5 août 2017

[Yves Chiron - Aletheia] Maria Valtorta et l'Eglise

SOURCE - Yves Chiron - Aletheia (n°261) - 5 aout 2017

Mon précédent article, « Le lobby valtortiste », a déclenché des controverses sur certains blogs et autres « forum », puis m’a valu de nombreux courriels. François-Michel Debroise, ancien consultant en développement économique local pour des organismes publics, animateur d’un site valtortiste, auteur de plusieurs ouvrages consacrés à Maria Valtorta (dont deux écrits en collaboration avec l’abbé Laurentin), a, sur le Salon Beige, ironisé et mis en doute l’authenticité de la réponse du cardinal Ratzinger, en date du 9 septembre 1988, que j’ai publiée : « Voilà que le cardinal Ratzinger exprimerait, selon ses sources, l’opinion de l’Église dans quelques ”cartes postales” personnelles envoyées aux quatre coins du monde par son secrétaire, Mgr Clemens. Je l’ai connu différemment, le faisant toujours, et exclusivement, par la voie hiérarchique des évêques locaux et jamais directement à des particuliers… ».
 
Il ne s’agissait pas, en l’espèce, d’une « carte postale », mais d’une lettre. Par ailleurs, contrairement à ce que croit F-M. Debroise, le cardinal Ratzinger, quand il était préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, a répondu à plusieurs reprises, personnellement et directement, ou par l’intermédiaire de son secrétaire, à des particuliers, sans passer « exclusivement, par la voie hiérarchique des évêques locaux ». Sa lettre à un ami et correspondant allemand, le 22 juillet 1998, sur les « pures inventions » relatives à Medjugorje, est restée célèbre. D’autres préfets de dicastère, pour diverses raisons, ont agi et agissent ainsi. En matière liturgique, par exemple, nombre de prêtres ou de simples fidèles pourraient exhiber d’une réponse reçue directement du dicastère compétent.
 
Donc la lettre de 1988 ne constitue ni un hapax ni un hoax…[1] 
   
Par ailleurs, un moine bénédictin [5] a jugé que le décret de la congrégation du Saint-Office du 16 décembre 1959, « venant après les autorisations du Souverain Pontife », constitue « un abus de pouvoir qui invalide cet acte, canoniquement parlant ».

Il y a là deux extravagances. Il n’y a jamais eu d’ « autorisations » données par Pie XII pour publier les écrits de Maria Valtorta. On voit mal le sage et prudent Pie XII passer outre les imprimatur et nihil obstat qui devaient être accordés par les autorités compétentes, surtout en une matière aussi sensible.

Deuxième extravagance : la mise à l’Index de 1959 serait un « abus de pouvoir » et cet abus rendrait « invalide » le décret lui-même. Ce n’est pas à un pauvre laïc à apprendre à un pieux moine qu’un décret de mise à l’Index n’était pris, promulgué et publié qu’après approbation pontificale. On voit mal en quoi la congrégation du Saint-Office aurait commis « un abus de pouvoir » puisque saint Jean XXIII a approuvé formellement le 18 décembre 1959 le décret qui lui était soumis et qui a été publié le 5 janvier 1960.  
    
Sans développer une controverse sur le « lobby valtortiste », qui existe bel et bien, qui fleurit sous différents labels sur internet, et dont je n’ai évoqué que la partie visible de l’iceberg, je citerai encore deux documents officiels qui permettent de connaître avec exactitude et certitude le jugement de l’Église sur les écrits de Marie Valtorta : 
   
• Le 31 janvier 1985, le cardinal Ratzinger, alors préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, adresse une lettre officielle (Prot. N° 144/58) au cardinal Siri, archevêque de Gênes, pour lui communiquer à propos des écrits de Maria Valtorta : 
Certains ont considéré qu’après l’abrogation de l’Index […] il était permis d’éditer et de diffuser l’Œuvre en question […] bien qu’aboli l’Index conserve ”toute sa valeur morale”, aussi ne peuvent être considérées comme opportunes la diffusion et la recommandation d’une œuvre dont la condamnation ne fut pas faite à la légère mais après une réflexion approfondie et dans le but de neutraliser les dommages qu’une telle publication peut provoquer chez les fidèles les plus naïfs. 
• Le 6 mai 1992, Mgr Dionigi Tettamanzi, secrétaire général de la Conférence épiscopale italienne, à la demande du cardinal Ratzinger, préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, adresse une lettre à l’éditeur italien de Maria Valtorta – qui est aussi l’éditeur des écrits de Valtorta en diverses langues – lui demandant de faire figurer en tête des prochaines éditions un avertissement : 
… pour le vrai bien des lecteurs, et dans l’esprit d’un service authentique de la foi de l’Église, je vous demande qu’à l’occasion d’une éventuelle réimpression des volumes, il soit clairement dit, dans les premières pages, que les "visions" et "dictées" qu’ils relatent ne peuvent pas être considérées comme d’origine surnaturelle, mais doivent être considérées simplement comme les formes littéraires dont s’est servi l’auteur pour raconter, à sa manière, la vie de Jésus. 
La Congrégation pour la Doctrine de la Foi procédera de la même manière à l’égard des écrits d’une autre âme mystique, Don Gobbi [1930-2011]. Ce pieux prêtre italien avait reçu à Fatima, en 1972, l’ « inspiration » de fonder le Mouvement sacerdotal marial (MSM). À partir de 1973 il avait reçu, disait-il, des « messages » de la Vierge Marie. Il a commencé à les publier sous le titre Messages de la Vierge Marie à ses fils de prédilection les prêtres.

Le volume, publié d’année en année, avait un nombre de pages toujours plus élevé, la Vierge Marie ne cessant de confier de nouveaux « messages » à Don Gobbi. Des traductions ont paru en différentes langues. Les « cénacles » organisés par le MSM réunissaient des centaines de prêtres, et plusieurs évêques et cardinaux.
 
En 1998 la Congrégation pour la Doctrine de la Foi a demandé à Don Gobbi d’ajouter en tête de ses futures éditions des Messages, qu’il s’agissait non de révélations surnaturelles ou de locutions intérieures mais de « méditations personnelles ».
 
Yves Chiron
  1. En revanche, c’est bien une très imprudente affirmation que d’écrire comme le fait F.-M. Debroise sur le Salon Beige que je n’aurai pas « lu l’œuvre » de Maria Valtorta. Je la connais depuis la première traduction. Et ce que j’ai lu de la 2e traduction ne m’a pas fait changer d’avis. J’en reste aux jugements de l’Index et du cardinal Ratzinger.
  2. Par charité, je ne le nommerai pas. Il ne s’agit ni d’un moine de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux, ni d’un moine du prieuré Sainte-Marie de la Garde, ni d’un moine d’une des abbayes de la congrégation de Solesmes.