29 août 2017

[FSSPX Actualités] Amoris laetitia: un débat qui s’amplifie

Père Aidan Nichols
SOURCE - FSSPX Actualités - 29 aout 2017

Une nouvelle voix se fait entendre dans la controverse qui s’est élevée autour d’Amoris laetitia : un théologien de renom propose une réforme du droit canon afin de porter un jugement sur l’erreur d’un pape en matière de doctrine.

Le Père Aidan Nichols est un théologien dominicain reconnu qui a enseigné à Oxford, Cambridge et à l’Angelicum à Rome avant d’exercer la charge de Prieur du couvent dominicain Saint-Michel-Archange de Cambridge.

Il est l’auteur de plus de quarante ouvrages dépeignant notamment les grandes figures de la « Nouvelle théologie », de Hans von Balthasar à Joseph Ratzinger en passant par Karol Wojtyla

Il y a quelques semaines, le dominicain a donné une conférence à la Communauté Saint-Alban-et-Saint-Serge, une association à but œcuménique, devant un auditoire non-catholique pour la plupart. Le Père Nichols a développé l’idée selon laquelle, étant posé le caractère ambigu de l’Exhortation apostolique Amoris laetitia qui mène selon ses propres termes « à une situation extrêmement grave », il faudrait réformer le droit canon afin d’introduire une procédure « de rappel à l’ordre d’un pape lorsqu’il enseigne l’erreur ».

Jusqu’ici, Aidan Nichols n’avait pas publiquement commenté l’Exhortation apostolique, bien qu’il eût tout de même fait partie des quarante-cinq signataires d’une étude critique adressée le 29 juin 2016 au Sacré-Collège. Ceci dans le but d’obtenir un éclaircissement doctrinal permettant d’écarter les interprétations « erronées et hérétiques » d’Amortis laetitia.

Le religieux dominicain a souligné lors de son intervention qu’un principe de base du droit canonique est que le pape n’a pas d’instance judiciaire au-dessus de lui, ce qui se traduit par l’adage prima sedes a nemine iudicatur - le Premier Siège n’est jugé par personne.

Mais, selon lui, si le pape est le suprême juge d’appel dans l’Eglise, « cela ne le rend pas pour autant immune contre les erreurs doctrinales ». « De façon surprenante, ajoute le Père Nichols, étant donné l’atmosphère de piété qui a entouré les figures des papes depuis Pie IX, on a oublié cette réalité alors qu’on aurait dû au contraire l’approfondir ».

Etant bien posées les limites de l’infaillibilité pontificale, le droit canonique pourrait ainsi fournir le cadre d’une procédure formelle d’enquête sur le cas d’un pape ayant enseigné l’erreur. En fait, poursuit le théologien de Cambridge, « la crise présente du Magistère est providentielle : elle va permettre de mettre l’accent sur les limites du primat en cette matière ».

Et le Père Nichols de conclure que le danger le plus immédiat « est moins celui du schisme » que celui de la « diffusion d’une hérésie en morale ». Car si Amoris laetitian’était pas corrigée, « ce qu’elle contient serait à tout le moins considéré comme une opinion théologique tolérable, ce qui causerait des dommages irréparables ».

Cette analyse qui s’ajoute à celle de nombreux ecclésiastiques dans l’Eglise est originale. Si l’on peut être réservé quant à la possibilité de la procédure canonique proposée, le mérite de cette prise de position est de rappeler la gravité de certaines affirmations du chapitre 8 de Amoris laetitia. Dès le 2 mai 2016, un communiqué de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X avait demandé au Saint-Père d’en réviser la teneur :

« Nous implorons le Saint Père humblement, mais résolument, de réviser l’Exhortation Amoris lætitia et tout particulièrement son chapitre 8. Comme dans les textes de Vatican II, ce qui est ambigu doit être interprété de façon claire, et ce qui est en contradiction avec la doctrine et la pratique constante de l’Eglise doit être retiré, pour la gloire de Dieu, pour le bien de toute l’Eglise, pour le salut des âmes, spécialement de celles qui sont en danger de se laisser tromper par l’apparence d’une fausse miséricorde »