican II ».

Muni d’un tel critère de discernement, Mgr Schneider pense qu’il devient ainsi possible d’évoquer toute l’actualité du dogme du Christ-Roi ; de redonner « son vrai sens » au primat universel du Successeur de Pierre dans le gouvernement de l’Eglise ; et même de souligner la « nocivité de toutes les religions non-catholiques et leur danger pour le salut éternel des âmes ». Dans le même sens, le prélat émet des doutes sur le caractère définitif de la doctrine conciliaire sur la liberté religieuse.

C’est dans cette entreprise de correction du concile Vatican II - surhumaine à beaucoup d’égards - que Mgr Schneider situe la question de la situation canonique de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X : « une Fraternité canoniquement et parfaitement intégrée dans la vie de l'Eglise, pourrait également apporter une contribution importante dans ce débat - que voulait aussi Mgr Marcel Lefebvre. » Et le prélat de préciser : « une présence intégralement canonique de la Fraternité Saint-Pie X dans la vie de l'Eglise d’aujourd’hui pourrait aussi contribuer à créer le climat général pour un débat constructif » sur Vatican II.

En fin de compte, la tribune libre de Mgr Schneider se révèle être une contribution particulièrement intéressante : de façon claire et concise, un évêque « extérieur » à l’univers de la Tradition remet, avec une certaine liberté de ton, au centre du débat la question brûlante des ambiguïtés du concile Vatican II et des nécessaires corrections à apporter.

En tant qu’observateur extérieur, le rôle hypothétique que le prélat prête à la Fraternité dans le futur n’est pas non plus dénué d’intérêt : contribuer à faire la clarté sur les équivoques conciliaires et remettre le sacerdoce et la liturgie toujours davantage à l’honneur dans l’Eglise.

Mgr Schneider s'inscrit dans le sillage de la célèbre formule que le pape Jean-Paul II exposait le 6 novembre 1978 devant le Sacré Collège : « Le Concile doit être compris à la lumière de toute la Sainte Tradition et sur la base du magistère constant de la Sainte Eglise ». Mgr Lefebvre, qui acceptait ce principe, en précisait la portée pour en écarter toute erreur d'interprétation. Juger les documents du Concile à la lumière de la Tradition, expliquait-il le 2 décembre 1983, « cela veut dire évidemment qu'on rejette ceux qui sont contraires à la Tradition, qu'on interprète selon la Tradition ceux qui sont ambigus et qu'on accepte ceux qui sont conformes à la Tradition ». Celle-ci agit comme un crible pour séparer le bon grain de l'ivraie.

Concrètement, Mgr Lefebvre envisageait une résorption de la crise par étapes : « Le pape pourrait affirmer avec autorité que quelques textes de Vatican II ont besoin d’être mieux interprétés à la lumière de la Tradition, de sorte qu’il devient nécessaire de changer quelques phrases, pour les rendre plus conformes au Magistère des papes précédents. Il faudrait qu’on dise clairement que l’erreur ne peut être que "tolérée", mais qu’elle ne peut avoir de "droits" ; et que l’Etat neutre au plan religieux ne peut, ni ne doit exister ».

Face aux tenants de ce qui deviendrait un jour "l'herméneutique de la continuité" chère à Benoît XVI, c'est-à-dire à la volonté artificielle d'intégrer l'enseignement de Vatican II dans la continuité de la Tradition de l'Eglise, il précisait : « Il y a quelques textes conciliaires, évidemment, conformes à la Tradition, qui ne posent aucun problème : je pense à Lumen Gentium, mais aussi à d’autres documents, tel celui sur la formation sacerdotale et sur les séminaires. Il y a ensuite des textes ambigus, qui peuvent cependant d’une certaine manière être correctement "interprétés" selon le Magistère précédent. Mais il y a aussi des textes franchement en contradiction avec la Tradition et qu’il n’est possible en aucune manière d’"intégrer" : la déclaration sur la liberté religieuse, le décret sur l'œcuménisme, celui sur la liturgie. Ici, l’accord devient impossible ».